Hollery ▲ Blurred Lines

La noirceur du ciel fait ressortir les étoiles. Le vent souffle sur les arbres qui borde la Winthrop House et la pluie se déverse sur Cambridge. C’est une nuit comme les autres. L'automne est bien présent. Ce soir, j’ai renoncé à passer du temps avec ma petite amie sous prétexte que je vais à un groupe de travail… le soir à 22h et pour la troisième fois de la semaine. C’est peu crédible, mais pour le coup, j’en ai rien à cirer. Holly n’est pas mon problème. Je m’échappe de ma confrérie, veste sur le dos, capuche sur la tête, mains dans les poches. Je serre fortement mon portable quitte à la broyer entre mes phalanges. Ma force est hors de contrôle les soirs comme aujourd'hui. Je suis censé rejoindre Cartwith dans un lieu que j’ai malheureusement appris à connaitre. Un endroit froid qui fait vraiment peur. Et je ne dois surtout pas être en retard.

Déjà qu’on ne se voit plus très souvent avec Avery avec la fac et nos boulots respectifs, mais là…là, je commence à me poser des questions. Trois fois. Ça fait trois fois que j’ai la sensation qu’il me ment pour ne pas qu’on se voit et ça m’agace un peu, parce que ça me rappelle des mauvais souvenirs. Ça n’est pas son genre de me mentir, au contraire, on s’est promis de plus rien se cacher alors… je commence à flipper un peu. C’est pour ça que je décide d’aller voir ce qu’il fait vraiment. Je prends ma voiture et je me gare sur le parking de la Winthrop, restant dans la voiture en surveillant l’entrée de la confrérie. En voyant Avery sortir de la maison, je sors discrètement de la voiture pour le suivre. Je reste pas mal derrière lui pour ne pas qu’il me voit, me demandant où il se rend. Et le seul truc qui me vient à l’esprit pendant que j’en suis réduire à suivre mon petit ami, c’est qu’il m’a menti.

J'ai la désagréable impression d'être suivi. La rue est tellement calme qu'un chat se serait fait repérer par mes tympans. Actuellement, c'est bel et bien des bruits de pas humain que mes oreilles discernent. J’accélère le rythme de ma marche pour semer l'inconnu. Tournant dans une rue sombre et sale, j'en profite pour jeter un coup d’œil discret derrière moi. Une personne passe sous un lampadaire permettant à mes yeux de l'analyser. Holly. C'est Holly qui m'espionne. Sa présence n'était pas prévu. Mon cardio s'intensifie brusquement. J'ai absolument pas envie que ma copine soit au courant de mes activités. Elle ne doit pas connaitre la vérité. Jamais. Sans vraiment réfléchir, je continue ma marche dans les rues à la recherche d'un lieu où je pourrais me réfugier. Je prie pour tomber sur un ami qui pourrait jouer le complice. Mais rien. Je suis foutu. J'emprunte une ruelle au hasard et repere un bâtiment avec la porte d'ouverte. Je m'empresse d'entrer pensant qu'il s'agissait d'un hôtel délabré. C'est mieux de rien. Sauf que non, c'n'est pas un hotel. Bordel.

Je ne suis pas une fille jalouse, ou parano ou méga possessive avec son copain. J'veux dire.. Avery fait bien ce qu'il veut, je m'en fiche. Sauf que je sens que quelque chose ne va pas. En une semaine, il trouve trois fois des excuses pour pas me voir, alors il y a plusieurs théories. De une, il veut rompre et ose pas me le dire, mais après la conversation qu'on a eu la dernière fois à la Winthrop, ça m'étonnerait fortement. La deuxième serait qu'il me cache quelque chose, et c'est celle que je retiens. Quand je vois où il se promène, dans un coin pas très fréquentable de la ville, je commence à avoir peur. La dernière fois où j'me suis promenée dans des petites ruelles comme celles-ci, c'est quand j'me suis fait agressée par deux mecs et qu'Alex a réussi à m'en débarrasser. C'n'est pas un coin de la ville où Avery devrait se promener, qu'est-ce qu'il fait ici ? J'essaie de garder mes distances pour ne pas qu'il se rende compte que je le suis, mais quand il accélère le pas je comprends qu'il doit se sentir traqué et je dois me dépêcher moi aussi pour ne pas le perdre de vue. Je le vois de loin rentrer dans une grande maison éclairée et je fronce les sourcils. Une femme, très peu vêtue ressort de la maison en comptant des billets. Est-ce que c'est une sorte de bordel ? Non mais sérieux, il fout quoi là-dedans lui ? J'hésite. J'entre ou pas ? J'suis pas sûre de vouloir savoir ce qu'il fiche là-dedans. M'adossant sur la façade de la maison près de l'entrée, j'attends. Il va bien devoir sortir un jour, non ?

Des rideaux bruns s’offrent à moi. Par curiosité, je les entrouvrent et découvre la pièce qui me fait face. Tout est rouge, du moins les murs, et beaucoup de filles circulent. Je ne mets pas longtemps à reconnaître l’endroit. Il a fallu que je tombe dans un bordel sachant que ma copine est juste derrière moi. Je prie pour qu’elle ait perdu ma trace ou bien même que j’me sois trompé de visage. Je me risque à jeter un coup d’œil en arrière avant qu’une jeune femme m’accoste. Elle est grande avec de longs cheveux bruns ondulés et une couche de maquillage sur le visage. Je fronce les sourcils alors qu’elle me propose de la suivre. Gad, j’ai envie de partir, mais j’peux pas. Holly est peut-être derrière ce rideau. Je suis bloqué. Je m’éloigne de la femme sans ajouter un mot et avance vers un coin de la pièce dans l'espoir de ne pas être aperçu. Je ne peux qu'attendre que le temps passe en espérant qu’Holly ne découvre pas ce que je fais en cachette.

Plus le temps passe alors que j'attends dehors, plus je me fais mille et un scénarios dans ma tête. Avery va... voir des putes ? En fait, j'ai du mal à assimiler les choses et je suis furieuse parce qu'il me ment, clairement. Est-ce qu'il vient ici tous les soirs ? C'est ça sa conception de "sortir avec des potes" ? Il aurait pu me préciser que les potes en questions ont des formes généreuses et qu'ils paient pour baiser. J'ai toujours été assez naïve pour croire qu'il ne me ferait jamais le coup qu'il a fait à Ace l'année dernière, mais je commence à douter. Ou est-ce que c'est le mois d'Octobre et de Novembre qui lui montent à la tête ? Y'a une brume d'infidélité qui le pousse à tromper ses copines à cette période de l'année ? Quoi qu'il en soit, je commence à être fatiguée d'attendre ici comme une débile, alors je décide d'entrer. Je regarde autour de moi et je finis par apercevoir une grande brune qui se dirige vers Avery qui est assis dans un coin. Déterminée, j'arrive derrière elle et je tapote son épaule, « Excuse moi, mais si tu comptes toucher à un cheveux de mon mari j't'étouffe avec tes faux seins, c'est clair ? » Je regarde autour de moi les nombreuses filles qui me regardent et j'ajoute plus fort, « La première qui saute mon mec j'la défonce, okay ? Et croyez-moi, j'en ai plutôt rien à faire de me casser un ongle alors vous voulez pas vous battre avec moi » Je regarde Avery et je me tourne pour sortir de cet endroit dégueux. Maintenant, j'veux juste rentrer chez moi.

Plus le temps passe, plus j’me sens idiot. Si Holly avait été l’individu qui me suivait alors elle serait déjà entrée me voir. Pourtant rien. Je fixe ce rideau de mon coin ne voyant que des putes et des mecs satisfaits en sortir et en rentrer. J’me sens mal ici. Puis Holly débarque pile au moment où une énième nana s’approche de moi. Je serre les dents en voyant ma femme s’approcher. « Excuse moi, mais si tu comptes touche à un cheveux de mon mari j't'étouffe avec tes faux seins, c'est clair ? » Je ferme mes yeux un instant alors que tous les regard se braquent vers nous. « La première qui saute mon mec j'la défonce, okay ? Et croyez-moi, j'en ai plutôt rien à faire de me casser un ongle alors vous voulez pas vous battre avec moi » Qu’on m’achève. Holly est maintenant persuadé que je m’envoie en l’air avec des putes. Je reste un instant sans rien dire, ni faire, la regardant simplement se barrer. Mon regard scrute les autres personnes présentes. J’n’ai rien à foutre ici. Je sors le plus rapidement possible, dégoutté par ce lieu, et cours pour rejoindre ma copine. « Holly » Puis j’me retrouve là, face à elle, face à sa déception et à sa colère. Je pourrais lui rabâcher que ma distance n’a rien à voir avec ceci, mais s’en suivra la fameuse question du ‘alors qu’est-ce que tu fous là'... et je n’ais pas la moindre idée de ce que je pourrais répondre. « Je suis désolé.. » Ceux sont les seuls mots qui sont sortis de ma bouche.

Je ne suis pas entrée pour qu’Avery me rende des comptes. En fait, je n’ai pas besoin qu’il le fasse parce que les choses semblent plutôt claires non ? Je crois que j’aurais préféré qu’il ait une maitresse en fait, j’aurais préféré ça à savoir qu’il vient dans cet horrible endroit. Donc les soirs où il était avec des potes, en fait il venait ici pour s’envoyer en l’air avec ces filles ? En fait, je ne veux pas plus de détails. Je tourne les talons après avoir menacée toutes ces connes dans le but de rentrer chez moi. Je m’éloigne de cet endroit quand j’entends la porte se refermer et quelqu’un courir après moi. « Holly » Je serre les dents et je m’arrête de marcher, attendant quelques secondes avant de me tourner vers Avery, silencieuse. Qu’est-ce que je peux bien dire ? « Je suis désolé.. » J’hoche la tête et je croise les bras à ma poitrine, « Tu peux l’être, oui » Je ris nerveusement et je secoue la tête, baissant les yeux pour éviter son regard. « Vas-y Avery, j’attends. C’est quoi ton excuse bidon ? Parce que c’est plutôt clair que c’est pas pour faire tes devoirs que t’es venu ici »

Nous nous regardons dans cette rue sombre. Il y a un bruit de fond, mais rien qui puisse capter mon attention. Mes yeux sont braqués sur Holly, attendant mon procès. « Tu peux l’être, oui » Je détaille chacun de ses gestes. Je ne sais pas quoi ajouter. Je ne veux pas m'enfoncer dans un mensonge. Le silence est la meilleure solution. « Vas-y Avery, j’attends. C’est quoi ton excuse bidon ? Parce que c’est plutôt clair que c’est pas pour faire tes devoirs que t’es venu ici » Je soupire baissant à mon tour le regard. Mon cerveau carbure pour trouver une réponse à cette question. Mon poing se serre, mes doigts s'enfoncent dans ma paume, puis tout se décontracte. Je lève ma tête en direction d'Holly. Je me sens affreusement mal. Son coeur est certainement fissuré et je ne peux pas y remédier ce soir. « J'en ai pas » Elle va me haïr. Le clair de lune illumine son visage remplie de déception. Ce sentiment me broie le cœur.

Tout ça… c’est une facette d’Avery que je n’ai jamais connu en étant sa meilleure amie. Ce mec distant qui me regarde avec.. presque une froideur dans le regard qui me fait froid dans le dos. J’le vois bien serrer les poings, et j’me demande s’il est en colère que j’ai découvert la vérité ou s’il est en colère contre lui même. Parce qu’il me fait tellement de mal. Depuis le début de notre relation, ça fait la troisième fois qu’il me fait ce coup là. D’abord au Spring Break, au Summer Camp.. mais rien n’a jamais été aussi grave que ce soir. Il me met dans tous mes états, il me brise le cœur mais… j’arrive pas à me faire une raison parce que j’l’aime. Et dans ce genre de moment, j’regrette de pas lui avoir dit plus souvent. J’regrette de pas avoir été comme toutes ces filles niaises qui disent à leur mec qu’elle les aiment toutes les dix minutes.  « J'en ai pas » Je sens les larmes remplir mes yeux mais je m’interdis de pleurer face à ce crétin. Je m’approche de lui et je le gifle, si j’peux pas pleurer, j’peux lui faire comprendre c’qu’il me fait. Sauf que je ne peux pas contenir les larmes de colère de couler sur mes joues et je commence à taper sur son torse, pas sûre que ça lui fasse mal mais ça me défoule. « Quand j’pense que y’a encore deux mois, j’étais prête à avoir un bébé avec toi putain ! Quand j’pense que y’a même pas deux semaines tu m’as dis que tu m’aimais mais c’est ça pour toi la conception de l’amour ? Putain mais j’suis tellement conne, j’pensais que t’étais le bon Avery ! » Je m’arrête et je me recule d’un pas en essuyant mes joues, « Okay.. okay j’vais.. rentrer chez moi... » Là j’suis sur le coup de la colère, j’ai juste besoin de partir sinon j’vais exploser.