Kaleb & Nikolaï ✘ Je crois que j'ai besoin de toi ..

Aujourd'hui j'ai travaillé au matin et j'ai eu comme client une ancienne connaissance de ma vie passée qui m'a invité à sa soirée, au départ je ne voulais pas y aller, d'ailleurs je ne le veux toujours pas, mais cet idiot est venu me chercher jusque chez moi pour m'emmener avec lui et ses potes, mais putain j'ai pas envie de m'amuser avec eux, j'ai même pas envie d'apprendre à les connaître. Mais tant pis, foutu pour foutu je les suivais sans même savoir où nous allons. Et lorsque nous arrivions devant le bar du coin, je me suis tout de suite stoppé net. Non je ne peux pas entrer à l'intérieur, je vais finir par craquer si j'entre à l'intérieur et j'en ai clairement pas envie, je n'ai pas envie de sombrer une nouvelle fois dans cet enfer.. Mais j'y étais contraint, quasiment forcé par ces idiots de junkies que je n'appréciais même pas. Une fois à l'intérieur je cherchais un moyen de partir, de trouver une excuse pour me tirer d'ici, mais mon regard se posa sur une personne assise au comptoir avec un verre dans la main.. Mon prof de russe ou plutôt mon père. Qu'est-ce qui foutait ici à cette heure-ci ? Je restais debout au milieu du bar quelques instants pour le regarder, je crois même que nos regards se sont croisés quelques instants avant que le type qui m'a amené de force ici me tire par le bras pour que je viennes m'installer à une table avec lui et ses potes, il n'était pas au courant de ma cure et pour cause, il me commanda un verre de whisky, verre qui était posé juste devant mon nez. Et là tous mes problèmes reviennent en mémoire, tous en même temps, mon loyer que je n'arrivais plus à payer, la découverte de mon père qui était présent dans ce bar.. La mort de ma belle, le manque qu'elle m'apporte .. Je fixais mon verre devant moi sans même le toucher.. Putain je crois que je vais craquer.

C'était le calme plat ces derniers jours depuis que tous les élèves étaient partis au Spring Break, même du côté de mon vrai taf dans l'armée, il ne se passait rien de bien prenant, du coup ce soir encore je suis venu me morfondre dans ce bar où on me connaît déjà bien, même si ça ne fait qu'à peine un mois que je suis en ville. Mais j'ai du mal à tout gérer. Ma femme me manque terriblement, et mon fils qui ne semble pas du tout prêt à m'avoir dans sa vie, rien ne va pour aller mieux. Heureusement que j'ai encore ma fille, parce que je ne serais sûrement plus de ce monde depuis quelques temps déjà. Même si je repense plus que souvent à la mère de Nikolaï que j'ai toujours aimé. En parlant de lui, je le vis passer la porte avec quelques autres mecs, mais il ne semblait pas du tout s'en réjouir. Normal, il est sorti d'une cure il y a à peine quelques mois alors qu'est-ce qu'il foutait là bordel ?! Je sentis la colère mais surtout l'inquiétude m'envahir. Je finissais alors mon énième verre de scotch et au moment de me lever, je me sentis légèrement pas stable. Qu'importe, je commençais à en avoir l'habitude au bout de plus d'un mois. Je m'approchais donc de la table de mon fils et attrapa son verre pour le boire cul sec. Maintenant rentre chez toi. Ouais je suis trop intransigeant, mais j'ai pas payé sa cure pour qu'il retombe dans ce tourbillon dans lequel je m'enfonçais moi-même.

Je regardais ce verre, n'écoutant même plus la conversation autour de moi. Je me battais avec moi-même pour ne pas le toucher, pour ne pas le boire, mais au même moment mon paternel arriva, prit mon verre et le bu cul sec. Je le regardais, j'aurais aimé le remercier pour ça mais j'en étais incapable, encore plus lorsqu'il me donna un ordre devant tout le monde. Je n'allais pas le boire. Lui disais-je en le regardant méchamment. Bien qu'en réalité j'en avais aucune idée et au fond j'étais plutôt rassuré qu'il ait bu mon verre à ma place, mais j'étais incapable de le remercier, incapable de montrer une once de sympathie pour cet homme qui a été trop absent dans ma vie. Et je n'ai aucunement l'intention de rentrer chez moi. Disais-je en restant calé sur mon siège, dans l'unique but de le chercher. Pourquoi faire ça ? Je ne sais pas, mais je n'allais certainement pas resté ici très longtemps, j'en avais aucune envie, que ce soit d'être cloîtré dans un bar, ou entouré par ces personnes qui font partie de mon passé, mon passé autodestructeur que j'aimerais laisser derrière moi, contrairement à mon passé aux côtés de la femme que j'aimais. Et je n'ai pas d'ordre à recevoir de votre part.. Vous n'êtes que mon prof de russe, on n'est pas dans votre salle de cours. Lui lançais-je, bien qu'en réalité il est aussi mon père, mais pourquoi devrais-je l'écouter ? Pourquoi devrais-je lui obéir alors qu'il a toujours été absent de ma vie ? Et pourtant au fond de moi je savais qu'à l'instant présent, je ferais mieux de l'écouter et de partir d'ici, car si jamais c'est lui qui quitte les lieux en premier, j'ai bien peur de ces crétins m'offrent un nouveau verre. J'ai besoin de lui, mais je refuse de l'admettre.

Si j'avais vraiment cru qu'il allait m'écouter je m'étais mis le doigt dans l'oeil. Mais avec l'alcool qui circulait dans mes veines, c'est ce que j'avais cru dur comme fer, parce que c'est ce que je voulais vraiment pour lui. Je voulais qu'il dégage ici, qu'il se sorte cette tentation de sous le nez parce qu'il semblait aussi fragile que moi et je ne voulais en aucun cas qu'il replonge dans cet enfer. Alors évidemment qu'il me porta tête, mais je n'allais pas le laisser se ruiner la santé et sa vie parce que monsieur avait décidé de jouer le rebelle et de vouloir me faire chier. Sauf que là, il s'en prend à lui-même, pas seulement à moi. Sauf que t'oublies que tu me dois ta guérison. Montre-moi un peu que j'ai bien fait d'investir dans ta désintox plutôt que de me dire que j'ai jeté de l'argent pas la fenêtre. Je ne voulais pas en venir à la force, je voulais qu'il se bouge tout seul, qu'il prenne la décision, comme ça, la prochaine fois il serait capable de la prendre tout seul sans que j'ai besoin de l'aider. Seulement s'il renonçait de nouveau à m'écouter et à faire genre que je ne suis que son prof et que je ne m'inquiète pas pour lui, alors oui je vais en venir à la force.

Là c'en était trop pour moi. Qu'il remette une nouvelle fois ma cure sur la table, je saturais. Il voulait réellement que je le rembourse ou quoi ? Car c'était bien parti pour. Je me levais de ma chaise pour me mettre face à lui et le regarder dans le blanc des yeux. Il n'allait peut-être pas apprécier que je lui fasse face, mais je m'en moquais. Au lieu de me rappeler sans cesse que vous avez payé ma cure, pensez un peu aux 22 anniversaires que j'ai passés sans mon père. Disais-je en serrant les dents face à lui. J'en avais marre d'entendre sans arrêt que je lui devais ma cure de désintox. Qu'est-ce que vous faites en ce moment ? Vous vous bourrez la gueule tout seul dans un bar, ce n'est pas de l'argent jeté par la fenêtre ça peut-être ? C'était tout de même drôle de me faire une remontrance sur l'alcool alors qu'il était clairement bourré. Je restais debout devant lui, oubliant les gars avec qui j'étais venu, de toute façon ils ne me reverront plus, je ne compte pas rester ici entouré de tous ces vices que j'essaie d'éviter depuis quelques mois. Vous feriez mieux de rentrer chez vous, votre fille doit vous attendre. Ouais sa fille, l'enfant qu'il a élevé, qu'il a vu grandir.. Moi je n'étais que son bâtard, il n'avait pas de temps à perdre avec moi.

C'était peine perdue, ça servait à rien mon intervention, mais au moins il s'était levé et étais sûrement prêt à partir. Seulement en étant autant sur son dos, j'avais peur qu'il se retourne totalement contre moi et décide de prendre réellement un verre. J'avais déjà assez merdé comme ça. C'était pourtant la première fois que je lui parlais de la cure, que j'essayais de le faire chanter avec ça, c'est plutôt lui qui n'arrêtait pas de remettre ça sur le tapis. Je ne voulais pas qu'il me rembourse, et dans tous les cas, je referais la même chose pour lui. Mais qu'importe, j'en avais marre de tous ces bavardages incessant, c'est pas pour moi c'est truc, débattre entre têtu ça ne sert strictement à rien. Seulement il avait bien vu que je n'étais pas très net et que j'étais moi-même dans ce bar, mais je m'en foutais bien, je voulais juste qu'il sorte d'ici, quitte à ce que je le quitte moi aussi. Je sortirais quand tu sortiras. Oh que non je ne comptais pas bouger sans lui alors s'il veut se débarrasser de moi il allait d'abord devoir sortir.

Nulle doute qu'on avait un caractère assez similaire, nous étions tous les deux aussi froid, un caractère assez spécial, une histoire d'amour qui s'est mal terminée, mais aussi borné l'un que l'autre. Visiblement le seul moyen que j'avais pour me débarrasser de lui, c'était de partir avant. Je soupirais un bon coup, en ayant clairement marre de cette situation. Ok .. Disais-je en murmurant, de toute façon je n'avais aucune envie de rester ici. Je ne prenais même pas la peine de saluer les mecs avec qui j'étais venu, je ne compte clairement pas les revoir après ce soir de toute manière. Je m'avançais alors jusque la sortie de pub, m'adossant contre le mur de ce dernier en attendant mon père. Une fois rejoint, je le regardais toujours avec autant de colère dans le regard, même si au plus profond de moi je suis content qu'il ait bu mon verre à ma place. Ça vous arrive souvent de vous bourrer la gueule tout seul ? Je regardais ensuite le sol en attendant sa réponse, ne sachant même pas pourquoi je m’intéressais à son cas alors qu'il ne l'a pas fait pour moi en presque 23 ans.

Ca fonctionna. Il se mit à marcher en direction de la sortie, et comme promis je le suivis. Une fois dehors il me demanda direct comment ça se faisait que je buvais souvent tout seul. Il me semblait bien que c'était la première fois qu'il me posait une question par simple curiosité envers ma personne, et même si c'était pas la question idéale, ça me faisait plaisir. Je ne laissais toujours rien transparaître et tout en le fixant froidement je lui répondais Ma femme me manque. La même raison que toi il me semble. Oui on s'était mis à boire pour la même raison, parce qu'on avait perdu une femme que nous aimons, et ça ne faisait que nous ressembler davantage, les mêmes êtres torturés au final, on avait donc pas mal de point commun et je me voyais de plus en plus en lui, même si c'était bien la dernière chose que je lui dirais, vu qu'il est déjà assez en colère contre moi, pas la peine d'en rajouter.

Sa femme lui manquait et je pouvais parfaitement le comprendre, puisque je ressentais ce même manque, cette même souffrance qui m'a fait faire plus d'une connerie. Je regardais le sol avant de reprendre la parole, toujours sur la même intonation de voix. Elle faisait quoi dans la vie ? Lui demandais-je en gardant mon regard fixé au sol. Moi-même je n'avais aucune idée de pourquoi je voulais qu'il me parle de sa femme, peut-être parce qu'au final ça me rappelait celle qui aurait pu devenir la mienne. Puis avant qu'il me réponde je levais mon regard vers lui, mon regard toujours aussi fermé. Je vais vous raccompagner, non pas parce que j'ai envie d'être avec vous .. J'ai juste pas envie d'avoir aussi votre mort sur la conscience en vous laissant dans cet état .. Disais-je, commençant à marcher à ses côtés.. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je ferais mieux de partir et le laisser tout seul, c'est ce qu'il mérite pour m'avoir ignoré tout ce temps.. Mais pourtant je ne le fais pas.

Depuis que ma femme était passé de l'autre côté, je me sentais vide, tellement vide et souffrant que je l'aurais bien rejoint, mais je ne suis pas du genre à me laisser aller si facilement, juste à boire quelques verres pour aller mieux. Et je commençais à en avoir l'habitude à force, tellement que les quatre verres que je venais de boire c'était comme du thé, ou bien du café, ça ne me faisait qu'un faible effet à force, il était d'ailleurs peut-être temps que j'arrête. Elle était officier. Elle a été sous mes ordres quelques temps avant qu'on finisse par tomber amoureux. Tout s'est fait tellement vite, Appolinaria est arrivée aussi très vite et c'était ce que j'ai trouvé de mieux pour essayer d'oublier ta mère ... Moi qui n'enchaîne pas souvent plus de trois mots, je me surprenais moi-même. Pourquoi est-ce que j'en raconte autant ? Il va s'énervait encore une fois et partir loin de moi, sans l'envie d'en apprendre encore plus. Mais non, il me faisait même part qu'il voulait me raccompagner. Je ne faisais que le fixer, pourtant j'étais vraiment surpris. Mais je n'allais rien dire même si j'étais clairement capable de revenir chez moi tout seul. C'était déjà pas mal. Comme c'est généreux de ta part, merci bien. Disais-je dans un faible rictus. Au moins dès que tu auras envie de passer, tu sauras où venir.