THROW IT UP, WATCH IT ALL FALL OUT ❋ HAYTAM

Joan n'avait jamais autant trouvé que la bibliothèque était le lieu le plus accueillant de l'université. Puis elle aimait bien le principes des livres, ils avaient beau être remplis de problèmes, ça restait bien dedans, il suffisait de ne pas les lire, de ne pas les voir, et lorsqu'ils étaient fermés, ça ne les empêchait pas d'exister. Outre qu'elle se redécouvrait une passion pour les longues heures enfermée dans la BU de Harvard, la présence de Haytam à ses côtés avait quelque chose de rassurant, le simple fait de le savoir pas trop loin lui convenait, une présence amicale c'était pas trop demandé en ces temps de crise. Une véritable tempête venait de traverser la vie de la jeune femme. Et maintenant, tout était fini, done, elle avait une bague en plastique en plus, un petit copain en moins, elle se sentait légèrement vidée de toute émotion, lessivée, fatiguée. Pourtant elle ne ressentait pas le besoin de faire passer ça à travers une humeur exécrable comme elle se savait capable de le faire. Lindley voulait juste se terrer dans son coin. La Lowell n'en était pas au point où elle voulait changer de vie et d'identité et s'exiler dans un pays lointain, mais si elle pouvait être transférée à la California Institute of Technology d'ici quelques jours, elle ne dirait pas non. Assise devant son ordinateur et tout un tas de notes qu'elle essayait de mettre en forme avant son prochain stage, Joan finit par déposer forfait, enregistrant à la hâte ce qu'elle avait fait, éteignant son ordinateur qu'elle repoussa légèrement avant de poser s'étaler elle-même sur la table. « Pourquoi j'ai fais ça ? C'est un véritable désastre. Je vais finir par démissionner des relations fixes. » Elle se redressa regardant le jeune homme en face d'elle. « Dis-moi qu'une fille géniale fait ton bonheur et que tout ça existe encore pour de vrai. »

J’entendais un crayon tapoter encore et encore sur un livre, toujours plus rapidement et ce n’était même pas en rythme. Je soufflais tout en passant une main sur mon visage fatigué, remettant un passage ma touffe de cheveux que je n’avais toujours pas faite coupée. Je détestais la bibliothèque ou plutôt non, disons qu’on m’amenait à la détester. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ici, entouré de pas mal de monde, je n’arrivais jamais à me concentrer, je préférais bien mieux m’enfermer dans ma chambre avec une pile de livres à étudier toute une nuit. La bibliothèque de l’université était magnifique, emplie de savoir, seulement les gens qui y traînaient étaient parfois des parasites. Je relevais un instant le regard sur Joan qui semblait concentré… deux secondes uniquement. Je reposais alors mon regard sur mon bouquin en fronçant les sourcils, c’est pour elle que j’étais venue ici, comme toutes les autres fois d’ailleurs. Au moins je me consolais en me disant que le temps perdu à faire semblait d’étudier, je le gagnais en sa compagnie. D’un coup, je la sentais claper son portable et je l’observais poser sa tête sur la table comme une gamine, faut dire qu’elle en avait parfois les airs, mais du moins jamais dans l’excès. Je coinçais mon crayon dans mon bouquin en guise de marque page et fermait celui-ci, le posant devant moi. Je croisais alors mes bras sur la table et venais y nicher mon menton, je la regardais alors en faisant une moue. « Oui… en fait non pas du tout. » Moi et les femmes, quelle drôle de blague. J’étais encore puceau et jamais une femme n’avait voulu de moi. Mes sentiments envers les femmes étaient partagés en ce moment, après tout ce que j’avais vécu avec Milena et Poppy au Spring Break et à bien d’autres moments, je ne savais où donner de la tête.

Tiens maintenant elle se demandait ce que ça ferait si elle laissait tomber peu à peu ses études. La jeune femme pourrait toujours finir femme de ménage dans un motel ou serveuse au McDonald, en tout cas dans leurs pubs, les employés de Ronald ont l'air de dire que c'est pas mal, qu'il y a des bons plans de carrière. Joan n'éprouvait aucun plaisir à étudier. Au lycée, ses bonnes notes c'était pour rendre fiers ses parents, à la fac ça avait été la même chose. Les bonnes notes n'avaient jamais été pour elle, même si c'était son avenir à elle qui se jouait. Bien entendu, la brune aimait ce qu'elle étudiait, elle se voyait déjà dans les laboratoires de la NASA, elle en rêvait, du moins c'est ce qu'elle pensait rêver. Quand elle s'imaginait simple secrétaire ou professeur dans un collège de province, elle ne s'imaginait pas plus malheureuse qu'en menant une vie à cent à l'heure. Peut-être que c'était un peu trop paillettes aux yeux tout ça. Ou alors c'était juste qu'elle vivait très mal sa rupture et qu'elle se persuadait peu à peu que sa vie ne rimait à rien. Ah ben tiens, bizarrement ça lui semblait plutôt logique tout ça. Et ce qui n'arrangeait rien, c'est que Lindley avait tendance à bien aimer se plaindre. C'était plus fort qu'elle, tant qu'elle n'aurait pas trouver le moyen de passer au-dessus de tout ça, elle allait se transformer en sa jumelle maléfique, chiante, bruyante, moralisatrice et relou. Et cette fois-ci, elle avait bien l'intention de ne pas sombrer du côté obscur totalement. La jeune femme rit, pour ça ils s'assortissaient bien, elle se demandait si un jour Haytam allait arriver tout sourire et lui annoncer à quel point sa vie sentimentale était géniale et que Joan allait lui répondre en riant que c'était tout pareil pour elle. Ah la complexité de la race humaine … Attrapant un crayon au brunet, elle se mit à gribouiller sur une feuille, regardant dans le vague avant de relever la tête vers lui. « Finalement on est pas si mal rien qu'entre nous. » Elle soupira avant de secouer la tête, reprenant ses gribouillages. « Je crois que le problème c'est qu'on est jamais deux dans mes couples, il y a toujours un parasite. Je préférerais être le parasite parfois. »

Un seul être vous manque et la terre vous semble dépeuplée. Combien de fois j’avais pu entendre cette phrase et combien de fois j’avais pu grogner en me disant que je la détestais. La seule femme qui avait voulu de moi un jour m’avait avoué avec grâce entre deux rots causés par l’alcool qu’elle désirait mon corps de maigrelet, juste avant elle avait vomi sur mon parquet, et juste après elle s’était endormie comme une princesse sur mon petit lit simple d’étudiant, rien que ça. Le lendemain, son petit copain qui avait cru que nous avions couché ensemble avait défoncé ma porte pour me refaire le portrait, et il ne m’avait pas loupé. J’exagérais, il y avait bel et bien eu une autre femme me portant de l’importance, Dayana. J’avais consacré mes recherches pour sa vie, j’avais sacrifié mon temps précieux pour elle et bien sûr elle me l’avait rendu avec un de ces sourires enjôleurs. Malheureusement alors que notre relation aurait pu s’installer, elle avait fui vers le Canada, me donnant plus aucune nouvelle. Je pourrais également parler de Poppy et de Milena. En fin de compte ma vie de pauvre paumé niveau fille était plutôt tourmenté. Les bras croisés, ma tête sur ceux-ci, je fixais la jeune brune en me mordant intérieurement les lèvres, Joan n’était pas une de mes meilleures amies pour rien, on se ressemblait, même si au fond elle était plus douée que moi. « Mouais, faut voir ça comme ça. » Je soufflais longuement, j’avais tenté de comprendre le motif de sa rupture avec son petit ami, mais je ne comprenais pas forcément tout, moi et l’amour après tout… Tout ce que je savais c’est que ce n’était pas le premier, et certainement pas le dernier. « Hum… être le parasite ce n’est pas forcément bien non plus crois-moi. » Dixit le mec qui est le parasite depuis le début. L’inconnue avec son mec, Dayana et un mec du Canada, Poppy et Phoenix, Milena et Calvin, je continue ? Je me redressais alors tout en faisant craquer mon dos et m’étirais. « De toute façon ça sert à quoi d’être en couple hein ? À par le côté déprimant je veux dire. » Oui j’essayais de remonter notre moral comme je le pouvais…



HJ : Désolé madame pour le retard, mon ordi plante en ce moment

Niveau catastrophe, Joan pouvait au moins se satisfaire de ne pas avoir trop de mal à passer d'une chose à une autre … POUAH la bonne blague. Tout le problème était là, Lindley ne passait pas d'une histoire à une autre, elle ne cessait pas d'être amoureuse quelqu'un pour retomber amoureuse de quelqu'un d'autre, non la jeune femme trouvait nettement plus amusant d'entasser le tout. Elle avait toujours été très paradoxale sur ce plan-là. Elle avait la nostalgie facile, elle avait du mal à se séparer des petites choses qui avaient fait sa vie, pourtant elle avait envie d'avancer, toujours plus loin, elle rêvait d'avoir la facilité de certain à se détacher des gens. Peut-être une énorme point sur lequel les deux amis se retrouvaient. L'incapacité totale à achever ce qu'ils entamaient sur le plan sentimental. C'est sur que si on prend leur réussite scolaire, il n'y avait rien à redire, ils se donnaient les moyens, ils faisaient preuve d'une combativité incroyable. Mais du moment où ils étaient confrontés à de vrais gens, des gens qu'ils aimaient autrement qu'ils s'aimaient entre eux, ils étaient perdus, déboussolés. Oh la Lowell avait aussi la période d'extase totale avant la déception, elle se rappelait de temps en temps de bon des choses pour ne pas déprimer entièrement, mais aussi forte était l'extase, plus dure était la chute n'est-ce pas ? « J'aimerai bien savoir comme font les gens qui réussissent. » Et c'était vrai, elle se demandait si les beaux trucs comme elle avait pu voir chez ses amies, ses amis, si tout ça était atteignable à son niveau. Peut-être cherchait-elle trop le compliqué, pas qu'elle soit faite pour la simplicité, elle n'entretenait jamais des relations normales avec les gens. Ce serait bien trop facile à gérer, elle n'avait pas le droit à ce genre de choses. Elle hocha la tête, se rappelant combien Haytam avait été laissé tombé au profit d'autres alors qu'à ses yeux, le brunet méritait plus qu'aucun autre. « Oui on se suffit à nous-même … Si seulement ! » Et la jeune femme rit avant de secouer la tête. « Tu en es où toi d'ailleurs ? Poppy ? Milena ? »

J’avais toujours été indépendant, quelqu’un refusant de l’aide, encore plus avant d’être amnésique, d’après les dires. Mais disons qu’avec la vie que j’avais eu, j’avais du mal à accorder ma confiance, et j’avais même du mal avec les gens… tout court. Joan était une des seules personnes avec qui je me sentais apaiser. Pourquoi ? Parce que je savais que je pouvais lui faire confiance, parce que je m’entendais bien, et parce qu’il y avait aucune ambiguïté entre nous. Elle était ma meilleure amie, comme une sœur, alors qu’avec les autres personnes… Je ne dis pas que je ne suis pas à l’aise uniquement avec les gens avec qui il pourrait y avoir des sentiments, mais disons que ça complique encore plus la tâche. J’avais toujours été un mec seul, rasant les murs, isolé. L’attention que pouvaient me présenter certaines personnes me mettait automatiquement mal à l’aise… J’avais du mal avec les gens trop démonstratifs par exemple, bien que plus le temps passait, plus je prenais l’habitude de parfois recevoir des étreintes. Bref mes niveaux sentimentaux étaient à revoir, ainsi que mes états d’âme. « Et moi dont… » Je soufflais tout en regardant les gens concentrés autour de nous. Je cherchais des têtes que je connaissais, en vain. Mon souffle se coupait alors que la brune me posait une question, très … pointue. « Je… je n'en sais rien. » Je passais une main dans mes cheveux, je cherchais une réponse un tant soit peu claire à lui donner, ce qui était loin d’être une chose facile. « C’est juste que je ne sais pas comment m’y prendre, je ne suis pas doué avec ça, avec elles. Elles sont sans doute plus heureuses sans moi de toute manière. » Je remettais alors à nouveau mes bras croisés sur ma table et enfouissais ma tête dedans, à ce moment j’aurais voulu disparaitre.

Le jeune homme répondit à Joan, et la brune ne put s'empêcher de ressentir de la tristesse, une pointe d'empathie, elle aurait voulu dire à Haytam que ça allait s'arranger, qu'elles commettaient une erreur et qu'une des deux finiraient bien par revenir et qu'elles verraient quelle chance elles avaient d'avoir retenu l'attention du brunet, hélas elle ne voulait pas mentir. La jeune femme ne connaissait que Milena, et peu, elle ne connaissait Poppy que de ce que le jeune homme lui avait raconté, et c'était bien trop peu pour se faire une véritable opinion sur elle. Lindley avait la version édulcorée, celle donnée par le Dunster alors qu'il avait l'esprit embué par ses sentiments. De plus, la jeune femme n'était certainement pas la mieux placer pour servir de conseillère sentimentale à son ami, miss j'ai quitté mon petit ami pour épouser mon ex. Ils étaient tous deux pas très habitués à gérer avec sagesse leurs affaires de cœur, d'un côté ça faisait leur charme non ? Rester dans leur coin, c'était bien trop facile, parfois Joan aimait se réfugier dans ce côté sombre de sa personnalité. S'enfermer avec ses cours, jouer les asociales un petit moment. C'était tout à fait elle, c'était aussi un peu Haytam. À la différence qu'elle se forçait véritablement à ne pas faire de cette partie de son caractère prendre le dessus sur le reste. Elle se forçait à s'ouvrir. Pas toujours avec réussite et gloire, mais l'important était d'essayé, de ne pas s'enfermer dans sa carapace d'éventuelle handicapée des sentiments. « Tu devrais tourner la page, si elles ne sont pas capables de revenir d'elles-mêmes c'est qu'elles ne valent pas la peine, ou alors je sais pas, une occasion manquée ? Problème de timing peut-être ? » Toujours un train de retard, ils étaient doués pour voir dans le futur dans leurs études et recherches respectives, mais demandez-leur d'appliquer ça à leur vie personnelle, vous verrez le résultat … Catastrophique bien sur, ils avaient besoin d'un coaching et d'urgence.

Pourquoi fallait-il remettre cette conversation sur le tas à chaque fois que l’on se voyait Joan et moi ? Parce que nous étions aussi paumés l’un que l’autre et que les bilans n’étaient pas vraiment concluant à chaque fois que l’on se voyait, rien n’avançait à chaque rencontre. Je n’étais pas doué et visiblement elle non plus, disons que nous étions plus doués pour le travail et le mental que pour tout ce qui s’agissait de sentiments et ces autres conneries. Je soufflais longuement en gardant ma position initiale, écoutant ce qu’elle avait à dire. Abandonner ? C’était mon genre, parfois. J’avais parfois songé à abandonner, mais combien de temps j’avais courus après Poppy, combien de temps j’avais passés à tout faire pour qu’elle se confie à moi, qu’elle sorte de sa transe, j’avais l’impression d’avoir perdu une vie à faire ça, et le pire dans tout ça c’est que je ne regrettais rien, absolument rien. « Le problème c’est que je ne peux pas faire ça, je ne peux pas me passer de Milena et je ne peux pas l’abandonner, on se connaît depuis l’enfance et on a toujours été ensemble. Pour Poppy je sais pas… j’ai l’impression d’avoir fait tout ce que j’ai pu pour la sortir de son enfer, et plus ça va plus j’ai l’impression qu’elle s’amuse à vouloir me perdre, à vouloir tirer un trait sur tout ce qu’on a vécu… » J’avalais ma salive et relevais la tête, plantant mon regard dans le sien. « Je ne te parle pas forcément de… sentiment ou attachement, ce genre de truc, mais elles sont essentielles dans ma vie comme tu l’es. Ces temps-ci j’ai vraiment l’impression que tout s’effondre autour de moi, j’ai l’impression de tout perdre, d’à nouveau ne plus savoir qui je suis. » Je m’énervais intérieurement, j’étais en train de bouillir pendant que mon cœur semblait se jouer de moi en compressant ma poitrine comme s’il voulait tout réduire à néant. « Excuse, je devrais arrêter avec mes conneries. » Soufflais-je plus que dépité.

La jeune femme avait baissé le regard sur les cahiers et livres devant elle. Joan comprenait ce qu'il ressentait, elle avait même l'impression qu'à chaque fois qu'ils parlaient de ce genre de choses, ils pédalaient dans la semoule, en fait la solution à leurs problèmes était toute simple : ils devaient se prendre en main, cesser de se lamenter sur leurs sorts respectifs, elle avait fini par remarquer que les gens qui prenaient leur vie à la légère étaient plus heureux que Haytam et Lindley réunis. Ça devait être un problème d'intello ça, à trop réfléchir, ils broyaient du noir, ils cessaient d'être légers, ils ressassaient sans cesse le passé, ils cherchaient à comprendre, faire un bilan détaillé de ce qu'ils avaient fait et ce qu'ils auraient pu faire. Très bien et le résultat ? Il n'y en avait pas, les deux étudiants se réveillaient toujours trop tard. Combien de fois la jeune femme aurait voulu se débarrasser de certaines personnes de son passé sans y parvenir. Certaines personnes devaient rester, même si ce n'était pas de la façon qu'il voulait, Joan se revoyait elle-même à batailler pour finalement obtempérer et faire de son ex son pote sous prétexte qu'elle préférait se contenter de ça plutôt que de le voir partir de sa vie, son futur mariage avec lui en était aussi un exemple, elle préférait sacrifier sa vie personnelle pour le combler lui. Faire des concessions, toujours et encore pour le confort des autres. « Tu devrais imposer tes propres règles. Essaye de leur en parler, si elles sont accessibles, si tu te sens de le faire … ça a l'air de te mettre dans un état pas possible. Tu peux pas rester comme ça au risque de passer à côté de choses extraordinaires. » Lindley releva à ce moment-là le regard vers le brunet, bien évidemment, Joan n'allait pas aller voir ces filles pour leur parler de tout ça, il n'y avait rien de pire que la meilleure amie relou au milieu d'une histoire compliquée, et ça avait toujours tendance à faire empirer les choses. Elle haussa les épaules, Haytam n'avait pas à s'excuser, Joan lui rabattait les oreilles en permanence avec ses histoires à elle. Elle rangea ses affaires avant de se lever. « On va faire un tour ? Je vais étouffer dans cette bibliothèque. »

J’étais dépité, indécis, perdu alors que ma vie commençait pourtant à reprendre un peu de sens. J’avais l’impression de sans cesse traverser de longs couloirs qui me paraissaient interminables et à chaque fois que je commençais à voir la lumière au bout du tunnel, deux autres couloirs se présentaient devant moi, et je n’avais plus qu’à choisir, comme si c’était facile. J’étais le mec qui restait des heures interminables devant ces deux tunnels à faire les cent pas en attendant de réfléchir, et Joan était comme ça, du moins je le supposais, quoiqu'un peu plus directive. Machinalement je me mâchouillais l’intérieur de la joue et mordrais ma lèvre inférieure, je le faisais parfois même jusqu’au sang, sans forcément me rendre compte de la violence du geste. Je regardais ailleurs, le regard vide, j’écoutais tout simplement ce que ma meilleure amie avait à dire, puis je croisais les bras et passais rapidement une main dans mes cheveux. « Des choses extraordinaires hein ? Comme si j’y avais le droit. Je sais pas, des fois je me dis que je ne suis pas né sous une bonne étoile, que je n’ai pas le droit à un bon karma, enfin ça peut paraître con et j’ai beau dire un tas de connerie je crois que… que tout ça n’est pas pour moi au final et qu’il ne faut pas chercher d’autre raison. » Je faisais alors la moue sans pour autant être dépité ou triste à cause de cette situation, disons que je me sentais juste… prêt, j’avais passé l’étape où je me larmoyais, j’avais accepté cette décision du destin. Je n’allais peut être jamais connaître l’amour ou encore passer une nuit de sexe mémorable mais qu’importe, je m’étais fait une raison. Je me levais au même rythme qu’elle et enfouissais mes livres dans mon sac à dos que je mettais aussitôt sur mon épaule. « Pas de refus, je commence à suffoquer moi aussi. » J’attrapais ensuite ma planche de skate et me dirigeais vers la sortie. Une fois dehors l’air s’emparait de moi tel un torrent ayant tout rasé sur son passage, mais au moins je n’étais plus oppressé par cette ambiance. « Dis-moi à quoi tu penses… » Elle avait l’air dans sa bulle et pour une fois je comptais bien y rentrer, qu’elle m’y fasse de la place ou non.