Je savais que j'avais tapé dans le mille avec Elysia, l'expression sur son visage et son absence totale de réponse, de réaction, le prouvait. Je lui avais fait mal et j'en avais conscience, mais je n'avais aucunement l'intention de m'excuser. Pourquoi faire ? M'excuser d'être franc ? De la secouer ? De ne pas faire l'hypocrite avec elle ? Peut-être m'excuser d'avoir été dur envers elle, mais ce serait hypocrite ; je n'en étais pas désolé du tout. Je n'ignorais pas qu'il s'agissait là d'un vrai défi pour Elysia, surmonter les épreuves qu'elle traversait, s'affirmer et se faire voir enfin, briller comme avait pu briller sa soeur mais en étant elle-même. Pourtant, je me disais qu'elle pourrait y arriver un jour, si toutefois elle se donnait les moyens d'y arriver. Peut-être qu'elle me détesterait tellement, à force d'être méchant avec elle, qu'elle voudrait me rabattre le caquet et qu'elle réussirait alors à vaincre son caractère passif ? La haine, la colère, sont deux sentiments que je trouvais particulièrement puissants même si j'évitais de les ressentir le plus possible. Ils peuvent permettre de surmonter bien des obstacles mais cela peut aveugler.
Assis sur le moelleux canapé, j'avais posé mon mollet gauche sur le genou droit et je mangeais en silence, perdu dans mes réflexions. La maison des Eliot était on ne peut plus calme, Elysia devait être perdue dans ses pensées dans la cuisine et les autres dormaient. Je finis par entendre la jeune femme bouger dans la pièce d'à côté, puis ses pas se rapprochèrent du salon. Toujours dans le silence le plus total, sans aucun mot prononcé, elle vint s'asseoir dans un fauteuil près de moi. Je ne bronchai pas pendant un court moment, avant de lui jeter un coup d'oeil, avalant ma bouchée avant de prendre la parole, brisant le silence.
« A quoi tu penses ? »
J'étais curieux de savoir si elle était en train de s'imaginer mille et une façon de me prouver que j'avais tort, si elle s'apitoyait sur son sort intérieurement, ou si elle pensait encore à Mylena, si elle se comparait toujours à elle. Elle avait, en tout cas, la mine complètement défaite et n'était pas dans son assiette. Je l'avais blessée, mais ce n'était pas la première fois que ça arrivait, après tout.