(flashback) alexia&addison ✗ nice to meet you.

Je ris légèrement, comprenant parfaitement les craintes de la jeune femme. D'ailleurs, celle-ci venait de m'apprendre qu'il se passait une certaine alchimie entre Mace et elle. J'en étais ravie, mais connaissant mon meilleur ami, ce n'était pas gagné. Il peut se poser évidemment, comme tout le monde, mais peut-être que ce n'est pas le bon moment pour lui. « Oui tu as raison, après tout il faut bien essayer comme tu dis. » Je lui fais un petit clin d'oeil, espérant qu'ils ne se fassent pas de mal mutuellement. Je connais Alexia depuis seulement une heure mais j'ai l'impression de tenir beaucoup à elle, c'est presque insensé. Nous commençons ensuite à aborder le sujet des triplés, et ses remarques m'arrachèrent un petit sourire nostalgique. Je n'avais vécu avec aucune de mes soeurs, nos parents n'ont jamais pu nous confondre de ce fait. « Mes parents ont jamais pu nous confondre, elles ont été achetées toutes les deux par de riches familles, mais oui, on se ressemble vraiment comme trois gouttes d'eau ! » C'est formidable d'avoir deux soeurs identiques, et même si nos caractères diffèrent, je me sens si proches des deux. Alexia s'excusa par la suite, mais je lui assurais d'un geste de la main qu'il n'y avait aucun mal. Après tout, elle est aussi curieuse que moi je ne vais pas la blâmer pour cela.

Alexia était confiante en ce qui concernait Mace. Un peu trop effectivement, comme le montrerait l'avenir. Mais ils resteraient amis, et ça c'était top. L'explication d'Addison sur leur séparation choqua Alexia sur le coup, et elle fut incapable de le dissimuler, trop spontanée. "Achetées ?" répéta-t-elle distinctement comme si on lui parlait d'une fusillade. Elle trouvait ça horrible de monnayer des êtres humains, en théorie c'était illégal, au moins en Angleterre en tout cas. Alexia avait beau frauder la loi régulièrement sur le net, elle était attachée aux valeurs morales et à l'éthique. Paradoxe quand tu nous tiens. "Désolée, c'est ... C'est triste, je trouve." Mais quelque part, elle pouvait comprendre, les parents n'avaient jamais choisi d'avoir trois enfants d'un coup, ils n'en avaient probablement pas les moyens. Mais pourquoi pas faire adopter deux des trois filles plutôt que les vendre ? Difficile de juger, difficile de se mettre à la place des parents, chaque cas était différent, surtout quand ça touchait aux enfants. Elle essaya de ne pas juger, même si la méthode la choquait un peu. Alexia était profondément amoureuse des êtres humains et altruiste. Mais elle n'avait ni soucis financier ni enfant, elle en était consciente. Du coup elle était gênée de la tête qu'elle avait du faire. Elle avait un visage très expressif. "Euh, en tout cas c'est super que vous vous soyez retrouvées. Sans mon frère je me sentirais un peu perdue je crois. Bon, il est pénible quand il s'y met, mais c'est normal, c'est un grand frère quoi." Sa manière de dévier le sujet.

Je rive mes yeux vers le sol, tout à coup gênée de parler de tout ça. L'histoire avec mes soeurs est très compliquée, et difficile à comprendre d'un point de vue extérieur. Je ne blâmerais jamais mes parents pour avoir été obligés de les vendre, même si dans un premier lieu, ce n'était certainement pas dans leurs intentions. Au final, je ne me souviens même pas si Bonnie et Candice ont été achetées, ou juste adoptées par de très riches familles. « Oui c'est triste, mais au final, on a quand même réussi à se retrouver. » lui dis-je en souriant, pour ne pas l'inquiéter davantage. Mes parents étaient de modestes artisans, et jamais ils n'auraient pu s'occuper de trois bébés à la fois. Je buvais une longue gorgée de Jager, pour essayer de ne pas penser à ça plus longtemps. J'avais envie qu'Alexia apprenne à me connaître, et vice versa, mais ce sujet était toujours très sensible à mes yeux. Surtout que j'ai été mise au courant il n'y a pas si longtemps.. J'esquisse un petit sourire à sa réflexion, moi aussi j'adore mon frère mais il a son caractère. « C'est ton grand frère c'est ça ? Moi j'ai un petit frère aussi. » lui apprenais-je, tout sourire. Qu'est-ce qu'il me manque celui-là.

Cette histoire lui faisait penser à une nouvelle de Maupassant qu'elle avait lue quand elle était petite te où le fils de paysans était vendu à des bourgeois, un truc comme ça. Mais bon, peu importe. Addison avait l'air vraiment mal à l'aise tout à coup et c'était bien normal, ça devait être un sujet très sensible pour elle. Alexia savait à quel point elle était chanceuse d'avoir une famille normale et classique. Le changement de sujet s'imposait pour de bon, et mieux valait ne pas revenir là dessus. "Oui mon grand frère, Thomas. Il me manque. C'est un mec très occupé, avec la start-up qu'il vient de lancer." Son frère, c'était son pilier, l'homme de sa vie. Au moins lui, il ne s'enfuirait jamais parce qu'entre eux c'était trop sérieux. "Il s'appelle comment ton petit frère ? Il fait quoi ? 'Fin il a quel âge en fait ?" Beaucoup de questions à la fois, comme d'hab, Alexia parlait aussi vite qu'elle pensait. "Il est à Yale aussi ?" Et hop, encore une question. Alexia aurait du travailler dans la police et faire passer des interrogatoires aux suspects, avec la vitesse de frappe qu'elle avait les pauvres se seraient mis à pleurer en moins de dix minutes.

Je me sentis d'autant plus proche d'elle quand elle m'apprit l'existence de son frère. La famille, c'est très important pour moi, et ça a l'air de l'être pour Alexia également. Elle m'avoue que son grand frère lui manque, ce que je comprend à cent pour cent. Cela fait plusieurs années que je n'a pas vu mon frère, contre mon gré bien évidemment, mais je ne peux pas y remédier pour l'instant. Il faut d'abord que je trouve l'argent pour retourner au Mexique, et ce n'est pas une mince affaire.. « Ah sérieux ? C'est intéressant tout ça. » lui dis-je en souriant, terminant le verre que j'avais commandé. Ma tête commence déjà à tourner, c'est pour dire à quel point je ne tiens pas l'alcool. Je ricane légèrement aux multiples questions de la jeune femme, j'aime les personnes curieuses, car je le suis aussi. Et puis, parler de mon petit frère est une chose que j'adore. « Il s'appelle Matthéo, et il a trois ans de moins que moi. Je l'ai eu sur Skype y'a pas longtemps, il aimerait intégrer une grande université aussi, mais je ne sais pas si ses résultats seront suffisants.. » dis-je dans un souffle, assez déçue par la difficulté de vivre dans les quartiers. J'ai eu cette chance, celle de m'échapper, mais je ne sais pas si mon petit frère en aura l'occasion.

"Intéressant pour son porte monnaie, ça c'est sur." commentai Alexia en riant. Elle écouta silencieusement, presque religieusement Addison lui parler de son petit frère. "Oh toi aussi tu es loin de lui alors." Il était visiblement resté au Mexique quand elle restait à Yale. "Il y arrivera peut-être, parfois la vie réserve de belles surprises." C'est vrai que ni elle ni son frère n'avaient eu de difficultés à rentrer dans ces universités prestigieuses. Ils étaient tous les deux très doués en informatique, et leur père n'était pas n'importe qui, en plus d'être plein aux as. Elle avait déjà soupçonné certains élèves à Harvard d'avoir soudoyé la direction pour rentrer parce que leurs résultats étaient loin d'être extraordinaires. "Et puis j'ai remarqué que les universités moins prestigieuses et un peu plus accessibles ne sont pas mauvaises du tout, bien au contraire, les gens prennent moins le melon." Honnêtement, dans son cas, ça ne l'aurait pas dérangé. Mais elle avait eu son père aux fesses, qui ne tolérait rien d'autre que les Harvard et les Stanford pour sa propre réputation. Idem pour son frère. "Enfin je dis ça, j'espère que je ne l'ai pas, en plus je trouve ça stupide de dire melon, on ressemble quand même plus à des pastèques à la base." Elle l'avait pensé, et elle l'avait dit tout haut. Et elle l'avait pas encore fini son verre, ça promettait. D'ailleurs elle remarqua qu'Addi avait fini le sien. "Tu veux un autre verre ? Je te l'offre, c'est ma soirée, tournée illimitée."

Je ricane suite aux paroles d'Alexia, car j'imagine que ça doit rapporter en effet. « Et t'aimerais pas bosser avec lui ? » demandais-je, curieuse. Si mes souvenirs sont bons, elle étudie elle aussi l'informatique, ce serait l'occasion de voir son frère plus souvent. « J'espère. » soufflais-je presque silencieusement, quand nous nous mettons à discuter de mon petit frère. Il est intelligent, un très bon élève me dit-il, mais aura-t-il la même chance que moi ? Je n'en suis pas certaine, mais je croise les doigts pour que ça lui arrive. Et puis, la solution que me soumet Alexia n'est pas mauvaise. « Oui c'est clair ! Mais elles sont quand même payantes.. j'te jure, c'est tellement difficile pour les gens comme nous de faire des études. Aux Etats-Unis en tout cas, car je crois qu'en France ce n'est pas exactement pareil. » Il me semblait avoir entendu dire que les universités françaises étaient loin d'être chères, mais il faudrait lui payer la vie là-bas en contre partie et ce serait tout aussi dur. Je n'ai pas envie que mon frère finisse artisan, ça n'a pas réussi à mes parents, je ne vois pas pourquoi il aurait plus de chance.. J'éclate de rire quand elle commence à me parler de melons et de pastèques. Elle a l'air complètement folle, j'aime ça, car je peux le devenir moi aussi - quand je pars dans le même genre de délire. « On ressemble à aucun des deux ! Courgette serait plus réaliste à la limite. » Quoique.. Je ne vois pas trop à quel fruit ou légume on peut ressembler en fait, mais on peut toujours s'amuser à chercher. « Ouais j'veux bien ! Mais je peux payer hein. » Je lui fais un petit sourire et recommande donc la même chose.

Si elle aimerait bosser avec son frère ? Elle n'était pas sure de la réponse. Elle adorait Thomas, mais c'était son projet, pas le sien. Et Alexia avait des envies d'indépendance. C'était pour ça qu'elle avait choisi Harvard et non Yale, entre autres. Pour se détacher de son nom de famille. "Je pourrais, je suppose, mais j'aimerais voler de mes propres ailes, créer ma propre start-up, et réussir toute seule. Je ne sais pas comment l'expliquer, c'est peut-être stupide, mais j'ai besoin de me réaliser comme ça, pour me prouver que j'ai un peu de valeur dans le monde de l'informatique." Elle espérait qu'elle allait y arriver, parce qu'elle avait déjà un projet dans les cartons, qu'elle essayait de mettre sur des rails. "C'est vrai, c'est cher, mais c'est aussi l'assurance d'avoir un job après. Et puis les banques accordent des prêts beaucoup plus facilement ici qu'en France, si on veut faire la comparaison, et la sélection d'entrée sur dossier garantit le niveau des élèves. En fait, je ne suis pas sure qu'on puisse comparer, c'est deux mondes tellement différents." C'est vrai, les Etats Unis - et l'Angleterre s'en rapprochait d'ailleurs - était dans un système complètement ultra libéral. Pas du tout en France. "Enfin, je laisse ça aux politiques, comme ça, ils commandent des programmes de simulation et hop, ça nous donne du boulot !" Elle rigola. Personnellement elle voulait créer des applications un peu plus originales et plus révolutionnaires que ça, mais n'empeche. "Je préfère les cornichons, c'est plus fin, plus délicat que les concombres" Alexia adorait grignoter des cornichons quand elle avait un creux. Si, je vous jure. "T'inquiète, je le sais, c'est juste que je suis partie dans mon élan pour me faire pardonner ton chemisier" Elle lui fit un clin d'oeil.

Finalement, les explications de la jeune femme tenaient la route, et je comprenais parfaitement son point de vue. A sa place, je pense que je ferais pareil en fait. La famille c'est bien, mais il faut parfois se lancer seul pour réussir correctement dans la vie, et c'est ce que comptait faire Alexia. « C'est loin d'être stupide, c'est surtout très ambitieux ! » Niveau ambition, j'étais pas mal aussi. Je me prend même trop la tête avec le fait de réussir parfois, et ça me vaut un stress de fou, pas forcément bon pour les études quoi. Mais je suis comme ça, et même avec des séances de yoga, je n'arriverais pas à y faire face correctement. Pauvre de moi. Je hoche positivement la tête à ce qu'elle me rétorque par la suite, elle n'a pas complètement tort. Au Etats Unis, on est presque sur d'avoir une école si on s'en donne les moyens, alors qu'en France.. les dossiers y jouent beaucoup et on se fait bien souvent avoir. « Ouais c'est clair, et puis oui c'est un peu compliqué, on a d'autres choses à gérer nous ! » rétorquais-je en souriant, tandis que ce sourire s'agrandissait au fil de notre conversation. On commençait réellement à partir loin, mais c'était plutôt marrant en réalité. « J'aime pas les cornichons. Ni les concombres tu m'diras. » Oui, je suis un peu difficile niveau nourriture je l'avoue, mais bon.. les cornichons quoi. Je ne sais pas trop comment on fait pour aimer ça, m'enfin, chacun ses goûts après tout. « Bon d'accord ! Un bon coup de pressing et ça sera réglé t'en fais pas. »

"Mon père nous a appris. A être ambitieux je veux dire. Il était surtout ambitieux pour nous, en fait." La vie n'avait pas été drôle tous les jours avec lui. Jamais là, très strict quand il l'était, etc. Pour autant elle ne s'en plaindrait jamais verbalement à quelqu'un d'autre qu'à son frère. Parce que les parents parfaits n'existaient pas, que si elle était à Harvard, c'était grâce à l'esprit de travail que son père lui avait insufflé, à l'ambition justement. Et puis se plaindre alors qu'on avait des parents pleins aux as, ça ne se faisait pas. Même si on manquait d'affection, pour tous les autres qui n'avaient ni affection ni argent, mieux valait se taire. "Je n'aime pas les concombres mais j'adore les cornichons, je ne suis pas du tout paradoxale comme fille pas vrai ?" Alexia dans toute sa splendeur, maladresse, ambition, génie de l'informatique et tête en l'air comme pas deux. Un paradoxe entier. Elle faillit lui proposer de payer le pressing mais ne dit rien, ça aurait été trop lourd de sa part, déjà qu'elle lui payait des verres. "Jusqu'à la prochaine fois en tout cas !" Elle avait vraiment dit ça à voix haute ? "Enfin pas que je renverse des verres sur les gens à chaque fois que je le croise, puis pour ça il faudra qu'on se revoit - ça va arriver j'espère parce que t'es super comme fille - mais la probabilité existe quand même, je me connais, mieux vaut n'écarter aucune éventualité tu vois." Respire entre tes phrases Alexia, de temps en temps.