Knock Out. feat Akira

Je vérifie l'heure sur mon portable et soupire. J'aurai voulu avoir acheté des clopes. Je fume occasionnellement, mais c'est dans des moments comme ça que je me dis que j'aimerais bien être accro au final. Il est en retard. Je vérifie une dernière fois qu'il ait bien reçu mon texto.

"RDV à minuit sur les berges de Charles River. Je t'y mènerai. Porte des trucs légers. Armes blanches interdites. Si tu as des piercings, enlève-les."

Je range mon téléphone dans ma poche et m'adosse contre un lampadaire. Les examens sont passés et j'ai deux putains de matières à rattraper. Fais chier. Je vais en mettre plein la gueule à tout le monde ce soir. Les types de l'entrepôt sont super, une fois qu'on les connaît un peu. Dehors. À l’intérieur, ce sont de vraies bêtes, et c'est ce que j'ai l'impression d'être quand j'y entre aussi. Je me demande ce que vaut le nouveau. Peut-être qu'il s'est débiné. Il a dû se dire qu'au final il était un peu trop bien dans sa tête pour faire ce genre de choses. Rencontrer des inconnus parfait et passer des heures à se cogner sans gants ni bandages. Ça ferait flipper le premier venu, je dois l'avouer. Mais il avait vraiment l'air intéressé. J'ai dû le croiser deux ou trois fois sur le campus, on n'a pas du tout les mêmes cursus, et je ne sais même pas comment il a réussi à avoir mon numéro, mais il m'a contacté, et m'a dit que ça le bottait. On est à peu près du même gabarit tous les deux, s'il vient, ça promet d'être intéressant.
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Le SMS de Koray était venu égayer ma soirée, trop monotone jusque là. Je ne savais pas trop s'il allait se décider à me mener à son fameux "club" un de ces jours. Mais finalement, c'était parti. Ca faisait un moment que je cherchait quelque chose pour me défouler. J'aimais me battre, mais je détestais toutes les règles qui entouraient les sports de combat. Ca ne me dérangeait pas d'avoir mal, de me prendre des coups, du moment que je pouvais me lâcher sur quelqu'un qui ne viendrait pas pleurer après. Ou appellerait la police, tout ça.

J'étais un peu en retard. Ca, c'était juste une sale habitude. Et j'avais toujours le même air un peu nonchalant.
" Hey. " J'lavais facilement reconnu, sous sa longue chevelure bouclée. Au premier abord, j'aurais jamais cru que ce mec aimait se battre. Il avait l'air calme. Mais j'sentais qu'on pouvait bien s'entendre. Même si je pense que j'étais un peu trop confiant sans même savoir exactement à quoi m'attendre. " Je te suis. " J'étais pressé. Vraiment. Un peu comme un gamin à qui on aurait promis d'aller à Disneyland. Même si j'essayais tant bien que mal de cacher mon enthousiasme.

(Invité)

" Hey. " Je sursaute presque, en le voyant qui se tenait là, juste à côté de moi. Il est venu, au final. Parfait. J'esquisse un sourire et le salue d'un hochement de tête. "Je commençais à croire que tu t'étais dégonflé. On y va." Je commence à marcher d'un pas rapide, en jetant de temps en temps un coup d’œil aux alentours. "C'est l'été, et le soleil se couche de plus en plus tard; il devient de plus en plus difficile de rester discret, près de la rivière. T'as toujours une tripotée de jeunes bouseux qui se prennent pour des hippies qui viennent faire des soirées ici. Regarde-moi ça..." Dis-je en désignant du menton un groupe de jeunes, un peu plus loin, dont on entend les rires qui résonnent en echo. "C'est des collégiens... Ça a 13 ou 14 ans et ça croit tout comprendre à la vie..." Je me rappelle soudain de moi à 14 ans, dans le sous-sol d'un camarade, boxant avec une douzaine d'autres gamins en secret. "Faudrait juste pas que l'un d'eux entre dans l'entrepôt. le jour où ça arrive, on va se mettre à parler de nous et on va finir avec les parents d'élèves sur le dos, à tous les coups..."
Je ralentis le pas, et désigne le bâtiment en ciment qui surplombe la rivière, et auquel on accède par un chemin tortueux. Je m'arrête soudainement et regarde Akira droit dans les yeux en fronçant les sourcils, l'air hésitant. "Comprends-moi bien, rien de tout cela est illégal en principe. Mais tu n'en parles pas. Une fois que t'es dedans, il devient très difficile de séparer le "toi" du club, et le "toi" de la vie en-dehors, donc.. Fais attention, au début."
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Me dégonfler ? Non, ça ne m'avait même pas traverser l'esprit. J'étais plutôt du genre à m'entêter bêtement. Lui, il avait l'air assez tendu. Je commençais à le suivre, en marchant rapidement, sans savoir jusqu'où il m'emmènerait.

J'eu un petit rictus quand il me pointa le groupe de collégiens un peu plus loin. J'étais exactement comme eux à leur âge. Insouciant. Pseudo-rebelle. Mais je ne réalisais qu'à moitié à quelle point la vie pouvait être une pute. J'soupirais sans rien ajouter, sauf un " Je comprends. " De toutes manières, j'étais pas connu pour être bavard. Mais je voyais bien le genre de problèmes que cela pourrait causer.

Bref, on arrivait bientôt. J'apercevais le bâtiment. Et Koray me lâcha un nouveau discours, que je trouvai trop sérieux. J'arquai un sourcil en soutenant son regard. Je prenais probablement les choses trop à la légère, ou alors je ne comprenais pas toute l'étendue de la situation. Tout ce que je sais, c'est que mon impatience me poussait à déjà serrer mes poings, avant même d'entrer. J'étais déterminé. " Je sais fermer ma gueule. C'est pas un problème. Et puis tout ce qui pourra m'arriver, ça me regarde. Y a pas de soucis à se faire là dessus. " Je plantais un regard confiant dans le sien, avant de m'engager dans le chemin menant à ce fameux bâtiment. J'avais pas envie de m'arrêter si proche du but.

(Invité)

Je ris presque en entendant la réponse d'Akira. Le mec est décidé au possible. Qu'il en soit ainsi. Et puis, il est venu, je vais pas lui faire la leçon et blablater encore longtemps, il saura dans pas longtemps dans quoi il se lance, et là, à lui de voir s'il reviendra ou pas. Je le vois serrer les poings. Impatience ou provoc'? Je soutiens son regard quelques secondes, le visage fermé. Je ne vais pas commencer ici, je dois arrêter de me braquer sur tout et n'importe quoi. Après tout, je connais pas sa vie, et en le détaillant de plus près, je le vois bien en yakuza, réglant des comptes pour son clan dans les bas-fonds de Tokyo. Cette pensée m'arrache un demi-sourire. Je me détends et lui balance une tape sur l'épaule. Je me retourne et continue de monter. Peu à peu, j'entends de la musique. Les autres ont dû commencer sans nous. Nous arrivons enfin sur un petit parking désert, devant le bâtiment abandonné. "Personne n'a le droit de se garer ici; pas de voitures; pas de plaques, pas d'emmerdes." Ce n'est pas tellement la police que je crains au final. Mais je ne tiens pas non plus que mes amis ou les gens à Harvard sachent ce que je fais en dehors des cours. Je suis Koray, le type qui obtient les meilleures notes, qui passe son temps à la bibli, qui assiste à toutes les conférences possibles, et c'est tout. Rien de plus. D'où toutes mes précautions avec Akira; je ne veux pas entendre dire qu'il cause de moi et des gars à je ne sais qui à Harvard.
Quelques gars fument une bière à la main devant l'entrée et je les salue d'un signe de tête. Je remarque qu'ils ont déjà les lèvres éclatées et les jointures en sang. Je pousse la porte en tôle et retrouve l'atmosphère oppressante de l'intérieur. La musique me vrille les tympans tout d'abords, puis je m'habitue rapidement. L'entrepôt est une ancienne briqueterie qui fait dans les 40 mètres de long, et 20 de large. La plus grande partie de la salle est occupée par des fours à brique, de vieilles machines, et du bois de charpente. Devant l'entrée se trouve un espace d'environ 15m², éclairé par des spots, qu'occupent une quarantaine d'hommes réunis en cercle autour de deux lutteurs. Ils ont entre 15 et 50 piges, viennent de toutes classes sociales, et sont tous en train de supporter leur champion respectifs. Je jette un coup d’œil à la table des paris, et vois que les billets ont commencé à s'entasser. Soudain, ils se mettent tous à hurler et le vainqueur se lève, sous des applaudissements, le visage en sang, alors que son adversaire gît au sol, inconscient, l'air encore plus amoché. Je jette un coup d'oeil derrière moi, et retrouve Akira. Je lui crie alors que je fais un high five au champion. "Henry Donahue, 29 ans, médecin du Cambridge health alliance hospital . Ce fils de pute pèse 80kg au plus, et ils descend presque tout le monde." J'attrape une bière sur la table des paris et lui désigne le 'ring' en cherchant un décapsuleur du regard "Tu te lances?"
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On arrivait sur un parking, qui d'après Koray se devait de rester désert. J'comprenais. Valait mieux éviter les emmerdes autant que possible. Les vibrations de la musique se faisaient déjà largement sentir. J'crois que je commençais à stresser un peu. A réaliser. Mais de toutes façons, c'était trop tard pour me dégonfler. On passait les portes, devant quelques types déjà bien amochés. Je ressortirais probablement comme ça, si ce n'est pire.

La musique était à la limite du supportable. J'supposais que c'était pour la motivation, ou bien pour amoindrir le son des coups de poing, des dents cassées, tout ça. En tout cas, ça me mettait dans l'ambiance. Je jetais un coup d'oeil au "ring" lorsque l'on passa devant. Un mec venait de tomber à terre, laissant l'autre faire éclater sa fierté de vainqueur. Koray lui tapa dans la main. Ce mec est décidément très à l'aise dans cet endroit pourtant assez oppressant. J'avoue que j'étais assez déstabilisé quand il me présenta le gagnant et m'encouragea à tenter ma chance. Il était plus grand que moi. Un peu plus lourd aussi. J'le toisai un instant. Et j'esquissai un sourire. " Ca marche. "

Je quittai Koray et me frayai un chemin à travers le public pour atteindre la zone centrale. Être le petit nouveau dans ce genre de groupe n'allait pas être chose facile. Je le savais.
Le fameux Henry ne tarda pas à me rejoindre. Je m'attendais pas à me retrouver contre un médecin. J’espérais que ça ne me bloque pas...

Bref. On commençait.
Je n'eu pas le temps de réfléchir, que l'autre lançait déjà son poing vers mon visage. J'évitai le coup de peu, reculant de quelques pas. Mais il ne me laissa pas le temps de me remettre sur mes appuis et enfonça son pied dans mes abdominaux. Cette fois-ci, c'est lui qui reculait tandis que je mettais un genoux au sol. Ca brûlait. Et j'commençais à me dire que c'était mal barré. J'avais pas eu le temps de réagit... Ceci dit, il me laissa me relever, comme pour me faciliter la tâche en temps que débutant. J'en profitai pour essayer de lui en coller une, mais ce furent ses phalanges qui atteignirent mon visage en premier. " Putain ! " J'essuyais une traînée de sang qui s'échappait de mes lèvres. Bordel.

Les minutes qui suivirent furent très longues. Je me pris plusieurs coups. J'me sentais un peu comme un punching-ball vivant, complètement largué... Mais à un moment, la chance tourna. Je réussit à lui placer un coup au visage, puis à l'estomac. J'y avais mis toute ma force, mais je crois que cela ne fit que le motiver davantage, puisque la seconde d'après, je finissais par terre d'un grand coup de poing dans la joue.

J'étais sonné. J'me sentais vivant, plus que jamais, mais mon corps me faisait bien comprendre qu'il fallait que j'arrête le massacre. Si bien que je décidai de lui laisser la victoire. Mon égo s'était craquelé en même temps que ma peau, mais je me glissai à travers le public pour revenir vers Koray. J'étais loin d'être fier. Plutôt énervé contre moi-même, et un peu titubant. Encore sous le coup de l'adrénaline. J'pris une bière que j'ouvris à la volée sur le coin d'une table, commençant à la descendre comme si ça allait calmer mes émotions. J'avais putain de mal. Aux doigts, aux bras, au ventre, au visage... L'alcool piquait ma lèvre ouverte. Je rageais en silence, et m'allumais une clope.

Je regardai mon ami, me demandant s'il ferait mieux. Sans doute. Ca paraissait logique, puisque c'était lui qui m'avais fait connaitre cet endroit. J'avais envie de voir ça. " A ton tour, je suppose. "

HJ:

(Invité)

Je descend ma bière en regardant Akira et Henry. Akira savait placer les bons coups quand il fallait.. Mais comme d'habitude, le truc avec Henry, c'est que c'est une vraie machine, il attaque de plein fouet et ne lâche pas l'affaire. Le jeune homme arrivait quand même à se défendre, mais pas longtemps. Il avait eu l'air d'avoir abandonné quand Henry s'arrêta. Il revient près de moi et je hoche la tête, l'air conciliant. "Encore quelques matchs comme ça, et tu les défonceras tous, tu verras." " A ton tour, je suppose. " Je pose ma bière, retire ma chemise, et m'attache les cheveux. Tout le monde sait très bien ici qu'on ne déconne pas avec mes cheveux. J'avance au centre du 'ring' alors que quelques uns scande mon nom, et fixe mon adversaire.
Henry et moi on se toise, un sourire en coin. Je me rappelle de notre premier combat; j'avais fini comme une loque, K.O. pendant au moins une dizaine de minutes. Mais je me démonte pas. Je reviens toujours à la charge, et ce soir, je remets ça une fois de plus, même si je sais que je finirai au sol, comme d'hab'. On finit par se lancer en même temps l'un sur l'autre et je feins de lui mettre une droite pour m'abaisser au dernier moment et lui faire perdre l'équilibre avec une balayette. Il ne devait pas s'y attendre et bascule, mais ne tombe pas. Je ne perds pas de temps; il balance un poing dans ma direction qui ne fend que l'air alors que je me laisse tomber, roule au sol, et atterris derrière lui pour lui asséner un violent coup de pied entre les reins. Si le mec est une masse tout en muscle, j'ai l'avantage d'être plus léger, donc plus rapide. Je l'entends grogner et prendre appui sur ses genoux. Je recule de quelques pas et affiche un sourire victorieux. Des applaudissements se font entendre.
L'adrénaline commence à monter. Je n'ai encore rien gagné et je le sais, mais j'avoue avoir eu besoin de fanfaronner un peu, après la branlée qu'Henry m'avait mise la dernière fois; L'ironie avait voulu que c'était lui qui m'avait cousu mes points de suture le soir même. Un chic type, au fond, quand il n'est pas en train de vous refaire le portrait. Il souffle pendant quelques secondes, se redresse et me fait face. C'est la première fois qu'il prend une pause aussi longue avec moi, et je compte bien profiter de l'instant. Il fend dans ma direction, et je pare son premier crochet avec l'épaule en lui plaçant une série de droite-gauche-droite dans les côtes, en y mettant de la force. Mes poings le font enfin reculer, et je me sens respirer en sentant la douleur sur mes jointures. Je souris de plus belle. Je me déconcentre une seconde en le voyant flancher, et il en profite pour m'attraper par la gorge et me plaquer au sol. Certes, le mec est plus lent que moi, mais pas con.
Pendant cinq minutes, on lutte tous les deux, en essayant de prendre le dessus sur l'autre, mais il l'emporte logiquement. Il m'assène de coups plus violents les uns que les autres, sous les hurlements encourageant de la foule. Au bout de quelques minutes qui me paraissent être une éternité, il s'écarte, et m'aide à me relever. Il aurait pu continuer une demie-heure, s'il n'était pas déjà fatigué par les deux autres combats qu'il venait de mener. Je me lève en serrant les dents et m'éloigne de l'assemblée en croisant quelques connaissances qui me donnent une tape amicale dans le dos. J'ai l'arcade sourcilière presqu'éclatée, encore une fois, un œil au beurre noir, et le nez en sang. Mais comme après chaque dérouillée, je me sens apaisé, soulagé, comme si on m'avait retiré un poids de sur les épaules. Je rejoins Akira qui descend une bière, et lui adresse un sourire ironique. "Une masse, je te l'ai dis, personne peut le descendre." J'aperçois une bouteille de vodka entamée sur une table, la prends, et fait signe à Akira de me suivre. Je me lâche les cheveux et ouvre la porte d'entrée en espérant profiter de quelques minutes au calme.
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Ses encouragements me faisaient plaisir, même s'il était dur d'y croire avec la gueule en sang. J'étais de toutes manières sûr de refaire des matchs. Et le Henry, un de ces jours, j'en ferais mon quatre heures. Ouais, j'suis rancunier.

Koray ne tarda pas à prendre ma place. J'étais curieux de voir ce qu'il avait dans le ventre. Et putain, le combat retenait vraiment mon attention. Mon ami se débrouillait franchement bien, et arrivait à contourner cette montagne de muscles pour lui asséner des coups puissants. J'étais en quelque sorte admiratif.
Mais finalement, il perdait aussi. Plaqué au sol puis roué de coups. J'savais que ça se jouait à peu de choses entre eux. Mais j'me sentais un peu moins nul, par effet de solidarité. Même s'il avait fait bien mieux que moi. D'ailleurs, il revenait. J'me demandais sincèrement comment il pouvait faire pour rester debout avec tout ce qu'il avait pris. " Je vois ça. " J'espérais tout de même qu'ils ne soient pas tous aussi balèzes. C'est que je suis pas bon perdant.

On s'échappa un instant, de retour sur le parking. D'un coup, la musique était étouffée, le bruit assourdi. On sortait d'un monde, une vraie bulle de chaos. Le contraste était violent. Un vent froid vint sécher la sueur et le sang qui se mêlaient encore sur mon visage et sur tout mon corps. J'en avais bien besoin. Et j'soufflai, regardant le visage tuméfié de Koray. " Et tu comptes passer inaperçu à la fac avec cette gueule-là ? " J'disais ça sur le ton de la plaisanterie. Fallait qu'on se détende. Mais personnellement, c'était pas rare de me voir dans un tel état, limite rampant par terre sur les marches de la bibliothèque. J'savais qu'on avait pas le même genre de réputation.

(Invité)

J'inspire une bouffée d'air frais en regardant autour de moi. Je commence à avoir la tête qui tourne; j'ai dû me relever trop vite. Je m'assieds sur un poteau sous un lampadaire devant le parking et m'adosse. La pression redescend et je réalise dans quel état je me trouve. J'ai les tympans qui sifflent, un mal de crâne qui finira par disparaître dans quelques minutes, le visage et les côtes endoloris, et un goût de sang dans la bouche. Je m'essuie le front trempé de sueur de l'avant-bras et y aperçois une longue traînée de sang. Il va falloir que je bande ça ce soir, si je veux pas me retrouver avec une cicatrice.
"T'inquiète pas pour moi.. Officiellement, je fais partie du club de boxe. J'arrive à expliquer la plupart de mes bleus avec ça."
Je me tâte le nez et pousse un soupir de soulagement. Il n'est pas cassé. Je me rince la bouche à l'alcool et crache par terre. Apparemment j'ai aussi l'intérieur de la joue ouvert. Bon. J'avale une gorgée de vodka et regarde Akira. Il en a vraiment pris pour son grade, et je l'avais senti, tout à l'heure. Mais je sens que c'est pas le genre à lâcher l'affaire. Il va revenir, il a l'air d'avoir la rage au ventre, et il pique ma curiosité.

"Tu t'en es pas trop mal sorti pour une première fois. La première fois que j'ai affronté Henry, j'suis resté dans les vapes comme un con pendant un quart d'heure. J'me suis réveillé avec le nez cassé, et je ne me rappelais de rien. Et toi, c'est quoi ton parcours? On en croise pas 100, des mecs d'Harvard, qui cognent comme ça, sur le campus."
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Le club de boxe, c'était intelligent. J'eu un petit sourire -douloureux- et m’asseyais à mon tour sur un poteau. J'sortais mon paquet de clopes et en proposai une à Koray. J'me disais que ça ne pouvait que lui faire du bien. J'observais un peu sa tête ensanglantée et ça me donnait une bonne idée de ce à quoi je devais ressembler. J'sentais ma mâchoire douloureuse, sûrement qu'elle serait bleue le lendemain, ma lèvre fendue et tout mon corps meurtri. Les articulations de mes doigts avaient pris cher dans les rares coups que j'avais mis.

J'soupirai en allumant une cigarette.
Le discours de Koray me rassurait un peu. J'sais pas si j'avais fait mieux que lui, mais j'pouvais toujours me mettre sur mes deux pieds. " Mon parcours ? J'en sais rien... A ce qu'il paraît j'me suis toujours battu. Mais si tu veux tout savoir, le premier à qui j'ai pété les dents, c'est mon enfoiré de père. " J'sais pas trop pourquoi j'déballais ça. Le contre coup de l'adrénaline, peut-être. En tout cas, rien qu'à la pensée de cet abruti, j'avais envie de lui coller mon poing dans la gueule. Et pour le coup, j'avais mes raisons. " Et toi alors, pourquoi tu te bats ? "

(Invité)

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