"And I will try to fix you." |Billian|

« Tu crois vraiment que me retrouver seule au fin fond de la cambrousse c'est ce qu'il y a de plus rassurant pour moi en ce moment ? » avais-je dit à Julian en le suivant tandis qu'il faisait ma valise, dans une ultime tentative de chasser cette idée de semaine dans le Vermont de sa tête. Je n'avais vraiment pas envie de m'éloigner de Cambridge ces derniers temps. Enfin Cambridge à la limite, je m'en foutais. C'était de mon lit que je ne voulais pas m'éloigner ; car j'étais encore une enfant au fond de moi et j'étais persuadée que ma couverture me protégerait de tous les dangers extérieurs. L'agression datait d'une dizaine de jours ; dix jours pendant lesquels je n'avais presque pas dormi ni mangé et pendant lesquels je n'avais certainement pas mis le nez dehors. Je ne faisais rien ; je restais allongée sur mon lit avec Junkee. Je n'avais même pas osé allumer la télévision, je savais que l'affaire aurait déjà fait le tour des médias. La seule chose positive dans cette histoire était que la mort d'Hannigan avait été classée sous légitime défense et donc Roxanna et moi-même étions hors de danger l'une comme l'autre. Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir peur. Qu'est-ce qui me prouvait qu'il avait agi seul ? Qu'il n'avait pas de complices qui ne tarderaient pas à venir le venger ?! Rien.

Mes blessures commençaient à guérir, du moins pour les plus bénignes. L'hématome sur ma tempe avait presque disparu. L'éraflure sur ma joue, l'entaille sur mon tibia et celle sur ma main commençaient à se refermer et former de vilaines cicatrices. La seule chose qui persistait encore était ma côte fêlée qui me faisait souffrir quand je levais le bras gauche.

Julian avait continué à faire mes valises sans se préoccuper de mes jérémiades et à peine une heure plus tard, nous étions sur la route en direction du Vermont. J'avais dormi sur la plupart du trajet, mon manque de sommeil m'assommant dès que j'avais touché le cuir du fauteuil. Je m'étais réveillée une vingtaine de minutes avant que nous n'arrivions. Nous montions un peu dans les hauteurs et Julian finit par se garer devant un chalet. Le moteur stoppa tout bruit et je tournai mon regard vers le brun avec un sourire timide. Puis je sortis de l'habitacle tout en enfilant un gilet. Il était près de vingt heures et la fraîcheur s'installait. Le soleil était bas dans le ciel azuré mais on pouvait toujours l'apercevoir au-dessus des collines. Je regardai longtemps autour de moi, sentant Junkee passer à vive allure près de mes jambes et s'enfuir en courant vers une clairière. Je l'observai avec un sourire ; je savais qu'il était inutile de le rappeler, il ne s'éloignait jamais trop loin de nous et revenait toujours rapidement. Il avait besoin de se dégourdir les pattes. Il fallait dire que je n'avais pas été la maîtresse idéale ces derniers jours puisque je ne le sortais jamais. Je croisais mes bras sur ma poitrine pour me réchauffer et sentis la présence de Julian juste derrière moi. « J'espère juste qu'il y a de bons verrous dans ce chalet .. » murmurai-je ; c'était la seule chose qui me traversait l'esprit pour le moment.

Un sourire encourageant ponctua les derniers mots qu'il prononça tandis qu'il libérait la main de Billie pour mettre le contact et quitter le parking privé de leur nouvelle maison. Pendant une semaine, Junkee et lui seraient aux petits soins pour Billie, c'était le plus important. A peine avaient-ils dépassé la maison que la jeune femme s'endormait, et ce pour la totalité du voyage. Ou presque. Le break avala les kilomètres qui séparaient le trio de leur destination et Julian le gara devant l'entrée d'un chalet.
L'endroit était aussi plaisant que sur les photos qu'il avait regardé. Planté aux abords d'une clairière, sur le flanc d'une montagne, il était entouré par des collines et un ruisseau. Le jeune brun coupa le moteur et tourna la tête vers Billie qui lui adressa un sourire timide en réponse au sien qui était plus enthousiaste d'être enfin arrivé.
Julian descendit et la première chose qu'il fit fut de libérer le fauve qui commençait à sérieusement s'impatienter à l'arrière de la voiture. Aussitôt, Junkee fila comme une flèche en aboyant joyeusement et en se défoulant autant qu'il le voulait.

Julian récupéra les premiers bagages et rejoignit Billie en éclatant de rire en voyant son chien faire l'idiot. L'air devenait de plus en plus frais et un frisson parcourut son dos quand une petite brise souffla. « J'espère juste qu'il y a de bons verrous dans ce chalet .. », murmura Billie pendant que son meilleur ami posait les valises à côté d'eux pour la prendre dans ses bras et l'étreindre doucement comme sa côte la faisait encore souffrir. « J'ai dressé quelques ours, ils te serviront de gardes du corps... , répondit le brun d'une voix sérieuse avant de poser ses lèvres sur les cheveux de Billie et de rajouter d'un ton plus léger, ca va aller Billie, tu es ici pour te reposer, il ne t'arrivera rien, vraiment. Allez, viens te mettre au chaud.»
L'Eliot attrapa un sac et entrelaça ses doigts avec ceux de sa meilleure amie pour grimper les 3 marches du perron avant de la relâcher pour ouvrir la porte d'entrée.

Ils débarquèrent dans un tout autre univers. L'intérieur ressemblait à une maison de bûcheron avec les rondins de bois qui servaient de murs. La cuisine donnait sur le salon dans lequel trônait une cheminée. Julian laissa Billie continuer la visite des deux chambres et des deux salles de bains ainsi que de la terrasse située à l'arrière du chalet depuis laquelle on voyait la montagne qui se dressait fièrement. Le jeune homme fit deux allers-retours pour ramener tous leurs bagages à l'intérieur avant de siffler pour que Junkee rentre à son tour.
Il retrouva Billie et la regarda avec tendresse. Ils seraient bien dans ce coin,il n'y avait aucun doute.

L'air était frais mais c'était à peine si je frissonnais. J'avais l'impression que toute chaleur avait quitté mon corps en même temps que les émotions positives que j'éprouvais habituellement. Le geste de resserrer mes bras autour de moi était un simple réflexe quant au vent qui s'était levé. Julian serra doucement ses bras autour de mon corps et j'appuyai mon dos contre son torse, appuyant le côté de ma tête contre la sienne. Il fit un commentaire sûrement visé à détendre l'atmosphère mais je ne trouvais même pas en moi la force de rire. À la place, je me serrai un peu plus contre lui et soupirai longuement. J'étais tendue et même le contact avec mon meilleur ami ne réussissait plus à me relaxer ; la peur était constante en moi et j'allais finir par me faire des abdos en béton si je continuais à rester crispée comme ça. Une brise s'immisça dans mes longs cheveux châtains et les souleva avec douceur tandis que Julian entrelaçait nos doigts pour nous emmener dans le chalet. J'observai longuement l'intérieur modeste et cosy, posant mes yeux sur les moindres détails de la pièce en effectuant un trois cent soixante. J'entendis la porte se refermer et automatiquement, je resserrai mes bras autour de mon corps ; ça me donnait vaguement l'impression de former une barrière de protection même si c'était illusoire.

Détachant finalement mes bras de mon corps, je me dirigeai vers la cheminée qui était entourée d'un canapé et de deux poufs. Je m'agenouillai et attrapai un tas de brindilles que je disposai au centre puis trois bûches fines par-dessus. Je farfouillai dans la poche de mon gilet et en extirpai mon briquet. Après avoir soufflé quelques fois sur les brindilles, je me rassis sur mes talons et regardai le feu prendre assez rapidement. Mon regard fut happé par les flammes et je me laissai hypnotiser par le ballet qu'elles effectuaient. Au bout d'un moment, je soupirai et baissai mon regard sur mes cuisses. Ce fut uniquement à ce moment-là que je remarquai que Julian était en train de m'observer. Je tournai la tête vers lui et le fixai pendant un long moment avant de finalement réussir à défiger mon visage et lui offrir un sourire. Je notai avec stupéfaction la présence de Junkee, assis à quelques centimètres de mon visage ; comment avais-je fait pour ne pas le remarquer plus tôt ? Je le grattai entre les oreilles et embrassai son museau tout en me relevant. « C'est sympa ici. » offris-je avec hésitation à mon meilleur ami. Je regardai une nouvelle fois autour de moi puis m'approchai de lui. « Ceci dit j'aime pas les ours, alors si j'en vois un je risque de faire une crise cardiaque. » J'essayais comme je le pouvais de me détendre mais c'était une tâche plus qu'ardue. Je restai plantée face à l'Eliot et sentis mon estomac faire des vrilles. Il était peut-être temps, après toutes ces années, que je lui parle de mon passé. Je soupirai et passai mes bras autour de lui, l'enlaçant et le serrant contre moi. « Je suis désolée. Pour .. la semaine dernière. Je voulais pas te faire peur mais j'avais perdu mon portable et je ne me sentais pas le courage de parler à qui que ce soit .. Pardon .. » Il était plus facile pour moi de dire ce genre de choses avec mon visage enfoui dans son épaule. J'avais toujours eu du mal à supporter le regard des gens dans mes moments de vulnérabilité.

Le temps qu'elle s'aperçoive de leur présence, Julian s'était débarrassé de son manteau et s'était appuyé contre le mur avec son épaule, les bras croisant les bras sur son torse tandis que Junkee se rapprochait du feu pour s'asseoir à côté de Billie, curieux de savoir ce que c'était comme à New-York ils n'avaient pas de cheminée. Leur chien n'avait plus rien à voir avec l'espèce de fou furieux qu'il avait été en débarquant quelques minutes plus tôt. Un petit sourire en coin, il ne lâcha pas Billie du regard et finit par enfin récolter un sourire tandis qu'elle s'apercevait que leur petit père était juste à côté d'elle. Elle commenta l'intérieur et le brun ne fut pas dupe. Elle essayait les banalités pour se détendre. Billie faisait toujours ça quand elle avait quelque chose à annoncer. Elle se rapprocha de son meilleur ami, qui se décolla du mur pour faire quelques pas vers elle, en soulignant qu'elle n'aimait pas les ours avant de se glisser entre ses bras et de poser sa tête sur son épaule.

« - Je suis désolée. Pour .. la semaine dernière. Je voulais pas te faire peur mais j'avais perdu mon portable et je ne me sentais pas le courage de parler à qui que ce soit .. Pardon ..
- L'important c'est que tu sois sauve Bill', ne t'excuse pas.», lui répondit Julian à voix basse.
Il sentait, et ça se voyait qu'elle était sur le point de tout lui déballer mais jamais elle ne le ferait en le regardant en face. Elle avait gardé cette fragilité et cette peur du regard des autres, surtout du sien mais cette fois-ci, ça changerait aussi.
En douceur, il l'entraîna vers le canapé et s'installa face à elle pour qu'elle ne reste pas trop longtemps debout. Pendant qu'il continuait à lui parler, il prit ses mains entre les siennes et lui offrit son plus beau sourire.
« - Je ne te force pas à m'en parler, j'ai attendu patiemment, j'attendrais encore s'il le faut. Je ne veux pas que tu le fasses parce que tu te sens obligée, d'accord?»

Mon corps tout entier était crispé et appuyée contre le torse de Julian, j'étais persuadée qu'il pouvait parfaitement le sentir. J'étais comme dans un état de stupeur permanent ; comme quand l'on s'amuse à faire peur à quelqu'un en surgissant de nulle part et que la personne se tend de peur instantanément. J'avais même du mal à débloquer ma mâchoire pour m'exprimer. « L'important c'est que tu sois sauve Bill', ne t'excuse pas. » Le nombre de fois où je m'étais excusée ces dix derniers jours surpassait largement la quantité de fois où je l'avais fait dans ma vie entière ; même si ce chiffre n'étais pas bien difficile à dépasser. Je posai mon front contre son cou et inspirai son odeur, qui se jouait délicieusement de mon odorat. Mes bras desserrèrent un peu l'étau dans lequel ils emprisonnaient le brun et je le suivis lorsqu'il nous amena au canapé. J'esquissai un mouvement pour m'asseoir dans le même sens que lui, cherchant à appuyer mon dos contre son torse. C'était l'une de mes techniques pour éviter de croiser son regard quand j'avais quoi que ce soit à lui confier. Mais apparemment, il était bien décidé à changer les choses et il me força à m'installer face à lui.

« Je ne te force pas à m'en parler, j'ai attendu patiemment, j'attendrais encore s'il le faut. Je ne veux pas que tu le fasses parce que tu te sens obligée, d'accord? » Mes yeux trouvèrent le parquet et les petites fentes dans le bois me semblèrent particulièrement intéressantes subitement. Je savais que je devais le faire. Pour me soulager d'un poids, mais aussi parce que mon meilleur ami était tout en haut de la liste des gens qui méritaient de connaître la vérité. Je mordillai l'ongle de mon annulaire nerveusement, regardant tout sauf Julian. « Je m'appelle pas Billie, » lâchai-je subitement, sans réfléchir deux secondes à comment j'allais bien pouvoir commencer. « En réalité le nom que je portais depuis ma naissance, c'était Ashlee James. » Je relevai mon regard et l'ancrai dans les perles bleues de l'artiste, jaugeant sa réaction ; car il s'agissait de la chose la plus soft parmi tout ce que j'avais à lui dévoiler. Quelques secondes plus tard, je fuyais à nouveau son regard et le posai sur mes doigts. Je me laissai hypnotiser par la blessure que j'avais à la main droite avant de me sortir avec force de mes pensées. Ça n'était pas le moment de me laisser distraire. « J'ai perdu ma mère quand j'avais deux ans. Elle est morte dans le séisme de 1994 à Los Angeles et .. mon père m'a élevée sans l'aide de personne. C'était un homme d'affaires assez influent. » D'où mon héritage plutôt colossal, pensai-je. « On était très proches, il m'emmenait partout et me faisait visiter énormément d'endroits. Il jouait du piano, aussi .. Il avait appris quand il était jeune avec sa mère. » Mon esprit s'égara une nouvelle fois ; j'avais appris à jouer du piano avec lui. C'était l'une des choses les plus importantes qu'il m'ait enseignée. Je n'avais pas hérité de la voix enchanteresse de ma mère. Enchanteresse ; c'était comme ça qu'il la décrivait. Alors j'avais appris un instrument à la place. Puis deux, lorsque j'avais rencontré Julian. Je clignai des yeux pour éclaircir mes pensées et me raclai la gorge. « Si je suis venue à New York, c'est parce que .. mon père a été .. assassiné quand j'avais quatorze ans. » Je n'eus pas d'autre choix que de m'arrêter de parler un moment. Je haïssais parler de la mort de mon père. Surtout maintenant. « On habitait à San Francisco. J'ai donc pensé que NY ce serait .. assez loin ? »

Le jeune brun libéra une des mains de Billie pour enlever le coussin qui avait dans le dos et qui le gênait plus qu'autre chose, elle en profita aussitôt pour se mettre à mordiller son ongle, signe d'une grande nervosité chez elle. Silencieusement, il accueillit le premier choc. Ainsi elle s'appelait Ashlee James... pour lui ça ne changeait rien, elle restait Billie O'Connell. Son sourire se réduit à une fine ligne barrant son visage pour qu'elle continue sur sa lancée tandis qu'il passait ses doigts autour du poignet de l'étudiante pour qu'elle arrête de s'en prendre à son ongle. Leurs regards se plantèrent l'un dans l'autre et si elle pensait y trouvait une quelconque réaction négative, ce ne fut pas le cas mais ça l'empêcha pas de détourner de nouveau le sien.

« J'ai perdu ma mère quand j'avais deux ans. Elle est morte dans le séisme de 1994 à Los Angeles et .. mon père m'a élevée sans l'aide de personne. C'était un homme d'affaires assez influent. On était très proches, il m'emmenait partout et me faisait visiter énormément d'endroits. Il jouait du piano, aussi .. Il avait appris quand il était jeune avec sa mère. » Une pause, comme si Billie se replongeait dans ses souvenirs et son meilleur ami n'aurait pas eu l'audace de la sortir de force de ses pensées. Les zones d'ombres s'éclairaient petit à petit mais ça n'expliquait pas encore pourquoi elle s'était fait agressée une semaine plus tôt. « Si je suis venue à New York, c'est parce que .. mon père a été .. assassiné quand j'avais quatorze ans. » Julian entendit la douleur transparaître dans le timbre de l'étudiante et il serra en douceur ses mains, essayant de lui insuffler le courage qui semblait lui faire défaut à cet instant.
Maintenant, il comprenait pourquoi cette période de l'année était toujours difficile pour Billie. Lui-même avait ses jours de faiblesse aux abords de son anniversaire. « On habitait à San Francisco. J'ai donc pensé que NY ce serait .. assez loin ?»

Apparemment non, mais maintenant tout danger était écarté. La respiration de Julian s'était coupée petit à petit, comme il avait retenu son souffle au fur et à mesure du récit. Dans sa tête, tout se mettait dans l'ordre alors, pour éviter à O'Connell, ou James, qu'importe, de continuer sa douloureuse histoire, il prit la relève en lui faisant signe de se taire.
« J'ai tout compris Billie... tu peux t'arrêter là.» Trancha Julian d'une voix plus tendue qu'il ne voulait et lorsqu'il s'en rendit, il l'adoucit au maximum en se rapprochant de Billie. Il fallait qu'il digère ce qu'elle venait de lui avouer, qu'il encaisse le fait qu'elle ne portait pas le prénom qu'il pensait mais, au fond... Au fond il s'en fichait, elle était toujours la même à ses yeux.« Qu'importe ton passé, ton nom, tu restes la personne la plus importante de ma vie et je me sens honoré que tu me racontes tout ceci. Si tu décides de reprendre le nom de ton père, je te soutiendrais, je serais toujours présent pour toi...»

Spoiler:

Les soubresauts de mon corps commencèrent à amplifier petit à petit. J'avais toujours cette réaction physique dès que je ressentais la moindre émotion trop forte. Mon regard s'appliquait à fuir consciencieusement celui de Julian alors que je continuais à lui imposer mon histoire d'une voix chevrotante. Ma gorge était sèche, mes yeux trempés et je ne cessais de faire glisser mes paumes l'une contre l'autre en poussant quelques soupirs. « J'ai cru que j'allais pouvoir me protéger si je changeais d'identité, que personne ne me retrouverait, surtout à l'opposé du pays, mais j'étais trop jeune pour me rendre compte que tout ça c'était des conneries .. » Je continuai mon vomi de mots jusqu'à ce que je capte la main de mon meilleur ami qui me faisait des signes pour je stoppe mon récit. Le ton qu'il employa me mis légèrement sur mes gardes et je reculai un peu mon visage, les sourcils froncés et une lueur blessée dans le regard.

Ces derniers jours, je devenais vite paranoïaque et j'avais tendance à penser que la Terre entière m'en voulait. Cette fois ne dérogea pas à la règle et je fis des conclusions hâtives. Mon cœur s'emballa et une nouvelle vague de sanglots s'apprêtait à me submerger lorsque le ton de l'Eliot se radoucit et m'apaisa instantanément. « Qu'importe ton passé, ton nom, tu restes la personne la plus importante de ma vie et je me sens honoré que tu me racontes tout ceci. Si tu décides de reprendre le nom de ton père, je te soutiendrais, je serais toujours présent pour toi... » Je hochai la tête de gauche à droite en mordant l'ongle de mon pouce nerveusement. « Nan .. Ce serait trop dangereux de reprendre le nom de mon père. Je n'ai aucune preuve qu'Hannigan était seul dans cette histoire .. » Je fixai mon regard sur le feu qui continuait de crépiter dans la cheminée et restai silencieuse un moment. « Et puis ça soulèverait trop de questions à Cambridge et je n'ai pas du tout envie d'y répondre. Nan .. je vais rester Billie O'Connell. »

Je me redressai et changeai de position afin de venir m'appuyer contre le torse de Julian, m'enveloppant dans ses bras pour me rassurer. Je ne faisais rien de mes journées à part me morfondre dans mon lit ces derniers temps, mais je me sentais quand même épuisée. La fatigue mentale primait sur la forme physique. Mon esprit se mit à errer sur tous les sujets possibles autres que celui qui dictait ma vie depuis trop de temps maintenant, à savoir : l'agression. Mon oreille était collée contre le cœur de mon meilleur ami et j'en laissai les battements me calmer. « J'ai envie de me faire un tatouage .. » lançai-je subitement en me mordillant la lèvre. « Et j'aimerais bien que ce soit toi qui le fasse, » avouai-je en relevant un regard déterminé vers lui.

Spoiler:

Quand nous vivons plusieurs années avec quelqu'un, chaque jour, chaque instant, nous finissons par le connaître par cœur. Avec Billie, rien n'était acquis et lorsque Julian se rendit compte qu'il avait parlé d'une voix qui allait à l'encontre de sa pensée, son regard brillant le prit de cours. Jamais, en 4 ans il n'avait vu la jeune femme le regardait de cette façon. Cette déception qui traversa ses yeux lui fit froid dans le dos quand il enchaîna pour rétablir les choses dans le bon ordre et éviter qu'elles ne s'aggravent.
Par contre, il avait toujours autant de mal à supporter qu'elle s'en prenne à ses ongles et malgré ses innombrables tentatives, sa meilleure amie ne s'était pas débarrassée de ce toc.
« Nan .. Ce serait trop dangereux de reprendre le nom de mon père. Je n'ai aucune preuve qu'Hannigan était seul dans cette histoire .. », le brun hocha légèrement la tête en signe d’acquiescement et observa l'Eliot qui était devenue silencieuse. D'un côté il se sentait blessé qu'elle ne lui ai pas avoué la vérité plus tôt mais d'un autre... comment annoncer à quelqu'un qu'on traîne un passé aussi douloureux? Les questions lui avaient de nombreuses fois brûler le bout des lèvres mais il respectait trop le choix de Billie pour la forcer à se confier. Et puis, comment aurait-il fait à sa place? Ce n'était pas le genre de choses que l'on crie sur tous les toits quand on cherche à se protéger. La voix d'O'Connell s'éleva de nouveau, le tirant de sa rêverie. « - Et puis ça soulèverait trop de questions à Cambridge et je n'ai pas du tout envie d'y répondre. Nan .. je vais rester Billie O'Connell. - Tu as raison, il y en a déjà un paquet grâce aux informations, limitons les dégâts.»

Le jeune homme la regarda se relever et lui adressa un sourire tendre avant de passer ses bras autour d'elle pour l'étreindre en douceur. D'une part à cause de ses blessure et d'une autre pour lui apporter ce dont elle avait besoin, soulagé qu'elle soit en un morceau au final.
Il posa son menton sur le sommet de sa tête et passa une main dans ses cheveux pour les caresser lentement. « J'ai envie de me faire un tatouage .. », le brun suspendit son geste, surpris, attendant la suite, « Et j'aimerais bien que ce soit toi qui le fasse, ». Julian ouvrit de grands yeux étonnés après s'être légèrement détaché d'elle avant de bafouiller quelques mots: « Je... euh... je n'ai pas mon matos Bill. Mais... je peux te faire le dessin et on descendra en ville demain pour trouver un tatoueur, d'accord?», rajouta le brun, soudain presque surexcité. Rien que l'idée de faire le dessin du premier tattoo de Billie le faisait saliver. Il avait toujours voulu être le premier à encrer sa peau, du moins d'y laisser sa trace d'une façon ou d'une autre.

Tandis que je me blottissais contre son torse, son étreinte chaleureuse se referma autour de moi pour m'envelopper avec douceur. Je me sentais à ma place ; je n'avais jamais eu d'autre petit ami après Julian mais toutes les étreintes par lesquelles j'étais passée ne m'avaient pas autant satisfaite que la sienne. C'était comme me retrouver chez moi. Et je pensais savoir pourquoi ; après tout, j'avais décidé de recommencer une nouvelle vie pendant mon adolescence et la première personne à y être entrée avait été Julian. J'avais remis les compteurs à zéro et il avait été mon premier point de repère. Il avait donc indéniablement pris la place la plus importante dans ma vie. Frottant ma joue contre la douceur de son pull pour m'apaiser, je lâchai la bombe « tatouage » avant de me redresser un peu, jaugeant sa réaction. Je ne lui avais jamais parlé de me faire tatouer auparavant, et même si j'y songeais depuis pas mal de temps désormais, ça restait une nouveauté. Pire encore, je lui demandais d'être l'auteur de cette première fois. « Je... euh... je n'ai pas mon matos Bill. Mais... je peux te faire le dessin et on descendra en ville demain pour trouver un tatoueur, d'accord? » Je me repoussai de son corps à l'aide de l'une de mes mains, grimaçant un peu en malmenant involontairement mes côtes.

Assise en tailleur face à lui, je roulai des yeux avec une espèce de sourire timide. « Je me doute que tu n'as rien sur toi .. ça aurait été assez bizarre d'emmener ton matériel parmi nos sous-vêtements et nos pulls alors qu'on partait à la montagne ! » J'enfonçai mon index dans son torse pour le taquiner et commençai à me balancer de gauche à droite doucement. « Mais .. » Mes pommettes devinrent brûlantes et je sentis clairement mon visage rougir. « Non .. Je veux que ce soit toi. On peut faire le dessin maintenant si tu veux, mais j'aimerais vraiment que ce soit toi qui me le fasse .. » insistai-je en me relevant du canapé. Je marchai nerveusement jusqu'à la cheminée, attrapai une bûche et la jetai dans le feu pour le raviver un peu plus. Une main posée à plat sur l'encadrement de bois, je soupirai en amenant la deuxième à ma bouche avant de recommencer à torturer l'ongle de mon pouce. « Tu sais, si tu veux pas, j'comprends .. »