lavender & casey + j'suis comme saint pierre, je crois ce que je vois.

Peu de temps avant qu'on nous serve les entrées, je m’éclipse avec Lavender. Bien que la soirée se soit déroulée sans encombres pour le moment, que même le bal est spectaculaire, je ne peux pas rester là à attendre sans rien dire alors que je sais pertinemment ce qui se passe dans mon dos. Je prends donc Lavender à part, et commence à danser avec elle. Elle est époustouflante dans sa robe fendue noire, j'en suis même à me demander si elle ne risque pas de s'attirer tous les regards masculins avec une robe pareille. ça ne m’entonnerait pas. Les mains sur ses hanches, le regard perdu dans ses yeux, je ne peux m’empêcher de sentir mon coeur se serrer. Est-il vraiment mieux que moi ? Que lui offre-t-il que je ne lui offre pas ? La sécurité ? un avenir ? Baissant les yeux, ralentis le pas et dis dans un souffle : Lavender... ça ne sert à rien de faire semblant. Je sais pertinemment ce qui se passe.

Attablée avec les autres convives, Lavender tressaute légèrement lorsque la main chaude de Casey vint se poser sur son bras, d'un signe d'un tête, sans rien ajouter d'autre, il l'invite à la suivre. Ils se retrouvent à tournoyer sur la piste de danse, le corps de Lavender épousant parfaitement celui du jeune homme. Lavender laisse les mains de Casey se poser sur ses hanches et suivre le moindre frémissement de son bassin, ondulant au rythme de la musique. Une lueur fugace traverse le regard de Casey, un mélange de tristesse et d'appréhension qui laisse la jeune Quincy songeuse. Avec un mouvement de recul, Lavender lance :
- De quoi tu parles ? Il avait un air inquiet que Lavender ne lui connaissait pas. Avait-elle eu une parole déplacée à table ?

De quoi tu parles ? notre danse s’arrête. Lavender recule d'un pas. Je passe nerveusement ma main dans mes cheveux, et sentant une boule se former dans ma gorge, desserre quelque peu ma cravate. Jetant un regard à l’assistance autour de moi, je redoute de voir la personne dont il est question, de croiser ne serait-ce qu'une de ces boucles brunes, par simple jalousie. Bien droit face à Lavender, je dis : Tu sais pertinemment de quoi je parle... de Leight. Penchant la tête, je recule à mon tour avant de lever les yeux au ciel, haussant légèrement le ton : J'suis peut-être malade mais je suis loin d'être aveugle. Je préférerais qu'elle m'avoue tout, simplement, qu'elle ne fasse pas semblant, qu'elle ne nie pas.

Cette soirée était supposée les réunir, leur permettre de ne plus penser aux efforts qu'ils avaient dû faire pour garder leur relation la plus stable possible. Les autres couples évoluaient sur la piste de danse et les deux étudiants se faisaient désormais face, Lavender avait l'impression d'avoir un étranger en face d'elle et ça lui brisait le coeur. Que lui cachait-il ? S'il avait eu un quelconque problème, Lavender espérait qu'elle aurait été la première informée. Il fallait croire que les gens changeaient. Elle n'avait même pas été fichue de voir que Casey avait quelque chose à lui reprocher. Si la situation n'avait pas été aussi tendue, Lavender serait partie dans un fou rire.
- Leight ? Qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ? Je vois pas où tu veux en venir. Ils étaient ensemble à la Quincy House mais Lavender ne voyait pas ce qui pouvait déranger Casey à ce point, il n'était pas le seul garçon de la Quincy House.Lavender se retrouve à froncer les sourcils, elle se sentait soudain ridicule, ainsi au beau milieu de la pièce.
- Tu peux m'expliquer ce qui ne va pas exactement ?

Reprenant ses mots, je dis avec un faux air étonné, ironique et presque méchant : qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ? Je me retiens de rire. Pourquoi fait-elle ça ? pourquoi fait-elle semblant de ne pas comprendre où je veux en venir ? Je ne la reconnais pas ! Tout est tellement plus simple avec elle habituellement, pourquoi me cache-t-elle des choses ainsi ? Il vient tout y faire justement ! Ce qui ne va pas, c'est que je fais mener en bateau depuis votre voyage en Afrique ! Passant mes mains sur mon visage, j'expire, essayant de me calmer. Je sens la colère, la jalousie et ancienneté montée en moi. Des étudiants nous lancent des regards, mais rien de bien important pour le moment. Serrant les poings, je fais craquer mes doigts. Rejetant la tête en arrière, j’expire.

Alors que les hauts parleurs laissent échapper les premières notes d'une musique bien connue, Lavender se sent comme une intruse parmi ces étudiants. Même son entourage semble ne plus pouvoir lui faire confiance, et dire qu'elle avait pourtant tout fait pour que sa relation avec Casey tienne bon. Elle avait essayé de lui laisser de l'air, de lui laisser du temps aussi. Avait-elle finalement tout fait de travers ? N'avait-elle donc rien compris ? Elle a du mal à reconnaitre Casey, ses gestes et son regard...
- Je comprends rien Casey, dit-elle avec le peu force qu'elle avait. C'était le flou le plus complet dans son esprit, quel rapport y avait-il avec Leight ? Y avait-il un lien avec son voyage en Afrique ? Le fait que Lavender n'ait pas été en mesure de lui donner de nouvelles pendant ce temps ? Quelques regards s'étaient tournés dans leur direction, ils ne devaient pas passer inaperçus. Ils n'étaient pas simplement séparés par un mètre, Lavender avait l'impression qu'ils évoluaient à des années lumière l'un de l'autre. Elle ne voyait pas où il voulait en venir.
- Je ne sais pas de quoi tu m'accuses, mais il va falloir que ça s'arrête. Je n'ai rien à me reprocher, j'ai toujours tout fait pour toi, pour nous et je ne supporterai pas longtemps que tu insinues le contraire. Casey, on dirait que tu ne me fais plus confiance. Comme si tu ne me connaissais plus, dit-elle en baissant la voix.

Tu ne comprends rien ? Je souffle, j'expire. Tendu, je retire ma cravate pour la jeter par terre. C'en est trop. Piétinant sur place, je ne fais pas attention aux regards insistants que l'on me lance. Passant mes mains dans mes cheveux, j'ajoute, criant presque : Mais comment ça tu ne comprends rien, je suis pourtant très clair : Je sais qu'il se passe quelque chose entre Leight et toi ! Je lui crie son prénom au visage, comme on crierait une insulte. Serrant les poings sur mon pantalong de costume noir, j’enchaîne, toujours énervé. Ce qui ne me ressemble pas. Je suis peut-être naïf, vieux jeu, rêveur, mais crois-moi, j'suis loin d'être stupide ! Alors non, non sur ça, je ne te fais plus confiance Lavender ! Je nous ai laissé du temps après ta petite disparition, je t'ai invité dans ma famille pour Noël, j'ai presque fait comme si rien ne s'était passé au spring break, je suis même allé te chercher un chat, alors que je déteste les chats, et toi... Pestant, je passe à nouveau ma main dans mes cheveux, décoiffant ce que j'avais fait. Des mèches humides de gel et de sueur me tombent devant les yeux, brouillant ma vue. Je sais pas ce que tu veux Lavender, je sais pas ce que j'ai fait, je sais pas ce qu'il a de plus que moi, ses bouclettes brunes peut-être ? Son expérience ? sa belle gueule ? ... peu importe enfaîte, j'aurais juste préféré que tu me le dises en face.

Lavender a l'impression que chacun de ses mots exaspère un peu plus Casey, il ose à peine la regarder. La jeune femme se mordit la lèvre inférieure lorsqu'elle entendit la cravate de Casey fouetter le sol avec violence, ç'en était trop. Cette soirée aurait dû être parfaite, celle de leurs retrouvailles, d'une nouvelle année pour eux deux. Il n'avait qu'à le dire carrément s'il pensait avec perdu son temps avec elle. Avec tout ce qu'ils avaient vécu, Lavender n'arrivait pas à comprendre ses doutes. Elle avait envie de fuir les regards, de se retrouver seule. On aurait presque dit un mauvais remake de film romantique, un peu avant la scène finale, celle où les héros se disputent violemment avant de se rendre compte qu'ils s'aimaient trop pour tout gâcher. Lavender sentait les larmes lui monter aux yeux, elle ne pourrait pas se contenir longtemps dans une telle situation.
- Tu penses comprendre, alors que tu ne sais rien. Je ne vais pas m'excuser d'avoir passer une semaine en Afrique. Je ne vais pas m'excuser non plus pour avoir rendu visite à des enfants malades, ni pour avoir préparer le repas d'écoliers qui devaient se battre pour se rendre en cours chaque jour, NI, dit-elle en haussant la voix, pour avoir aidé à construire, avec Leight, un refuge pour que les femmes enceintes puissent accoucher dans de meilleurs conditions ! Si tu crois tout savoir, pourquoi tu n'es pas venu avec moi, te rendre compte de tes propres yeux tout le mal que tu me fais, pour rien ? Tout le monde est venu avec son compagnon lors de ce voyage, sauf moi. Tu étais où Casey, pendant tu dormais tranquillement ici et que je ne fermais pas l'oeil de la nuit, sans avoir de tes nouvelles ? C'était tellement facile de la juger sans tout savoir, tellement facile de se faire des idées plutôt que de faire confiance.
- Si tu ne me fais pas confiance, qu'est-ce qu'on fait ensemble ce soir ? continua Lavender avec la voix brisée. C'est à ça que je dois m'attendre au bout d'un an et demi ensemble ? Ne t'ai-je jamais donné une seule raison de douter de moi ? demande t-elle en levant les yeux vers lui.
- Je n'ai rien à voir avec Leight, rien du tout. Et concernant le reste, je ne t'ai jamais demandé de m'acheter un chat, on ne m'achète pas et tu le sais. Je préfère que tu me fasses confiance plutôt que tu m'offres des cadeaux. Et...tu sais pourquoi je suis partie, pourquoi je me suis absentée. Comment aurais-tu réagi si c'était moi qui t'avait annoncé que je n'avais plus que cinq à vivre ? Mets-toi à ma place au moins une seconde...enfin, pour ce que ma parole à l'air de valoir.

Je ne t'ai pas demandé de d'excuser, loin de là ! Je fulmine, criant à présent. Je n'avais pas de tes nouvelles non plus Lavender, ça marche dans les deux sens ! Et si tu crois vraiment que j'étais tranquille, je te rassure, je suis loin d'avoir passé de bonnes nuits ! Demande à Charlie tiens, si elle me trouvais tranquille quand je lui ai téléphoné à trois heures du matin parce que je n'en pouvais plus d'être seul dans cette petite chambre avec toi et Leight à l'autre bout du monde, sans savoir ce que vous faisiez ! J'ai téléphoné à Charlie en pleine nuit, parce que je pétais un boulon. Il lui a fallu plus d'une heure pour me calmer.  Désemparé, j'ai l'impression d'avoir été berné d'illusions jusqu’à présent. Qu'est-ce qu'on fait ici ? Je baisse la tête. Tu sais quoi, maintenant que tu le dis, je me le demande... Et crois moi, j'ai justement des raisons de douter. Et puis, si j'ai fait ça, c'est pour te faire, plaisir, simplement. Pas pour t'acheter comme un vulgaire objet ou comme je ne sais quoi, mais pour te faire plaisir, parce que je sais que tu souhaitais en avoir un, de chat... Mais après tout, je peux toujours le ramener, il trouvera une autre famille aimante ! Mais là n'est pas le sujet, Lavender, tu... Elle me coupe ; revenant au sujet de la maladie, de mes cinq ans d’espérance de vie. Je m'emporte alors, ce n'est pour moi ni le moment, ni le lieu. Je crie donc, et tous les regards se tournent vers moi, le silence se fait dans une partie de la salle ; je me donne en spectacle sans le vouloir, mais cela à peu d'importance pour moi. La leucémie na RIEN à voir là-dedans ! Rien ! Ne t'en fais pas, je suis au courant, je suis malade ! OUI ! Je vais bientôt crever, dis-je en insistant sur ce mot, sans avoir rien fait de ma vie, ça, je le sais, pas la peine de me le rappeler ! Merci. C'est d'ailleurs en partie à cause de ça que je n'ai pas pu venir en Afrique avec toi, parce que là bas, des plaquettes, tu n'en trouves pas comme ça ! Je suis fou de rage. Ca me désole qu'elle ramène l'histoire de la maladie sur le tapis. Bon sang. Me rapprochant légèrement d'elle, je lui demande, fixant ses yeux noisettes, et cette fois sans crier : alors... dis moi c'est pour ça qu'il te plait tant, parce-que lui n'est pas malade ? qu'il peut t'offrir un avenir au delà de cinq ans et qu'il peut partir en voyage où bon te semble ? parce-qu’il est le mec idéal ? ... hein ?

Une larme roula sur la joue de Lavender, qui s'empressa de passer sa main pour la faire disparaître. Elle était partagée entre colère et amertume, ses idées se bousculaient et elle en était persuadée, quoiqu'elle dirait, Casey camperait sur ses positions. Elle ferma les yeux et respira un bon coup, la violence des gestes de Casey la perturbait. Il n'avait rien à voir avec l'homme qu'elle avait aimé, pour qui elle aurait été prête à tout. Le Casey qu'elle connaissait aurait été incapable de lui parler de cette manière et encore moins de mettre sa parole en doute. Lavender posa une main sur son front en tentant de calmer le jeu, son crâne la faisait souffrir.
- Je t'en prie, arrête de crier. Elle remarquait les regards curieux des autres étudiants depuis tout à l'heure, mais comme ses propres paroles, tout semblait couler sur le jeune homme qui continuait à fulminer sur la piste de danse. A chaque parole qu'il prononçait, c'était comme s'il tenait son coeur dans ses mains et qu'il appuyait dessus comme s'il ne s'agissait que d'une vulgaire poupée vaudou.
- Tu es courant qu'il n'y a pas de réseau là où nous allions ? C'est à peine s'ils ont accès à l'eau, alors ne joue pas cette carte-là avec moi. Tu me parles de Leight, mais moi, je ne devrais pas m’inquiéter que tu appelles tes amies filles en plein milieu de la nuit ? Sois clair avec toi-même Casey. Il ne s'est absolument rien passé avec Leight, tu veux demander à des étudiants ? Ceux devant lesquels on se donne en spectacle maintenant, justement. Tu veux qu'on leur demande ce qu'il s'est vraiment passé, vas-y, libre à toi. Je n'ai rien à cacher et tu sais qu'en vivant en collectivité, s'il s'était passé quelque chose, ça aurait fait son chemin comme une trainée de poudre.
Je sais bien que tu as fait ça pour me faire plaisir, dit-elle en ressentant encore une fois le besoin de se justifier, même si elle se sentait mentalement épuisée. Et tu es le seul à savoir comment le faire justement, je ne sais pas, je ne sais plus comment te le prouver...
Les épaules de Lavender s'affaissèrent lorsqu'il se mit à lui crier dessus une nouvelle fois et la jeune femme dût redoubler d'efforts pour ne pas s'effondrer sur place
- Tu sais très bien que ce n'est pas ce que je voulais dire. Ne me fais pas passer pour quelqu'un que je ne suis pas. J'ai choisi d'avoir le droit d'être avec qui je veux, et c'est toi que j'avais choisi Casey, peut m'importait la maladie, j'ai toujours vu au-delà.
Je t'avais choisi Casey, jusqu'à ce soir...dit-elle en prenant appui sur la chaise la plus proche pour ne pas tomber. Elle sentait que ses jambes avaient du mal à la supporter.