(+ Priape) So cold and so sweet

Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait envoyé ces messages à Priape. En bonne masochiste, elle aimait sans doute se complaire dans son flou relationnel, mais quelque part, elle se devait redevable envers le Dunster, et surtout il était une des rares personnes à la connaître un tant soit peu finalement, et à ne pas lui en vouloir puisqu'ils étaient rivaux. La Rousse avait donc donné rendez-vous à son martyre favori à l'escale de Porto-Rico. Quelques échanges de mots supplémentaires avaient fait savoir au Grec qu'elle l'attendait à la terrasse d'un bar. Ses lunettes de soleil sur le nez, elle avait opté pour un petit short en jean et un haut de maillot de bain, ses cheveux nonchalamment lâchés sur ses épaules. Un look qui contrastait sans doute avec ses habitudes, mais le Summer Camp appelait à se libérer des carcans habituels. Elle regardait la foule de touristes et d'étudiants, passive, lorsqu'elle reconnut la silhouette du Dunster. Elle agita sa main en sa direction pour lui signifier silencieusement sa présence, et attendit qu'il s'installe à ses côtés. « Ah Priape Zacharias, c'est que ça me fait presque plaisir de te voir ici. » ironise-t-elle en souriant pourtant très franchement. « Tu passes un bon Summer Camp? » lui demande-t-elle en relevant ses lunettes sur sa chevelure par politesse. « Allez, je te le dois bien ce verre, tu prendras quoi? » Parce que elle ne va pas non plus le remercier pendant un quart d'heure, mais il la connaît et il sait déjà que c'est énorme pour elle.

Bizarrement, l’idée que Zoïa puisse rater ses exams et ne plus être dans la même promo, après toutes ces années passées à entretenir cette rivalité entre nous, cela m’avait quelque peu effrayé. Elle venait juste de réapparaitre et savoir que je risquais de nouveau de perdre ma binôme pour l’année suivante n’avait rien de rassurant. Alors forcément, lorsque je reçus de ses nouvelles pour m’annoncer sa réussite au rattrapage, je ne pus m’empêcher de sourire… Et de lui réclamer un verre ! Après tout, j’avais indirectement participé à son succès puisque je lui avais confié mes notes personnelles, Zoïa ayant été absente durant tout un semestre. Profitant de ce prétexte et de l’escale à Porto Rico pour me faire inviter par la jeune femme, je la repérai vite assise en terrasse en tenue de plage. Le soleil se reflétant avec éclat dans sa chevelure rousse, elle en était presque méconnaissable. Mais j’imagine que me voir arriver en bermuda, T shirt décontracté et tongs devait probablement lui faire le même effet pour moi. Nous étions plus habitués à nous fréquenter vêtus de nos blouses blanches… C’est avec un signe de main et grand sourire qu’elle m’invita ensuite à la rejoindre. Alors que je m’installai à côté d’elle, j’eus la surprise d’entendre mon nom associé à mon prénom s’échapper de sa bouche. Un fait rare. « Si j'avais su qu'il fallait que je te prête mes notes pour avoir le droit à un tel accueil et pour que tu enregistres mon prénom, je me serais surement lancé plus tôt… » ironisai-je à mon tour avant de répondre à sa question : « Pour l’instant tout va bien... Mais j’ai pas encore entendu l’annonce que tu me réserves donc ça va pas peut être pas durer… » plaisantai-je. « Et toi, comment tu vas ? » lui demandai-je à mon tour. J’imaginais combien elle devait être soulagée d’avoir réussi in extremis ses partiels… « Et ce sera un punch pour moi, je te remercie ». Autant faire honneur aux pirates que nous étions censés être cet été et se plier à leurs habitudes en optant pour un cocktail au rhum.

C'était dingue à penser, enfin pour Zoïa, et encore plus fou à dire, mais il y avait quelque chose de réconfortant à retrouver ainsi le visage familier de Priape. Il était un peu la constance dans son chaos, la personne toujours présente, de loin, mais bien là et qui se pliait finalement avec bienveillance au caractère tempétueux de la Rousse. D'ailleurs son accueil l'amusa au plus haut point et c'est bien entendu sciemment que la Demoiselle avait utilisé son nom complet. Elle lui faisait la faveur de grimper dans les échelons de sa considération et donc puisqu'elle est une personne honnête et franche, de son affection. « Oh mais si il n'y a que ça pour te faire plaisir Priape. » Un sourire moqueur dévoile ses dents. Cela sonne tellement bizarre dans sa bouche, les habitudes ont la vie dure. « Enfin, je ne voudrais pas que tu t'évanouisses de surprise non plus, on n'est pas censés bosser. » Le voilà qui prend place à côté d'elle, et la Fière se sent presque moins seule. Presque.  « Oh mais c'est que tu veux tout savoir de suite curieux. » Elle ne se sépare pas de son humeur taquine, elle brûle de voir la tête du Dunster quand elle va lui annoncer qu'elle sera bientôt jaune à son tour également. « Disons que ça peut aller. » confie-t-elle avec honnêteté, son retour s'effectue en demi-teinte et c'est de sa faute, parfaitement. A agir comme une lâche, le boomerang vous revient en pleine tronche quand on retrouve un semblant de courage pour affronter les lambeaux de son existence. « Mais je suis au moins soulagée d'avoir mon année. » Parce que c'était pas gagné et l'aide du Grec a été précieuse, mais ça lui fait encore quelque chose de le reconnaître. Elle appelle le serveur. « Deux punchs s'il vous-plaît.» Celui-ci apporte bientôt les verres et la jeune femme les scrute avec intérêt. « C'est quoi ce truc? Un alcool de bas-fond pour les étudiants populaires ou quoi? » Oui Zoïa n'a jamais bu de punch, et parfois elle est perchée sur son nuage doré. Mais bon Priape la connaissait suffisamment pour prendre la chose avec humour. Sûrement.

Je sentis un côté narquois dans sa phrase, surtout qu’elle utilisa pour la seconde fois mon prénom. « N’insiste pas trop, ça perd de son naturel sinon… » lui conseillai-je avec un sourire amusé. J’évoquais ensuite l’annonce dont elle m’avait parlé dans nos échanges de sms, et une nouvelle fois ses propos ne firent qu’accentuer ma curiosité. « M’évanouir carrément ? C’est à ce point ? Une chance que je sois avec une future 6ème année de médecine alors… » ajoutai-je en souriant. « Et te plains pas, une petite réa sur ma personne ça te ferait un peu de révisions avant la rentrée… » la taquinai-je, conscient que le fait qu’elle ait échappé in extremis au redoublement sera mon arme officielle contre elle pour l’année suivante. Je retrouvais néanmoins mon sérieux en entendant son faible –ça peut aller-. Autant j’aimais charrier Zoïa quand elle montrait ses griffes, autant ne pas la savoir au meilleur de sa forme avait tendance à m’adoucir et à me faire agiter le drapeau blanc. Elle commanda nos boissons ensuite et me questionna en scrutant son verre : « Me dis pas que t’as jamais bu de punch ? » m’étonnai-je en riant. « Ca ma grande, c’est l’un des cocktails les plus populaires aux Caraïbes.» expliquai-je alors à mon interlocutrice comme un professeur à son élève. «Ca, le Daïquiri et la pina colada… Je crois que c’est les trois incontournables auxquelles il faut absolument que tu goûtes… Ha je te jure, les Eliots, vous voulez jouer aux pirates mais à part le champagne vous n’y connaissez pas grand chose. Toute une éducation à refaire… » Et en voyant son expression dubitative devant son verre, j’ajoutai : «Goûte donc, c’est exactement ce qu’il te faut pour passer du –ça peut aller- à –je suis en pleine forme-» Je brandis mon verre vers le sien pour trinquer avant de l’amener à mes lèvres pour tester moi même le coktail fruité. «Qu’est-ce qui ne va pas au fait ? » demandai-je ensuite avec plus de sérieux, après avoir reposé mon punch devant moi, oubliant un instant mon impatience de connaitre la nouvelle qu'elle me réservait.

Effectivement, l'appeler par son prénom n'était pas une habitude et en user trop fréquemment faisait perdre de son charme à l'usage quelque peu exceptionnel. « T'as raison. » balaya-t-elle d'un revers de main, avant de marteler la chair de sa lèvre inférieure de ses dents. «  Ça aussi, c'est une habitude que je ne vais pas devoir prendre. » avoua-t-elle concernant la reconnaissance du bon sens de son rival. Non mais c'est qu'elle devenait presque docile, c'était flippant. Mais c'était sans compter sur Priape. Quand elle baissait la garde, il était là pour rappeler la nature de leur relation. « Attends l'année prochaine, je vais te foutre une raclée. J'espère que tu as bien profité de ta gloire Zacharias, parce que c'était la dernière. » Ses prunelles océanes toisèrent le grec à la fois avec défi et complicité. Qu'il ne s'endorme pas sur ses lauriers, Zozo is back. Et si il fallait, elle userait de moyens bas pour y parvenir, comme l'empêcher de pioncer dans sa chambre Dunster en mettant sa musique à fond, oh oui, elle avait des plans dans sa poche la Machiavélique. L'arrivée de leurs boissons la laissa dubitative. Du punch? Non elle n'avait jamais bu de ce truc, c'était comment dire? Cheap! Mais bon fallait bien se plier à l'ambiance du Summer Camp, alors elle écouta attentivement Priape. « Moi je dis qu'il va falloir qu'on teste les trois, mais on va finir bourrés. » avoua-t-elle en haussant les épaules avant d'adopter une mimique canaille. « Ce ne sera pas la première fois ceci-dit. » C'est que lors du nouvel an, ils avaient tous les deux été dans un drôle d'état. Zacharias restait cependant Zacharias, le bon petit Zacharias et il lui demanda ce qui n'allait pas. « T'es doué pour faire parler les gens toi, non? Tu préfères faire parler les autres plutôt que parler de toi, n'est-ce pas? Ceci dit, t'as meilleure mine que la dernière fois. Ça doit aider de bronzer, c'est pas mon cas. » dit-elle pour tenter d'éluder la question. Mais finalement, elle allait lui dire ce qu'il y avait, ou du moins lui donner une idée. Elle soupira. « Disons que certaines personnes n'ont pas apprécié mon départ en catimini, et que se refaire une place est compliqué finalement. » Peu de personnes comptaient à ses yeux, mais ce peu de personnes hormis Isaline lui tournaient le dos, et c'était parfaitement compréhensible. « A ta raclée de l'année prochaine! » enchaîna-t-elle en levant son verre pour le trinquer contre le sien tout en lui faisant un clin d'oeil et en avalant une gorgée du punch. « Bordel c'est bon! » s'étonna-t-elle avant d'en reprendre pour la route.

Oh que ça faisait du bien : entendre ce –tu as raison- s’échapper des lèvres de Zoïa, c’était si doux pour mes tympans… Ca plus le fait de la voir utiliser mon prénom, c’était qu’elle avait changé la jeune femme pendant son petit séjour à l’étranger. Je ne m’étais pas attendu à une évolution aussi fracassante de notre relation en dent de scie, même si récolter ainsi le respect de mon interlocutrice avait tendance à gonfler un peu mon égo. D’ailleurs, un large sourire étira mes lèvres, puis elle rendossa vite son costume d’éternelle rivale, en réaction à la petite pique que je lui envoyais sur son besoin de réviser durant l’été. Trop de douceurs et de politesses entre nous ça aurait été étrange. « J’ai hâte de voir ça. » répondis-je avec un sourire amusé. Zoïa était unique, irremplaçable, alors aucun autre étudiant n’aurait pu reprendre sa place à mes côtés si elle avait du malheureusement redoubler. J’étais donc sincère, soulagé de ne pas perdre ma binôme, de pouvoir poursuivre encore un peu cette petite compétition qui s’était instaurée entre nous. L’arrivée de nos boissons dévia la conversation sur un tout autre sujet : l’éducation de la jeune femme en matière de picole était vraiment à refaire. « Challenge accepted ! » répondis-je aussitôt après qu’elle ait proposé de tester les trois cocktails incontournables des caraïbes, aucunement effrayé par cette idée. Après tout c’était le summer camp, c’était le moment d’en profiter et effectivement ce ne serait pas la première fois que l’on se retrouverait alcoolisés ensemble. Je gardais un plutôt bon souvenir de notre étrange tête à tête au nouvel an. Rebondissant ensuite sur son petit moral, j’essayais d’en savoir plus sur ce qui la tracassait. « Oui, c’est ça le secret. Le soleil. » répondis-je en riant. Ca et une bonne discussion avec son ex pour mettre un point final à une histoire bien compliquée, voilà comment repartir sur de bonnes bases pour un été parfait. Zoïa m’expliqua ensuite les raisons de ses soucis : son départ soudain pendant plusieurs mois n’avaient pas laissé ses amis indifférents. Je repensais alors à la colocataire de la jeune femme avec qui j’avais discuté rapidement lors du bal, et à sa rancœur concernant la disparition de la Rousse. « Tu parles de Maxym c’est ça ? » demandai-je alors. Puis Zoïa leva son verre, portant un toast à la raclée qu’elle me réservait l’année suivante et je la corrigeai : « Ou à la tienne, ne parle pas trop vite. » Puis j’éclatai de rire en l’entendant s’exclamer combien le cocktail lui plaisait après en avoir pris une gorgée. « Bah alors, on fait des infidélités au champagne ? Ils risquent de pas de reconnaître à la Eliot à la rentrée ! » me moquai-je.

Un sourire narquois se peignit sur ses lèvres ironiques. A taquiner de la sorte Priape, elle était dans son élément. Parfois, les joies de la vie étaient simples. Autant que de retrouver un vieil ennemi. Le Dunster et la Rousse ne partageaient pas grand chose en apparence. Quiconque croiserait les deux personnages vous dirait qu'ils sont à l'exact opposé. Pourtant, il était curieux d'observer la singulière alchimie qui opérait entre les deux et plus particulièrement lorsqu'il s'agissait d'alcool. L'un apportait la lumière au côté sombre, et l'autre un peu de relief à une luminosité peut-être trop franche. Comme à son habitude, Priape ne s'étalait pas sur sa vie personnelle, finalement ils partageaient tous deux le goût du secret. Et lorsque le Grec mit sur le tapis le sujet de son ancienne colocataire, Zoïa écarquilla un peu trop fort les yeux. Elle reposa son verre. « Toi, tu commences à en savoir trop sur moi. » déclama-t-elle d'une voix tout à fait posée. Ses yeux célestes se relèvent sur le visage du Grec. « Il va falloir que je fasse quelque chose de toi, tu deviens gênant. » Elle gardait son aplomb, les mots étaient vrais, mais elle préférait en plaisanter. A froid, comme elle en avait l'habitude. Reprenant son verre, elle désaltéra son gosier quelque peu gêné. « Oui je parle d'elle... entre autre. » Elle hausse les épaules, fataliste. Son Eliot d'amie partage sans doute le même goût de l'orgueil et là où la similitude les unit, elle la sépare aussi parfois. « Si encore il n'y avait qu'elle, mais ce n'est pas le cas. » Non, Joshua également, et celui-ci s'est trouvé une fabuleuse petite-amie en son absence, tout l'opposé d'elle. Et le pire c'est que c'est sans aucun sarcasme que la Rousse pense aux qualités de Joan. Elle lui apporte bien plus qu'elle ne peut le faire, et qu'adviendrait-il d'elle à présent? Sans doute un prénom de plus à rayer dans sa liste de blessures à tenter d'oublier. La dernière remarque de Priape concernant la Eliot House lui détourna cependant l'attention et la prêta à sourire à nouveau. Le moment était parfait. « Sans doute, mais je ne retourne pas à la Eliot à la rentrée. » Elle hausse les sourcils et regarde tout à coup Priape avec un sourire mutin et qui va le pousser à l'interroger davantage. Elle le sait, la curiosité, c'est son péché mignon.

Je ne pus masquer un sourire amusé en voyant la surprise apparaître sur le visage de mon interlocutrice après l’évocation de Maxym. Cela faisait presqu’un an désormais que je connaissais la brune mais je n’avais découvert que récemment, lors du bal, que mon aimant à catastrophe préféré n’était autre que la colocataire, ou plutôt ancienne colocataire de ma rivale… Le monde était décidément petit. « Peut être qu’un jour je réussirais à lever complètement le voile sur le mystère Zoïa… » répondis-je avec amusement à la jeune femme ravi de la voir un peu décontenancée que j'en sache autant sur elle. « Et figure toi qu’en réalité ça fait un petit moment que je connais ton "dressing sur pâte", j’ignorais juste qui elle était pour toi. » A vrai dire, depuis que je l’avais appris, cela me semblait presque évident. Les deux étudiantes avaient de nombreuses similitudes dans leur caractère et le dicton disait bien qui se ressemble, s’assemble. Ce n’était pas difficile de les imaginer cohabitant toutes les deux. Je fus néanmoins désolé d’apprendre que leur bonne entente était mise à rude épreuve et que Maxym n’était pas la seule à en vouloir à Zoïa pour son départ précipité et inexpliqué. « Je suis sûr que ça s’arrangera… Faut leur laisser le temps. » tentai-je alors de la rassurer quant à la rancœur de ses amis. L’eliot goûta ensuite le punch et son adhésion au cocktail m’amusa, je me permis même une petite réflexion par rapport au champagne et au fait que sa confrérie risquait de ne pas la reconnaître à la rentrée. La réponse qu’elle me fit me laissa un instant sans voix : Zoïa ne retournait pas à la EH en septembre, et sans penser à un changement de fraternité, je me mis aussitôt à craindre une nouvelle fugue de ma binôme. Elle n’était quand même pas en train de m’annoncer qu’elle s’en allait ? Alors même que je me réjouissais de son retour, que je la rassurais sur le fait que ses amis lui pardonneraient prochainement… « J’espère que t’es pas en train de me dire que tu te barres encore à l’autre bout du monde ? » demandai-je sur un ton un peu irrité. « Non parce que t’as été repêchée in extremis une fois, et grâce à mes précieuses notes, mais ça marchera pas à tous les coups. » Je ne me lassais pas de lui rappeler ce petit détail… Mais dans le fond, c’était plutôt de la voir s’échapper une nouvelle fois qui me taraudait.

Priape avait visé juste en évoquant Maxym et il avait réussi à la désarçonner, c'était suffisamment rare pour le souligner. Ses prunelles d'acier semblaient laisser place à davantage d'eau tandis que le Dunster profitait de son éphémère victoire, ce qui arracha un sourire en demi-teinte à l'Altière. « Rêve, je reste un mystère même pour ma propre personne. » Ses dents mordillèrent légèrement sa lèvre tandis qu'elle souriait davantage. C'était vrai, Zoïa était femme de pulsions et elle ne les comprenait pas toujours, elle se contentait d'y obéir en général. « Vraiment? » répliqua-t-elle en haussant un de ses sourcils. Il était étonnant que Max côtoie une personne comme Priape mais nul doute que le duo devait faire des étincelles. En tout cas, le Grec la consolait et sa faiblesse lui permettait de ne pas réaliser vraiment l'absurdité de la situation. Il y a tout de même quelque chose de pathétique à entendre les mots réellement rassurants de la bouche de son pire ennemi. [color=#df5f8e]« Le temps, il n'y aura que ça oui. » admit-elle fataliste. Elle ferait mieux de faire profil bas pendant quelques temps et d'attendre que la rancœur se fasse moins tenace. Sa dernière révélation fit en tous les cas réagir Priape, et sa réaction la surprit quelque peu. Ils étaient liés bien plus qu'ils ne pouvaient y songer. « Aurais-tu peur que je te quitte à nouveau? » déclara-t-elle en riant doucement.« T'aimes vraiment qu'on te maltraite toi non? » Elle but une nouvelle gorgée de son cocktail douteux mais bon. Elle jouait la carte moqueuse mais elle était en fait touchée qu'une âme s'inquiète de son sort. Et surtout celle-ci pour être honnête. Plutôt crever sur place que de l'avouer. « Mais non, tu n'auras pas le plaisir de profiter de mon absence, je change simplement de confrérie l'année prochaine. » lui rétorqua-t-elle doucement de sa voix douce. Non, elle ne vendrait pas la mèche de suite, le faire languir, c'était tellement bon.

La réponse de la rousse n’eut qu’un seul effet sur moi : accentuer le sourire amusé qui ornait mes lèvres. C’était peut être un rêve, un challenge insurmontable mais j’aimais les défis et j'avais bien envie de tacher de le relever. Il me semblait déjà que depuis quelques temps, j’avais découvert des facettes cachées de la personnalité de la jeune femme et je comptais bien poursuivre sur cette voie. L’information selon laquelle j’avais fait la connaissance de sa colocataire depuis déjà un petit moment sembla encore plus étonner la jeune femme. « Enfin, je suis quasiment sûr que je ne fais pas parti de son top 10 des personnes qu’elle préfère croiser à Cambridge. » précisai-je en me remémorant les rencontres plutôt chaotiques qui m’avait réuni avec la brune. « C’est même très certainement le contraire… » Les crises d’hystérie de l’Eliot lors de notre huis clos dans un placard ou encore lors de la panne d’ascenseur avaient plutôt marqué ma mémoire. « Enfin ça vous fera surement un point commun… » ajoutai-je alors, bien qu’au final ma relation avec la rousse soit devenu nettement moins conflictuelle ces derniers temps. Je venais même d’essayer de la réconforter quant à l’attitude de ses proches amis. Ils lui en voulaient et s’appliquaient à le lui faire ressentir, mais avec le temps leur rancœur s’estomperait, j’en étais persuadé. Mais les paroles suivantes de mon interlocutrice avait fait surgir une crainte : celle de la voir fuir de nouveau. Après tout, si la situation avec ses amis de dégradait, cela ne me paraissait pas illogique de l’imaginer s’échapper une nouvelle fois de l’ambiance tendue d’Harvard. Mon appréhension, que je tentais néanmoins de masquer par une nouvelle référence à son repêchage aux rattrapages, ne lui échappa pas malgré tout. Elle sembla s’en amuser. J’haussai les épaules, levant les yeux au ciel : « Je dois être un peu masochiste, qu’est-ce que tu veux… » admis-je avec une nuance d’humour, parce que oui, au fond de moi même et même si je le reconnaissais pas clairement, la présence de la jeune femme à mes côtés m’avait manqué et je souhaitais pas la voir s’absenter de nouveau. C’est alors qu’elle m’annonça ce que je n’avais pas envisagé : elle ne serait plus à la Eliot tout simplement parce qu’elle changeait de confrérie. Une expression surprise éclaira mon visage alors qu’intérieurement mes méninges commençaient déjà à fonctionner à plein régime : les mathers étaient automatiquement rayés de la liste, un tel revirement de situation était difficilement envisageable, même pour une personnalité aussi complexe que celle de Zoïa. Les lowells étaient un peu trop excentriques et farfelus pour une jeune femme aussi terre à terre qu’elle. Je ne la voyais définitivement pas intégrer la Cabot House… Il restait bien la Quincy. « Je croyais que c’était pas ton truc les fleurs dans les cheveux et les ballades romantiques autour d'un feu ? » m’étonnai-je en reprenant ses propres paroles lorsque j’avais évoqué une potentielle adhésion de la jeune femme au club humanitaire. Oui, j'oubliais bizarrement d'envisager la dunster comme une possibilité, peut être parce que je connaissais depuis des années l'avis stéréotypé de ma rivale sur les jaunes, les "têtes d'ampoule du campus"...