FORGET THE PAST AND GO ON ❋ ATHINA

Leo se hâta de traverser Harvard. Il avait quitté sa chambre précipitamment, même pas sur de l'avoir fermée à clefs, puis de toute façon ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose à voler là-bas. Il était vingt-deux heures passées, mais ce n'est pas ce qui allait arrêter le jeune homme. Celui-ci avait une idée derrière la tête, ou plutôt, quelque chose avait traversé son esprit un court instant ce qui avait suffit à mettre Halberstam en marche vers la Quincy House. Il avait fait le compte de sa vie, à quel point il s'amusait, à quel point c'était le bordel aussi. Il en était venu à penser à sa meilleure amie, à son deuil, à l'état végétatif dans lequel elle était plongée depuis que son petit ami était mort et qu'en quelques mots, sa vie s'était effondrée. Il avait chaussé son plus beau sourire, traversant le bâtiment des oranges d'un seul trait, fonçant sur la chambre d'Athina. Il ne prit pas la peine de frapper à la porte et entra directement, allumant la lumière au passage. « Athiiiiiiiinaaaaaaaa on se lève, Leo te sort ce soir ma beauté, allez hop, on est gentille on se lève. » Leo ébouriffa les cheveux de la rousse avant de lui pincer gentiment les joues comme un gros bébé qui dooort. Puis en attendant qu'elle daigne se lever, il alla devant son armoire et l'ouvrit. Il posa ses mains sur les hanches, fini par tirer deux trois vêtements, foutant un bordel monstre dans le placard et les jeta sur le lit de sa rouquine préférée.

Est-ce que quitter mon appart était une bonne idée ? Oui, définitivement. Même si Eloïse me manque, au final, j'suis bien mieux à la Quincy House, au moins je rêve plus que Ruben me prend dans ses bras, ou de notre rupture en dix fois pires, de nos retrouvailles au Summer Camp. Nan, un sommeil sans rêve, sans cauchemar. De toute façon, je suis assomée 24h/24. Pauvre Katanae, elle vient de récolter la coloc la plus dépressive du coin ! J'comprends pourquoi elle m'abandonne autan que possible pour sortir s'éclater, pendant que moi... Ben j'fais strictement rien. Donc ce soir, j'ai regardé mes cours cinq minutes -le peu de cours où je suis allée- j'ai lu un bouquin et je me suis endormie dessus. Quand soudain -ouais c'était vraiment soudain, dans le genre pas discret du tout, qui fait plein de bruit et plein de lumière- quelqu'un débarque dans ma chambre. Pourquooooi moi ? "Putain, Kat' t'es folle ou quoi ?" Puis j'arrive à analyser le son et je sens une main qui m'ébouriffe les cheveux. C'est Leo. Ah ce bon vieux Leo, toujours plein de tact et de douceur... "Leo ? Mais qu'est-ce que tu fous ?" A peine suis-je redressée que je me reçois une volée de vêtement dans la figure. "J'veux pas sortir, je suis très bien dans mon lit, à faire de beaux rêves !" Façon de parler, hein ! Ouais, vous avez bien entendu, Athina veut pas sortir, Athina refuse l'occasion d'aller boire et s'amuser, avec son meilleur pote. Y a définitivement un truc qui cloche chez moi. Je m'étire et je lui dis : "Tu veux pas venir t'asseoir là et regarder un film ?" C'est bien les films aussi, non ? Et puis comme ça, j'pourrai m'endormir pendant que Leo sera là à regarder un film. C'est un bon plan, très bon plan !

Le brunet fronça des sourcils avant de tirer d'un coup la couette de sur la jeune femme. Puis il sourit avant de croiser les bras. « Je ressemble à une fille à ton avis ? Ooooh Kat tu es fooolle, je veux dormir, je veux dormiiiiiir. » cria-t-il en singeant la rousse. Si la Quincy pensait amadouer Leo, obtenir de dormir plutôt que de se soumettre à son bon vouloir, elle se trompait. Il avait bien décidé de la sortir de sa douce torpeur, la faire bouger, bon sang elle avait vingt-deux ans, elle était mignonne comme un cœur, au pire des cas elle raterait une ou deux heures de cours le lendemain, mais elle avait de la marge, en gros, il n'y avait pas de raison qu'elle ne puisse pas et qu'elle ne veuille pas sortir s'amuser. Oh puis pas la peine de disserter dix ans sur la question ! Halberstam avait décidé pour elle, lui jetant des vêtements, pas franchement bien assortis, mais peu importe. « Et ben on va sortir, tu dormiras après, les rêves de toute façon c'est passé de mode. » La jeune femme préféra proposer au Mather de rester là, regarder un film à la noix. Et puis quoi encore ? Après ils tricoteraient des moufles pour cet hiver, ils feraient des coloriages et au dodo ? « Non tu mets ça sur toi, et après je te sors, essaye pas de détourner Leo du droit chemin, on sort point. » Leo entreprit de quitter le haut d'Athina avant de lui enfiler de force le tee-shirt qu'il avait choisi. « Regarde c'est pas difficile. »

Non seulement il me réveille, mais en plus il se moque de moi. J'pourrais presque rire en l'entendant m'imiter, mais je reste forte répliquant un très mature : "Gna gna gnaaaa" En lui tirant presque la langue. Oui, je suis une gamine des fois. En plus, en repoussant les vêtements qu'il m'avait sorti, je me rends compte que ce gars a des goûts très bizarres. Bon, ok, disons que comme ça, je serais pas au summum de la mode, mais je serais habillée, c'est déjà ça... Mais j'veux paaaas sortir, je veux rester là, dormir, déprimer, pleurer et faire la gueule à tout le monde. La vie rêvée, non ? Je lève les yeux au ciel, on peut dire que ce garçon sait ce qu'il veut. En l'occurrence, me sortir de la QH. Vaaaaste programme. Je m'apprête à me recoucher pour me couvrir les oreilles de mon oreiller, quand monsieur m'enlève mon haut. Ah oui ? Comme ça, quoi... Je finis par me lever et je lui dis : "Oh, ça va, j'ai pas cinq ans, j'peux m'habiller toute seule !" Et au passage, heureusement que je me suis endormie habillée avec mon soutif, parce que là, ça aurait pu être gênant. Bon, ok, c'est mon meilleur ami, mais je montre pas ma poitrine comme ça... Passons. J'enfile le jean qu'il m'a délicatement préparé en grommelant : "T'as gagné Leo. Mais j'te préviens, on va tellement s'éclater que tu vas regretter de m'avoir sortie !" Ca c'est de la menace. Mais il l'a cherché.... Je mets rapidement des chaussures, une touche de mascara, un coup de brosse et c'est parti. Ouais, il m'a convaincue : j'suis faible...

La jeune femme pouvait bien râler comme elle voulait, Leo avait gagné. Il la regardait déposer les armes à ses pieds tel un Vercingétorix battu devant son César chéri. Le premier signe de la défaite imminente de la rouquine fut son élévation vers le ciel doré – ouais enfin elle avait levé ses petites fesses de son lit quoi. Puis elle ne protesta presque pas quand le brunet l'aida à s'habiller. Plus une gamine elle ? Laissez-le rire, de toute façon il ne lui demandait pas son autorisation. Heureusement pour elle, Halberstam trouvait ça trop compliqué d'habiller une fille. Il avait eu aucun mal à lui quitter son haut de pyjama et à baisser son pantalon, mais alors faut voir comment il avait galéré pour lui enfiler son tee-shirt. Voilà pourquoi c'était un pro-nudisme, surtout féminin. Mais tout de même, il préférait savoir Athina habillée, c'était sa bestah, sa meilleure amie chérie, sa sœur. Non non, il préférait imaginer une relation totalement asexuée avec elle, ça serait bien trop compliqué, lui enlever son soutient-gorge, le remettre. Baaaaah. « Je gagne toujouuuuuuuuuuurs. Allez bouge-toi on est en retard. » Non en fait ils étaient en avance mais Leo voulait arriver en avance pour faire du repérage. Par rapport au bar, pas aux filles, ce soir il restait avec Athina voyons.

A voir comment Leo m'a fait manger mon t-shirt, on peut dire qu'il est plus habitué à déshabiller les filles que le contraire... Faut pas qu'il est un gosse, imaginez le en train d'habiller son enfant avant d'aller à l'école, avec le stress du retard et tout, nan, c'pas fait pour lui. Je finis par m'habiller et me maquiller et je suis prête à partir pour... Je sais pas où. Un endroit où on s'amuse apparemment. "En retard ? En retard où ?" Je sors dans le couloir, suivie de Leo. j'me dis qu'au fond, ça me fera du bien de sortir un peu de ma torpeur, de m'amuser, de boire. De vivre au final. Puis je m'arrête à la sortie de la QH. "Alors, vous m'emmenez où M. Halberstam ?" C'est pas que je suis curieuse, mais un peu quand même. Il a réussi à me convaincre de sortir alors maintenant, je compte bien profiter comme jamais. En plus, avec Leo, je sais que je vais m'amuser, c'est pas un Mather pour rien. J'aime bien la relation qu'on a : une amitié sans quiproquo, sans chichis, sans ambiguïté. Non pas que ce mec ne soit pas un canon, mais juste parce que c'est lui, parce que ce serait troooop bizarre de penser à lui de cette manière là. J'ai d'jà gâché des amitiés comme ça, j'ai pas envie que ça se reproduise avec Leo. Mais y a pas de risque, hein. Je le regarde tout sourire, prête à le suivre là où il m'emmènera.

« En retard quelque part, où il y a des gens. » Le jeune homme voulait se la jouer mystérieux, mais c'était pas chose aisée pour lui. Leo était du genre pas vraiment discret, il savait mentir et omettre de parler des choses les plus importantes, mais alors pour ce qui était de cacher des petits trucs de ce genre, une vraie bille. Puis le brunet était bien trop excitée à l'idée de sortir la rouquine qu'il en oubliait son plan de base. Il la fit sortir de la Quincy House, l'invitant à monter dans sa voiture. Il attacha sa ceinture, la regardant en souriant. « Tu vois Athina, on va s'incruster dans l'anniversaire d'un mec que je connais pas. J'en ai entendu parler, enfin bon, je vais t'expliquer les règles de base de l'incruste. » Le jeune homme démarra la voiture, se mettant en route vers la banlieue de Cambridge. « Alors il faut que tu sois à l'aise, genre, tu es parfaitement invité, invente-toi un lien avec le mec qui organise ça. Mick je crois, genre t'es sa cousine, ou tu es la correspondante de sa cousine. Choisis dans le tas un mec qui y croit ou alors qui pense juste à te pécho et qui en a rien à faire de qui tu peux être, bois un max, mange un max. » Il tourna sa tête vers elle en souriant avant de reporter son attention sur la route, puis se garant dans une rue bordée de maisons plutôt classes. « Et t'aurais du prendre ton pyjama en fait, on va dormir dans la voiture. »

La curiosité piquée au vif, je demande à mon acolyte de la soirée où il compte m'emmener. Connaissant Leo, il ne va pas juste m'emmener faire un tour en boîte à Cambridge. Nan, ça risque d'être beeeaaaucoup plus intéressant que ça. D'où ma curiosité. "Naaaaan ! Des gens, ah ben ça, c'est original !" Ouais, je suis une vraie gamine ce soir, c'est l'effet Leo, il me fait perdre au moins 10 ans d'âge mental par moments... mais il va craquer, il va me dire où on va, je le sais ! On s'installe dans la voiture et ça y est, il ne peut pas s'empêcher de tout déballer. Je sens mon sourire s'élargir quand je l'entends m'expliquer qu'on va s'incruster chez un inconnu. Pour son anniv'. "T'as un cadeau au moins ? Nan, parce que tu te fais passer pour le spécialiste, mais sans cadeau, on va pas aller loin..." J'éclate de rire. Ce plan est génial, faut pas oublier que je fais des études de théâtre, ces petits jeux-là sont mes favoris. "Sinon, j'adore le plan. Et j'adhère complètement. Surtout pour le côté nourriture." Et boisson, et mec. Et pourquoi pas nana, hein . Héhé, je devrais peut-être lui dire que j'me suis trouvé un certain intérêt pour les filles... Il finit par arrêter la voiture dans une rue huppée où l'on sent la bourgeoisie à plein nez. J'aime encore plus l'idée. Et là, le désenchantement. "Un pyjama ? Tu te fous de moi, Halberstam, tu me le retires de force et tu penses pas à me dire de le prendre ?" Je secoue la tête en mode 'pauvre garçon, que va-t-on bien pouvoir faire de toi...'

Et merde le cadeau, il n'y avait pas pensé. Merde merde merde merde. Soudain la panique envahit Leo, évidement sans cadeau ça serait moins facile de se fondre dans la masse, il ouvrit la boîte à gants, toujours un œil sur la route. Puis il reprit le volant à deux mains, jetant un bref regard à la rousse. « J'ai oublié, regarde là dedans s'il y a pas un CD ou un paquet de chewing-gum, sinon on dira que tu es le cadeau. Il sera content et tu auras une soirée caliente avec un mec. » Le brunet ricana, genre elle allait lui faire croire que son unique but de la soirée c'était de manger des tacos. Foutaises. Maintenant elle était contaminée par l'excitation du jeune homme et elle mettait presque plus de volonté que lui-même à s'incruster à cette soirée. Limite elle s'y voyait déjà Athina. « De toute façon tu n'as pas le choix, au pire tu rentres à pied mais ça va te faire une jolie petite trotte et je te laisserai pas toute seule, il y a des méchants pervers la nuit, je voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose de regrettable. » On dit ouiiii papa Leo. Le Mather ouvrit la portière. « Alors je dormirai devant, tu dormiras derrière à oilpé et tout est réglé qu'est-ce que tu veux que je te dises. Tu n'avais qu'à mettre plus de volonté à t'habiller on aurait eu le temps de prendre des affaires. » Il sortit de la voiture, faisant le tour pour aller ouvrir la portière de la rouquine.

Je lève les yeux au ciel puis j'éclate de rire : "T'as oublié le cadeau ! T'es génial..." Je fouille dans la boîte à gants, à la recherche d'un quelconque CD, ou chewing-gum ou n'importe quoi en fait. L'idée de servir de cadeau ne me plaît pas trop, mais je crains qu'on doive en arriver à cette extrémité là. "Y a rien là-dedans..." J'attrape mon sac à main et je fouille dedans : et miraaaacle. "Eh ! Tu crois qu'n porte-monnaie pur cuir, ça fera l'affaire ? Non pas que la perspective de passer une soirée caliente avec un mec me déplaise, maaaais, je suis pas le genre de fille qu'on offre en cadeau." Je vide le contenu de mon porte-monnaie dans mon sac, et je le referme. Nan, franchement il est sympa, je crois que je l'ai eu dans une brocante, en plus il fait pas trop fille, il est même plutôt mixte. Je lui dis "J'crois que j'ai pas vraiment le choix, de toute façon, s'il m'arrive quelque chose, je dirais que c'est de ta faute, t'avais qu'à me protéger !" Eh oui, je suis faaaible et sous ta responsabilité, Leo. D'toute façon, il a pas besoin de moi pour jouer le papa poule. Dormir nue, à l'arrière d'une voiture, ouais nan. Il fera beaucoup trop froid. Je sors de la voiture. "Ah donc c'est de ma faute ?" M'insureg-je en me dirigeant vers la maison. "Ouais, tu sais je peux aussi dormir habillée, on est en automne, il fait trop froid...". Puis j'ai un sursaut de génie. Un plan splendide. "Oh ! Tu sais quoi ? On a qu'à faire comme si on était des frères et soeurs russes ou italiens, n'importe quoi." Bon peut-être que changer de nationalité n'est pas nécessaire, mais on sera incognito comme ça...