Si je viens à l’hôpital c’est bien pour chercher de l’aide, du soutient, des renseignements.. Aussi pour regarder ses meufs enceintes qui passent et repassent dans ces couloirs avec des gros bides et qui semblent pour la plus part, heureuse. J’me dis que ca pourrait être moi. Que moi aussi j’pourrais avoir un gros bide comme elle et.. peut être, être heureuse come ça. J’suis assise dans la salle d’attente en attente de mon gynéco qui prend toujours avec grave du retard ce con. A croire que tout le monde à décider de tomber enceinte men même temps.
Deuxième rencontre chez le gynéco. Tu es trop contente. Tu as besoin de savoir où c'en est, ta grossesse, même si... ça n'doit faire que depuis fin décembre ; tu as découvert ton plus beau cadeau de Noël en début janvier. Cadeau de Noël qui arrivera en octobre.. Tu n'as pas encore parlé de cette grossesse à tous tes proches. Mais tu comptes le faire, très prochainement. Tu es assise à côté d'une fille blonde aux cheveux très courts, qui attends également, comme toi. Tu es tellement contente et stressée à la fois... Et si ça devait mal se passer? Et si tu devais le perdre? Tu ne t'en remettrais JAMAIS. Tu tapais du pied, impatiente et paniquée d'avance.
Après la décision qu’on a paris avec Konrad.. On a décidé de l’abandonner. De tuer notre bébé. Alors que finalement voir toutes ces femmes enceintes… Ca m’laisse quelques frissons et légèrement sourire. Peut être que c’est juste pas fait pour moi. C’est juste pour les autres. J’suis recroquevillée sur ma chaise, une mine un peu.. Déconfite. Je regarde cette fille à côté de moi qui tape du pied comme ci elle avait du Nirvana dans les oreilles et qu’elle essaye de reproduire un semblant de rythmique. J’lai à peine regardé. Sinon tu peux juste arrêter ton parkinson de jambe là ? Merci.
Contrairement à cette fille, et même si tu ne connais pas son histoire -si tu la connaissais, tu pourrais lui dire qu'avorter est loin d'être la chose à faire. Tu n'es pas anti-avortement, pro-vie, ou un truc du genre, mais depuis des semaines que tu es dans ta bulle de bonheur, que tu trouverais cela inconcevable de ne pas être heureuse vis-à-vis d'une grossesse, qu'elle soit prévue ou non. Y'a une fille qui t'aborde, ou plutôt t'attaque froidement verbalement. Tu pivoted la tête vers ta voisine, arrêtant ta danse du pied. "Désolée." Autrefois, tu l'aurais envoyée chier, mais depuis un moment, tu apprends à calmer tes réactions, parfois exagérées. "T'es chez le gynéco pour soigner ton attitude?" Celle-là, tu ne t'étais pas empêchée de la sortir. Bah quoi? Quand ta libido est à plat, le moral l'est aussi, et le caractère, à fleur de peau.
Ya une sorte de silence pesant qui envahit cette pièce. Un truc lourd et étrange. D’un côté on dirait qu’il a une certaine forme de bonheur qui se fight avec celle de l’indifférence. Y’a les meuf enceinte qui sont la parce qu’elle veulent genre pas l’être et les autres qui sont là, et tout contente d’y être en plus. Franchement je sais pas trop où je me situe la de suite. J’ai jeté un regard noir à la nana qui bouge sa jambe comme si elle était entrain de courir le marathon assise. J’lui ai demandé d’se calmer de suite parce que ca m’énerve déjà. Elle s’est arrêtée alors j’ai enfin détourné le regard pour me concentrer sur autre chose. J’suis la pour finir avec ma série d’emmerdes.
Jamais tu ne pourras connaître les histoires de tout le monde. Et tu n'en avais pas particulièrement envie, non plus. Pas que la vie des autres ne t'intéresse pas, mais tu te dis que tu en as parfois assez de la tienne, qu'il est plutôt inutile de t'en rajouter. Il y a ces filles qui sortent des bureaux du gynéco en pleurant ; mauvaise nouvelle? Ou mauvaise expérience? Ou bien des larmes de joie? D'autres ne présentent aucune émotion, elles sont comme des joueuses de poker. Sinon, il y a toi qui tape du pied, stressée, et la fille a côté, bougonne. Tu soupires. J’suis la pour finir avec ma série d’emmerdes. Une série d'emmerdes? Chez le gynéco? Faut pas plutôt aller chez un psychologue, pour ça? Tu regardes la fille, puis devant toi, avant d'ouvrir les yeux bien grands, choquée. ''Putain.. Tu viens ici pour un avortement?'' Tu es horrifiée.
Une série d’emmerdes ouais… Ce bébé, cette chose dans mon bide m’a couté mon couple. Et remarque c’est peut être pas plus mal au final on s’est rendu compte qu’on est pas fait l’un pour l’autre je crois. On est mieux en ami qu’en couple.. Mais jamais j’pourrais oublier ces deux mois ensemble.. C’est peut être trop peu hein.. Mais ca m’a marqué. Vraiment j’ai découvert de nouvelle émotions, sensations aussi.. Il restera toujours mon Sheffield. J’suis la pour en finir avec tout ça oui.. Zapper cette mauvaise étape de ma vie. J’ai regardé cette fille qui semble choquée pour la raison de ma présence ici. Oui.. C m’a coûté trop de chose et puis.. c’est mieux pour tout le monde, surtout pour lui.
Oui.. C m’a coûté trop de chose et puis.. c’est mieux pour tout le monde, surtout pour lui. Cette réplique te serre le coeur. Vraiment. Comment peut-on penser ainsi? Comment cette fille peut-elle avoir envie d'enlever la vie d'un petit être dans son ventre, rien que parce que cette grossesse lui a côté trop de choses? Tu recommences à taper du pied, sans même t'en rendre compte. "Te fous pas de moi. Ça ne peut qu'être la plus belle chose du monde, un enfant. Qu'il soit désiré ou non, à notre âge, on peut très bien s'en occuper.", dis-tu alors, un peu plus sèchement que tu ne l'aurais souhaité, à l'intention de la jeune femme à côté de toi. C'vrai qu'à 17 ans, c'pas la meilleure nouvelle que l'on peut avoir, mais dans la mi-vingtaine, alors y'avait quoi, comme problème, hein?
J’lui en veut pas directement à lui.. Ce pauvre gosse il n’a jamais rien demandé. Il a juste été conçu comme ça, sans demander à personne. Non le problème c’est les parents quoi. J’ai légèrement souris à la remarque de cette fille. C’est vrai.. Mais c’est la vie. Ca serait que moi je l’aurais gardé tu sais ! Ouais franchement j’en avais envie.. J’me sentais prête je crois ! Mais.. Pas possible.. C’est pas comme un p’tit chiot qu’on prend même si personne d’autre en voulait.. La c’est un bébé.. Le père n’était pas d’accord pour le garder.. Ce qui veut dire que ce bébé aurait eu qu’une mère pour lui et c’est déjà beaucoup trop de souffrance. Je sais ce que c’est que de vivre sans vraiment d’amour de ses parents. Je dis pas que j’aurais pas pu lui en donner loin de là, je pense juste que l’amour d’un père et d’une mère est essentiel. Puis j’ai rompu avec le père alors.. Franchement. C’est mieux pour tout le monde.
Alors, pourquoi ne l'a-t-elle pas gardé? C'est con, comme question, mais il ne faut pas omettre d'y répondre. Enfin, elle tente de t'expliquer les pourquoi du comment, et tu ne la connais peut-être pas, mais cette histoire, ces explications ont le don de te choquer. Tu n'en veux pas à la fille. Ça a dû être dur, pour elle, comme décision, comme choix... Tu comprends d'un côté, mais de l'autre, c'est contre le père, que tu es en colère. C'que tu sais pas, c'est que c'est Konrad le père, et que t'as devant toi sa meuf, ou plutôt son ex, maintenant qu'elle te l'annonce, et que tu le connais, quoi. C'est ton pote, il t'a même sms la veille. "T'as bien fait de rompre." C'est dit, clairement, nettement, précisément. Tu arrêtes de taper du pied (elle va s'décider, Dix? mdrrr). "Mais tu sais, un bébé peut très bien vivre d'amour que par sa mère... Le père, tu l'aurais trouvé en temps et lieu, hein. Tu peux toujours construire ta vie, même avec un bébé dans les bras."