Cher journal,
Je me confie aujourd’hui à toi, pour la première fois, pour te faire part des moments marquants de ma vie. Ceux qui m’ont détruite de toutes parts qui m’ont forgés cette personnalité et ce caractère que je possède aujourd’hui. Promets-moi de toujours garder la secret, puisque lorsque je suis fâchée, je peux être disons très… troublante, et effrayante et je crois que tu ne préfères pas que je te déchire sous la colère pour te jeter et ne plus jamais repenser à toi. C’est à toi de voir. Bref, commençons…
Si tu ne le savais pas déjà, je suis née à San Francisco, dans une famille de 6 enfants, dont je suis l’aînée. Déjà, à 8 ans, les malheurs s’abattaient sur moi. Maman était enceinte de deux petites filles dont j’étais déjà follement amoureuse. Deux nouvelles Walker dans la famille, c’était pas génial, ça? Petit détail avant de continuer : je suis native d’une famille très pauvre, vivant dans une espèce de quartier tout aussi pauvre avec des conditions sanitaires horribles et où les crimes multiples nous empêchaient de sortir seul ou même à plusieurs la nuit. Même le jour était dangereux. J’étais la seule de la famille, étant l’aînée, qui avait accès à une certaine scolarité dans une bonne école d’enfants du secteur ni pauvre, ni riche de San Francisco. Bref, comme vous l’aurez compris, Maman ne pouvait se permettre d’aller accoucher à l’hôpital. À chacune de ses fins de grossesse, elle se trouvait clouée au lit et attendait que sa sœur vienne l’aider à donner naissance. Maman était la mere de 6 enfants, tu sais. Elle était habituée, elle connaissant son «métier», elle savait ce qu’elle faisait. Mais cette fois-ci, y’a eu un genre de problème de manufacture. Elle a mal travaillé, ça s’est mal passé. Elle est morte en donnant naissance, juste après avoir accouché de l’une des jumelles, saine et sauve, elle. Elle pleurait et criait, comme si elle savait, alors même qu’elle n’avait pas de prénom, ce qui se passait. Ma mere est morte, et l’autre petite est morte-née également… Elle n’a pas survécu. Deux d’un coup... Ma maman était morte, et ma petite sœur, nous laissant ainsi, Papa et 7 enfants, seuls, sans les moyens pour continuer non plus. Rapidement, mon père est entré dans une profonde dépression, le détruisant petit à petit. Je continuais d’aller à l’école, et je le retrouvais toujours au même endroit dans la maison, avec une bouteille nouvellement pleine ou presque vide d’alcool, certainement fort, puisqu’il ne semblait plus présent. Physiquement, il était toujours là. Mais psychologiquement… Plus du tout. Un malheur en emportant un autre, Papa a commencé à m’approcher et à me regarder d’une manière qui m’effrayait, qui me glaçait le sang et qui me clouait sur place à chaque fois. Un soir en particulier, alors que j’étais maintenant âgée de 10 ans, il est venu dans ma chambre, alors que je tentais de dormir. Je m’occupais toujours et avant tout de mes petits frères et sœurs, en m’assurant qu’ils dormaient, puisque nous étions tous dans la même chambre. Pensant que Papa était souffrant, je l’avais suivi… Mauvaise idée. 5 ans d’enfer à subir le même traitement tous les soirs, en étant contrainte de garder le silence autant pendant l’acte qu’à propos de l’acte. Il me menaçait. Chaque fois, il m’attirait dans sa chambre et m’arrachait mes vêtements en me tenant les cheveux d’une main et en parcourant mon petit corps de pré-adolescente de sa main libre. Il faisait de moi son objet sexuel, il me maltraitait, il me rabaissait, il me violait en gémissant contre moi, et je pouvais seulement laisser aller les larmes, qui roulaient silencieusement sur mes joues… Le mieux dans tout ça? Le seul moment de plaisir que j’ai ressenti durant ces cinq années de souffrance et de douloureux silence? C’est lorsqu’il est mort. Déjà, il avait des problèmes de coeur depuis longtemps, et n'ayant jamais eu l'argent pour se payer des des soins, il n'a pas eu la chance de se procurer des médicaments pour aider son coeur. Avec ses problèmes d'alcool, de cigarette et de drogue, on ne peut pas dire qu'il se soit aidé, non plus... Bref, sa mort m'a bouleversée dans tous les sens, et même si je ne subissais plus ses mauvais traitements, je n'arrivais pas vraiment à m'en remettre.
Maman, Papa et puis qui encore? Depuis qu’il était mort, j’arrivais enfin à mieux respirer et je ne redoutais plus le retour à la maison, le soir… J’avais à présent 16 ans, et j’étais en train de devenir folle. Entre les cours et la maison, je devais occuper un boulot pour continuer à subvenir à nos besoins, et mon frère, le deuxième plus âgé, participait aussi au revenu de la maisonnée. C’est l’année de mes 16 ans que j’ai rencontré le parfait jeune homme, le parfait gentleman, l’homme de ma vie… Je ne vais pas m’étaler, mais c’est lui qui m’a appris à connaître le plaisir lors d’une relation sexuelle, c’est lui qui m’a appris à mieux cuisiner, c’est lui qui est venu vivre avec moi pour s’occuper de mes plus jeunes frères et sœurs et c’est celui qui m’aimait autant que je l’aimais. Mais je l’ai perdu… Je le connaissais, tu sais? Très bien. Trop bien, même. Je savais qu'il trainait parfois dans des affaires pas très nettes... C'est pour ça qu'à quelques reprises, trois-quatre fois par semaine, il revenait tard le soir. Il y avait souvent des grosses batailles de rues, qui en tuaient plus d'un. J'ai jamais su ce qui s'était passé ce soir-là, mais je crois qu'il a été trop loin. Je voyais dans ses yeux qu'il avait peur, vraiment peur. Il était revenu me réveiller, avec un peu trop de force et une voix rauque et effrayée, ce qui m'avait glacé le sang d'effroi. Il avait parié un truc avec la mauvaise ''gang'' et il avait perdu. Ils allaient venir le chercher. Et il savait qu'il allait mourir... Il pouvait rien contre eux. Ils savait se battre, mais avec ses poings. Jamais il ne s'était défendu avec une arme. J'accepterais pas de le perdre. Là, y'avait que moi et lui qui comptait, et je pouvais pas le perdre, j'y arriverais pas. Il était ma survie, purement et simplement. C'était soit la vie, soit la mort, et j'accepterais pas la vie sans lui. Nous deux, c'était ensemble, à jamais. Et on a fait ce que jamais on aurait dû faire. On aurait dû fuir, plutôt... Loin, ensemble. Mais on a décidé de jouer à la roulette russe. Il a eu moins de chance que moi… Aujourd’hui encore, il me manque des bouts de ce moment affreux, mais je me souviens juste que j’ai commencé : le hasard a été gentil avec moi. Lui, c’est plutôt tout le contraire… Sous mes yeux, en déclenchant la détente, il s’est éclaté la tête, et sans aucun doute, il est mort sous mes yeux, alors que moi, j’étais toujours vivante… On venait de rompre notre promesse. À toujours et à jamais… Surtout que maintenant, l’enfant que je portais n’aurait pas de père. Surtout que jamais il ne saurait que j’étais enceinte de lui..
Je me suis fait jeter en prison quelques semaines plus tard, peu après mes 18 ans, que j’ai passé en larmes, près du corps de mon défunt petit-ami. Un inconnu nous était tombé dessus, lui et moi. Lui sans vie et moi, n’ayant plus assez d’eau pour créer des larmes, j’étais vide de tout. Je me suis laissée traîner jusqu’en prison, sans pourtant savoir ce qui m’attendait. J’ai perdu le bébé deux semaines après, en faisant une fausse couche. J’étais tombée dans une profonde dépression, comme mon père peut-être, avec comme seul ami, un stress immense. Je ne mangeais plus, même pas la bouffe dégoutante de la prison. Je ne réagissais à rien, pas même aux remarques désagréables des autres prisonniers. Ce qui m’a sortie de tout ça, après ma fausse couche et quelques semaines de répit. Oui, avec tout ça, et avec les coups que je subissais à l'occasion des autres femmes, j’avais envie de mourir. Elles n'étaient pas toutes affreuses et cruelles, mais quand même. La prison m’a «aidée» à forger mon caractère. Elle m’a endurcie, beaucoup même. Y'a quelques filles qui parvenaient à faire rentrer de la drogue en dedans, et y'avait des réseaux même à l'intérieur. J'm'empêchais pas d'y mettre mon grain de sel, parce que la drogue m'permettait de m'évader. Y'a quelques femmes qui se sont faites prendre les mains dans le sac, mais moi, jamais. Et heureusement, parce que ça aurait pu allonger ma sentence.
Je suis finalement sortie de là grâce à un pote à moi de mon enfance. Un pote d’une toute autre classe sociale. On s'était rencontrés bien jeunes. Son père était le Secrétaire d'État aux affaires étrangères et copropriétaire du Washington Post, sa mère était l'une des avocates les plus réputées de Washington. Il y avait eu une grosse histoire dans notre quartier, qui avait attirée les plus riches. Une grosse affaire réglée, c'est toujours bon pour l'image, surtout lorsque c'est difficile à régler, justement... Et sa mère, une avocate réputée, avait directement sauté sur l'occasion pour défendre une cause. Ils avaient emmené leur fils ce jour-là, et c'est en allant à l'école, sur le chemin, que je l'ai rencontré. Il jouait seul, entouré d'une dizaine de gardes du corps. Fallait protéger le petit-prince, ein... Au premier coup d'oeil, j'étais dégoûtée par lui, car il avait bien plus d'argent que moi... Mais bon, j'étais jeune, alors je ne réalisais pas ce qu'était l'argent. Sinon que ça différenciais les gens... Sa famille et lui sont restés quelques mois, le temps de régler l'affaire, et par le plus grand des hasards, je me suis liée d'amitié avec lui. Je ne lui aurais jamais parlé s'il n'avait pas échappé son ballon dans le rue et si je n'étais pas allée le lui chercher... Drôle de hasard qui m'a sauvé la vie plus tard. On a gardé contacts, par lettres, quelques fois, quand j'avais besoin de parler. Je le faisais en secret, bien sûr, lorsque mon père était encore vivant, et je pouvais le faire plus aisément en prison, car on avait le droit de correspondre... Je n’ai aucune idée de pourquoi il a cherché à m’aider comme il l'a fait, mais il l’a fait. Pour m’en sortir, de tout ça, j’ai dû m’unir à lui. Un mariage arrangé entre nous, pour que j’aie les moyens de le rejoindre à cette université prestigieuse et qui me permettrait de changer d’identité. Je n’étais plus Liv Imogen Walker, j’étais à present Iris Ruby Hoover, la femme de Dwight.
Je suis maintenant à Harvard, et il semblerait que personne ne me connaisse. Ma sentence a été enlevée, on m’a reconnue non-coupable, grâce à l’argent de Dwight, mais je vis encore et toujours tous les malheurs de ma vie passée. Le décès de ma mère, les viols de mon père et sa mort, le presque suicide de l’homme de ma vie, la perte de mon enfant, la prison… Maintenant, j’étudie à Harvard en Journalisme et en Histoire. J’adore ça, mais jamais je n’oublierai. Tous les soirs, je fais des cauchemars. Je me réveille en sueur, haletante, paniquée. Maintenant, je peu x être une garce, cruelle, sans merci, sans remords, qui utilise constamment les sarcasmes et la ruse. Mais au fond, j’ai vraiment un grand cœur. Je ne sais juste plus comment l’ouvrir aux autres, car j’ai perdu tant de gens, et je ne peux plus me permettre d’en perdre d’autres. Dwight est à Harvard, il me protégé beaucoup, je l’adore. Je ne sais pas encore que je vais retrouver Nathaniel, qui a été libéré, lui aussi, peu de temps après moi. Les confréries ici me dégoûtent, vraiment, je n’en vois pas l’utilité. Je suis stripteaseuse au Nirvana, et personnellement, j’aime bien ce que je fais, même si ce n’est pas très...bien vu, comme métier. J’essaie de trouver ce gout à la vie qui me manque et j’espère bien qu’en venant à Harvard, c’est ce que je vais trouver bientôt. div>