MATTHEO | Rather hurt than live without

Le feu hurle en moi. J'aimerai me lover contre lui, mais je ne fais que céder à sa main sur mon poignet. Je me glisse à ses côtés au piano. Le regard dans le vague, je ne peux m'empêcher de remarquer nos coudes qui s’effleurent ou de sentir son regard sur moi. J'ai toujours su quand il m'observait comme ça. Comme un dément pourraient dire les gens, mais je m'en fiche : il me protège. Son seul regard me met à l'abri du monde et de la souffrance. L'espace de quelques minutes, j'oublie mes parents et la honte de tout ce que j'ai du faire pour survivre. Je me sens légère, presque optimiste. Puis il se remet à jouer, ses yeux me quittent pour les notes, le froid me rattrape. J'ai mal. Mal de ressentir ce vide, cet abandon à nouveau. Je serre les dents, bouscule un peu son poignet pour qu'il assouplisse son jeu. Mes paupières se ferment, je ravale une larme. C'est trop difficile. "Je suis désolée Mat'..." Je me lève et m'éloigne de lui. Comme un animal blessé. Je ne veux plus dépendre de lui, je ne veux plus le laisser régir mon coeur brisé. J'ai peur. Je l'aime. A en crever. Mais je ne peux simplement pas oublier.

La mélodie se remet à battre la chamade dans le théatre de Harvard, la mélodie du bonheur, non loin de là, elle comme moi nous trouvons au plus bas de notre vie, j'aimerais tellement qu'elle ne s'envole plus tel un oiseau meurtri, mais sa voix culpabilise, elle pars, elle cours, elle s'engouffre de nouveau dans la fuite. Mes doigts gelés cessent de battre le rythme sur les touches du piano, tout se termine sur une fausse note, je meurs de ses pas qui s'éloignent, de ce frisson qui me parcourt à l'idée de l'avoir perdu de nouveau pour l'éternité cette fois ci. Non je ne peux pas la laisser, je peux pas, je veux pas, elle est toute ma vie, ce qui me reste, mon plus beau cadeau ... Je me lève, me lance vers elle, attrapant son poignet avant de déposer mes lèvres sur les siennes, comme un baiser volé, tellement désiré depuis tellement d'années. Je la serre contre moi, je ne veux que cet instant se termine, c'est mon tout, ma vie ...

Je ne peux que fuir, partir. M'éloigner de tout ce qui pourrait me faire mal. Je veux m'enfermer dans un coin sombre et hurler ma frustration et ma peine. Je veux être seule alors que ça ne fera qu'enfoncer le couteau dans la plaie. C'est Matthéo. Etre sans lui, c'est survivre à peine, c'est avancer sans vrai but. Quand je l'ai abandonné, la seule chose qui m'a poussé à continuer, c'était de le haïr. A présent, je n'ai plus rien que cet amour stupide pour lui et cette colère sourde qui me bouffe de l'intérieur. J'ai l'impression de recevoir une décharge électrique quand ses doigts se ferment sur mon poignet. Mon sang se glace, je hoquette de surprise quand ses lèvres se posent sur les miennes. Je le repousse mais je me déteste. Alors je laisse ses bras se refermer sur moi, je m'abandonne contre son torse. Je lui rend son baiser en laissant une main courir dans son cou. Je ferme les yeux, oublieuse du monde. Après tout, j'ai le droit de croire aux comtes de fées juste un instant, juste le temps d'une étreinte. Son parfum n'a presque pas changé et ça me ramène en arrière brutalement. Ma gorge se serre. Qu'est-ce que je fiche là ?

Les yeux fermés je profite de cet instant, nos chairs collées l'une à l'autre, nos souffles qui se mêlent, nos bras qui se lovent, c'est tellement bon de la retrouver même si quand mes yeux s'ouvriront de nouveau je sais que cet instant aura été aussi magique qu'interdit, aussi intense que bref, aussi surréaliste qu'impossible. Nos lèvres se séparent, avant qu'elle rende les armes déposant un nouveau baiser sur mes lèvres, c'est trop dur d'aimer autant, de donner sa vie pour quelqu'un qui n'en veut pas, de donner tout son être pour un petit bout de femme qui ne veut être heureuse. Oui elle me rend taré, c'était impossible de qualifier notre relation, je saignerais pour elle, briserais les barrières, succomberais au pire délices de l'existence, depuis des années je vis pour elle, et là devant moi je veux encore me donner à elle, reprendre notre vie, elle pour moi et moi pour elle, que nous deux, mais non elle a changé, elle refuse, elle fuit, elle va s'enfuir et je serais égoïste de la garder pour moi alors que son bonheur est ailleurs ... tellement je l'aime à en mourir, je vais la laisser partir, je veillerais sur elle à distance, car je ne supporterais pas une seconde qu'elle replonge dans sa vie, ce trou béant qui l'a toujours suivi, non je ne peux m'y résoudre.

Comte de fée... C'est exactement ça. Un instant volé, un acte d'amour. D'amour inconditionnel et interdit. Entre nous, je n'ai jamais cru à une romance, ce serait trop intense, trop destructeur. On se marcherait sur le coeur avec trop de passion. Il me briserait. Et je me laisserai faire avec plaisir parce qu'il n'y a que lui qui en est capable, parce qu'il n'y a que lui que je veux. Mais je veux grandir. Je veux survivre. C'est ce qui me caractérise : la combativité. Mon instinct de survie me hurle de partir, parce que c'est ce que je fais de mieux. Je pose les mains sur son torse et m'écarte de lui, levant les yeux vers les siens. Dans ce regard, j'aimerais lui dire combien je l'aime et que je veux pardonner tout ce qu'on a pu se faire. Mais je sais que ce qu'il y lit, c'est ma résignation. Je renonce à nous. A notre amitié trop fusionnelle, à notre amour trop bancal. Je renonce à ce qu'on a... "Prend soin de toi.." Ma voix veut se briser mais j'ai trop de fierté pour ça. J'aimerai dire adieu mais je ne peux m'y résigner. C'est un au revoir je le sais...

C'est le moment, je le sais mais je redoute tellement tout ce qui pouvoir se passer ensuite, ce que va devenir ma vie, sans elle ... Oui il faut se rendre à l'évidence, elle a refais sa vie, elle fuit encore et toujours, je ne peux la lier à jamais à ma vie, aujourd'hui je vais lui rendre cette innocence, cette liberté qu'elle demande, la libérer de l'intérieur, laisser libre son esprit ... comme si ne nous étions jamais rencontré, ça serait dur, mon coeur allait se déchirer, devenir dur comme la pierre, froid comme un glaçon. Alors qu'elle m'échappe une nouvelle fois, je baisse les armes, caressant un instant sa joue comme pour graver sa peau contre la mienne pour toujours, je la regarde partir et je ne bougerais pas, j'accepterais, fini ! Reste comme tu es Leena ...