only fooling myself w/ soliman

De nombreux hommes m'avaient salué dans la rue, je les avais trouvé plutôt sympathiques, cette rue était pleine de couleurs, vive et les gens semblaient plein d'entrain. J'avais profité d'une soirée de libre pour explorer le coin et m'étais aventuré dans des coins inconnus et cette perspective m'excitait, j'étais bien loin des quartiers chics et des bars gorgés d'étudiants superficiels. J'hésitais à entrer dans un bar pour boire un coup, d'autant plus que je ne buvais pas d'alcool mais mes pieds endoloris me poussaient à trouver un endroit ou m'assoir et ma gorge brûlait d'envie de boire quelque chose pour se réhydrater. De plus, si je n'étais pas sorti ce soir, on m'aurait encore charrié demain en cours, sois-disant que je ne savais pas faire la fête, m'amuser et profiter de la vie. Ce n'était pas ma faute si je préférais de loin me promener en toute tranquillité que de m'assourdir les oreilles en discothèque et boire jusqu’à en perdre la tête. Je rentrais donc dans le premier bar que je trouvais et fus pratiquement aveuglé par les lumières qui m'écrasèrent les yeux de par leur intensité. Une fois habitué, je trouvais l'endroit plutôt sympa, il y avait beaucoup d'hommes, pourquoi pas après tout. Les femmes devaient probablement débarquer plus tard mais je n'étais pas là pour faire une rencontre, je voulais simplement boire un coup et me détendre. M'avançant vers le bar, je demandais : « Un jus d'orange s'il vous plait. » « J'te fais ça mon mignon. » « Heu merci. » Plutôt sympa le type, à me faire de grands sourires et tout. Attrapant mon verre, je balayais la salle du regard, pas de papouilles et de câlins dans les coins, juste quelques gars distingués à parler entre eux comme des personnes civilisées. C'était plutôt sympa.

Qu’est-ce qu’un mec comme moi était venu faire dans un bar gay ce soir ? Allez-savoir, bon peut-être que c’était mon côté attiré par les queues qui m’avait poussé à accepter de suivre des amis ici, eux n’étaient pas forcément bisexuels mais ils avaient des amis gay qui trainaient dans le coin et qui étaient de très bonne compagnie. Simplement vêtu d’un t-shirt moulant ma musculature que j’entretenais trois à quatre heures par semaine et d’un jean je m’étais donc aventuré dans ce bar qui était bondé ce soir. Après une bonne heure à délirer avec mes amis je m’étais retrouvé avec une envie d’action et quoi d’autre qu’un plan drague sans pour autant aller plus loin à l’issue de cette soirée pour combler cet ennui qui s’installait en moi ? Sans plus attendre je prévenais mes amis que je partais à la chasse avec un petit sourire amusé les laissant donc en plan pour me rendre au bar, j’avais envie d’un ou deux shots de téquila pour me mettre dans l’ambiance bien que ce ne soit pas vraiment pour me bourrer la gueule puisqu’il m’en fallait bien plus. « Deux téquilas s’il vous plait. » En attendant que le barman se décide à me servir je jetais un œil aux personnes dans le coin et mon regard s’arrêtait sur un petit brun, je m’approchais de lui avec mon petit sourire sexy qui en faisait fondre quelques-uns. « Qu’est-ce qu’un beau mec dans ton genre fait tout seul dans un bar gay ? » Je laisse mes doigts s’aventurer sur le bras de mon nouvel interlocuteur.

Regardant les alentours, je ne vis pas qu'on s'approchait de moi et ne réalisais ce fait que lorsqu'on m'adressa la parole. « Qu’est-ce qu’un beau mec dans ton genre fait tout seul dans un bar gay ? » Bar gay ? Je tournais la tête vers le barman en marcel à résille et compris alors. Les doigts de mon interlocuteur se baladant alors sur mon bras, je retirais celui-ci vivement avec l'air le plus gêné qui soit. « Oh, je vois. » Fronçant les sourcils, je levais la tête vers le jeune brun qui semblait aussi grand que moi ou presque, à quelques centimètres près, pas grand chose, il était néanmoins plus fin, beaucoup moins carré que je l'étais et avais les traits fins que l'on recherche chez les mannequins. Je ne l'aurais pas regardé ainsi si je n'avais pas appris que nous étions dans un bar gay. Peut-être aurais-je du comprendre en croisant le couple d'hommes qui avait traversé la rue en rollers en se tenant la main, les jeunes hommes maquillés qui m'avaient salué à l'entrée, ce que j'avais plus pris par politesse qu'autre chose. « C'est heu, vraiment un bar gay ? » Demandais-je en levant les sourcils, buvant mon jus d'orange d'un trait comme s'il s'agissait d'un verre d'alcool servant à me détendre face à une situation à laquelle je n'étais pas préparé. Ce n'était pas non plus désagréable, aucune allumeuse à m'accoster ou à se trémousser au milieu du bar ou sur le bar lui-même, aucun mec en chaleur qui tente d'emmener quelqu'un aux toilettes pour assouvir ses fantasmes... quoi que. J'en oubliais presque mes manières ! Je tendais la main aussi courtois que possible : « Suileabhan. » Dis-je de mon fort accent irlandais.

En venant demander deux téquilas au barman j’avais vraiment accompli la meilleure action de la soirée, j’étais maintenant face à un homme que je prenais pour un homosexuel assumé et en quelques secondes je pouvais voir son visage se décomposer, sa main se retirer de la mienne pour regarder tout autour de lui. Non mais il ne s’était quand même pas aventuré ici en pensant que nous étions dans un bar tout ce qu’il y avait de plus normal ? N’avait-il pas lu les affiches sur la porte ? N’avait-il même pas essayé d’interpréter le titre de ce bar ? Je ne pouvais pas retenir un petit gloussement amusé par sa réaction, cet homme était mignon lorsqu’il était tout gêné. « Oh, je vois. » Je souris et reste étonnamment proche de son corps, quelques centimètres nous séparent. « De toute évidence tu ne vois pas non ! » Lui répondais-je du tac au tac, bah quoi il n’avait pas vu qu’il mettait les pieds dans un endroit où il était plus prudent d’éviter les toilettes pour cause d’une importante irruption dans les fesses des hommes qui se laissaient aller à baisser leur garde là-bas… Bref, je regardais rapidement le corps de ce parfait inconnu, il avait une carrure bien plus « ours » que la mienne. « C'est heu, vraiment un bar gay ? » Il parvient à me sourire et à m’exaspérer à la fois, je m’approche de lui encore un peu pour saisir le verre de téquila que le barman vient de poser, je le bois d’une traite. « Oui, regardes autour de toi si tu ne me crois pas ! » Je soupire restant tout de même amusé par le malaise de ce beau brun qui me plaisait un peu plus chaque seconde. « Suileabhan. » Je lui serrais la main, j’avais une bonne poigne d’ailleurs. « C’est un joli nom… Soliman, enchanté beau brun ! »

En effet, lorsque je regardais aux alentours, ceci me parut étonnamment évident. J'étais dans un bar gay, un hétérosexuel dans un bar gay comme c'est peu courant d'en voir. J'étais l'aiguille dans une motte de foin, je n'étais pas à ma place et j'étais mal à l'aise, me trémoussant sur mon siège haut sans trop savoir si je devais sortir ou rester, tenté par le coût plutôt bas des boissons du bar et l'envie de rejoindre un coin moins gênant pour moi. Je n'étais pas homophobe, je concevais totalement que deux personnes deux même sexe puissent s'aimer et approuvais l'idée. Si ma mère devait se mettre en couple avec une femme, je serais probablement le premier à la féliciter et l'encourager dans sa démarche car il n'y a rien de plus beau que deux personnes qui s'aiment. Je n'étais pour ma part, jamais sorti avec une personne de même sexe, ayant toujours considéré les femmes comme mon univers. Je n'avais néanmoins pas exclu le fait de tomber sur une personne de même sexe qui puisse me plaire bien que je ne pensais pas que cela puisse arriver tant j'aimais les femmes, leurs courbes magnifiques jusqu'à leurs charmes divers et variés. « C’est un joli nom… Soliman, enchanté beau brun ! » « Soliman ? Jamais entendu, ça vient d’où ? » Demandais-je, réellement curieux de découvrir la provenance d'un tel nom. J'étais flatté de ses compliments et me demandais s'il croyait que je jouais sur la carte du faux hétérosexuel désireux de se faire courtiser ou s'il concevait le fait que je sois un véritable hétérosexuel qui se soit vraiment aventuré dans un quartier gay par inadvertance sans s'en rendre compte.

Je ne pouvais pas dire que Suileabhan avait la tête d’une personne homosexuelle mais dire le contraire aurait été mauvais, la preuve, qui pouvait croire que j’étais moi-même bisexuel ? Que je couchais régulièrement avec des hommes comme ça avait pu être le cas avec Maxwell quelques jours auparavant ? Personne et pourtant j’étais autant attiré par un vagin que par un pénis, c’était comme ça et puis le stéréotype de la grande folle pour les gays était dépassé depuis bien longtemps. Ce soir j’avais envie de draguer de manière plus ou moins lourde le beau brun, qu’il soit hétérosexuel ou non je n’allais rien y perdre, peut-être qu’il allait me dire des choses censées ne pas être plaisantes mais j’étais tellement dans un état d’esprit je m’enfoutiste ce soir que rien ne pourrait me faire flancher, j’avais envie d’animation et il se trouve que j’avais le mec parfait pour me divertir. Appelé comme ça on aurait pu croire que je le comparais à un objet mais pas du tout, il était fort plaisant à regarder certes mais semblait également très instruit ce qui me faisait davantage craquer qu’un beau physique. « Soliman ? Jamais entendu, ça vient d’où ? » Je lui souris, il est vrai que ce prénom n’est pas atypique, on ne le trouve pas à toutes les sauces et c’est ça qui me plait de toute manière. « C’est un prénom oriental… J’ai des origines arabes, et toi joli cœur ? Ton prénom a une origine particulière ? » Je lui souriais amusé avec une pointe de sensualité dans mes formidables yeux bleus.

Des origines arabes ? L'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit, j'esquissais un sourire, étonné mais aussi ravi de voir qu'Harvard n'était pas peuplé que de blancs tout droit sortis des quartiers chics des États-Unis. J'étais quelque peu gêné, mal à l'aise parce que je sentais que Soliman me draguait, ou peut-être était-ce simplement un homosexuel qui s'exprimait comme cela avec tout le monde. Je n'osais pas demander. « Je suis Irlandais. » Répondis-je en tout et pour tout. Mon accent particulier avait du l'interpeller bien que mes six années passées à côtoyer les américains l'avait atténué et que mon vocabulaire s'était quelque peu américaniser. Au début, je m'étais senti totalement paumé et puis, ça m'était passé, j'avais appris à mieux comprendre l'argot, à ne plus avoir besoin de déchiffrer leurs phrases dont ils bouffaient constamment les mots. Les Anglais étaient bien plus faciles à comprendre, Harvard regorgeait d'étudiants de toutes ethnies ce que je trouvais formidable. « Tu es venu avec quelqu'un ? » Demandais-je en regardant les verres qu'il tenait avec lui. Curieux, je levais la tête pour croiser son regard, il semblait bien loin du stéréotype de la grande folle qu'on voit dans les films, ne s'exprimait avec aucune féminité et se tenait devant moi comme n'importe quel autre mâle du campus. Les américains étaient peut-être moins stéréotypés que les européens dans ce cens. Je me demandais ce que penserait ma famille si j'étais gay. J'étais persuadé que ma mère l'accepterait sans difficulté et que ma sœur serait la première à me féliciter. En fait, ça ne m'aurait pas posé de problème. J'étais qui j'étais avec mes défauts et mes qualités et si j'aimais un homme, je n'en aurais pas honte.

Ce qui m’avait toujours fait rire c’était à quel point les gens qui m’entouraient pouvaient être surpris d’apprendre que j’avais des origines arabes, il est vrai que je n’avais pas le profil d’une personne orientale et je le savais mais ma peau restait tout de même légèrement métissée et on pouvait facilement se douter que je venais du sud au moins… Bref, à voir sa réaction je comprenais qu’il ne s’attendait pas à une telle réponse, le moment de voir s’il était raciste ou pas parce qu’il y en avait quelques-uns dans le coin comme partout dans le monde de toute manière. Il ne fuyait pourtant pas et c’est quelque chose qui me permettait de le voir sous un angle encore plus plaisant, je lui demandais d’où il venait parce que son prénom était très difficile à prononcer sans faire une faute. « Je suis Irlandais. » Je souriais, pourquoi est-ce que je m’en doutais ? J’hochais la tête en signe d’accord puis retournait à ma téquila pour avaler un verre cul sec. « Tu es venu avec quelqu'un ? » Je souriais amusé, je ne parvenais pas à définir son orientation sexuelle et c’est ce qui me faisait en quelque sorte penser qu’il devait être bisexuel, tant mieux pour moi. « Non je suis tout seul… Mais j’ai bien envie de partir avec quelqu’un ce soir ! » Je lui adressais un petit regard coquin, dit comme ça je pouvais être pris pour un chaud lapin ce que j’étais bien sûr mais pas à une dose aussi importante, il me plaisait et je lui faisais savoir.

« Non je suis tout seul… Mais j’ai bien envie de partir avec quelqu’un ce soir ! » J'esquissais un sourire, quelque peu gêné par cette confession mais totalement mal à l'aise lorsque je compris par son regard qu'il s'adressait à moi. J'hésitais à lui dire de ne pas se faire de fausses idées à mon sujet mais peut-être s'agissait-il d'un jeu dont jouaient les homosexuels pour déstabiliser les hétérosexuels, leur montrer que ce n'est pas parce que nous étions du même sexe que nous devions forcément nous plaire et sauter les uns sur les autres. « Heu, Soliman... » Articulais-je, rougissant par la gêne qui m'envahissait à l'idée de lui dire le fond de ma pensée, à l'idée de le repousser s'il était sincère car ce n'est jamais plaisant de voir que la personne qui nous plait ne ressent pas la même chose. Après tout, nous venions de nous rencontrer, il s'en remettrait, j'en étais certain et son joli visage ne laissait probablement personne de marbre. « Je ne suis... pas intéressé. » Dis-je finalement, pensant à préciser le fond de ma pensée afin de ne pas le repousser aussi brutalement. C'était tout moi. Vouloir préserver tout et tout le monde de la réalité, des déceptions. La vie était déjà assez difficile sans qu'on ait à en rajouter une couche. « J'ai quelqu'un dans ma vie. Enfin, je n'existe pas encore pour cette personne mais... » Je devais avoir l'air idiot, à raconter ma vie à un parfait inconnu, lui avouer que la personne que j'aimais ne me connaissait même pas, ignorait tout de mon existence jusqu'à mon nom et mon propre visage. « Cette fille est... je l'ai dans la peau. » Ajoutais-je, un petit sourire en coin dressé sur le visage, l'air rêveur. Je pensais immédiatement à cette merveilleuse blonde qui hantait mes nuits comme mes jours.

Ce soir j’avais besoin de me détendre et j’avais cru pendant un instant que Suileabhan serait le garçon à première vue hétérosexuel que je pourrais m’amuser à embêter. Le problème c’est qu’il était vraiment trop coincé pour que je puisse en rire, je me demandais presque s’il n’avait pas des problèmes intestinaux pour être si raide et en quelque sorte ennuyeux. Je soupirais essayant tout de même de le chauffer pour voir ne serais-ce qu’une pointe de détente ou d’énervement dans ses yeux mais rien… Il se contentait simplement de me remballer avec gentillesse. « Heu, Soliman... » Je le regardais prêt à entendre une première réaction qui peut-être me permettrait de me divertir un peu. « Je ne suis... pas intéressé. » Je le regarde avec une mine désespérée, comme si je ne savais pas qu’il n’était pas intéressé par moi, de toute manière je ne suis pas non plus en train de le désirer… Je cherche juste à m’amuser. « J'ai quelqu'un dans ma vie. Enfin, je n'existe pas encore pour cette personne mais... » Je le regardais et je crois qu’il perdait encore plus d’intérêt à mes yeux qu’auparavant. J’hésite un instant à lui faire comprendre qu’il est nul mais bon… Je ne veux pas lui briser ses rêves. « Cette fille est... je l'ai dans la peau. » Je glousse un instant, ma franchise m’empêche de fermer ma gueule et je suppose que ça me portera préjudice un jour. « Et tu ne penses pas que si tu étais un peu moins coincé elle te trouverais un intérêt ? »