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Pourquoi j’étais revenue à la charge, je me le demande. Ça ne collait définitivement pas entre nous, il fallait être aveugle pour ne pas le voir. Et pourtant, alors que mon cerveau m’envoyait de grands signaux rouges tel un feu luisant dans la nuit m’interdisant de l’approcher, mes jambes et ma bouche n’en avait rien à cirer. Je me retrouvais inexorablement en face de lui et à prendre la parole, histoire de me ridiculiser un peu plus à chacune de nos rencontres. Je ne comprenais pas ce qui m’attirait à ce point chez lui. J’avais l’impression d’être victime d’une nouvelle force gravitationnelle qui m’empêchait de m’éloigner de lui lorsqu’il était dans les parages. Et le pire, c’était qu’il arrivait à ce que je me sente coupable alors que je n’avais rien à me reprocher. Je n’y étais pour rien, ça s’arrêtais là. Et pourtant… J’étais là à m’excuser en un mot – il ne fallait pas trop m’en demander non plus – accusant sa froideur glaciale. Je restais silencieuse face à sa question. Au final, moi-même, je ne savais pas pourquoi j’étais en train de m’excuser devant lui. Certainement pas de l’avoir frappé comme il semblait le penser de prime abord, car sur ce point j’étais d’accord avec lui : il l’avait mérité. Je n’étais pas non plus désolée d’avoir déversé ma haine sur lui, car ça aussi il l’avait cherché. De quoi je m’excusai alors ? Probablement d’être moi. Ou alors c’était une sorte d’excuse générale pour le fiasco qu’était notre rencontre depuis le début. Entre ma lamentable chute sur une chaise, puis mon délire hallucinatoire dû à l’ivresse, avant le malaise qui planait sur nous à dos d’éléphant – éléphant qui avait dû le ressentir aussi tellement il était présent – on ne pouvait pas dire qu’il m’avait vu sous mon meilleur jour. Cela ne m’étonnerait même pas qu’il me trouve bonne pour l’asile. Mais je n’en avais plus rien à faire. A quoi bon rattraper les morceaux ? Nous avions déjà essayé en Inde, tout ça pour quoi ? Pour finir là, sur cette plage, au beau milieu de la nuit, alors que le Spring Break venait tout juste de commencer, à nous battre comme des chiffonniers pour des conneries. Tout ça pour ça. Lui non plus ne me regardait pas en face, les yeux perdus dans le vague. Il l’avait mérité. Sa dernière remarque m’ébranla intérieurement, mais je ne laissai rien transparaître ou presque, contractant légèrement la mâchoire. Je n’avais plus la force pour ces envolées lyriques qui ne me correspondaient pas vraiment. Et puis j’en avais marre d’avoir la vision brouillée par un rideau de larmes. J’avais bien trop pleuré ces dernières semaines, il était temps que ça s’arrête. Je n’avais plus la force de supporter tout ça. En parlant de force, mon corps commençait à me lâcher, j’étais épuisée. Je vins m’asseoir à côté de lui, étendant mes jambes dans l’eau. Je passais mes mains sur mon visage pour chasser les derniers restes du carnage qui avait eu lieu quelques minutes, effaçant au passage les dernières traces de haine de mon esprit. Cela ne servait plus à rien après tout. « C’est… bien plus compliqué que ça. Ça fait quatre ans maintenant, je ne pense pas que ça soit une bonne idée, ni que ça serve à grand-chose. Après tout, entre la France et les Etats-Unis, la distance est bien trop grande. » Je ne savais pas trop quoi dire, ni comment m’expliquer sans entrée dans les détails, chose que je ne voulais surtout pas faire, autant pour moi que pour lui. En quoi ça aurait-ce pu l’intéresser, hein ? Il n’en aurait strictement rien à faire, et je ne supporterai pas une nouvelle vague de froid.
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