only it's you got me feeling like this, oh why? (Silvia)

Il fallait qu’il lui parle. Il ne savait pas pourquoi, mais cette fille lui restait dans la tête. Silvia. Il était pourtant très heureux avec Jade, même s’il y avait plus de bas que de hauts à l’heure actuelle. Avec Silvia c’était différent. En fait, il avait avec elle, ce qu’il n’avait pas avec l’autre. Les deux relations étaient complémentaires. Avec Jade, c’était du sérieux, prévu sur le long terme, du romantisme à toute épreuve. Et avec Silvia, c’était surtout du charnel, une complicité entre les corps et plus encore. Mais la demoiselle avait souhaité y mettre fin. Elle n’avait pas envie de continuer sur ce chemin-là parce que ça compliquerait les choses dans leurs vies respectives. Mais ça dérangeait Jacey qu’elle y ait mis fin comme ça. Il savait qu’elle venait au voyage au Lake Louise, et il comptait bien l’y retrouver afin de discuter de la situation. Elle lui convenait bien cette situation à lui. Il savait que si Jade l’apprenait, il était un homme mort, et c’était ça le problème majeur parce qu’il refusait de faire du mal à la femme de sa vie, mais le sérieux de leur relation pesait lourd sur son esprit. Ce qu’il avait à Silvia à côté lui permettait d’oublier les questions qu’il se posait. En fait, les deux femmes caractérisaient la relation parfaite : elles formaient un tout dans sa vie ; Silvia comme la nuit et Jade comme le jour. Ensemble, elles représentaient son parfait amour, et faire un choix c’était se trahir. Sauf que Silvia avait choisi pour lui, et il ne l’avait pas accepté. Pourquoi stopper quelque chose qui fonctionne ? Il savait ce à quoi il s’exposait, surtout en ce moment, mais il ressentait le besoin inexplicable et inexpliqué de fonctionner ainsi. Il connaissait pourtant l’ampleur de ses sentiments envers Jade, mais s’il ne les refoulait pas, il ne voulait pas franchir un certain cap pour le moment. L’engagement c’est pour les parents. Jacey ne pouvait plus profiter du snowboard s’étant fracassé la jambe quelques jours plus tôt, et s’il appréciait tout de même l’air de la montagne, il commençait à s’ennuyer ferme au Lake Louise. Il s’était promis de ne pas retenir Jade tous les jours, pour qu’elle puisse quand même profiter de ses journées, de ses vacances, et non pas être l’assistante personnelle de monsieur tous les jours sans interruption. Il se baladait avec ses béquilles dans l’hôtel, et il passa par l’accueil demander le numéro de la chambre de Silvia. Si au départ la demoiselle de l’accueil se montra réticente, il insista en disant qu’ils étaient de la même université, et qu’il fallait qu’il lui cause pour je ne sais quel projet de danse qu’il avait inventé sur le moment. Elle finit par lui donner le numéro de la chambre et Jacey remerciant la demoiselle s’éclipsa jusqu’à l’ascenseur pour aller voir la danseuse. Une fois devant la porte, il tapa doucement à la porte et attendit tranquillement qu’elle vienne lui ouvrir. Il était hors de question qu’ils restent à l’hôtel, ils iraient faire un tour dehors pour discuter c’était plus judicieux.

Elle avait l’air malade. Comme si elle avait passé des jours et des jours enfermée. Elle avait les traits tirés, mais surtout choquée par la venue de Jacey. A en juger son expression, elle s’attendait à tout sauf à le voir. Jacey fit une moue légère avant de la saluer également, perché sur ses béquilles. « Hey… » Il ne savait pas vraiment quoi dire, ni comment engager la conversation. En fait, il était venu dans un but bien précis, mais il avait déjà perdu le fil de ce qu’il voulait dire. Ca faisait bizarre de se retrouver une nouvelle fois face à elle, après qu’elle ait coupé les ponts, après qu’elle lui ait fait expressément comprendre qu’elle ne voulait plus poursuivre leur relation s’ils pouvaient appeler ça comme ça. Pour autant, lui n’avait pas changé d’avis, et s’il s’y était opposé et qu’il n’avait pas eu le choix, il ressentait toujours les mêmes sentiments contradictoires à l’égard de Jade et de Silvia. Les deux ensemble, c’était le top. Silvia s’écarta pour le laisser rentrer, et il fit face à un premier choix qu’il n’avait pas envie de faire : rentrer, c’était prendre le risque de faire une nouvelle fois les gros titres de Cambridge’s Secrets, mais lui dire d’aller ailleurs, c’était aussi la mettre à mal parce qu’elle avait l’air d’avoir passé de sales moments tant elle lui apparaissait fatiguée. Un rhume, ça vous met vite à plat, et une chose était sûre, elle ne prendrait pas le risque d’attraper froid une seconde fois. Alors, il décida de rentrer, se balançant sur ses béquilles tandis que Silvia lui posait la question fatidique sur le pourquoi du comment il s’était blessé. Il fit la moue : non seulement il venait de faillir à son plan et en plus il devait raviver un mauvais souvenir. Il décida de ne pas épiloguer là-dessus : « J’ai voulu faire le cake en snowboard et tenter une figure presque impossible, je me suis vautré. Résultat : fracture du tibia-péroné. Mais c’est pas important. » Il balança ses béquilles dans un coin de la pièce et clopin-clopant il sautilla jusqu’à une chaise où il s’assit. « Il faut qu’on parle tous les deux. » Dit-il sur un ton grave, très sérieux. Sauf, qu’il ne parvenait pas à se mettre dans cette dynamique et il finit par avouer dans un soupir: « Je suis perdu en ce moment. Je veux dire, t’étais pas obligée de mettre un terme à ce qu’on avait. Ce que j’ai avec Jade à côté, ça me regarde. » Ca sonnait tellement bizarre à ses oreilles qu’il secoua la tête conscient qu’il avait dit une connerie, et il se reprit, préférant jouer avec le manque et les souvenirs. « Tu me manques, Silvia. Je veux pas sortir de ta vie. » Il avait fini par lâcher le morceau, et il la regardait de cette façon qu’il avait de se sentir tout penaud, perdu, lorsqu’on lui enlevait ses repères. D’autant plus qu’il n’était pas fier de la situation dans laquelle il s’était mise.

Silvia cherchait à le faire sourire, et c’était bien la meilleure chose à faire actuellement. Parce que c’était ça dont il avait besoin : un peu de fraicheur tandis que sa vie se compliquait et qu’elle l’étouffait. Il regrettait d’avoir fait le con, d’avoir cru qu’il était invincible et que rien ne pouvait lui résister. La neige le pouvait. Et elle avait eu raison de lui, lui infligeant six mois d’arrêt, plâtré jusqu’à la moitié de la cuisse. La regardant du coin de l’œil avec un regard malicieux, il se mit à ricaner malgré tout, malgré le sérieux dont il voulait faire preuve pour discuter avec elle, malgré la malchance et sa blessure, malgré tous les soucis qui lui tombaient dessus. « J’aurais préféré que ce soit pour impressionner les filles oui ! » Assis sur sa chaise, il observe Silvia s’amener jusqu’à lui pour s’asseoir sur l’accoudoir du canapé, non loin de lui. Pour elle, il n’y a pas besoin de discuter. C’est fini. Il fallait prendre une décision, et rien ne changera les faits. C’est terminé, Jacey n’aura pas gain de cause. Sauf qu’il s’entête. L’avocat, il a toujours un contre-argument. Comme elle le disait, il avait dû prendre une décision, sauf qu’il n’avait pas été le décisionnaire dans l’affaire. Elle l’avait mis devant le fait accompli, et il se mit en tête de le lui rappeler : « Et ce n’est pas moi qui l’aie prise, tu l’as prise pour moi, Silvia ! » Elle l’avait vexé ce jour-là. C’était peut-être admirable de se sacrifier pour sauver le couple de Jacey, c’était peut-être aussi pour se protéger un peu elle-même, mais Jacey n’avait pas été du même avis. Le seul souci, c’est que son comportement était tout sauf moral. Silvia c’était la voix de la raison, lui ne faisait que s’empêtrer dans les problèmes de par son comportement. Et Silvia avait entièrement raison quand elle pointait du doigt ses dires, son attitude. Ce n’était pas comme ça qu’on lui avait appris à se comporter. Mais Jacey ne le faisait pas de gaieté de cœur, il ne pouvait juste pas se comporter autrement selon lui, parce que s’il lâchait Silvia, il avait l’impression de passer à côté de quelque chose de bien avec elle, alors que s’il lâchait Jade, il s’en voudrait peut-être pour le restant de sa vie. Et plutôt que d’en vexer une, plutôt que de se faire du mal, il avait choisi de ne pas choisir. Il posa le regard sur la jeune femme, lâchant un grand soupir, conscient de la difficulté de la situation. « Je sais que c’est pas un comportement à avoir, je sais aussi que je vais finir par en blesser une si ce n’est pas déjà fait, mais merde j’arrive pas à choisir. Tu es importante pour moi, c’est pas que des parties de jambes en l’air… » S’il était satisfait dans les deux cas, avec les deux femmes, il ne pouvait pas nier que Silvia lui apportait autre chose que Jade. Elles étaient différentes et le comblaient à deux. Alors il secoue la tête quand elle lui dit qu’elle pense que ce soit mieux ainsi. « Moi je pense que non… » Et puis sa main s’amène vers le visage de la jeune femme pour lui caresser la joue. Son regard, il est fixé sur elle, comme s’il cherchait à l’amadouer, et il lui souffle doucement comme un aveu : « J’ai besoin de toi dans ma vie, Sil’. » Et même si c’est compliqué de fonctionner comme ça, même s’il se mue en un personnage odieux, il refuse de choisir, même si ça signifie ne rien laisser au hasard, et passer son temps à mentir à l’une tandis que l’autre accepte la vérité à contrecœur.

Avant Silvia ne se plaignait pas de la relation qu’ils entretenaient. Elle savait qu’il était en couple, et ça ne l’avait pourtant pas empêché de fricoter avec lui. Elle avait par la suite connu les remords. Jade ne méritait surement pas de vivre une tromperie, d’autant plus qu’elle avait toujours été exemplaire avec Jacey – du moins c’est ce qu’il croyait. Et depuis, les choses avaient changées entre eux. La ravissante danseuse brune avait mis de la distance entre eux avant de mettre fin à leur pseudo relation juste sous-prétexte qu’elle ne voulait pas avoir le statut de ‘maitresse’. D’ailleurs elle le lui fit comprendre d’une drôle de façon, et Jacey ne put se retenir d’écarquiller les yeux, comme s’il prenait conscience d’une chose nouvelle. Il arqua un sourcil, prenant le temps de réfléchir en se passant la main sur le crâne, conscient que la situation était bien plus complexe que ce qu’il avait cru. « Attends Silvia, je suis pas sûr de tout comprendre… Tu veux plus que ce que nous avions ? » Avait-elle développé des sentiments forts à son égard ? Si cela s’avérait vrai, il aurait bien du mal à gérer les deux femmes car petit à petit Silvia demanderait forcément plus que s’envoyer en l’air. Si on développe des sentiments, on s’attend forcément à plus, et il serait compliqué de faire des choix. Pour autant, il ne se voyait pas quitter Jade, même pour elle. Silvia posait les questions qu’il fallait, celles qui mettaient l’avocat dans l’embarras, pointant du doigt son comportement inacceptable. Jacey réfléchit. Il aimait Jade et elle le rendait heureux, mais voilà, dernièrement rien n’était comme avant, et il peinait à voir un avenir se dessiner pour eux. Il ne maitrisait plus sa jalousie, et elle ne lui faisait plus confiance. Il soupira, il était perdu. « C’est pas franchement le beau fixe avec Jade depuis qu’elle croit que je l’ai trompée avec Grace. Y a un truc qui s’est cassé, je sais pas, j’arrive plus à faire comme avant… » Mais voilà, il n’était peut-être pas non plus prêt à tirer un trait sur la française, parce qu’elle s’était emparée de son cœur depuis deux ans. Et pourtant, il parvenait à trouver son compte dans la relation avec Silvia qu’il menait en parallèle. Elle lui reproche le fait de ne pas être revenu vers elle un peu plus tôt et il veut bien croire que ça lui ait pesé, mais aussi, c’était elle qui avait coupé les ponts. Le jeune homme posa son regard dans ses yeux, et rétorqua après un soupir tant la situation était complexe et difficile à vivre. « Je sais que c’est pas bien ce que je fais. Aussi bien vis-à-vis d’elle, mais aussi vis-à-vis de toi. Mais je peux pas faire un choix, Silvia. Je ne veux pas perdre l’une de vous deux parce que c’est le tout qui fait que je suis heureux. Je sais pas l’expliquer par contre. Peut-être que ma relation longue et sérieuse avec Jade me fait peur, peut-être que trop de routine m’a frustré, je sais pas… Mais je sais juste que je suis bien avec vous deux. » Silvia ce n’est pas juste son plan cul régulier, elle possède un quelque chose qui le subjugue, mais il ne peut lui offrir plus que ce qu’ils avaient. D’autant plus que ça finirait par se savoir, et que c’était la dernière chose qu’il souhaitait voir arriver. Silvia imposait ses conditions pour revenir dans sa vie. Et cette demande le frustra. Parce qu’elle savait très bien où il en était, et qu’il craignait de la voir lui lancer un ultimatum. Il posa son regard dans ses yeux pour lui demander ce qu’elle voulait donc si elle ne voulait pas récupérer ce qu’ils avaient auparavant. « Alors tu veux quoi au juste ? »