Did I already meet you ? PV Seeley

Sur les coups de 10 heures, il n’y avait jamais vraiment grand monde au restaurant de l’hôtel, tout simplement parce que les lèves tôt qui ont pour but d’aller découvrir l’endroit avaient déjà déjeuné depuis longtemps, et que les lèvres tard qui n’avaient pas encore décuvé n’étaient pas prêt d’émerger. Je ne dormais que très peu la nuit, mais ici, je trouvais quelque chose d’apaisante, quelque chose qui me rapprochait un peu plus des bras de Morphée que d’habitude, et si à Harvard il fallait que je bouge constamment lorsque je ne dormais pas, ici je prenais presque des airs de vacances, je me détendais, j’écoutais simplement le bruit des vagues et du vent après avoir ouvert ma fenêtre. Bref, au lieu de me réveiller à une heure indécente pour le corps humain, j’avais émergé sur les coups de 9 h. Je n’avais pas encore prévu mon programme de la journée, la veille, je m’étais contenté de faire un jogging le long de la plage, soigner quelques plaies faites par inconscience, et j’avais mangé en compagnie d’une amie dans ce même restaurant, arpentant les alentours pour rejoindre ma chambre dans la nuit. C’était étrange, j’avais l’impression de vivre mon autre vie. La caserne me manquait terriblement, mon appartement miteux beaucoup moins. J’angoissais un peu de ne plus avoir mes repères, mes habitudes, et d’un côté, ça me faisaient terriblement du bien. A vrai dire, je n’avais pas pris de vacances depuis la mort de Joanne, si elle avait vu Punta Cana, elle aurait folle, après tout c’est dans un endroit dans celui-ci qu’on aurait dû faire notre lune de miel. C’était donc le cœur serré, comme chaque matin, que je descendais au restaurant de l’hôtel. Une fois en bas, j’attrapais une assiette que je ne remplissais pas vraiment, je mangeais très peu pour ne pas dire pas suffisamment. J’allais alors m’asseoir à une table, attrapant au passage un café chaud, puis je cherchais de quoi m’occuper alors que le restaurant se comblait peu à peu. Je me relevais alors et attrapais un journal qui était mis à disposition sur une des tables. Picorant dans mon assiette, je me mettais à passer les pages, oui j’avais des habitudes d’homme marié pour ne pas dire mûre, mais qu’importe, je m’en foutais. Soudain, je relevais la tête, une charmante jeune femme me demandait si elle pouvait s’asseoir. Je jetais alors un coup d’œil discret à d’autres tables… vides. « Bien sûr, la place est libre. »

Je faisais partie de la Quincy House depuis mon arrivée à Harvard, à vrai dire, j’ignorais pourquoi j’avais décidé de faire partie d’une maison, peut-être pour apprendre à connaître de nouvelles personnes, me sentir intégrer, ou simplement parce que les valeurs des Quincy me tenaient fortement à cœur ? Je ne m’étais jamais posé la question, il faut dire que j’évitais de réfléchir au niveau de mes actes, de mon passé, tout ceci était encore trop houleux, je ne voulais pas réveiller mes fantômes afin qu’ils me torturent davantage. Un léger sourire sur mes lèvres alors que je voyais Nevada arrivé, je riais intérieurement. Cette fille avait beau être assez populaire, sociable et avoir presque toutes les qualités du monde en plus d’être la présidente de la maison dans laquelle j’étais, elle avait un comportement assez étrange avec moi, disons qu’elle me tournait autour, comme un chat attendant de s’attaquer à sa proie. Je l’observais alors s’asseoir et posais mon journal, je trouvais ça impoli à lire alors qu’elle était proche de moi. Je lâchais alors un léger rire en la voyant mordre dans son croissant. « C’est ça. » Je connaissais son prénom et je pense qu’elle le savait, alors pourquoi m’éterniser sur ce sujet ? Après avoir observé longuement son plateau, je relevais mon regard sur son doux visage. « Sérieusement, où tu peux mettre tout ça ? » Non je ne la draguais pas, j’étais simplement étonné qu’une fille aussi menue qu’elle puisse avaler autant d’aliment pour un seul petit déjeuner.

J’ai toujours été du genre sociable, à ne pas juger, car je savais qu’un tas d’autres personnes ne se gênait pas pour le faire. Oui j’étais du genre un peu trop gentil, à m’occuper du monde qui m’entoure, à aider comme je le pouvais, et parfois, voir des gens égoïstes, essayant de mener le monde comme ça leur chante, ça me mettait parfois en rogne. Je ne supportais pas les gens à double tranchant, ceux qui mettaient un masque, ou carrément les gens se montrant tels qu’ils sont, hypocrites, détestables au plus haut point. Seulement, lorsque je croisais quelqu’un de ce genre, je me taisais et avançais sans croiser leur regard, à quoi cela me servirait de les affronter ? À perdre mon temps, rien d’autre, et le temps était précieux. Nevada me tournait autour comme parfois je pouvais le faire avec des personnes dont j’ai du mal à cerner ne serait-ce qu’un détail, pourtant, je n’avais pas l’impression de me montrer comme quelqu’un de compliqué, ou de malhonnête, et étant donné que je n’avais rien à me reprocher, je la laissais approcher, mener son enquête. « Oh… très bien. » Disais-je l’air un peu étonné, au moins elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère, elle était franche et j’aimais ça. Je m’autorisais alors à sourire en la voyant reprendre une bouchée, puis j’attrapais mon verre pour boire ce qui restait de jus. « Tu as raison, profite ! » Ce n’est pas comme si elle devait se tenir à des régimes ou autres, elle était parfaite comme elle était, et avait de la marge. « Alors, qu’est-ce qui t’amène ? » Moi aussi, j’étais à ma façon, cash, non ?

La vie était trop courte, c’était une certitude, surtout à cause des événements qui pouvaient emporter celle-ci en une fraction de seconde, comme celle de Joanne, balayée comme si elle n’avait jamais existé, engloutie par les flammes comme un souvenir qui ne ferait que passer dans notre mémoire. Voilà certainement pourquoi j’avais du mal à ce jour à m’ouvrir, aller vers les autres, parler comme je le faisais autrefois. Joanne m’avait rendu bon, aimant, dévoué à ma cause et sans elle, plus rien n’avait de sens, je me sentais perdu, et ce, même si sa mort remonte à quelque temps désormais. Nevada avait un bon fond, comme la plupart des gens de la Quincy House, voilà pourquoi je me sentais si à l’aise là-bas, comme un poisson dans l’eau. Là-bas, je n’avais pas l’impression de devoir tricher, de devoir masquer les apparences, on était soudés, présent pour les autres, et certaines personnes me faisaient penser à Joanne ou encore à moi étant plus jeune, je veux dire… encore plus jeune. Je regardais alors la brune engloutir ce qui lui restait de petit déjeuner pendant que moi je portais ma tasse de café à mes lèvres en jetant un regard sur la vue que nous offrait le restaurant de l’hôtel. C’était plutôt agréable de sentir le soleil taper contre la baie vitrée, réchauffer au passage mon corps froid. Je ramenais alors mon regard sur mon interlocutrice, fronçant les sourcils, elle m’avait déjà vu quelque part, tiens donc. « Tu as bien raison. Et pour le reste, tu n’as qu’à me parler un peu de toi, peut-être qu’on trouvera le point commun. » J’étais issu d’une famille pauvre certes, mais d’une grande famille, j’avais des origines Américaines, Irlandaises et Françaises, beau mélange n’est-ce pas ? Grâce à ma famille, je voyageais souvent dans ces trois pays, histoire de parfaire mes langues, de découvrir un peu plus le monde qui m’entourait, ce genre de chose…

J’étais loin d’être un mec qui sortait du lot, le genre de mec que l’on remarque au premier regard, qui se fait retourner toutes les femmes sur son chemin, non j’étais plutôt le mec discret qui avait pour habitude de marcher dans la rue les mains dans les poches, la tête baissée. Je n’avais rien d’exceptionnel, et je ne faisais rien d’exceptionnel, mis à part sauver des vies. Certains ont les yeux illuminés lorsque je leur dit que je suis pompier alors que pour moi, c’est tout juste banal, c’est juste ma vie quotidienne. Je n’ai rien d’un serial killer, d’un psychopathe, ce genre de chose, je suis juste un mec calme qui mène sa vie dans la discrétion, c’est si difficile à comprendre ? A vrai dire, je ne suis pas le type que l’on dérange généralement, je suis l’homme qui se fond dans la foule, un type normal, juste un type. Voilà certainement pourquoi ça me faisait doucement rire qu’elle me regarde avec des yeux qui donnaient l’impression qu’elle me passait un scanner tout entier. Quelque chose la dérangeait chez moi et à vrai dire, c’était bel et bien la première fois que l’on m’avouait ce genre de chose, du coup je restais perplexe et je cherchais à sa place ce qui clochait chez moi, m’inquiétant tout de même un peu, après tout on parlait de mon cas non ? Je fronçais alors doucement les sourcils en lui demandant de me parler d’elle, en même temps si elle avait cette impression étrange, c’est peut-être qu’elle m’avait déjà vu auparavant. J’avais tout de suite songé à la bombe d’Harvard, beaucoup de gens, dans la panique, n’avaient pas fait attention à mon visage, comme Milena par exemple, mais contrairement à Milena, je n’avais aucun souvenir de Nevada lors de la bombe, il faut dire que j’avais secouru tellement de monde… Je posais alors mon menton sur la paume de ma main, mon coude venant alors soutenir ma tête, puis je l’écoutais longuement en détaillant chacune de ses paroles. J’ouvrais alors grand les yeux à la fin de son monologue. « Une famille ? » J’étais un peu intrusif sur le coup, mais à vrai dire, je ne voulais pas me montrer indiscret, c’est juste que le mot famille m’avait légèrement heurté. « La France, c’est ça le point commun, enfin je crois. » Je me mettais légèrement à sourire et cherchais alors au fin fond de ma mémoire, ça paraissait étonnant qu’un pays soit notre point commun mais pourquoi pas après tout, d’après ce qu’on dit, le monde est petit non ?