Jessy A.Keegans "car c'est ma tronche, je peux pas l'enlever "

Je suis né à Brisbane sur les côtes australiennes. Au pays des grands espaces, des vagues indomptables et de la liberté sauvage. Et comme un pochoir, je me suis dessiné à l’image de mon environnement.
J’avais tout d’un enfant souriant jusqu’à cette fameuse nuit où j’appris que ma mère est décédée. L’enfance chaleureuse dans laquelle j’avais grandi s’est effondrée comme un château de cartes.
Comment oublier un sourire, une présence, un modèle ? Je n’en avais aucune idée. Mon père en revanche si et il n’a pas fait dans la dentelle pour la réaliser. Il est allé au guichet et il a retiré les billets. Au revoir l’Australie, direction les Etats-Unis pour une nouvelle vie, ici elle était devenue trop lourde. Enfin c’est ce qu’il disait. Il a d’abord pendant les premières années, eu raison, il nous a trouvé un sympathique coin où vivre à moi, mon chien et ma valise. Il s’est fait embauché et tout semblait rouler comme sur des roulettes. Mais si c’était aussi simple, on ne dirait pas que sous l’or se cache du coton pourri.

Il voulait garder le sourire pour ma mère mais la solitude lui est devenue pesante. Et comme compagnie, trop fidèle pour prendre celle d’une femme, il a opté pour la bouteille. Enfin ce n’est pas comme s’il était devenu accro mais il lui fallait sa dose. J’étais couché ou absent, je ne voyais rien. Tout allait bien sur les devants de la scène, tant que le rideau n’était pas levé. Seulement Jessy autrefois petit était grand maintenant et pas si dupe. Les bouteilles ne sont pas des vases, pas plus qu’elles ne servent d’apéritifs sans fête ni invités pour les consommer.
Je fis semblant longtemps, du moins assez longtemps pour ne rien dire, avant d’un jour le ramasser complètement ivre dans le salon.
Si certains auraient sans doute mal réagi, je prie sur moi et depuis ce jour ne cessa de rester comme une épaule, un soutien. Je prie les responsabilités qu’il fallait.
Dans la vie, il y a toujours une sortie possible si on se donne les moyens de l’atteindre.
Je me suis alors trouvé un poste de Barman dans un bar rock n roll près de chez moi. J’y chantais et y jouais aussi de la guitare d’ailleurs. Ca payait bien, c’était intéressant, ça me donnait l’occasion d’exprimer ma passion et ça me changeait les idées.
Que demander de plus ? Quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas sans doute ? Une nana. Celle qui depuis changea ma vie et en partagea une partie. Celle qui offrit l’amour d’une femme, chose si différente de celui d’une mère. Mais alors que je croyais les choses fixées, elles bougèrent une fois de plus. Le vent avait tourné.

Je n’avais jamais voué mon cœur à aucune fille, comme s’il n’avait été réservé que pour elle.
Mais au fur et à mesure, croire en tout ce qu’elle m’avait dit allait devenir de plus en plus flou. Comme un message écrit sur le sable qui s’efface avec la marée. Une marée qui laisse un vieux goût de vase dans la gorge.
Elle décidait de partir vivre son rêve en déménageant en Angleterre. Et moi je ne pouvais que la soutenir dans son choix même si celui-ci ne me convenait vraiment pas, je ne pouvais pas l’accompagner. Pas la tune suffisante, son départ trop rapide et un père comme ultime famille. Ca shoote comme une flèche visée en plein cœur de sa cible.
Mais le sourire aux lèvres, la mort dans l’âme on s’est alors dit au revoir, à bientôt et depuis de sa vie, je ne reçu que des mots. Des lettres qui se firent de plus en plus rares voire pratiquement inexistantes.
Dans ce qu’elle me disait j’étais sa vie, son soleil quand il fait nuit. La lumière qu’elle chercherait une fois son projet abouti. Mais à l’heure actuelle, je pourrais me demander ce qu’il en est.

Comme quoi la distance éteint bien la petite flamme alors qu’elle devrait rallumer la grande. Ce mal me ronge de ne plus savoir ce que je suis, un ami, un amour perdu, un passé encombrant.
Cet épisode de ma vie résumerait peut-être bien ma batarde manière de fonctionner aujourd’hui. Ce doute dans mon esprit, cette impression d’avoir été trahi et abandonné au milieu de la route.

Les mots c’est beau vous dirais-je. A moi ils me filent des boutons comme toutes ces filles qui ne veulent de moi que la beauté. Si c’est ce qu’elles cherchent je vais le leur donner, elles pourraient cependant bien être surprises de la finalité de l’histoire.
Je n’ai pas à être étonné de ce qu’on pourrait m’apporter car je n’attend et ne veux plus rien. Je suis devenu aussi froid que les glaçons du verre à mon père.

Mais de loin je n’ai jamais été un mec qui se laisse aller et je ne le serais sans doute jamais. J’ai pris mon avenir en main de mon côté et j’ai abandonné mon ancienne fac pour rentrer à Harvard, faisant ainsi la fierté de celui qu’il me restait. L’avenir était devant moi comme l’horizon devant les yeux.