barely breathing ➸ w/ lulu

✪ Lulu&Otto

J'étais absolument vert de rage, quand bien même je m'étais un peu calmé depuis la veille. Je n'étais pas le moins du monde du genre à m'énerver pour un rien, mais là, c'était surtout la déception qui m'avait fendu le coeur. Je misais sur ce Spring Break pour me reposer, me déconnecter de Cambridge, d'Harvard et des derniers évènements, mais il avait fallut qu'on me colle Minnie dans les pattes. Je n'avais pas besoin de ça, j'avais juste besoin d'avoir la paix et le Spring Break c'était parfait pour ça normalement. Mon séjour en Nouvelle Zélande était sévèrement entaché avant même d'avoir commencé. Il ne m'en fallait pas plus pour avoir les nerfs. Enfin, j'avais passé une nuit moins douce que ce que j'aurais imaginé et je me retrouvais dans l'ascenseur avec Minnie, que j'avais bien l'intention de semer en allant me baigner, histoire de respirer un peu, un acte devenu plus difficile qu'il le devrait ces derniers temps. J'avais l'impression qu'on m'avait passé un collier autour du cou, comme à un chien et qu'on ne cessait de s'amuser à le resserrer. La porte de l'ascenseur s'ouvrit sur le hall et je resta campé dedans alors que Minnie sortait. J'aurais dut sortir, mais je pressa sans réfléchir un autre bouton, préférant la laisser filer. C'était ridicule et ça m'énervait, mais peu importe. Alors que les portes se refermaient, une fille accéléra la cadence pour entrer. Ainsi, les portes se rouvrirent sur un visage que je n'avais pas vu depuis un petit moment. J'essaya de terrer ma mauvaise humeur pour afficher un sourire. « Salut Lulu » lui lançais-je.

Gueule de bois. Mal de crâne. Une folle envie de prendre un aspirine et de dormir un peu. La première soirée au Spring Break avait été bonne. Lulu avait un peu abusé de la boisson mais vu qu'elle ne tenait absolument pas à l'alcool, c'était plutôt facile pour elle d'être saoule. Elle se souvenait vaguement de sa soirée et elle avait l'impression que c'était soirée disco dans son cerveau. Ou bien que quelqu'un jouait du tam-tam contre ses tempes. La demoiselle voulait donc se reposer une heure, peut-être deux. Et surtout, avaler ce fichu cachet d'aspirine. Elle regarda autour d'elle et vit l'ascenseur qui s'ouvrait. Merci mon dieu. Elle ne se sentait pas capable de monter les étages qui la séparaient de sa chambre d'hôtel. Elle s'élança donc et réussit à pénétrer dans l'ascenseur avant que les portes ne se referment. Tellement dans la brume, elle n'avait pas remarqué une personne familière à ses côtés. Ce n'est que lorsqu'elle entendit qu'on la saluait qu'elle observa qu'elle était en présence d'une connaissance de longue date. Lulu remarqua tout de suite que Otto avait les traits tirés. Même si leur amitié s'était un peu dissipée avec les années, elle le connaissait depuis assez longtemps pour reconnaître ses expressions. " Salut " répondit-elle avec un fin sourire sur les lèvres. " T'as pas l'air en forme. " Elle n'avait pas dit ça pour qu'il se confie à elle. C'était plus une observation pour elle-même.  

✪ Lulu&Otto

« Salut. T'as pas l'air en forme. » Je me mordis la lèvre en m'efforçant de paraître plus détendu, de meilleure humeur. Me connaissant depuis ma petite enfance, Lulu était capable d'interpréter l'expression de mon visage et ce n'était pas forcément une bonne chose. Nous avions beau nous connaitre l'un l'autre, le fait était qu'aujourd'hui, nous n'étions vraiment plus proches et je n'avais donc pas franchement envie de lui raconter mes déboires, déboires que je n'avais même pas étalé devant les plus proches de mes amis. Alors je pris le parti de mentir un peu. « Non ça va, j'ai juste pas vraiment très bien dormi » répondis-je, dans une semi-vérité. Je n'avais effectivement pas très bien dormi et cela n'aidait pas, même si ce n'était définitivement le plus encombrant de mes problèmes. J'enfonça mes mains dans les poches de mon bermuda en étouffant un bâillement comme pour illustrer mes propos. J'avais vraiment hâte de filer au bord de l'eau, histoire de faire bronzette (et dodo) au soleil, le tout en me baignant dès que la chaleur se ferait trop lourde. Là tout de suite, c'était tout ce que je voulais. Mais pour l'heure, je montais pour un rien à un étage et je faisais la conversation à Lulu en m'efforçant de feindre de ne pas avoir un début de SB pourri. « Toi, tu m'as l'air fatiguée » dis-je avec un petit sourire, ravi de pouvoir reporter l'attention sur elle. « La soirée a été longue et ta nuit trop courte ? » La taquinais-je. Dieu sait que ça n'avait rien d'un reproche. J'aimais faire la fête, comme tout le monde, quand bien même je faisais toujours en sorte de garder le contrôle sur ma personne et si cette histoire de fiançailles ne m'était pas tombée dessus, j'aurais également fêté avec plaisir le début du SB avec tout le monde autour d'un verre.

" Ah ouais... " Otto devait sans doute connaître les "Ah ouais" de Lulu par coeur. Ceux qui signifiaient en réalité : "tu ferais mieux de te taire au lieu de m'en tenir en pleine face". Lulu utilisait ces deux simples mots avec une moue dubitative depuis l'âge où elle savait parler. Lulu est sans doute un peu vexée aussi. Mais après tout, elle ne peut pas en vouloir à Otto de ne pas vouloir s'étaler sur sa vie personnelle. Effectivement, Otto et Lulu avaient laissé leur amitié au premier arrêt de bus et n'étaient jamais revenu la chercher ensuite. Leur amitié, ils l'avaient abandonné comme on abandonne un chien avant de partir en vacances. Ca te soulage sur l'instant puis finalement, tu te demandes ce que le chien est devenu. Tu te demandes ce que ta vie aurait été si le chien avait toujours été dans les parages. Lulu aurait menti si elle avait dit qu'elle n'avait pas imaginé sa vie si Otto en avait toujours fait partie. Après tout, ils étaient vraiment proches dans leur enfance. Aujourd'hui, dans cet ascenseur, ils étaient apparemment de simples connaissances échangeant des politesses.

Il évoque sa fatigue et Lulu se mord la lèvre inférieure. Elle devait avoir une mine épouvantable. " Rude nuit, oui. Je rentre dormir, pour tout t'avouer. " Elle sourit et appuie sur le bouton de l'étage auquel elle souhaite se rendre. Elle s'adosse à la paroi de l'ascenseur et c'est à cet instant qu'elle entend un grand boom comme s'il venait du dessous de l'ascenseur. La cabine tremble un peu et Lulu ne peut s'empêcher de lancer un regard paniqué à Otto. Elle n'est pas claustrophobe mais elle n'est pas non plus une grande fan des espaces clos. Lorsque l'ascenseur s'arrête brusquement, elle pense voir les portes s'ouvrir. Mais non. Plus un bruit, plus un mouvement. Cette fois, elle panique pour de bon et ne peut s'empêcher d'appuyer sur tous les boutons. Elle tente aussi le bouton d'urgence mais malheureusement, le signal semble brouillé. " Merveilleux. " ironise-t-elle.

✪ Lulu&Otto

J'avais toujours été du genre sociable, comme garçon. Depuis ma petite enfance, je n'avais jamais éprouvé de difficultés à aller vers les autres, qu'il s'agisse de connaissances par l'intermédiaire de mes parents, ou non. Lulu entrait dans la première catégorie. Fut un temps où nous étions vraiment proches, ou je pouvais aisément la définir comme comptant parmi mes amies les plus proches. Cette période semblait révolue. Nous ne nous étions pourtant pas vraiment disputés. Non, je crois que nous avions grandis, tout bêtement et la vie avait fait que nous nous étions éloignés l'un de l'autre. Je ne l'en appréciais pas moins, mais c'est vrai qu'elle me faisait un peu l'effet d'être entre l'amie et l'étrangère. « Ah ouais... » Du grand Lulu. Je ne put retenir un petit sourire de venir corner mes lèvres. Je ne releva pas, ne voulant pas la pousser à me pousser dans mes retranchements. Je voulais précisément éviter cela, justement. Je ne lui demandais pas de feindre de croire que j'avais juste mal dormi, juste de ne pas me poser de questions. Elle pouvait faire ça pour moi, j'en étais sûr. Au cas où, je préféra néanmoins détourner la conversation sur elle. « Rude nuit, oui. Je rentre dormir, pour tout t'avouer. » J'obtempéra d'un mouvement de tête. « T'as bien raison, ce séjour est fait pour se reposer. Moi, je pense que je vais aller roupiller au bord de l'eau » enfin, si on me fichait la paix. Dieu sait que j'appréciais beaucoup la compagnie des autres, mais là, je voulais juste m'isoler un peu histoire de me retrouver tant bien que mal. Mais voilà, le destin était d'humeur farceuse et tout à coup, la cage d'ascenseur s'immobilisa. J'en fis de même, mes yeux s'ouvrant bien grand alors que je retenais un instant ma respiration. Whola, whola. Lulu fut plus réactive, commençant à presser des boutons, sans grand succès. « Merveilleux. » Elle m'arrachait les mots de la bouche, là. « Bordel » ronchonnais-je. Je me massa la nuque, signe typique de nervosité chez moi en poussant un soupire. « C'est un grand hôtel, ils vont vite régler ça » lançais-je, essayant de m'en convaincre. Tss, j'y croyais pas trop. Vu ma chance, j'allais être coincé là durant des heures. J'allais finir barge.

Elle n'était encore jamais restée coincée dans un ascenseur. C'était une grande première et elle s'en serait bien passée. Non pas que la présence d'Otto était désagréable, au contraire. Elle avait toujours une affection particulière pour ce garçon. Si elle n'était plus capable de l'appeler "ami", elle lui gardait toujours une place dans ses pensées. Ce serait toujours ainsi. Ils avaient partagé trop de choses pour que ce soit jeté aux oubliettes. Puis ils se connaissaient beaucoup. Un peu trop même, malgré les années passées l'un sans l'autre. Ils avaient grandi, certes, mais certaines choses ne changeaient pas. Comme cette fichue manie qu'avait Otto de se passer la main dans la nuque quand il angoissait. Elle soupira longuement en le voyant faire. Il était stressé mais tentait de le cacher. Ce n'était pas bon signe. Même les quelques mots réconfortants d'Otto ne lui permettent pas d'être apaisée. " Dois-je te rappeler que ma mère est restée coincée quatre heures dans l'ascenseur de la boutique Louis Vuitton alors qu'elle était prête à accoucher de Valentin ? " C'était l'anecdote que la mère de Lulu racontait à tous les repas. Elle avait failli accoucher dans cet ascenseur et tout le monde devait être au courant. Otto avait du entendre cette histoire au moins dix fois. Pour Lulu, cela se comptait par centaines. Un sourire se déposa sur les lèvres de la jeune femme en se rappelant de sa mère raconter cette histoire. Et en se rappelant aussi du nombre de fois où Lulu et Otto s'étaient donnés des coups de pied sous la table lorsque la mère de Lulu radotait et où ils manquaient inévitablement d'exploser de rire. " Et je tiens à t'informer que j'ai la poisse ces derniers jours... Je me suis fait poursuivre par un chien affamé deux jours avant de décoller pour la Nouvelle-Zélande. Alors crois-moi, je sens que nous allons passer un bon bout de temps dans ce fichu ascenseur. " Blasée, la jeune femme se laissa glisser le long de la paroi de l'ascenseur et s'assit. Il n'y avait rien d'autre à faire. Ah si ! Vérifier comme une idiote que son portable ne captait pas. " Ce n'est pas un mythe alors... Ça ne capte pas dans les ascenseurs. "

✪ Lulu&Otto

« Dois-je te rappeler que ma mère est restée coincée quatre heures dans l'ascenseur de la boutique Louis Vuitton alors qu'elle était prête à accoucher de Valentin ? » En dépit de ma mauvaise humeur doublée par cette nouvelle situation pourrie dans laquelle je me trouvais désormais, je ne put m'empêcher de pouffer en pensant à la mère de Lulu. Cette fameuse histoire que j'avais dut entendre à chaque fois... Et bien à chaque fois que j'avais vu la mère de Lulu. Même ma mère avait finit par rouler des yeux en voyant cette histoire être remise sur un plateau alors que dieu sait que ma mère était la reine des casse-pieds. « Comment je pourrais oublier ça ? C'est foutu, je pourrais jamais zapper cette histoire » dis-je en riant. Ca avait au moins eut le mérite de me détendre un peu. J'avais besoin de rigoler et j'étais reconnaissant envers Lulu d'arriver à produire cet espèce de miracle dans une situation aussi désespérante. C'était le genre de dons qu'avaient les amis d'enfance, y compris ceux dont on s'était éloigné avec les années. Les petites anecdotes marrantes qui vous ramenaient à une époque vous semblant plus simple. « Et je tiens à t'informer que j'ai la poisse ces derniers jours... Je me suis fait poursuivre par un chien affamé deux jours avant de décoller pour la Nouvelle-Zélande. Alors crois-moi, je sens que nous allons passer un bon bout de temps dans ce fichu ascenseur. » Je cessa de rire, reprenant pied avec la situation. Elle était pas la seule à avoir la poisse et j'aurais préféré me faire poursuivre par un chien qu'être dans la posture dans laquelle je me trouvais avec Minnie. Je poussa un soupire et me laissa doucement glisser contre une paroi de l'ascenseur, m'asseyant ensuite par terre, alors que Lulu tentait d'utiliser son téléphone. Pss. Naïve, va. « Ce n'est pas un mythe alors... Ça ne capte pas dans les ascenseurs. » Je roula des yeux. « Bien sûr que non, ça serait trop facile sinon. » Dis-je en me massant à nouveau la nuque. C'était plus fort que moi. Je me fis violence en posant ma main sur le sol de la cabine, histoire de me contrôler un peu, tant bien que mal. Et puis quelques mots sortirent de ma bouche, d'un coup, des mots prononcés d'une voix sourde, comme si j'étais sous l'eau. « Je vais me marier. »

Lulu ne put s'empêcher de rire en même temps qu'Otto. Malgré la situation, c'était agréable de se rappeler ce genre d'anecdote. Lulu était même ravie d'entendre à nouveau le rire de son ami d'enfance. C'était comme si les années ne s'étaient pas écoulées et que leurs chemins ne s'étaient pas séparés. Elle repense à sa mère et son histoire d'ascenseur. La mère Hansen était un véritable moulin à paroles et ne se rendait même pas compte qu'elle changeait à chaque fois un bout deson histoire. C'était sans doute de sa mère que Lulu tenait sa ridicule manie de mentir un peu trop souvent. Du moins, Lulu était du genre à extrapoler sans même s'en rendre compte.

Elle le voit rouler des yeux lorsqu'elle tenta de capter dans l'ascenseur. Le nez de la jeune femme se fronça et elle grimaça un peu comme pour lui faire comprendre qu'il n'avait pas intérêt à se moquer d'elle. Puis, très vite, Lulu oublia qu'elle était coincée dans un ascenseur. La bombe que venait de lancer Otto était bien trop énorme. Quatre petits mots murmurés, presque étouffés. Je vais me marier. Les yeux de Lulu s'écarquillent malgré elle. Un instant, elle pense avoir inventé cette phrase. Mais lorsqu'elle croise le regard d'Otto, elle comprend bien vite qu'il ne blague pas. Cette fois, les lèvres de Lulu sont entrouvertes et elle cherche maladroitement ses mots. Parce que vu la tête que fait Otto, il n'a pas l'air ravi de sa future union. " Je... Tu... " Lulu s'arrête net. Elle ne sait pas quoi dire, en fait. C'est à son tour de faire son geste d'anxiété : elle se mordille nerveusement la lèvre inférieure. " Dis moi juste qu'elle est jolie. " finit-elle par dire, le plus sérieusement du monde. Lulu a presque la mine triste, en fait.  Elle comprend la situation. " Si ça n'est pas un mariage d'amour, je serais au moins heureuse d'apprendre qu'elle est agréable à regarder. " Lulu connaît les parents d'Otto. Les siens sont pareils. Ils veulent à tout prix les marier à quelqu'un de bien. Du coup, Lulu imaginait parfaitement Otto embarqué dans une histoire de mariage arrangé. Ça la dégoûtait mais ça ne l'étonnait guère.

✪ Lulu&Otto

Je ne savais pas pourquoi j'avais lâché cette information, dieu sait que c'était pas prémédité, mais tout à coup, j'avais juste eut besoin de le partager avec quelqu'un de plus ou moins extérieur à tout ça, le tout en me connaissant tout de même, moi et mon cercle. Et tout a coup, Lulu avait été là et nous étions coincés dans un ascenseur pour un moment... Et fallait que ça sorte. Elle me dévisagea, visiblement choquée. C'était assez courant, aussi incroyablement dépassé que cela puisse être, ce genre d'unions dans notre milieu, mais ça restait tout de même un choc. « Je... Tu... » Le dos contre la paroi de l'ascenseur, je gardais mon regard rivé sur mon amie, ne voulant rien perdre de sa réaction, le tout en étant bien incapable de garder trop la face. Mon regard se faisait légèrement vitreux et mon visage exprimait la colère et la fatigue aussi, le dégoût. Tout ce que je refoulais afin de garder ce cauchemar pour moi. C'était bon de laisser un peu tomber le masque. « Dis moi juste qu'elle est jolie. » J'esquissa un petit sourire triste. Oui, elle était jolie, mais peu importe. Elle était peut-être même gentille, un peu trop susceptible, mais gentille, mais c'était pas mon choix, alors c'était l'horreur. « Si ça n'est pas un mariage d'amour, je serais au moins heureuse d'apprendre qu'elle est agréable à regarder. » « Maman ne prendrait pas le risque d'avoir de vilains petits enfants » lâchais-je, un peu amer. J'aimais ma mère, mon père et j'aurais pu tuer pour eux, n'empêche que ce coup-ci, c'était vraiment pas juste et j'en avais gros sur le coeur. Je poussa un gros soupire et vint me coller un instant une main sur le visage, un peu gêné de me montrer si blasé, si défaitiste. « C'est l'horreur, Lulu. Ma mère a toujours eut ce besoin de tout diriger et je sais qu'elle a reporté plus d'attentes encore sur moi car mon frère l'a déçue, mais je sais pas... J'ai jamais cru en arriver là. » C'était pas la fin du monde, mais c'était vraiment dur et Lulu le comprenait, je le savais.

C'était fou comme, malgré les années où ils s'étaient éloignés et avouons-le, plus ou moins ignorés, ils étaient capables d'avoir cette discussion maintenant. C'était dingue que Lulu ait senti immédiatement que quelque chose ne tournait pas rond dans la vie d'Otto. Elle ne lui avait pas forcé la main pour qu'il se confie. Il l'avait simplement fait, tout naturellement, comme il l'aurait fait bien des années auparavant. Après tout, Lulu était bien placée pour connaître la situation d'Otto. Elle savait que cette histoire de mariage arrangé aurait très bien pu lui arriver. La mère Hansen passait son temps à lui organiser des rencards avec tous les bons partis qui lui tombaient sous la main. Et contrairement à la mère d'Otto, elle s'en fichait que sa descendance soit moche ! Effectivement, les rendez-vous de Lulu n'étaient pas forcément tous des premiers prix de beauté. " Maman ne prendrait pas le risque d'avoir de vilains petits enfants. " Lulu répond au sourire triste d'Otto. Cette phrase la rend amer, elle aussi. Elle se projette totalement dans cette situation. " En même temps, ce serait une belle vengeance de lui faire des petits enfants moches. " lâche-t-elle pour tenter de le faire sourire un peu plus franchement cette fois-ci. Malheureusement, elle voit le visage d'Otto se décomposer maintenant qu'il s'est confié à elle. Lulu le sent sous pression, prêt à péter les plombs. Une véritable cocotte minute. Finalement, ce n'était peut-être pas une mauvaise chose qu'ils soient coincés dans cet ascenseur. C'était une sorte de bulle dans le temps. " C'est l'horreur, Lulu. Ma mère a toujours eut ce besoin de tout diriger et je sais qu'elle a reporté plus d'attentes encore sur moi car mon frère l'a déçue, mais je sais pas... J'ai jamais cru en arriver là. " Lulu ne le quitte pas des yeux tandis qu'il parle. Elle ressent chacun de ses mots et hoche doucement la tête lorsqu'il a terminé. Elle ne sait pas quoi dire. Pour une grande bavarde comme elle, c'est un comble. Elle se relève alors et fait quelques pas pour aller s'asseoir plus près d'Otto. Elle tourne la tête vers lui et lui donne un petit coup d'épaule. Le genre de coup d'épaule qui veut dire : T'en fais pas, ça va aller. Le coup d'épaule qui rassure accompagné du sourire qui apaise. " Tu vas sans doute me trouver trop sentimentale mais... Tes parents ne seront jamais capables de diriger ton coeur. " Lulu sourit à nouveau et finit par ajouter : " Et l'heureuse élue, elle en pense quoi ? "