( + Loukas) there's a storm coming

Plusieurs semaines avaient eu le temps de défiler depuis la dernière fois où j'avais vu Loukas, ça se comptait même probablement en mois désormais. J'étais une amie déplorable depuis que Robyn avait disparu, mais j'avais eu besoin de m'isoler pendant un moment donc je l'avais fait. Et si quelqu'un trouvait ça égoïste, il n'avait qu'à tenter l'expérience de se faire arracher un enfant, on en reparlerait ensuite. En tout cas depuis qu'on était rentrés de Louisiane, j'avais décidé de reprendre les choses en mains et de recommencer à voir tout le monde. Donc ce soir, je reprenais mes bonnes vieilles habitudes en allant au bar avec Loukas, histoire de boire, me défouler un peu, possiblement lui filer un coup de main pour se dégoter une conquête. Le besoin de drogues n'était plus omniprésent ces derniers jours, mais j'avais quand même fait un rail avant de partir et n'avais rien emporté avec moi histoire de ne pas être tentée et d'aller trop loin. Celui avant de quitter ma chambre était juste histoire de calmer mon organisme. Mes yeux firent le tour de l'endroit en arrivant et comme je ne l'apercevais pas, je me rendis au bar, m'asseyant sur un tabouret pour commander une bière. Ouais, je faisais soft ce soir parce que j'avais des choses à lui dire et que je sentais qu'on allait se bouffer le nez, mais il fallait que ce soit dit et je ne devais pas être trop bourrée pour ça.

Avant le Spring Break, je menais une vie tranquille, sans encombre, je faisais ce que je désirais et uniquement ça. Bon d’accord si on prenait le passé en considération ce n’était pas vraiment la vie en rose, mais disons qu’en ce moment je n’avais pas à me plaindre, mais ça c’était avant mon retour de Punta Cana. Tout s’était emballé à une vitesse folle, je n’avais pas eu le temps de prendre une claque qu’il fallait déjà que je tende l’autre joue. Je perdais mon temps avec des trucs inutiles et me recevais des torts en pleine face, torts que je n’avais, au passage, pas commis, du moins quelques-uns. Quand Billie m’avait demandé une soirée rien que nous deux, comme au bon vieux temps, j’avais tout de suite accepté, j’avais terriblement besoin de ça. Avant d’aller au Lord Hobo, je m’étais fait deux trois rails, peut moins, sûrement plus, à vrai dire depuis que j’étais tombé dans la drogue, je cessais de compter. Je m’étais alors mis en route, arrivant une fois de plus en retard, il faut croire que j’avais également perdu la notion du temps. J’entrais alors et tentais de me frayer un chemin parmi la foule qui s’agglutinait déjà dans cet endroit. Je rejoignais alors Billie au bar et commandais un whisky tout en m’asseyant sur le tabouret près d’elle. « Salut beauté. »

Plus d'un mois s'était écoulé depuis que Robyn avait été enlevée et j'avais véritablement été un être humain pathétique pendant toute cette période. Il était plus simple de m'effacer pour ruminer ma colère dans mon coin, enchaînant les rails de cocaïne et autres drogues en tous genres, refusant la compagnie de qui que ce soit hormis mon petit ami et encore ça, c'était quand on ne se volait pas dans les plumes. Seulement voilà, même si je perdais définitivement tout espoir de la voir revenir, je réussissais de mieux en mieux à faire face. Enfin .. à monter cette façade indifférente qui me collait si facilement à la peau autrefois, me permettant de balayer d'un geste de la main toute question en rapport avec Robyn et passer à autre chose comme si ça ne me touchait pas. Épatant à quel point la drogue pouvait aider dans cette tâche. Ce soir, j'avais envie de voir Loukas et personne n'allait m'en empêcher. Il me manquait, même si j'avais tellement de fierté que jamais je n'irais lui avouer. Je l'attendais donc assise au bar, faisant tourner mon alliance sur mon doigt d'un air distrait, avant de ranger ma main sous le comptoir en l'entendant commander un Whisky. « Salut beauté. » Je pivotai sur mon tabouret pour lui faire face, un sourire se dessinant sur mon visage alors que je portais ma bière à mes lèvres. « Salut bel homme. » Ma bouteille retrouva le comptoir. « Tu t'étais perdu ? »

Le Spring Break n’avait pas été une bonne période pour tout le monde, enfin, surtout pour le retour. J’avais eu mes problèmes avec Lyson et Billie avait eu des problèmes avec l’enlèvement de Robyn. J’avais entendu parler de cette histoire via la mère de celle-ci, une fille avec qui j’avais couché lors de nos vacances à Punta Cana. A vrai dire je n’avais appris que la fin de mot de l’histoire une fois que celle-ci avait mis les voiles, ou c’était moi peut-être… mon état ne m’avait pas permis de me souvenir de grand-chose à vrai dire. Je me posais alors sur le tabouret près de mon amie en soufflant longuement, attendant mon verre avec impatience. Je tournais alors légèrement mon visage vers elle et me mettais à lui sourire. « Oh tu sais quand tu as une horde de groupie sur ton chemin, c’est dur de te faufiler. » Je me tournais alors vers elle et venais déposer un baiser sur l’une de ces joues. En me reculant, j’attrapais mon verre qui était enfin à sa place, devant moi, sur le bar. Puis je le portais à mes lèvres, buvant quelques gorgées de l’alcool ambré qui me réchauffait la gorge. « Alors, quoi de neuf ? »

Maintenant qu'il était arrivé, notre soirée allait enfin pouvoir commencer. J'étais déjà en train de faire un tour de salle des yeux pour choisir qui j'allais tenter de lui foutre entre les bras ce soir. Honnêtement, je ne savais pas pourquoi je me donnais tout ce mal, puisque comme il allait me le prouver dans les prochaines secondes, il n'avait pas particulièrement besoin de mon aide. C'était juste quelque chose qu'on avait l'habitude de faire l'un pour l'autre. Jusqu'à ce que je me mette en couple avec Alex ; désormais, ça n'allait que dans un sens. « Oh tu sais quand tu as une horde de groupie sur ton chemin, c’est dur de te faufiler. » Je rigolai en décollant ma bière de ma bouche, recueillant une goutte sous ma lèvre en tendant la joue pour lui éviter de se tordre le cou en m'embrassant. « Tes chevilles vont toujours aussi bien, je suis rassurée. » Je levai une main vers le barman, indiquai le verre de Loukas et d'un signe du doigt, lui indiquai de m'en servir un aussi. « Alors, quoi de neuf ? » Inconsciemment ou non, je serrai ma main gauche sur mon genou sous le comptoir, décidée à repousser l'échéance au maximum. « Pas grand chose, » dis-je après avoir terminé une gorgée, les yeux rivés sur le bar. Et pour empêcher la conversation de se focaliser aussi vite sur moi, je lançai comme une bombe le sujet qui me tourmentait. « Il y a des bruits de couloirs. Sur toi .. et une conquête ? » Je lui fis face à nouveau, le regard impassible. « Tu confirmes ou tu démens la rumeur ? »

« Des vraies chevilles de sportif ! » Je me mettais alors à rire en soulevant mon jean pour lui montrer une de mes chevilles. Après m’être repositionné sur mon siège, je balayais la salle du regard afin d’apercevoir des cibles potentielles, j’en concluais inconsciemment que notre petit jeu de début de soirée me manquait depuis que Billie s’était mise en couple avec Alexander, jouer solo sur ce coup-là ne m’enchantait pas tant que ça au final, tout le fun s’était envolé. « Comment ça pas grand-chose ? Je te connais, pas grand-chose ça n’existe pas chez toi. » Je fronçais les sourcils et reportais mon attention sur Billie, mon regard se baissant subitement sur son poing serré. J’arquai alors un sourcil et jouais à faire tourner mon verre entre mes mains, cherchant ce qu’elle hésitait à me dire. Le verdict final ne tardait pas à tomber, ses lèvres devaient trop la bruler. Je soufflais alors, faisant rouler mes yeux au ciel. « Han tu parles de cette foutue rumeur, à croire que ça a fait le tour de l’université. » J’étais soudainement dépité, à croire que les gens avaient été au courant de cette rumeur bien avant que Lyson m’apprenne qu’elle était enceinte de moi. Cette histoire prenait une ampleur de dingue, et les femmes de mon entourage en profitaient pour m’en foutre plein la gueule, pour se venger, à croire que j’étais le fautif dans cette histoire, après tout je m’étais protégé, s’il y avait une faille dans le système, ma pseudo conquête était à blâmer également. « Je ne démens malheureusement pas. » Je n’y allais pas par quatre chemins, à quoi cela m’aurait servi de mentir de toute manière ?

L'une de ses chevilles apparaissait sous mes yeux, celle qu'il me montrait fièrement alors que je venais de lui balancer une moquerie. Et il était fier, le bourricot. Je rigolai en secouant la tête, terminant les dernières gouttes de ma bière. Mon attitude vira bien plus nerveuse aussitôt qu'il tentait de prendre de mes nouvelles et je disposai ma main sur ma cuisse de façon à ce qu'il n'ait pas une vue directe sur mon anneau. Je savais très bien ce qu'il pensait de mon couple avec Alex et même si je n'étais pas d'accord avec son opinion, je n'étais pas d'humeur à me prendre une soufflante. Depuis que j'étais revenue à Cambridge, j'avais rarement eu un soir sans avoir une anecdote à lui raconter et bien entendu, mon refus de coopérer lui mit directement la puce à l'oreille. Donc je me contentai de hausser les épaules, mal à l'aise avant de tourner la conversation sur lui d'une manière qui nous tiendrait en haleine pendant un bon moment. « On est à Harvard. Ça t'étonne encore, les rumeurs qui se propagent plus vite qu'une gastro ? » C'est vrai, on avait l'impression d'être constamment observés et si on voulait un minimum de secrets, il fallait parler à voix basse dans une pièce insonorisée, fermée à double tours. Le barman posa enfin le verre devant moi et j'en pris une très longue gorgée en entendant Loukas confirmer ce que je craignais. Je me redressai et me mis face à lui, la posture tendue. « Merde, sérieusement ? J'croyais vraiment que c'était encore des conneries. » Je passai une main sur mon visage en soupirant. « Tu t'étais protégé ? » C'était pas son style de ne pas le faire, mais j'étais vraiment curieuse parce que s'il me disait non, je n'allais pas me gêner pour gueuler.

Les rumeurs, c’était un poison dont on ne pouvait se débarrasser, quelque chose qui s’amusait à serpenter dans les veines de tous les étudiants et à les envahir sans qu’ils ne puissent s’en débarrasser. La grossesse de Lyson avait été l’une des grosses bombes du dernier article de Cambridge Secret, pourquoi elle ou il avait décidé de s’acharner sur ça ? Je n’en sais foutrement rien mais disons que c’est un ragot bien croustillant. Je venais à peine d’apprendre que la demoiselle était enceinte que ça figurait déjà sur toutes les lèvres. « Douce et mélodieuse métaphore, mais quel glamour. Et encore, je les trouve plus lentes qu’à New York. » J’ouvrais grand mes yeux, lui montrant à quel point j’étais faussement choqué. New York était une ville bien plus vivante qu’ici, et j’avais l’habitude d’apparaître en couverture des journaux people accompagnés d’un scoop, autant dire que Cambridge Secret ne m’effrayait pas d’un poil. L’histoire avec Lyson avait l’air de bruler les lèvres de Billie, si j’en avais eu le cœur, je l’aurais fait mijoter, mais l’heure n’était malheureusement pas à la plaisanterie. Je soufflais longuement, regardant mon verre, laissant mon regard se perdre sur l’alcool qui bougeait. « Crois-moi, j’aurais préféré. » Je ne comprenais vraiment pas, j’ignorais ce qu’il avait pu se passer pour que ça arrive. Je n’avais couché qu’une seule et unique fois avec elle, et voilà qu’elle se retrouvait enceinte, oh et bien sûr, elle était bel et bien contre l’avortement, histoire de rajouter un problème à ma cause. Je me pinçais alors les lèvres en entendant sa question, question qui m’irritait au plus haut point, comme si j’étais inconscient. « Non mais c’est quoi cette question que tout le monde me répète . Bien sûr ! Mais ça a merdé quand même, et je ne sais pas comment… » Je me détendais alors à nouveau, posant mon regard sur Billie, me contentant de hausser les épaules.

À Harvard, il était assez difficile de passer outre les rumeurs qui filaient plus vite que la lumière. Garder des trucs secrets, était quasiment mission impossible. Sauf bien sûr si elles étaient bien bien enfouies dans votre passé, comme pour mon propre cas. Mais pour ce qui se passait ici, l'info fusait de bouches à oreilles et souvent, j'en apprenais plus par les ragots que par les concernés. Sauf qu'il ne fallait pas croire tout ce qui se disait sans demander d'explications. Innocent tant qu'on ne l'a pas prouvé coupable ? J'étais en amphi ce matin, quand j'avais commencé à entendre des rumeurs sur Loukas. Trois filles en parlaient au rang juste en-dessous du mien, me faisant froncer les sourcils. Ça parlait de lui et d'une .. Lyson, ou quelque chose comme ça. Au bout d'un moment, j'avais donné un petit coup de pied dans le dossier de sa chaise et attendu qu'elle se retourne pour lui dire de fermer son clapet avant que je lui en colle une. Bien sûr si elle m'avait mieux connue, elle aurait su que j'étais absolument contre la violence, mais heureusement pour moi, on ne se fréquentait pas assez et elle avait mis fin à son cancan. Loukas trouvait les rumeurs plus lentes qu'à New York. Je n'en saurais rien, je m'étais fait tellement discrète à New York que j'avais échappé à ça là-bas. Je buvais ma boisson, l'écoutant se prouver coupable de lui-même, mon cerveau s'échappant sur mille possibilités. Et je savais que je l'énerverais avec ma question, mais il fallait qu'elle soit posée. Et comme prévu, il s'agaça. Je me contentai de le regarder, impassible. « Peut-être parce que c'est pas fiable à 100% ? » lui suggérai-je plus comme une affirmation. Même s'il s'était protégé, il était tout aussi responsable que la fille donc je n'allais pas le plaindre. « Eh bien félicitations, papounet. J'suppose qu'elle refuse d'avorter ? Ou de le faire adopter, ou quoi que ce soit qui pourrait te décharger de la tâche d'élever un enfant ? » C'était ce que j'avais cru percevoir dans la radio gossip des filles de tout à l'heure, en tout cas.

L’annonce de la grossesse de Lyson m’avait percuté tel un camion contre une vieille voiture, en pleine face, causant pas mal de dégâts en surface et en interne. Je n’avais même pas eu le temps de réaliser que Gossip s’était emparé de la chose et l’avait diffusé, j’étais assez étonné de savoir qu’elle me suivait de près pour découvrir ce genre de chose, quoiqu'en fait… pas tant que ça. À New York, une fille m’avait déjà faite le coup, celui de se pointer devant ma porte en me suppliant de la reprendre parce qu’elle était enceinte de moi, mais je ne me laissais pas avoir, je n’étais pas dupe. Après quelques analyses ou quelques billets, je n’étais plus emmerdé, c’est dingue comment parfois l’argent pouvait tout résoudre. Sauf que Lyson était riche et surtout désespérée, je n’allais pas m’en débarrasser si facilement, et puis au fond… je l’appréciais tout de même. « Peut-être. » Je haussais les épaules tout en me remettant face au Bar, attrapant mon verre pour le mener jusqu'à mes lèvres ensuite et laisser couler le liquide ambré dans ma gorge. Je toisais un instant toutes les bouteilles qu’il y avait autour de moi, c’était dans un endroit comme celui-ci, un bar non loin de là que la blonde m’avait annoncé, en panique, qu’elle était enceinte. Elle venait de faire le test et s’était mise à me crier dessus, quoi de plus normal ? Je détournais alors mon regard du bar pour venir le nicher sur le visage de Billie, lui lançant un regard à la faire pâlir. « Je t’interdis de m’appeler comme ça. C’est une fille à papa milliardaire, le genre chaste et à croire au grand amour, elle est totalement contre l’avortement, mais l’idée de porter un enfant, surtout un enfant la liant à moi l’agace donc… J’en sais trop rien. »