(+ Lavender) Strange technology... ~ FB

« Hey je ne me moquais même pas en plus ! Je peux te dire que le fait de me voir si maigre dans le miroir parce que je n’avais pas bougé depuis quatre ans m’a fichu un de ces bourdons… et encore plus donné envie de manger du chocolat ! » fit-elle d’un ton à la fois sérieux et marqué par la plaisanterie car il est vrai qu’Elisandra paraissait bien amaigrie. Ceux la connaissant le remarquerait facilement, ce qui n’était pas encore le cas de Lavender qu’elle venait juste de rencontrer. « Ce n’est pas qu’une impression tu sais ! Ce genre de pince-fesses, c’est fait juste pour l’esbroufe… fais-moi confiance, pour être souvent allée à des galas, tu retrouves le même genre de personnes ! » s’exclama-t-elle en esquissant une petite grimace pour les qualifier avant de mieux pouffer de concert avec son acolyte de la soirée. « Ou alors, c’est qu’il a saigné sur une toile et au lieu de réparer sa bourde, il a fait : j’ai potassé des plombes sur l’effet d’une tache sur une toile… » Le pire, c’est qu’Elie pensait que c’était tout à fait possible dans le genre. « Mon plus grand rêve ? Bosser dans un grand cabinet, j’avoue, mais aussi faire construire ma maison dont j’aurais fait les plans. Et toi en tant que biologiste ? »

Décidément, elle avait bien fait d'oser mettre les pieds dans une exposition, qu'elle aurait certainement regardé d'un oeil amateur sans les conseils d'Elie. Lorsqu'on y réfléchissait, pourquoi aimait-on autant les expositions ? Parce que sous couvert de déambuler entre de grands noms de la peinture, on se projetait un temps dans un autre environnement, plein de couleurs, de fantaisie, loin des couleurs mornes du quotidien. Lavender aimait particulièrement les peintures qui représentaient des scènes en extérieur, elle avait l'impression d'être transportée sur de l'herbe verte rien qu'en effleurant les bords du tableau.
- C'est vrai que tu as une ligne impressionnante ! Si ça te tente, on pourra sortir manger un bout en ville en sortant...proposa Lavender sans savoir si Elie allait accepter. Après tout, elles ne se connaissaient que depuis une trentaine de minutes, jugea Lavender à vue de nez. Sans pouvoir l'expliquer, elle sentait qu'Elie était une de ces personnes avec laquelle il était facile de discuter de tout et de rien.
Pourtant, il était clair que les deux jeunes femmes venaient de milieux différents.
- C'est un peu dommage de voir un tableau qui a dû demander 5 minutes de préparation à côté d'un chef d’œuvre, plein de détails et de coups de pinceaux tellement précis. Il en faut pour tous les goûts évidemment !
Oui, ça doit être un des avantages lorsque tu es architecte, tu peux vraiment concevoir une maison à ton image. J'ai vu que les escaliers et les étages avec un sol transparent se faisaient de plus en plus...ça doit donner le vertige, pouffa l'étudiante.
- Trouver un remède au VIH, au cancer, à la maladie d'Alzheimer ? ... Il y a tellement à faire dans ce domaine et les recherches avancent trop lentement.

« Avec plaisir pour manger en ville, ça tombe bien mon ventre commence à crier famine donc… mais je te rassure, toi aussi tu as une ligne parfaite à en faire pâlir de jalousie toutes celles qui cachent maladroitement leurs formes dans des robes ne leur allant pas » nota Elisandra non pas avec ironie mais avec désespoir, car il n’y avait aucune honte à avoir des formes et à les montrer. Être une planche à pain n’avait rien de beau, en somme… c’était un peu comme dire qu’une tache sur un tableau était jolie ! « Tu as mis le doigt dessus : il en faut pour tous les goûts ! Le problème de l’art c’est moins objectif que ça, tu meurs. C’est comme la déco d’un salon… certains vont l’aimer moderne, d’autres classique empire, et je t’en passe et des plus mûres ! » nota Elie avant de suivre Lavender dans l’éclat de rire. « Jamais je ne ferais d’escaliers transparents parce que si c’est pour avoir la trouille et pas réussir à descendre, non merci !! Tu as le vertige, toi ? » demanda-t-elle avec intérêt pour mieux la rejoindre à nouveau : décidément, Elie avait trouvé quelqu’un avec qui discuter sans risque de se prendre la tête ! « Clairement ce genre de recherches va trop lentement… mais qui sait, tu apporteras sûrement une belle pierre à l’édifice ? Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! »

La galerie était plutôt bien située, il suffisait de franchir le seuil pour se retrouver dans une artère vivante de Cambridge. Restaurants, bars, cinémas, c'était un de ces quartiers qui respiraient autant de jour que de nuit.
Lavender fit mine de tendre l'oreille en riant :
- Je te rassure, il a faiblement crié alors, personne n'a rien remarqué ! Avec un sourire, Lavender se serait presque sentie rougir.
- Wouah, ça me fait tout drôle d'entendre ça, je suppose que je dois te dire... merci ? Elle n'était pas forcément habituée à être complimentée sur son allure, elle était généralement le type de femme qui se fondait à merveille dans la foule et que personne ne remarquait.
- Disons que la peinture, c'est un peu comme la musique. Soit on aime dès les premiers coups de pinceaux, dès le refrain, soit ça ne prendra jamais et il n'y a pas d'alchimie. Je vois ce que tu veux dire, entre le style colonial et les meubles Ikea ! Cette enseigne n'était pas encore complètement implantée aux Etats-Unis mais Lavender avait entendu dire qu'elle avait un franc succès dans l'ensemble des pays occidentaux.
- Étrangement, ça dépend des lieux et de la pente. Je n'ai pas le vertige à proprement parler, ceci dit, je ne sais pas si je dirais oui si l'on me proposait un saut à l'élastique !...J'aimerais bien que tu aies raison mais de nombreux ont essayé avant. Il faut des années pour étudier un virus et des décennies pour tester sa résistance. C'est un travail de fourmi...

« C’est parce que je le matte le bougre, t’en fais pas ! » s’exclama Elie en référence à son estomac gargouillant discrètement de temps à autre. Une chance que cela reste encore discret… « Merci c’est un bon début ! » La brunette lui fit un large sourire pour lui faire comprendre qu’il s’agissait d’un compliment sans attente de renvoi d’ascenseur. Lavender l’avait complimentée en première, il était normal de lui rendre la pareille d’autant que cela restait vrai, non ? « N’empêche, l’inventeur d’Ikea est un génie… même moi je l’admets ! Plus facile à utiliser, tu meurs. Par contre, une fois que tu as foutu un pied dans un magasin, c’est trèèèès dur de ressortir avec leurs parcours interminables ! » avoua-t-elle en esquissant une moue parfaitement entendue vis-à-vis des propos de son interlocutrice, ces derniers s’avérant passionnants. Enfin quelqu’un avec qui parlementer de tout et de rien sans prise de tête ! « Comme beaucoup de travaux du même genre, mais personne n’est à l’abri d’une avancée non plus… en tout cas c’est ce que je te souhaite, ce serait mérité quand on voit à quel point tes études paraissent difficiles ! »

La franchise d'Elie cadrait étrangement avec le lieu. En peinture non plus, il était impossible de se cacher. Le peintre raconte une histoire, bien souvent tirée de ses propres expériences.
- On sent la pratique, plaisanta Lavender qui commençait également à avoir un creux. Elle avait avalé son déjeuner en quatrième vitesse ce midi et elle risquait de le payer ce soir.
- Il a trouvé le parfait créneau. Il faut dire qu'avec un budget serré, ça permet au moins de s'installer sans attendre avec un minimum de meubles. Et il faut dire que côté design, ils s'en tirent bien. C'est une technique de vente tu penses ? Faire en sorte que les clients passent autant de temps à chercher la sortie, pendant ce temps-là ils passent devant des rayons entiers et finissent forcément par craquer.
Lavender serait certainement concernée dans un futur plus ou moins proche. Ils n'avaient pas encore abordé le sujet avec Casey, ils étaient ensemble depuis quelques mois seulement et l'emménagement n'était pas au programme, mais à l'avenir...

Elisandra partait du principe que la langue de bois, elle la pratiquait bien assez dans son milieu princier pour ne pas en refaire l’expérience face à une inconnue ne semblant pas forcément habituée à ce genre de pince fesse. Une chance ! Elle pouvait s’exprimer face à Lavender sans même craindre une seconde d’être jugée. « Oh que oui ! J’ai très souvent faim et donc mon ventre menace souvent de gargouiller… » avoua-t-elle, bien qu’elle ne souffre pas pour autant d’hypoglycémie chronique, il ne fallait pas exagérer. « Si on va manger un bout dans pas très longtemps ça devrait le faire ! » ajouta-t-elle avec un large amusement, se traduisant par le grand sourire étirant actuellement ses lèvres. « Je suis plutôt persuadée que c’est une technique de vente ! D’ordinaire, tu vas dans un magasin avec une liste de ce qu’il te faut acheter… mais là, ton œil est attiré par tous les types de rayon : chambre, salle de bain, salon, etc. et par conséquent, tu achètes deux fois plus qu’à l’origine car l’être humain reste empli de désirs et qu’il adore les combler sur le champ, quitte à être criblé de dettes ! Je te rejoints donc : excellent créneau pour Ikea, moins pour nos portefeuilles… »

Sa mère avait été une des premières à lui parler du géant suédois. Le jour où tu t'installeras... commençait-elle toujours par dire. Il fallait dire que Mme Trevena était une cliente conquise qui pouvait au moins se vanter d'avoir monté des meubles toute seule. Les meubles Ikea comptant quand même pour des meubles...
- Je pense que ça va s'imposer. L'Art ouvre l'appétit je crois, ça donne faim de voir tout le travail que ces tableaux ont dû demander, plaisanta Lavender pour tenter de se convaincre qu'elle n'avait finalement pas le choix.
- En même temps, c'est un peu le cas partout. La liste, c'est pour avoir bonne conscience mais c'est toujours difficile de ne pas craquer sur le reste. Lavender était un mauvais exemple puisque ses finances ne lui permettaient pas de faire des folies, mais cela ne l'empêchait pas d'ajouter une tablette de chocolat premier prix dans le caddie lorsqu'elle en avait envie.
- Tu as d'autres micro-cours à me faire sur les oeuvres exposées ou tu le laisses tentée par un morceau en ville ? demanda l'étudiante.

Elisandra esquissa un petit sourire amusé en entendant Lavender lui expliquer qu’aller se trouver un casse-croûte, cela risquait de s’imposer car l’Art ouvrait manifestement l’appétit. « Tu veux que l’on essaye de trouver une cafétéria pas loin ou tu veux quitter l’expo et n’y revenir que plus tard ? Je te suis dans tous les cas ! » avoua-t-elle, trop contente d’avoir un contact humain des plus intéressants. Quelque chose lui disait qu’avec la brunette, ce n’était que le début de leurs péripéties amicales communes. « Bah moi je t’avoue que lorsque j’ai une liste, je fais mes courses en mode commando en m’y cantonnant. Je n’aime pas faire les courses… enfin en tout cas je n’aimais pas ça avant, par conséquent la liste, bah elle me sauvait bien la vie ! » rigola-t-elle de bon cœur, à croire que la norvégienne ne soit décidément pas fabriquée dans le même bois que le commun des mortels. « Je peux te faire un micro cours tout en mangeant un morceau en ville, j’ai acheté le catalogue de l’expo ! »

La galerie ne désemplissait pas et l'aiguille de l'horloge avait pourtant fait près d'un tour de cadran. Les hommes en costumes et valisettes de circonstance avaient laissé place aux tenues plus habillées, de quoi mettre Lavender à l'aise avec ses simples ballerines aux pieds.
- Dans l'idée, on pourrait trouver quelque chose à proximité ? Je suis sûre que les restaurants ne manquent pas dans les parages. Lavender se serait bien attardée sur une belle tartine italienne si elle en avait l'occasion, rien que d'y penser, elle grimaça de faim.
- Tu n'as jamais d'imprévus ? Bon, c'est un mot trop sérieux lorsqu'on parle de simples courses mais en général ? Lavender était une de ces femmes qui ne prévoyaient que par nécessité, mais la majeure partie du temps, elle faisait en fonction de ses envies et de son humeur. Elle serait tout à fait capable de prendre l'avion sans prévenir sa mère et de débarquer sur Forks après des heures de vol.
- J'ai dû passer à côté en entrant, je n'avais pas vu qu'ils avaient édité un guide, je suis preneuse ! dit-elle en se tournant vers la sortie.