※ LET'S PLAY THE GAME ALEXIA

Aussi surprenait que cela puisse paraître, Cody commençait timidement à croire qu'il attirait Alexia. Mais vraiment. Elle le désarmait avec ses yeux de biche et lui offrait tout ce qu'il aimait le plus dans sa vie d'étudiant ; à boire ! Alcohol please ! Il faudrait renommer Alexia, lui donner un pseudo qui pète du style Jack Bambi Daniel's pour combiner ses deux armes dans un seul surnom. Et Cody avait beau être grand, fort et Lowell (c't'une qualité oui oui), il n'était qu'un homme et la petite voix sucrée d'Alexia, quand elle fit appel à son extraordinaire doigté en matière de jeux sur portable, ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd. « Tes amis jouent encore à ça ? Doodle Jump c'est dépassé ! Maintenant il y a Candy Crush. » Et attentiiiion, Cody était au niveau 265, un grand maître Jedi chez Candy Crush. Non mais Doodle Jump, il faudrait barrer ce mot du vocabulaire. Vous l'aurez compris, Cody ne sortit pas son portable comme Alexia l'avait tant espéré. Il préférait la rassurer sur le fait qu'elle n'avait pas à être la risée car elle ne dépassait pas les 1000 points dans un jeu tombé dans l'oubli. Avec un sourire amusé, il baissa les yeux sur le verre qu'elle amena à lui. Ah, elle connaissait ses petites faiblesses. « Me regarde pas avec des yeux comme ça. » s'esclaffa-t-il en prenant sans vergogne le whisky entre ses mains.

Candy Crush, ce maudit Candy Crush la poursuivait, sérieux! Non seulement elle détestait ce truc et touuus ses amis essayaient de la convaincre d'y jouer, et maintenant, elle se tapait la honte à cause de ce truc. Mince les gars, Doodle Jump c'était carrément mieux, et le meilleur jeu du moment c'était 2048 à la fin, il fallait arrêter avec ce truc de bonbons. Zen zen zen Alex. De toute façon la prochaine appli jeu en vogue, ce serait elle qui la concevrait, et puis basta. En attendant, elle devait continuer à faire semblant d'être une nulle en technologie, et ça commençait à lui demander un effort surhumain. Pour certains trucs elle avait autant de patience qu'une huître. "Ah vraiment ? Attends je crois que je suis complètement dépassée, je n'en ai jamais entendu parler! Je ne sais même pas ce que c'est! Tu crois que tu pourrais me montrer ?" S'il ne sortait pas son portable, elle allait finir par le boire comme un trou jusqu'à ce qu'elle puisse lui piquer son smartphone en douce. C'était bien parti vu qu'il accepta le verre sans tergiverser. "Quels yeux ? Tu m'impressionnes c'est tout ! Je suis à la masse à côté de toi, en plus je suis sure que tu es super fort à tous ces trucs ! J'ai toujours été tellement nulle pour les jeux vidéos et tout ça !" et ça, c'était franchement plutôt vrai. Même quand elle était ado et qu'elle avait essayé de jouer avec son frère, elle n'était jamais fichue de terminer un seul jeu sans lire les triches et astuces. Vraiment pas son truc. Pour accélérer le processus, elle sortit un deuxième verre, qu'elle remplit de whisky - moins que dans le verre de Cody, quand même - et le brandit en disant "Allez, je trinque avec toi !". Elle détestait le whisky, elle était plus vodka. Pour dire jusqu'où elle était prête à aller.

Une seule explication possible à l'inculture d'Alexia au sujet de Candy Crush … Elle ne venait pas de cette planète. Il ne voyait pas comment ça pourrait être autrement, qui n'avait jamais entendu parlé de ce fameux jeu avec les bonbons, honnêtement ? Il grimaça, limite s'il ne ressentait pas de la pitié pour cette pauvre petite brebis égarée. Il était temps de lui montrer la lumière du jour, qu'elle sorte de sa grotte ! Et donc Bleeker sortit son portable de sa poche pour lui montrer le jeu en question. Il resta assez discret tant qu'il n'était pas en marche car il ne souhaitait pas qu'Alexia lise ses messages, hého. « Il était temps que j'arrive pour faire ton éducation. » déclara-t-il, obnubilé par son écran. Ouais ouais, il comptait répondre à ses textos avant d'enseigner à Alexia les rudiments de Candy Crush, vous croyez quoi ? Elle lui faisait tout un tas de compliments et forcément, ça ne faisait que boursoufler l'égo de Cody qui attendait déjà des tailles canoniques. « Super fort … Non je me débrouille et toi tu te rabaisses. » Puis elle se servit un verre pour ne pas laisser le Lowell dans sa solitude d'alcoolique. Il pouffa de rire et brandit son verre à son tour ; « À nous. » Les verres claquèrent et il but une gorgée de son whisky. Elle ne lui avait pas servi le plus dégueulasse. Il espérait qu'il n'allait pas apparaître sur sa note.

Alléluia, il avait fallu qu'elle passe pour une has been extraterrestre et peut-être un peu cruche, mais la distance entre Alexia et le graal venait subitement de se réduire. Je vous jure, passer par candy crush, qu'est ce qu'il ne fallait pas faire. L'air de rien elle jeta des coups d'oeil discrets vers le smartphone de Cody, espérant voir les interfaces des fameuses applications qui valaient de l'or. Sans succès, il le tenait de sorte qu'elle ne puisse rien voir. Pour envoyer des sms visiblement vu comme il tapotait sur son écran. Il était sérieux là ? Leçon numéro un: ne jamais envoyer de message quand on a bu, ça peut virer au chaos. "Je me demande comment je ferais sans toi" dit-elle l'air de rien en le pensant avec une très forte ironie. Elle se força à boire une gorgée de whisky en même temps que lui sans avoir l'air dégoûté. Ma vieille la prochaine fois tu lui sers une vodka. Heureusement pour lui, ce qu'il ignorait, papa Dickins était riche, et la carte bancaire d'Alexia n'avait pas de plafond. Elle travaillait ici juste pour se sentir un peu moins dépendante de son père et avoir le sentiment de faire quelque chose dans sa vie autre qu'étudier. "A nous et à ma future éducation sur Candy Crush". Dans dix minutes, elle allait suggérer à Cody de terminer son verre en trouvant une excuse moisie, si elle ne voulait pas recracher ce qui restait. Allez baisse ton écran Cody. Baisse ton écran ! Elle se rendit compte que regarder son portable avec autant d'intensité n'allait pas la rendre douée de télékinésie. "C'est drôle la dernière fois que j'ai bu j'ai envoyé sans faire exprès un message d'insulte à ma prof de fac, je ne te dis pas les ennuis que j'ai eus, du coup je me limiterai à un verre ce soir." elle marqua une pause pour lui laisser le temps de comprendre, peut-être, le message subliminal qui voulait dire envoyer des textos quand t'es bourré ça craint. Bien sur ce qu'elle venait de dire était complètement faux."Et dis moi tout de suite, à part Candy Crush, il y a d'autres applis indispensables que je devrais connaître ?" En priant pour que selon lui oui et qu'il fasse défiler son menu. Et que par pitié, pitié, il arrête d'envoyer des textos.

En fait, Dickins paraissait bien trop cruche pour que ce soit réel. Forcément, Cody se mettait à croire qu'il lui plaisait, qu'elle cherchait simplement des excuses pour pouvoir lui parler et passer du temps avec lui. Elle parlait d'abord d'économie puis de portable. What's next ? Maybe la météo, les examens, les animaux égarés. Les possibilités étaient immenses si l'on suivait le schéma de la blondie. « Elles disent toutes ça. » affirma Bleeker avec la délicatesse d'un goujat. Oh c'est bon merde, elle ignorait Ô combien il avait de la chance avec les femmes (ça pue l'ironie oui oui) et en plus elle était dingue de lui (ça puait l'amour oui oui) donc Cody en profitait pour se mettre en valeur, of course. Alors qu'il répondait à ses messages – il n'aimait pas foutre des vents à ses amigos – Alexia raconta une anecdote d'étudiante, de message d'insulte à la mauvaise personne, blablabla. Elle prenait Cody pour un débutant de la cuite ? Oh non. « C'est ta façon de me dire de me limiter, c'est ça ? » demanda-t-il malicieusement sans comprendre qu'elle voulait surtout qu'il se grouille de couper court à ses discussions pour qu'elle puisse admirer son fond d'écran … And more. En matière d'application, Cody était calé. Quand elle quémanda quelques conseils, il haussa les épaules. « Instagram ? » Wouuuuh l'appli qui a 500 ans ouuuuuh. Mais Alexia était tellement novice qu'il avait l'impression de lui faire découvrir la vie. Il n'allait pas la noyer sous un tas de nom d'application qu'elle n'utiliserait jamais, pour se réduire aux basiques. « Snapchat. » ajouta-t-il à la maigre liste. Ça ne servait à rien d'être exhaustif puisqu'elle semblait ne rien connaître.

Le sourire d'Alexia se figea littéralement quand il sortit sa petite déclaration de tombeur de ces dames. En temps normal, elle l'aurait peut-être giflé. Sérieusement. Alex détestait ces garçons qui draguent tout ce qui bouge et qui se croient irrésistible. Mais là, elle prit sur elle pour la bonne cause et s'abstint de tout commentaire. Continue à jouer les idiotes Alex, ne montre rien. Elle respira profondément en continuant de sourire. "Je n'aimerais qu'il t'arrive des ennuis, je t'aime bien tu sais." lui répondit-elle avec une moue embêtée. Elle avait envie de se gifler elle-même devant les énormités qu'elle commençait à sortir, c'était normal docteur ? Elle regrettait de ne pas avoir pris de cours de yoga quand son père lui en avait proposé. Ca améliore ta gestion des situations de crise en entreprise, lui avait-il dit. En l'occurrence c'était effectivement une situation de crise. instagram, snapchat. Ok il la prenait officiellement pour une débile, une blonde à forte poitrine - pas vraiment en fait - et cerveau vide. Au moins elle savait qu'elle faisait une comédienne potable. Aidée par quelques verres sans doute. Sauf qu'elle allait dans le mur, à ce rythme là. Alex but une nouvelle gorgée de whisky pour avaler la pilule. Attention à ne pas trop boire Alexia, gère cette horrible frustration autrement. "Ah non mais les réseaux sociaux je connais bien, même Tinder et tout ça. D'ailleurs quand c'est apparu j'ai trouvé ça super génial, toutes mes amies l'ont aussi. Je me demande ce que sera la prochaine appli sociale tendance dans quelques mois, je suis sure qu'ils vont encore inventer de nouveaux concepts, non ?" Elle en était arrivé à supplier le bon Dieu pour que ça marche, parce que sinon, elle allait craquer. Il ne buvait pas son verre assez vite de toute façon.

Wowowowow. Je. T'aime. Bien. D'accord. Pouls qui s'accélère, poils qui se redressent – pas l'inverse car ça n'aurait aucun sens – voilà que l'admiration que portait Alexia au jeune homme entraînait des synergies dans son cerveau. Il se sentait pousser des ailes comme le Pégase dans Hercule, il se sentait flotter sur un nuage comme Cupidon sans sa couche ni son arc. À part ça, le mec ne s'emballe pas. Il ne fallait pas lui en vouloir ; quand t'es un gars qui a aussi peu confiance en son charme avec les femmes, forcément son cerveau jouait aux montagnes russes quand une nana exprimait clairement son intérêt pour lui. « Au pire, s'il m'arrivait quelque chose, tu me défendrais, hein ? » Zouuuuuuuuuuuuu BOUM. Vous entendez ce bruit ? La virilité de Cody qui s'écrase inexorablement dans le bas-fond des abîmes des taupinières du coin. Alors qu'elle tentait vainement de remonter à la surface au moment même où il donna des noms d'applications à Alexia, cette dernière ne semblait guère intéressée. Désolé, elle avait l'air plus incultivée que ça concernant la technologie. Ne pensant pas une seconde aux petits gadgets qu'il avait l'occasion d'essayer avant tout le monde, il sortit la carte de l'ignorance, mais vraiment très naturellement, il ne feintait pas ; « Au temps pour moi. Il faudra que tu me files ton snapchat alors. » Comme ça, ils pourraient partager des tas de moments de la vie quotidienne, c'est ti pas beau ? « Ahah, j'pense qu'on risque d'être surpris. Ils savent tellement plus quoi inventer qu'on tombe parfois sur de ces trucs ... » fit-il l'air surpris avant de boire une rasade de son – redisons-le – très très bon whisky.

Alexia fut tellement déstabilisée par la réaction de Cody qu'elle sortit complètement de son rôle pendant quelques secondes. Le défendre ? Est ce qu'il avait complètement pété les plombs ou il avait bu plus que ce qu'elle avait imaginé ? On aurait dit un enfant de six ans. Si c'était une technique de drague, c'était à faire fuir des mouches. Un "Quoi ?" de surprise sortit immédiatement de sa bouche sans qu'elle puisse y faire grand chose. Elle devait avoir l'air de le regarder comme s'il avait dit le truc le plus incongru qui soit. "Euh ... et bien ... oui, je crois, autant que je peux." fut tout ce qu'elle parvint à répondre. Qu'est ce qu'on était censé à répondre à ça, d'ailleurs ? Tout compte fait, il était peut-être plus fragile à cet instant que ce qu'elle avait cru. Peut-être que finalement elle n'était pas si loin du but et que tout était encore possible en continuant de jouer aux cruches. "Oui bien sur, quand tu veux". Elle n'était fondamentalement pas fan de snapchat - en tant que programmeuse le manque de sécurité et de confidentialité la titillait un peu, même si ce n'était guère pire que pour les autres applis - mais comme tout le monde elle en avait un dont elle se servait une fois tous les 29 février. Vous avez compris l'image. Elle attrapa un stylo, une serviette en papier, et lui écrivit son pseudo assortit de son numéro de téléphone avant de lui tendre. "Comme ça tu sais où me joindre". Une intuition lui disait que les situations coquasses avec Cody n'avaient pas fini d'arriver."Ah oui, de ces trucs comme quoi ? Raconte ..." demanda-t-elle avec curiosité, toujours dans le même but et constatant avec satisfaction qu'il recommençait à boire. Espoir quand tu nous tiens.

Sans pour autant avoir une vision jurassique des relations hommes/femmes, on est tout à fait d'accord sur le fait qu'il n'y a rien de plus tue-l'amour qu'un mec qui demande à sa copine de le défendre. Il faut croire que Cody n'entrait pas dans les normes puisqu'il ne constata pas par lui-même la nullité de sa technique de drague. Pas graaave, s'il s'appelait Hitch expert en séduction, ça se saurait hein. Maintenant, il passait pour le geek des applications, voilà l'image pourrie qu'il se donnait. Mais à Alexia, ça semblait être sa cam. Bizarre. Il aurait dû se douter qu'il y avait quelque chose qui clochait mais que voulez-vous, elle savait où toucher Cody pour obtenir ce qu'elle voulait de lui. « Le numéro, c'est pour quoi ? » demanda-t-il avec une certaine once de malice. Puis il récupéra la serviette qu'il glissa scrupuleusement dans la poche arrière de son jean. Vous allez voir, le mec allait direct l'ajouter sur snapchat mais ce n'était pas certain en revanche qu'il enregistre où que ce soit son numéro. « Je vais t'ajouter de suite. » déclara-t-il en s'exécutant presque instantanément. Haussant les épaules, il renseigna sans réel détail la jeune femme ; « Ce qui va bientôt être très en vogue c'est l'oPhone – l'envoi d'odeur par texto. J'imagine que les concepteurs vont essayer de ne pas louper le coche. » Il le savait parce qu'il avait eu l'occasion d'en tester un mais il ne trouvait pas cela spécialement intéressant.

Excellente question de la part de Cody. Si elle lui avait donné son numéro, c'était parce qu'elle espérait bien en cas de secours, si ce soir n'aboutissait pas, qu'il lui envoie un texto bientôt. Et de cette manière, avec son numéro à lui, elle pourrait s'infiltrer dans son portable, le hacker, et récupérer ses données. Mais difficile de lui répondre ça pas vrai ? "Et bien, ça c'est si tu as besoin que je te défende" lui répondit-elle avec un grand sourire. Qu'est ce qu'il ne fallait pas s'entendre dire. Et pouf, il l'ajouta directement sur snapchat. Ca c'était du rapide. Tout compte fait vu la sécurité de l'application, elle allait peut-être pouvoir passer par là. Elle ferait une intrusion à grande échelle dans les données pour prendre en fait seulement celles de Cody, et au passage snapchat ferait croire à un piratage de masse. Et oui, ça arrivait régulièrement ce genre de petites magouilles. Mais une nouvelle information la ramena au moment présent. Enfin il commençait à lâcher quelques informations. L'odeur dans les sms. Intéressant. Elle avait eu vent de plusieurs rumeurs à ce sujet, mais elle n'avait jamais pu mettre la main sur des maquettes. Aucune société ne s'occupait de ce domaine de façon officielle. Oh bien entendu Alex avait essayé de hacker apple, google et samsung. Mais leurs réseaux étaient aussi sécurisés que ceux de la CIA et bien mieux que ceux du FBI. Ils avaient de loin les meilleurs informaticiens dans leurs rangs. Samsung était peut-être un tout petit cran en dessous au niveau cryptage, mais bon entre Godzilla et King Kong hein. Dans trois années supplémentaires, une fois diplômée, elle aurait le même niveau que ces gens là. Et ça ferait boum. Revenons à nos moutons. "Non tu plaisantes ? Mais c'est un truc de malade ! Comment tu peux faire quelque chose pareil ? Explique moi ! Genre ils vont rentrer quelques odeurs basiques dans ton iPhone et tu choisiras celle que tu veux déclencher ? Ca sera un flacon de parfum sur commande alors ! Plus besoin d'aller en racheter ! Et tu crois que ça marchera aussi pour le déodorant ?" alors là pour jouer les blondes, elle jouait les blondes, et elle ne s'en serait jamais cru capable.