"Faut qu'on parle" Amber&Akira

J'avais un peu cette sensation de culpabilité que l'on a quand on donne une cigarette à une gamine de 16 ans qui vous la réclame en battant des cils. Sauf qu'Amber n'avait plus 16 ans, et ça n'étais pas mon rôle de lui faire la morale. Encore moins quand je sentais que cette simple cigarette nous rapprochait déjà un peu plus de l'amitié qu'on avait perdu. J'esquissai un sourire en la voyant fumer comme s'il s'agissait du plus délicieux des péchés. Et à mon tour, je tirai sur ma clope.

"Non, elle passe les épreuves pour entrer à Harvard, justement." J’espérais qu'elle réussisse. C'était une bosseuse, alors j'avais peu de doutes quant à son succès. "Mais c'est normal à 19 ans de vouloir plaire, tester des trucs... J'en avais déjà fait bien trop à cet âge-là." J'eu un léger sourire, presque nostalgique. C'était plus simple à l'époque. J'étais pas très différent, mais j'étais plus jeune, et encore un peu naïf. J'dois dire que ça me manque.

Quand Amber décida d'aborder notre relation... Mon sourire se dissipa. "Hm." Acquiesçai-je très brièvement en détournant le regard. J'voulais pas faire le mec vexé, mais c'était pourtant bien ce que j'étais. Vexé d'avoir été jeté au même titre que ses vieux paquets de clope et ses cadavres de bouteilles. "T'en fais pas pour moi. Tout roule..." Je baissai les yeux vers la cigarette qu'elle avait à la main. Comment dire ? J'y voyais là une faille dans la carapace de fille sage qu'elle s'était formée. J'avais le choix entre être égoïste et ne pas l'être. Entre profiter de cette fragilité pour la tirer avec moi vers le monde de débauche qu'on aimait tant, ou la laisser enfin rejoindre tranquillement le 'bon chemin' des gens qui ne boivent pas et ne fument pas. Je déteste agir contre l'intérêt de mes amis -ils sont assez rares donc ça n'est pas très contraignant. Mais s'il y a une chose que j'apprécie encore moins, c'est bien la solitude.

Je plantai mon regard dans le sien. "Mais tu me dois bien une soirée. Et ne t'inquiète pas, je ne te ferai pas boire, tu pourras être sobre et chiante si tu veux" lui fis-je dans un léger sourire pour la taquiner un peu. J'avais ma petite idée en tête.

Le sourire d’Akira s’effaça soudain, je croisais son regard étrangement… presque gêné. Et je l’étais moi aussi. L’avais-je blessé à ce point pour obtenir un simple « hum » de sa part ? Je baissais la tête vers la mer, tirant une nouvelle fois sur ma clope et fermai les yeux. Il y avait un temps durant l’quel la dure réalité de la vie vous regagnait d’un seul coup et cette saleté arborait le goût amer d’une bonne claque, comme celle d’un parent après votre retour secret de soirée. Vous aviez beau fuir et faire mine comme si de rien n’était, elle était derrière vous, à attendre le meilleur moment pour frapper. Et ce moment, pour moi, elle l’avait choisi maintenant.  En quelques évènements, j’avais blessé bien plus de gens que je ne l’aurais jamais pensé, et ça me rongeait, ça me tuait.
Mais comment pouvais-je y remédier ? Le mal était fait, sauf en ce qui concernait Akira. Je pouvais choisir de replonger dans notre passé, de tout reprendre avec lui. Mais pouvais-je réellement réduire à néant les efforts de ces sept derniers moi pour guérir Akira des blessures que je lui avais infligé ? Etais-je réellement prête pour un tel sacrifice. Plus j’y réfléchissais, plus j’en avais peur, oui.
Je levais soudain la tête sur lui, croisant son regard. Il m’offrait l’occasion de me rattraper en une soirée. Je devais avouer que durant un court moment, je ne me montrais pas très confiante, mais c’était Akira. C’était plus qu’un simple pote, et je venais tout juste de m’en rendre compte. J’esquissai un sourire. « Si tu m’laisses être chiante, y a pas d’soucis ! Ou est-ce que tu nous amènes ce soir ? » Je n’étais pas si sûre de l’idée d’Akira, mais je n’allais pas encore y mettre mon véto simplement parce que j’avais peur d’y risquer ma détox…

Ce que je pouvais être tordu parfois. Amber acceptait de sortir, quitte à remettre en jeu son année de desintox. J'aurais dû me sentir coupable, mais pourtant, j'eu un léger sourire de satisfaction. Certes, elle n'aurait pas l'obligation de boire ou de prendre quoi que ce soit, mais j'avais bien l'intention de lui faire miroiter cette possibilité.

"Il y a une soirée sur la plage en ce moment-même." J'étais toujours au courant de ce genre de choses, merci à mon portable et à la magie d'internet. Bon, et puis on pouvait entendre des basses vibrer au loin, pour peu qu'on tendît assez l'oreille. "Allons-y."

Et, sans vraiment lui laisser le choix, je l’entraînai avec moi, descendant le pont pour rejoindre la plage et la longer. Sur le chemin, on discuta encore un peu, quoi qu'on n'eut pas vraiment le temps de se dire grand chose; ça n'était finalement pas si loin. De gros caissons crachaient une musique à en vriller les tympans, sous l'air froid et frappé par le vent. On se mêla à la foule de gens agités, et déjà, j'avais le sentiment de retrouver le milieu que j'aimais tant.

Ok, je venais peut-être bien de faire une connerie en accordant à Akira une simple soirée. Mais je ne faisais pas ça que pour me racheter. J'avais confiance en Akira et je devais bien avouer que le changement entre ce moment précis et mon retour à Harvard où nous nous étions croisés sur le parking était des plus radicaux. Mais une soirée à la plage, ça ne pouvait pas être bien méchant... Il fallait croire que j'étais devenue bien naïve ou que j'avais perdu la mémoire, car les douces soirées au calme, ça ne connaissait pas Akira Walkers.

Je le suivais alors, esquissant un pauvre sourire et laissant tomber toute méfiance. J'étais bien avec le mather, en fait... Je me rendais compte qu'il m'avait manqué et c'était très étrange. Ça me donnait l'effet d'une incroyable révélation. Comme si j'avais fermé les yeux durant tout ce temps. Nous rejoignîmes en quelques minutes le brouhaha des fêtards et la musique résonant sur la plage puis nous glissâmes à travers la foule. Ça me rappelait des souvenirs et curieusement, pas seulement des mauvais. Aussi loin que je m'en rappelle, toutes les conneries que j'avais faite, je les avais faite seule, généralement. Ça n'avait jamais spécialement dégénéré lorsque j'étais en compagnie d'Akira. Le vent fit virevolter mes cheveux et transporter dans l'air ce parfum marin que j'affectionnais tant. Je fermais les yeux un instant alors que nous nous approchions du bar. J'étais bien.

Je restais un peu étonné d'avoir convaincu la jeune femme; mais tout comme moi, je pense qu'elle ne pouvait pas complètement effacer le passé. On avait un tas de souvenirs en commun, des bons comme des mauvais; mais à vrai dire, je me rappelais davantage des fous-rires partagés.

Avant qu'elle n'y arrive, j'étais déjà posté au bar. Oui, lui et moi on s'attire comme des aimants, on ne se quitte jamais. Je pris un verre pour chacun de nous, une vodka pour moi mais un simple cocktail fruité pour la demoiselle... C'était assez ridicule en fait. Comment tenir toute la nuit avec de la vitamine C comme seul énergisant ? De ma poche, je sortis discrètement une petite fiole. On a beau dire, mais l'ecsta sous cette forme avait l'avantage de ne pas avoir de goût... Et le geste qui suivit aurait pu -aurait dû- me paraître au paroxysme de l'égoïsme. Et pourtant, sans hésitation ni remords, je déversai quelques gouttes du produit dans chacun de nos verres avant qu'elle ne me rejoigne. Et lorsqu'elle arriva, je le rangeai bien au fond de ma poche avant de lui tendre son innocent cocktail, un mince sourire aux lèvres.

"Tiens, pour m'excuser de t'avoir traînée ici." Ca ne pouvait pas lui faire de mal... Au pire, elle passerait une bonne soirée et s'en étonnerait toute seule. C'est en tout cas ce que je me disais, quand je trinquai avec elle avant de prendre une longue gorgée de mon breuvage.

Sans plus attendre, Akira avait disparu près du bar et je tentais de trouver une issue entre les nombres de fêtards excités pour le rejoindre. Il me tendit alors un verre et je croisai son regard, remarquant qu'il m'avait commandé un coktail adapté à mon rang de sainte ni-touche qui ne boit pas d'alcool. Alors, nous trinquâmes, j'esquissai un sourire en réfléchissant à tout cela. La dernière fête à laquelle j'avais participé avec le jeune mather remontait à bien loin. On avait une fois de plus finit dans sa voiture, à moitié morts et défoncés. De là, j'étais partie. Toute fois, ce soir me semblait bien différent. A commencer par la prise de conscience d'Akira quand à mon refus d'alcool ou d'autres substances bien amusantes, en soit. La musique se fit plus forte, soudain, j'en percevais le rythme à l'intérieur de mon être, de mon crâne jusqu'au bout de mes doigts.
Nous nous resservîmes quelques verres, toujours d'un ennuie fruité pour moi. La fête commençait enfin.


Je rouvris les yeux au milieu de la foule et retrouvai Akira. Tout semblait différent. J'esquissai un de mes plus beaux sourires au garçon en me laissant aller, dansant parmi les autres, décidant de passer un peu de bon temps. Un bon temps qui m'était familier, toute fois. Je savais que la fête battait son plein, pourtant, tout me semblait bien plus calme, bien plus lent. Je m'approchai du bar en attirant Akira, en riant pour je ne sais quelle raison. Cette fois, je m'accordai un petit -grand- verre d'alcool et nous en offrais un chacun. J'en bu une gorgée et soudain, ma raison parut reprendre le dessus. Qu'est-ce qui m'arrivait ? J'avais l'impression d'être là depuis seulement dix minutes pourtant, je ne savais déjà plus comment j'étais passée d'un état dit normal à celui d'euphorique de maintenant. Et comment.. Je levais les yeux sur Akira, et entrouvrais les lèvres pour dire quelque chose, bousculée par quelques fêtards. Tout semblait clair soudain alors qu'en réalité, je ne comprenais plus rien, pas même le sens de notre venue. Et je n'en avais juste plus rien à faire.

Je suis un véritable connard. Voilà l'idée qui me trotta dans la tête approximativement deux petites secondes avant de se dissiper au rythme de la musique. Amber ne tarda pas à se lâcher, et on se retrouvait bientôt à danser comme deux grands gamins au beau milieu de la foule. MD oblige, j'affichais un sourire jusqu'aux oreilles qui semblait ne plus vouloir partir. J'avais le sentiment de la retrouver; malgré elle, effectivement, mais je m'en satisferais bien...

La jeune femme me tira jusqu'au bar pour nous payer des verres, et ceux-ci n'avaient plus rien de sage. J'en pris une grande gorgée qui me brûla les papilles. Je ne l'avais bien sûr pas attendu pour commencer les festivités, et je sentais déjà l'éthanol se faire une place de choix dans mes veines.

En baissant les yeux sur elle, je devinais qu'elle était prise d'un petit moment de doute... Mais alors qu'elle se fit couper la parole par une légère bousculade, j'attrapai sa main, lui faisant faire un petit tour sur elle-même avant de la faire revenir avec moi parmi les autres. On n'allait pas s'arrêter en si bon chemin, oh que non...

La soirée suivit son cours, nous emportant gaiement jusqu'à nos limites déjà bien usées; je ne me privais pas de l'inciter à reprendre à boire, quitte à vider mon portefeuille en une soirée dont on se souviendrait. Ou pas, en fait.

HJ: