Jour 5 - Mode cupidon on

J’étais posé sur l’une des merveilleuses et époustouflantes plages de ce pays, dans un transat, lunette de soleil devant les yeux, verre à la main. Il était même pas midi et j’étais déjà à mon troisième mojito. Je pouvais pas prendre le risque de voir mon alcoolémie trop baisser, non, non, non… Ca serait également courir le risque de voir les questions et les émotions resurgir. M’anesthésier le cerveau à coup de cocktails était nettement plus simple que d’essayer de digérer ma récente rupture. Mais c’était dangereux, parce qu’alcoolisé de la sorte, j’avais tendance à faire n’importe quoi. Et quand mon regard se posa sur un grand brun qui prenait place dans un transat un peu plus loin, ce fut plus fort que moi… Ce mec c’était Léo, et malgré l’interdiction formelle de Caly que je retourne lui parler, j’avais soudain la folle intention de le faire. J’allais tout arranger entre eux, j'en étais tout à coup convaincu, et au moins l’un de nous aurait une fin heureuse. Verre à la main, je me levai et allai m’installer sur la chaise longue juste à côté de lui. « Alors ça va mieux ton nez ? » L’entrée en matière n’était pas très subtile, mais quand on a déjà 3 verres dans le pif, dur de réfléchir avant de parler.

Il adorait le Spring Break, Leo n'était véritablement comblé qu'au soleil. Il posa sa serviette sur un transat, dans le but de tester toutes les plages du secteur dans l'après-midi, glissant son paquet de cigarettes et sa petite fiole d'alcool dessous histoire de tout avoir à disposition en cas de besoin. Enfin, derrière ses lunettes de soleil, il n'était pas non plus tout à fait fier de lui. Là par exemple, il n'avait absolument pas confiance en la personne qui avait pu s'asseoir avant lui sur le transat, aucune envie d'attraper un nouveau truc, il en devenait parano, l'histoire de la syphilis l'avait sacrément calmé. Il aurait même déploré le peu de conquêtes féminines depuis le début du séjour, 0 en fait, abstinence forcée, il se l'était imposée, on avait beau lui avoir expliquer qu'il pouvait reprendre sa petite vie, il était toujours traumatisé. Halberstam fut à peine installé qu'il entendit une voix malheureusement connue s'adresser à lui. Ça l'énervait déjà, il se releva aussi tôt, s'asseyant de manière à faire face à l'autre abruti quittant rageusement ses lunettes. « Pas ici ? C'est une blague ! C'est bon ouais ouais nickel le nez, maintenant va chercher un transat ailleurs. »

J’avais promis à Caly de rattraper le coup avec Léo, chose qu’elle m’avait aussitôt et expressément interdit de faire, et coup de chance, voilà que nos chemins se croisaient sur cette plage. J’avais un large sourire en posant mes affaires sur la transat adjacent au sien. Le brun se leva aussitôt, l’air énervé et je me levai également pour lui faire face.  « Ho non te lève pas pour moi, reste installé, j’viens m’excuser… » fis-je aussitôt. Une serveuse passa près de moi, un plateau de cocktails à la main et j’attrapais un deuxième mojito que je tendis alors à Léo.  « Tiens offrande de paix ! » Puis me tournant vers la serveuse, je précisais : « Vous mettrez ça sur ma note. » Elle allait être plutôt salée cette note à la fin du séjour. Le mather n’avait apparemment aucune envie de me voir, mais pas de bol pour lui un Priape bourré était surement encore plus obstiné qu’un Priape à jeun. Il essaya de m’envoyer plus loin, mais je ne bougeais pas. Sans me départir de mon sourire, je repris la parole : « Léo, Léo, Léo… Mon petit Léo… » commençai-je en posant mes mains sur ses épaules comme si on était de vieux amis. « Faut qu’on parle toi et moi. »

Priape, avec son grand sourire niais, semblait vouloir le narguer. Lui était loin de rire, ça ne l'amusait pas. Son IST c'était déjà pas franchement joyeux, mais il avait rapidement envisagé le futur avec plaisir, totalement sous l'impulsion des promesses faites par Caly, tout ce serait à peu près bien passé sans que ce mec débarque pour lui casser les pieds, puis le nez. Et en plus de ça il venait l'emmerder pendant son Spring Break ? Leo fronça les sourcils, lui, s'excuser ? « Vas-y montre-moi ça, j'ai hâte de voir comment tu vas t'y prendre. » Il accepta le verre sans broncher, mais ce n'est pas parce qu'il l'amadouait avec de l'alcool que le jeune homme comptait se détendre pour autant. Il agissait étrangement, ok, il devait avoir trois grammes d'alcool dans le sang. Ou alors il simulait, ou alors il se foutait de sa gueule. Il était assez partagé sur la question et grimaça quand il le prit par les épaules, insistant sur le fait qu'ils devaient parler. Halberstam but une gorgée de mojito, se retenant de lui cracher à la figure. « Ouais, traîne pas, tu m'en as déjà assez dit la dernière fois, j'pense pas qu'il reste beaucoup de points à aborder. » De plus, il n'avait aucune envie d'arriver au point d'avouer à cet idiot profond que ça l'emmerdait vraiment de s'être pris la tête avec Calypso, ça ne regardait certainement pas ce mec.

Léo accepta mon offrande. C’était un signe encourageant et puis ça faisait déjà plusieurs minutes que je l’avais abordé et il ne m’avait pas encore frappé. Deuxième signe encourageant. Il finit même par me confier qu’il avait hâte de me voir lui faire des excuses. « Tu vas pas être… hic… déçu… » articulai-je difficilement avant de prendre une nouvelle gorgée de mon propre mojito. « Désolé j’avais la gorge sèche… » Comme si mes difficultés de diction était du à un manque de déshydratation… « C’est bon hein ? Tu trouves pas ? » demandai-je en voyant que Léo avait également trempé ses lèvres dans le verre que je lui avais offert. Et mon esprit alcoolisé n’arrivait pas à garder le fil de ce que j’étais venu faire à l’origine en l’abordant. Me voilà parti dans des divagations toutes autres que les excuses que j’étais censé lui présenter : « J’adore les mojitos… C’est pas facile d’en trouver des bons. Il faut la bonne dose de rhum, mais sans perdre le côté pétillant de la limonade. Et la menthe… La menthe c’est important. Je déteste quand ils mettent du sirop de menthe, ça donne un arrière goût chimique tu sais… » Je grimaçais tout en parlant avant de tremper mes doigts dans son mojito pour en extirper un véritable morceau de menthe, sans avoir conscience du côté sans gêne et particulièrement dégoûtant de mon geste. « Les feuilles de menthe, y’a que ça de vrai. » fis-je en brandissant fièrement ma pêche devant le nez de Léo. Ca y est, j’avais complètement oublié ce que j’avais l’intention de lui dire.

Il leva les yeux au ciel, ça se résumait à ça ses excuses ? C'était limite si le jeune homme tenait debout, Leo restait perplexe ne sachant pas s'il s'énervait tout de suite, s'il gardait son calme en espérant que Priape allait effectivement en venir à essayer de se faire pardonner. Vu son état, l'affaire avait l'air plutôt laborieuse. « Oui délicieux bon ça vient ? » réclama-t-il excédé avant que le Dunster ne parte complètement dans un délire sur la composition de son mojito, qu'est-ce qu'il avait à en faire lui de comment était les glaçons ? C'était tout à fait le genre de discours qu'il pouvait tenir – sauf que lui c'était toujours à jeun ce genre de choses – mais il n'avait pas envie que ce soit avec lui. Il ne l'aimait pas pour ne pas dire qu'il le détestait carrément. Leo avait vraiment cru qu'il était là pour lui présenter ses excuses même s'il doutait que cela arrange quoique ce soit dans sa vie, et il commençait à douter des intentions du brun. Lorsque celui-ci lui présenta un morceau de menthe, sous prétexte qu'il fallait prouver que de vrais brins de menthe ça changeait tout dans un mojito, Halberstam laissa tomber. « Donc tu n'as aucune intention de présenter tes excuses, tu sais quoi, on parlera mojito un autre jour j'ai autre chose à faire. » Il se baissa pour ramasser ses affaires, prêt à partir trouver un transat ailleurs.

Je parlais, je parlais, et j’avais complètement perdu le fil, ce ne fut qu’en voyant mon interlocuteur ronchonner et récupérer ses affaires pour s’en aller que je me repris. Mes excuses : mais oui, c’était ça que je devais faire. J’attrapais son bras pour le retenir, mais bien moins brusquement que lors de notre altercation à la mather house. « Léo, attends… Je divague mais si, si, j’vais m’excuser… » annonçai-je en essayant de rassembler mes pensées. Joignant le geste à la parole, je me penchais en avant effectuant une petite révérence en pouffant : « Je vous présente mes plus sincères excuses mon seigneur Halberstam » Blâmez l’abus de mojitos et l’excès de game of thrones. Bon fallait peut être pas trop déconner non plus, sinon j’allais plus pouvoir le retenir. Je me redressais et repris un peu mon sérieux, me concentrant pour ne pas bégayer ou hoqueter, ni même me remettre à rire. « Je suis sérieux Léo, je suis désolé. Pour le coup dans le nez, et pour ce que je t’ai dit… C’est moche ce qui t’arrive c’était pas cool de t’enfoncer comme ça… » La syphilis et l’injection IM qui devait la guérir, c’était déjà un prix suffisant à payer sans que j’aie besoin de m’en méler. « Enfin, ça aurait pu être pire pas vrai ? T’aurais pu avoir des morpions… » relativisai-je en ricanant. Dans mon état, j'étais juste pas capable d'être sérieux plus de deux minutes...

Ça tardait à venir quand même, Leo commençait à perdre patience, pas prêt à supporter l'état du jeune homme, il finit par ramasser ses affaires, tentant de partir mais Priape le retint avant qu'il ne puisse avancer. Il soupira, laissant tomber ses affaires sur le transat, qu'il les fasse enfin ! Il le vit faire une courbette, il se foutait de sa gueule encore une fois. Excédé, il finit par réfléchir à repartir mais il se rattrapa, devenant un peu plus sérieux et Leo arrêta de râler dans sa barbe. Bon, il fallait qu'il fasse un effort de son côté aussi, enfin il était pas obligé non plus, il avait rien à faire de ce qu'il pouvait penser de lui, il ne voulait pas passer non plus pour l'abruti qui entretenait la haine. « Merci. Qu'on soit clair, j'ai pas transmis cette connerie à Caly intentionnellement, j'aurais jamais fait quelque chose d'aussi idiot et je peux te jurer que je m'en mords les doigts, surtout depuis que j'ai goûté à la guérison franchement, c'était bas de te faire passer pour son mec, très bas. » Leo fronça les sourcils, il devait vraiment avoir bu beaucoup pour blaguer sur ce sujet alors qu'il lui avait clairement dit que c'était pas drôle la dernière fois. « Wahou, hilarant, ton humour doit en charmer plus d'une. »

Un peu de sérieux malgré mon état qui l’était beaucoup moins, et mon interlocuteur avoua ensuite ne pas avoir infecté mon ex volontairement et qu’il s’en mordait les doigts… Encore heureux qu’il l’ait pas exprès, si il m’avait dit le contraire, et malgré ma promesse à Caly, j’crois que j’aurais pas pu m’empêcher de lui en recoller une. J’hochais néanmoins la tête pour approuver la partie selon laquelle je n’aurais pas du me faire passer pour le petit ami de Caly. «Ouais j’suis pas son petit ami, juste son gynéco de secours… Reconnais quand même que j’fais un bon acteur… » Enfin, pas trop dur de jouer un rôle qu’on a déjà précédemment tenu me direz vous… « Mais j’sais bien que j’aurais pas du, sur le coup je trouvais que c’était une bonne idée. Je pensais que ça te dissuaderait de retourner la voir, je m’étais imaginé que c’était ce qu’elle voulait… » J’avais d’ailleurs été surpris de ne pas recevoir un –merci de m’avoir aidée à me débarrasser de ce pot de colle- mais un –de quoi tu te mêles Priape !- « J’sais pas exactement ce qu’il y a entre vous mais apparemment Caly a pas envie que ça s’arrête là. » La remarque sur mon humour et les ravages que je devais faire avec chez les filles m’arracha un petit sourire amer. « Et bien justement non, j’viens de rompre avec ma copine… Comme quoi être drôle ça a moins de succès que le partage d’une IST… Les femmes et leur mystère… » plaisantai-je avec sarcasme. Peut être que dans le fond j’étais jaloux, pas de la possibilité que leur potentiel couple marche, ça c’était tout ce que je souhaitais à Caly, mais que juste que le mien est été un échec cuisant…

Alors question, est-ce que Leo avait envie de se pâmer devant les talents d'acteurs de Priape … Non, pas vraiment, ça lui aurait évité bien des dérangements qu'il reste dans son coin et qu'il se mêle de ce qu'il le regardait. Il leva les yeux au ciel, irrattrapable ce mec, ça devait être relou de se traîner les gens comme ça en permanence. Il était mal placé pour dire ça, mais tant pis, Halberstam était de mauvaise foi et il le reconnaissait. « Excellent acteur, t'as songé à te lancer dans le cinéma ? » Il roula les yeux une nouvelle fois, finissant par s'asseoir sur le bord du transat. L'alcool, le soleil, il était fatigué hého. Il écouta la suite des explications de Priape sur son comportement, ses excuses, et puis … Leo sourit un peu, pas beaucoup parce qu'il ne voulait pas que l'autre grand idiot s'en aperçoive, ça lui faisait un petit truc. Il savait exactement pourquoi, mais il ne voulait pas avoir à parler de ça avec l'ex de Calypso, trop bizarre. « Hum hum. » dit-il seulement en hochant la tête. Quoi dire de plus ? Il releva le regard vers Priape. « Je suis désolé, mais pas la peine d'essayer de chopper la syphilis pour récupérer ta meuf hein. » ajouta-t-il, vu l'état d'ébriété avancé du Dunster, mieux valait qu'il ne se mette pas des idées comme ça dans la tête.