C'est vrai. Matthéo m'avait toujours soutenue. Il était apparu dans ma vie au moment où j'en avais besoin, à l'instant précis où toute ma détermination ne suffisait plus à me faire voir un peu d'espoir. Sans lui, je ne m'en serais probablement pas sortie. Il avait remplacé les stimulants : une drogue pour une autre. J'avais toujours tenté de me montrer vaillante et forte devant lui. Évidemment, je ne voulais pas d'autre aide que sa seule présence. Et l'avoir à mes côtés avaient chassés les sombres nuages qui me menaçait. Néanmoins, j'avais du mal à savoir : m’avait-il soutenue pour moi ou pour tirer profit de la situation ? Avec le recul, je trouvais de plus en plus stupide les rumeurs de son désir pour moi. Il n'avait jamais eu de geste déplacé. Mais aujourd'hui, ses mots, sa voix, ses regards me semblaient trop intenses pour être ceux de l'ami que j'avais connu. Je me figeais. «
Et toi le roi des flatteurs ». Avant, j'aurais plutôt dit qu'il savait toujours trouver les mots pour me mettre en avant. Aujourd'hui, je ne savais plus.
Je crispais les doigts sur le rebord du tabouret quand il se glissa à mes côtés. Je me souvins des mille fois où j'avais posé ma tête sur son épaule pour laisser couler les larmes alors qu'il posait maladroitement ses mains sur les touche. Je donnerais tout pour obtenir une seule seconde de ce contact. Je fermais les paupières : son parfum, cette mélodie, sa présence si rassurante,... Si seulement c'était possible. Je laissais ma tête s'incliner, je rêvais de me lover dans ses bras. Puis je me souvins du regard des gens et des moqueries. Que voyait-il en moi ? Pourquoi moi plus qu'une autre ? La réponse me revint entourée de rire : "T'es baisable et vulnérable". Je me levais brusquement pour mettre le piano entre nous. Dans ma tête, les désirs luttaient : le toucher, le frapper, répondre, garder le silence, m'abandonner dans son étreinte ou laisser sortir ma colère.
Et pourtant, je lui avais manqué. Je voulais y croire, je voulais laisser ses mots m'envelopper. Personne ne me connaissait aussi bien. Et par le passé, j'avais été si sûre de le connaitre. Son regard enjôleur quand je faisais de la résistance, ses sourcils froncés quand il apprenait une mélodie au piano, ses lèvres pincées quand je mentais, son visage serein quand il s'endormait dans mon appartement miteux, un bras autour de ma taille et ma tête sur son torse. «
Comment je pourrais manquer à un inconnu ? » Une larme coula sur ma joue mais je m'encourageais mentalement à rester forte. Je redressais le menton, plantant mon regard dans le sien. Je ne pouvais défaillir. «
Tu me connais trop bien pour ne pas savoir que tu m'as fait trop de mal pour revenir en arrière » Je me mordais la joue aussi fort que possible pour oublier que malgré la véracité de mes mots, je voulais ma dose d'héroïne : je voulais la chaleur de son corps contre le mien, pour briser le froid dans ma poitrine. Et plus que tout, moi aussi je voulais lui dire combien il m'avait manqué.
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