It's not over (Vanille)

Je n’avais pas cours cette après midi. Je comptais donc profiter de mon temps libre pour flâner un peu à la dunster house. Lorsque je poussais la porte de la salle commune de la confrérie, la pièce était particulièrement calme. Seule une petite blondinette était présente, installée près de la fenêtre et perdue dans ses pensées. Mon regard s’arrêta un instant sur le fauteuil roulant sur lequel elle était assise, et bien qu’elle me tourne le dos, je sus aussitôt qu’il s’agissait de Vanille. J’étais ami avec Addi et c’était elle qui m’avait raconté comment lors  de la prise d’otage, sa meilleure amie s’était faite tirer dessus et s’était retrouvée paralysée, pour une durée indéterminée… Je m’approchais de la jeune femme : « Hey, salut Vanille…» J’avais pas pu m’empêcher de l’aborder. Pourtant, je ne la connaissais que très peu, l’ayant côtoyée que lors des events de la dunster house mais la voir aussi soucieuse était étrange, elle qui était d’ordinaire si pétillante et pleine d’entrain. « Ca rou… Ca va ? » me corrigeai-je aussitôt, ne voulant pas qu’elle interprète ma question comme une sorte d’humour déplacé.

Et encore une fois, tu séchais les cours. Fallait croire que ça devenait un peu trop une habitude pour toi. Et dire que tu étais d'ordinaire si studieuse et sérieuse, ces derniers temps, tu n'avais plus envie de rien. T'étais juste là, déprimée, restant la plupart du temps enfermée à la Dunster House pour éviter les gens et les regards compatissants. C'était idiot non ? Mais tu supposais que ça finirais par passer, t'avais juste besoin de temps. Besoin d'apprendre à vivre avec et te faire à l'idée que ce fauteuil allait continuer à t'accompagner jour après jour. Après tout, tu n'avais pas le choix. Tu pouvais rien changer à tout ça alors non, t'avais décidément pas le choix. C'était triste non ? Triste de voir sa vie basculer du jour au lendemain sans être capable de changer quoi que ce soit. Tu poussais un soupir ton regard toujours rivé sur l'extérieur. Tu ne savais même pas depuis combien de temps t'étais plantée devant cette fenêtre mais t'avais pas envie de bouger. Seul une voix finissait par te sortir de tes pensées et tu le regardais légèrement sceptique. Priape si t'avais bien compris. Tu lui avais plus ou moins jamais adressée la parole de toute façon. Un léger sourire venait étirer tes lèvres à sa presque gaffe, t'allais pas lui en vouloir pour si peu. « Disons que ça va. » Tu reportais presque aussitôt ton regard vers l'extérieur sans trop savoir quoi dire. Quoi que tu pouvais toujours lui retourner la question. « Et toi ? »

Je réussis un court instant à arracher la blondinette à sa contemplation, récoltant même un faible sourire avec ma boulette. « Je suis désolé pour ce qu’il t’est arrivé… » fis-je avec sincérité. Puis, ce fut de nouveau le spectacle de l’extérieur qui captiva la jeune femme qui me retourna distraitement ma question. « Je vais bien… » Profitant de mon statut d’interne à l’hôpital, j’avais pas pu m’empêcher de parcourir le dossiers de Vanille après les révélations de mon amie Addison. J’avais alors découvert que pour le moment, elle refusait toute assistance et séance de massages ou rééduc, bref tout ce qui pourrait l’aider à aller mieux. Elle se pensait probablement condamnée au fauteuil roulant pour le restant de ses jours. Je ne voulais pas me trahir en gaffant sur ce sujet, elle aurait vite fait de deviner que j’avais été fouiné. Je tâchais donc d’aborder les choses de manière détournée : « Tes journées sont pas trop chargées, avec les cours et tous les soins que tu dois recevoir ? Si t’as besoin d’un chauffeur pour t’emmener je peux te dépanner… » me proposai-je. Avec mon break, y’avait largement la place pour une petite Vanille et un grand fauteuil roulant.

Ouais, c'était la moindre des politesses. Même si t'avais pas forcément l'envie de parler, tu pouvais au moins faire ça non ? Tu savais que c'était pas bien ce que tu faisais, que tu n'avais pas à te renfermer comme ça et que ça te serais que plus difficile si tu continuais dans ce sens mais.. C'était comme si t'avais perdue toute ta joie de vivre. Comme si plus rien n'avait d'importance et t'avais de plus en plus de mal à rire. Peut être que ça reviendrais avec le temps mais là, tu pouvais juste pas. T'étais dans cette incapacité de te montrer aussi souriante et pleine de vie qu'avant parce que c'était comme si on avait arraché une partie de toi. « [b]T'as pas à être désolé, c'est pas de ta faute. » T'avais jamais compris pourquoi les gens s'excusaient dans ce genre de situation mais c'était pas le moment de lancer un débat dessus. Tu te perdais juste dans la contemplation de l'extérieur encore une fois coupée quand il reprenait la parole. « J'suis pas retournée en cours. Je.. J'ai besoin d'un temps d'adaptation. Mais si j'ai besoin je penserais à toi, c'est sympa. » Tu souriais à nouveau essayant une nouvelle fois de faire un effort pour pas paraître trop froide. « J'peux faire quelque chose pour toi ? » Parce qu'il y avait forcément une raison à ce qu'il vienne te parler, non ?

C’était difficile de voir la jeune femme aussi sombre et dépitée. Je ne la connaissais pas énormément, mais je pouvais néanmoins noter le changement. La dernière fois que je l’avais vue, elle sautillait accrochée au poignet de Jasper alors que cette pièce était encore barricadée lors du blocus. Il s’en était passé des choses depuis… J’étais désolé, c’était une formule un peu bateau, qu’on avait du lui servir à toutes les sauces, d’ailleurs elle me répondit sur un ton un peu las que je n’avais pas à l’être. C’était vrai que ce n’était pas ma faute, mais je n’en étais pas moins compatissant. A défaut de n’être que ça, je pouvais aussi me montrer utile et l’aider à retrouver une sensibilité au niveau de ses membres inférieurs. Mais vu la rapidité avec laquelle elle esquiva ma simple proposition de l’emmener à ses cours, je me doutais déjà de sa réponse concernant mon éventuelle aide. Mais après tout, il fallait que je propose, j’pouvais pas rester les bras croisés à la regarder broyer du noir : « En fait je voulais te parler d'un truc. Tu sais en pédiatrie je travaille sur ce nouveau programme de rééducation qui a fait ses preuves en cas de paralysie… Je suis pas en train de te comparer aux gosses qui passent dans le service… » Quoiqu’avec sa petite bouille enfantine, j’aurais pu facilement la faire intégrer un groupe formé de mes petits patients… « Mais je me disais que si ça marche pour eux, ça devrait pouvoir fonctionner aussi chez un adulte et que si ça t’intéressait je pouvais te montrer quelques trucs. » Je voulais pas qu'elle s'imagine que je la prenais en pitié, je voyais bien qu'elle était obstinée à refuser de l'aide de quiconque : « Et puis, en fait, ça me rendrait vachement service pour l’étude des résultats, j'ai besoin d'un maximum de patients… »

Ouais. Tu ne savais pas ce qu'il voulait mais y avait forcément quelque chose. Il ne venait pas juste t'adresser la parole comme ça. A moins qu'il ait pitié de toi ce qui était fort probable au final. Ouais, depuis la prise d'otage et le diagnostic, les gens avaient la mauvaise habitude de te prendre en pitié et tu ne supportais pas ça. T'avais juste envie de hurler au visage de ceux qui te regardais d'un air compatissant parce que bordel, y avait rien de plus affreux que ça. Alors ou il avait pitié de toi ou il voulait quelque chose et dans les deux cas, tu voulais savoir. C'était peut être pas la peine de se perdre dans une conversation inintéressante s'il y avait aucun but. Autant en venir directement au fait et comme ça, ce serait réglé. Et effectivement, tu avais raison. Sauf que ce n'était pas du tout ce à quoi tu aurais pu t'attendre et au fur et à mesure de ses paroles tu ouvrais grand la bouche comme si tu ne comprenais pas. Enfin si, tu comprenais très bien mais.. Tu voulais pas. T'avais pas besoin d'aide, quand est ce que les gens allaient comprendre que tu pouvais très bien t'en sortir toute seule ? T'étais presque sûre que c'était un coup d'un de tes proches. Putain mais pourquoi on ne te laissais pas tranquille ? Tu ne pourrais pas remarcher, point. Et il essayait de t'avoir par les sentiments en disant que ça lui rendrait service blabla.. « Ça a l'air sympa. J'espère que les enfants avec qui tu travailles s'en sortent et je trouve ça chouette que tu t'investisses autant mais.. J'pense pas que ça soit utile pour moi. T'inquiète pas, je finirais par me faire à tout ça. » T'essayais vraiment de te montrer le plus sympa possible mais c'était parfois un peu dur. « Au final tu veux m'aider ou tu veux que je t'aide ? Parce que je crois que ça aidera personne au final. Je ne remarcherais pas et tu perdras ton temps. »

Vanille était toujours extrêmement sur la défensive. Se retrouver privée de l’usage de ses jambes devait être une véritable épreuve, on ne pouvait comprendre cela qu’en le vivant surement. Elle refusait le combat, elle partait défaitiste, me confiant même qu’elle allait se faire à tout ça. Et puis elle avait vu clair dans mon jeu. « Ecoute je pourrais te mentir, te faire croire que j’ai absolument besoin d’un nouveau cas pour mener à bien mon étude, mais la vérité c’est que l’étude pourrait aussi bien se faire sans toi. » C’était vrai, les paralysés qui étaient prêts à tenter le tout pour le tout pour remarcher, on pouvait en trouver très facilement. Autant jouer la carte de la franchise puisqu’elle n’était pas dupe. « Après c’est sur que ce n’est pas une solution miracle, je peux pas te garantir que tu vas courir un marathon le mois prochain mais les premiers résultats sont encourageants. Ne serait-ce qu’en terme de sensibilité. C’est important aussi de sentir les choses avant même de retrouver une motricité. » J’essayais de lui expliquer, probablement que les médecins avaient déjà du lui faire tout un tas de speech sur la conduction nerveuse et compagnie, alors j’optais finalement pour un tout autre discours : « Imagine tu veux t’épiler les jambes à la cire : tu peux pas car ça serait dangereux vu que tu ne ressens plus la chaleur, tu pourrais te bruler gravement. Tu es donc condamnée à avoir les mollets poilus. Tu vas finir par t’y faire aussi à ça ? » demandai-je avec un petit sourire avant de me résoudre à arrêter de l’embêter. « Je suis désolé, je veux pas faire mon relou, je te laisse mais réfléchis-y et si tu changes d’avis, tu sais où me trouver. »

Est ce que tu venais de te montrer totalement agressive ? Peut être bien. Et pourtant, c'était pas vraiment ce que tu voulais. T'étais pas méchante mais tu pétais totalement les plombs dernièrement et fallait croire que tout ceux qui osait t'approcher en faisait les frais. C'était triste à dire mais, tu contrôlais pas tes sautes d'humeur et puis merde, t'en avais marre de devoir toujours constament sourire et être sympa avec les autres alors que rien n'allait comme tu le voulais. « Bah fais l'étude sans moi alors. C'est pas comme si je t'avais demandé de m'aider. » Respire Vanille, respire. T'avais absolument pas besoin de l'agresser. Tu te mordais la lèvre inférieure posant ton regard sur lien sans savoir quoi dire d'autre. Et puis au final, c'était lui qui recommençait à parler et tu le laissais juste faire essayant de taire la colère en toi. « Et si ça marche pas ? Si j'sens rien hein ? J'vais m'accrocher à un truc qu'aura peut être aucun effet et ce sera trois cent fois pire par la suite. » Parce que oui, c'était ça le problème. Si ça ne marchait pas, t'arriverais pas à sortir la tête de l'eau et tu serais dans un était pire que l'actuel ce qui ne serait bon pour personne. Et là, tu fronçais les sourcils devant son exemple essayant de te retenir de rire. Il était sérieux ? Il te parlait d'épilation et mollet poilu ? Narmol. « J'peux aussi faire une épilation au laser et j'aurais plus de souci. » Oui, t'avais réponse à tout et alors ? « Non c'est gentil.. J'suis désolée de m'être emportée.. Mh.. Et ça marche comment alors ? J'suis censée faire quoi ? »

Vanille était de plus en plus sèche. Je m’étais probablement montré trop insistant. Je pinçais les lèvres gêné parce que je comprenais son point de vie d’un côté : elle préférait ne rien tenter, histoire de ne pas être déçue. Le problème c’était qu’en refusant tout soin, elle réduisait à néant ses chances de retrouver une sensibilité et une mobilité correcte. Je voulais pas la braquer plus, même mon argument esthétique de la chasse au poil ne marcha pas, la blonde avait réponse à tout. Je finis donc par abdiquer, m’excusant prêt à retourner dans ma chambre. Mais finalement, la dunster finit par s’excuser et sembla commencer à s’intéresser à mon discours, me demandant même des précisions. Peut être que c’était simplement par politesse, pour ne pas m’envoyer trop méchamment sur les roses. Dans tout les cas, je me devais de lui donner un max d’infos pour que ça fasse son petit chemin dans sa tête et qu’elle réfléchisses bien à toute les options qui s’offraient à elle. « La thérapie est assez prenante, je te préviens : tu as des séances de massage quotidienne, ça c’est la partie sympa. C’est pour stimuler la sensibilité. Tu as aussi des séances plus physiques faites d’exercices. Ca peut se faire en piscine pour que ce soit moins dur. Le but est d’empêcher une fonte musculaire trop importante. Mais comme les exercices peuvent être douloureux tu dois prendre des antalgiques puissants après la séance, c’est souvent du skenan. Donc faut pas faire d’allergie à la morphine. Et puis dans un troisième temps, dès que c’est possible, les médecins opèrent pour procéder à la réparation nerveuse. »

Tu savais pas vraiment pourquoi tu demandais au final, ça voulait absolument pas dire que tu allais tenter ou quoi que ce soit. Peut être que ce n'était que de la politesse. Ou peut être qu'au fond de toi, t'avais encore ce petit truc qui faisait que tu voulais te battre. Mh. Pour le moment, tu demandais juste des renseignements, ça n'avançait à rien mais c'était toujours ça. Tu te mordais la lèvre inférieure avant de l'écouter attentivement pour que toutes les informations s'ancrent dans ton esprit. Massage, exercice, antalgique, opération. Ouais, rien qui laissait penser que c'était une partie de plaisir mais en même temps, comment cela pouvait-il l'être ? Vous parliez de récupérer l'usage de tes jambes, ce n'était pas une mince affaire. « Combien de temps ? J'veux dire, d’exercice, de massage.. Combien d'heure par semaine ? » Et tu te doutais que pour la peine, ça devait être particulièrement éprouvant. C'était pas l'affaire d'une heure par ci, une heure par là. Tu savais que c'était beaucoup plus que ça. Tu fronçais les sourcils avant de poser la question qui te brûlait les lèvres depuis qu'il t'avais parlé de ça. « On parle de semaine, de mois ou bien d'années ? » Ouais, combien de temps tu devrais endurer ça si tu décidais de prendre part à tout ça. Et tu voulais savoir dans quoi tu t'engageais.