Après l'horreur... (Talya)

Ce moment dans la cafétéria avait juste été horrible. Ruby, la sœur de ma meilleure amie, avait été blessée. D’autres étudiants également… Je n’arrêtais pas de penser à mes amis : Léo, Chase ou encore Paige qui étaient tous avec moi à la cafet : allaient-ils bien ? Et je ne pouvais pas m’empêcher de me demander où se trouvaient Talya, Valentin, Addi, etc, bref tous ceux qui comptaient pour moi. J’avais entendu dire qu’il y avait eu plusieurs prises d’otage simultanées sur le  campus et j’espérais simplement que mes proches étaient restés sagement chez eux en cette terrible journée. Je voulais prendre de leurs nouvelles mais aussi revêtir ma blouse blanche pour aller prêter main forte aux soignants qui étaient débordés. Ce n’était pas les quelques éraflures que je m’étais fait en tentant d’esquiver les tirs de Gaetan qui allaient me stopper. Mais les secouristes avaient insisté pour m’emmener en salle d’examen malgré mes protestations. Ma chemise était recouverte de sang, le sang de Ruby que j’avais portée jusqu’au camion des pompiers pour qu’elle soit conduite de toute urgence à l’hôpital. Mais moi, je n’avais rien, je me sentais bien, pourtant ils ne voulaient rien entendre. Ils allaient m’envoyer quelqu’un pour m’examiner et je finis par m’asseoir sur l’un des brancards en soupirant.

Ma journée de repos n'avait pas été du tout de tout repos. Alors que je ne devais pas aller à l'hôpital après plusieurs journées à faire du rab à cause du manque d'infirmière ou de petit personnel que je pouvais largement remplacer avec mes quatres années d'étude, j'avais eu des congès. Mais lorsque j'avais entendu tout le boucan des camions de pompiers, des flics et tout le reste je m'étais posée des questions et bien vite j'avais appris ce qu'il se passait sur le campus. Ne pouvant aider en rien dans les prises d'otage à l'université, j'avais filé vers l'hôpital pour apporter mon secours à l'équipe médicale qui devait être débordée. Je n'étais pas une reine dans mon domaine car je n'avais que quelques années d'étude derrière moi mais j'avais eu la chance que mon père m'apprenne des choses en plus, dans tous les cas je pouvais être utile. Avec un temps de retard j'étais donc arrivée, j'avais mis ma blouse et j'étais allée de patient en patient, tombant sur Matthéo qui avait pris une balle. Emmené au bloc opératoire en urgence j'avais tenté de le mettre dans un coin de ma tête pour penser à autre chose mais cela avait difficile jusqu'à ce qu'on m'envoie sur un autre patient qui n'était autre que Priape. Pourquoi avaient ils été tous les deux là bas à ce moment ? Je courrus vers lui pour le prendre dans mes bras avant même de voir s'il était blessé gravement, il était assis sur le brancard ce qui voulait dire qu'il tenait tout de même debout cela ne devait fort heureusement pas être trop grave. " Tu vas bien ? " Relâchant un peu mon étreinte j'approchais mon visage du sien. Ce n'était pas permis qu'il me fasse des frayeurs comme cela d'autant plus que j'avais essayé de le joindre bon nombre de fois en apprenant la nouvelle et que je n'avais pas réussi à l'avoir.

Je bouillonnais intérieurement de ne pas pouvoir me rendre utile, assis sur mon brancard à attendre bêtement lorsque qu’une tornade blonde courut jusqu’à moi et me prit dans ses bras. Talya me serra contre elle avec énergie, faisant aussitôt apparaître un large sourire sur mon visage. J’étais soulagée de la voir accourir devant moi, apparemment en pleine forme. Ma petite amie relâcha son étreinte en me demandant comment j’allais. « Je crois que tu viens de broyer les côtes… » plaisantai-je en souriant avant d’ajouter aussitôt plus sérieusement, voyant son inquiétude : « Je vais parfaitement bien, j’ai rien du tout. Je devrais même pas être ici. Je serais plus utile à donner un coup de main. » soupirai-je. Je pris son visage entre mes mains, caressant doucement ses joues du bout de mes doigts, heureux de pouvoir l’avoir en face de moi, surtout après les épreuves de cette journée. Je déposais un doux baiser sur ses lèvres avant de m’enquérir à mon tour de son état : «Et toi, comment ça va ? T’étais pas sur le campus quand –tout ça- est arrivé ? »

Passer du temps avec Priape était tout le temps un réel bonheur mais alors en plus de cela le retrouver en vie et en bonne santé après ce qu'il s'était passé, c'était une vraie joie. J''étais tellement heureuse que j'en avais même oublié que même s'il n'était pas blessé gravement, il avait peut être du mal quand même. " T'es sûr que t'as pas mal aux côtes ? Parce que je n'ai pas serré fort ! " Je le regardais l'air taquin et un petit sourire aux lèvres, je savais bien que j'avais pu serrer un peu trop fort de soulagement. " Non non tu restes ici je vais te faire ton bilan moi et t'auras le droit de venir m'aider que si tout va bien... Enfin je t'avoue que c'est pas facile de voir des gens que tu connais blessés arriver ! " Je ne regrettais pas de mettre la main à la pâte mais tout de même il fallait avouer que ce n'était pas agréable, à chaque fois on se demandait qui était le prochain et quelle serait sa blessure. " J'étais à la maison en repos, j'ai fait pas mal d'heures ces derniers jours. J'ai eu tellement peur quand j'ai appris ce qu'il se passait. T'étais où sur le campus ?"

Malgré la gravité de la situation, je m’étais permis de taquiner Talya après son accolade. « Je te fais marcher, viens par là… » fis-je en lui attrapant doucement la main et en l’attirant contre moi. « Tu peux me broyer les côtes autant que tu veux… » Etre dans ses bras était vraiment agréable. Je l’avais ensuite informée plus sérieusement que j’allais bien, que je voulais aider, mais la jeune femme ne l’entendait pas de cette oreille : elle voulait m’examiner et s’assurer de mes dires avant de me laisser revêtir moi aussi ma blouse blanche. « Allez-y alors docteur Blackburn, mon corps est à vous… » Elle me confia ensuite que ce n’était pas facile pour elle de voir les gens qu’elle connaissait blessés. Je grimaçais : « Y’a eu des gros trauma ? » demandai-je alors. Les dernières infos ne relataient aucun mort exceptés les quatre preneurs d’otage mais il y avait surement des blessés graves. Je pensais entre autre à cette fille, June, qui s'était fait salement touchée dans la cafet. J’étais vraiment soulagé que Talya se soit trouvée chez elle, en sécurité, car même si on n’était pas forcément blessé physiquement, ce genre d’événement vous traumatisait forcément. « J’étais à la cafet. T’imagine bien qu’à cette heure c’était bondé. » J’étais avec plusieurs de mes amis, mais l’endroit regorgeait de monde et il y avait surement d’autres connaissances à moi que je n’avais pas vues. « Y’avait tellement monde, et ce type s’est mis à tirer partout avant de se faire exploser le crâne devant nous, c’était horrible… » racontai-je avec gravité en me remémorant la scène.

Un peu de légèreté et les bras de Priape, je ne demandais que cela dans cette situation vraiment terrible. Ça avait aussi l'air de lui faire du bien de me retrouver, ça faisait plaisir. " Ton corps est à moi ? Si tu n'as pas envie que je t'attire jusqu'à un coin où on pourrait être tranquille dans cet hôpital, je serais toi j'éviterais de répéter cette phrase ! " Et oui nous étions un couple tout de même il ne fallait pas oublier et puis un peu d'humour en plus ne faisait pas de mal. " Pas mal de blessés... Des gens choqués..." J'avais une chance incroyable d'être ici, de ne pas avoir été là bas je le mesurais clairement mais j'aurais tout donné pour prendre la place de certaines personnes pour qu'elles soient moins choquées. Tout le monde se souviendrait de cet événement mais certains auraient vraiment du mal à se reconstruire. " T'étais aussi à la cafét ? S'il était pas mort je crois que je tuerais ce bonhomme de mes propres mains ! " Il avait touché Matthéo, il aurait pu toucher Priape, je n'avais aucune compassion pour lui, en fait je ne comprenais simplement pas ce qu'il avait fait depuis le début, ce n'était pas compréhensible. " Tu vas avoir l'image dans la tête un moment mais dis toi que c'était la meilleure chose à faire... " Je m'approchais de lui pour déposer à mon tour un baiser sur ses lèvres passant mes bras autour de son cou. Si nous avions eu du mal à nous montrer de l'affection en public au début, cela s'arrangeait maintenant et dans une situation comme cela, je n'avais plus aucune gène je devais bien l'avouer, le bonheur de le retrouver primant tous les autres sentiments.

Sa petite phrase fit s’élargir un peu plus le sourire qui ornait déjà mes lèvres depuis son arrivée. Malgré l’horreur des évènements qui venaient de se dérouler, cette fille arrivait à me faire me sentir bien. « Me tente pas… » répondis-je simplement avant de retrouver mon sérieux pour la questionner sur les patients qu’elle avait déjà accueillis. « Ils vont certainement ouvrir une cellule de crise ou quelque chose comme ça… » Les psy de la fac risquaient pas de connaître le chomage de si tôt. Après la catastrophe de la bombe en 2013, voilà qu’Harvard venait de vivre un nouveau chapitre terrifiant. « Comment ça aussi ? » questionnai-je me demandant à qui elle faisait référence, il y avait eu tellement de blessés… Talya était remontée contre notre défunt agresseur, à juste titre… « Je te rassure sa cervelle tapisse désormais les murs de la cafetéria… Je ne mangerais plus jamais là bas d’ailleurs si j’étais toi. » Je faisais mon malin, mais ma petite amie avait raison : l’image du cadavre de Gaetan était encore bien ancrée dans ma tête et me refilait la nausée. Heureusement, les lèvres de la jeune femme vinrent se poser de nouveau sur les miennes, et une vague de chaleur et de réconfort m’envahit, chassant mes pensées morbides. Mes mains glissèrent dans son dos le pressant doucement pour l’attirer un peu plus contre moi et prolonger un peu ce baiser et ses effets bienfaiteurs. Lorsque sa bouche se sépara finalement de la mienne, je lui chuchotais : « Vous faites un très bon docteur mademoiselle Blackburn… Tous vos patients ont le droit à ce traitement de faveur ? »

Lorsqu'il me demanda de ne pas le tenter, j'haussai simplement les épaules en levant les yeux au ciel. Nous étions deux adultes majeurs et vaccinés, nous faisions ce que nous voulions c'était tout. Mais ce serait assez glauque de faire ça dans cette situation alors que notre aide serait surement la bienvenue ailleurs. " C'est horrible... J'aurais préféré ne jamais revivre quelque chose de la sorte... " A peine un an auparavant, des gens innocents, qui n'avaient rien demandé à personne étaient morts en Ukraine, et voilà que cela recommençait ici, est ce que ce phénomène me suivait ? " Je crois que je préférerais t'inviter à déjeuner tous les midis sur mon pauvre petit salaire de quatrième année plutôt que retourner manger une seule fois là bas ! " Déjà que je n'aimais pas réellement cet endroit alors là ça n'allait pas s'arranger. Je faisais un petit clin d'oeil à notre premier rendez vous... Et oui il y avait pire que manger en tête à tête avec le docteur Zacharias tous les midis et lui payer tout ce qu'il désire manger. Bien pire. " C'est un secret docteur Zacharias, un secret. Vous avez les votre, j'ai les miens, l'essentiel n'étant que la réussite voyez vous ? " Je fixai mon regard dans le sien, après tout j'étais bien la mère de l'une de ses petites patientes... Nous n'étions vraiment pas irréprochables déontologiquement parlant tous les deux. " Un bloc d'auscultation est libre par là bas, tu viens ? Que je fasse tout de même un peu ce pour quoi on m'a envoyé. " Priape saurait si quelque chose clochait en lui mais je voulais tout de même vérifier et puis me retrouver si proche de lui en plein milieu du couloir devenait gênant, ce qui se dégageait de nous pouvait devenir gênant comme si nous étions dans une bulle en quelque sorte.

Le –revivre- que la jeune femme utilisa dans ses paroles me fit d’abord penser qu’elle faisait référence à l’attentat à la bombe qui avait frappé la faculté il y a deux ans, mais je me rappelais que la jeune femme n’était pas encore étudiante ici à l’époque et je compris qu’elle pensait à ce qui s’était passé dans son pays. Je lui avais déjà dit que si elle voulait en discuter, j’étais là mais je ne pus m’empêcher de le lui répéter : « T’es pas toute seule Talya. Si t’as besoin, je suis là tu sais » Je pris doucement sa main dans la mienne en guise de soutien. Je lui avais ensuite raconté brièvement l’horrible scène qui s’était déroulée à la cafet, les tirs de Gaetan et la fin de ce cauchemar dans une explosion de cervelle. Je ne faisais pas une très bonne pub au réfectoire du campus. D’ailleurs, la réponse de Talya m’arracha un petit rire : « Je te prends au mot. Et méfie toi, l’une des prises d’otage a eu lieu au mac do qu’on peut donc rayer de la liste de nos futurs déjeuners également. Ca va peut être te coûter cher si tu dois me payer un quatre étoiles tous les midis… » Je plaisantais bien sur, mais ça faisait du bien de se détendre un peu et de se remémorer nos débuts. La jeune femme s’amusa ensuite à me défier du regard en refusant de répondre à ma question. « Je crois pas que cette pratique soit enseignée en fac de médecine en tout cas, ou alors on a pas du suivre les mêmes cours. » rétorquai-je en parlant toujours du baise qu'elle venait de me donner. Enfin soigner les patients ainsi, quand on avait face à soit une aussi jolie médecin que Talya, cela portait bien ses fruits. Mais la jeune femme n’était pas là que pour plaisanter avec moi, elle devait m’examiner. « Je pensais que t’avais oublié… » soupirai-je en me levant du brancard avec lassitude. Enfin, je me résolus quand même à marcher jusqu’au fameux bloc libre, en trainant des pieds et en ronchonnant. Je n’avais rien, j’allais bien… Les médecins font les plus mauvais patients, c’est ce qu’on dit.

" Je sais, t'es un amour tu sais ? " Je n'avais pas imaginé tomber sur quelqu'un comme Priape, quelqu'un de doux et d'attentionné, du moins de ce qu'il m'avait montré de lui pour le moment et qui me convenait parfaitement, que demander de plus ? " Au Macdo aussi ? Non mais sérieusement ils avaient quoi dans la tête ces idiots ? " J'étais choquée, choquée qu'on puisse imagine une telle horreur, choquée qu'une personne puisse avoir envie de faire cela, c'était incompréhensible pour moi, en même temps il y avait certaines personnes qui étaient réellement dérangées dans leur tête, de par mon métier j'étais amenée à m'en rendre compte. " Je suis prête à payer... Mais j'exigerais un cinq étoile tous les soirs ! " Je lui fis un petit sourire et carressai légèrement sa joue. Le retrouver me faisait du bien. D'ailleurs je n'avais pas répondu à sa question à savoir pourquoi j'avais dit aussi lorsqu'il m'avait dit qu'il était à la cafétéria, j'y répondrai lorsque nous serions tous les deux. Je doute que cela déclenche une dispute entre nous de parler de lui mais si c'était le cas, je préfèrai que cela ne se déroule pas devant tout le monde. Je pris donc la direction du petit bloc de libre et fermai la porte derrière nous commençant à prendre les constantes de mon patient assez particulier du jour. " Tu m'as l'air de bien allé oui... Matthéo était aussi à la cafèt'... Il a pris une balle, il est en salle d'opération actuellement. " Je n'étais pas tranquille à son sujet, je ne le serais que lorsqu'il sortirait en pleine forme de l'hôpital et même si mon petit ami ne le portait pas dans son coeur il devait savoir ce qui me travaillait. Je m'installai sur le rebord de la table d'auscultation pour continuer de discuter avec Priape, je pouvais bien faire une petite pause. " Ca va être étrange d'y retourner après tout ça non ? "