LIBRE. une compagnie innatendue.

Le soleil brillait dehors et pourtant, Jackie était là, seule dans la salle de théâtre d’Harvard. Plongé dans la pénombre, seule une petite lampe au dessus de la scène laissait cette pièce hors du noir complet. L’odeur du parquet était agréable, le silence était reposant. Il n’y avait pas de pareil endroit pour laisse son imagination parler, raconter de magnifiques histoires.
Une grande pochette sous le bras, Jackie monta les quelques marches qui donnaient sur la scène, les planches de bois craquaient sous ses pas et elle s’assit en plein milieu de la scène, devant les centaines de sièges vides. Elle ouvrit la pochette et en sortie de grandes feuilles griffonnées de milles et unes couleurs. Dans sa poche, elle sortie un stylo feutre et commença à écrire quelques mots en dessous de ces magnifiques dessins.

Il faisait certes beau, mais après la soirée que j’avais vécue la veille, je ne voulais profiter de rien, et sûrement pas de la bonne humeur étalée par tous ces étudiants se gavant de soleil. Je repensais à Siméon, à Seeley qui semblait perdu dans sa douleur… Je ne souhaitais qu’une chose, me retrouver seule. Pour ça, quoi de mieux qu’un théâtre déserté ? Je me rendis donc en direction de celui d’Harvard. A une heure pareille, il ne devait y avoir personne, tout le monde devait être en train de profiter des premiers rayons de chaleur sur le campus. Je pénétrais dans le théâtre, profitant du frais qui y régnait, de l’odeur de bois, et par dessus tout du silence. Sans jeter un seul regard alentour, je m’asseyais sur le fauteuil le plus au centre de l’orchestre. Quand je repris contact avec la réalité, j’aperçu une fille en plein milieu de la scène. Sa tête me disait quelque chose, j’avais dû la croiser à la résidence des Lowell. Je n’osais plus bouger, espérant qu’elle ne m’avait pas remarqué enfoncée au fond de mon siège.

Les mots défilaient à une vitesse folle sur les feuilles de papier. L’inspiration était présente, il ne fallait pas la laisser filer ! Jackie avait comme passion, lors de ses moments de répit, d’écrire et d’illustrer des histoires pour enfants. Elle en avait des tonnes et des tonnes chez elle, et quelques unes qu’elle gardait précieusement sous son matelas à la Lowell House. Celles-ci, c’étaient ses préférées !  Un bruit sourd la sortie de ses pensées, le bruit de la lourde porte du théâtre qui venait de se refermer. Jackie leva la tête et regarda la salle. Le noir absolue. La lumière sur scène l’empêchait de voir quoi que ce soit.. Rebouchant son stylo, la demoiselle se redressa légèrement. Y’a quelqu’un ? Jackie porta un rapide coup d’œil à sa montre, il ne s’était écoulé qu’une poignée de minutes depuis qu’elle était entrée, ça ne pouvait pas être les cours qui reprenaient déjà.

Et merde. Loupé. Pour la discrétion, on repassera, merci la grande porte en bois grinçante. Elle m’avait donc entendue entrée, et avait l’air tout aussi surprise que moi d’être dérangée dans sa solitude. Cependant, elle ne semblait pas me voir. Avait-elle oublié ses lunettes ? Pouvais-je encore espérer passer inaperçue ? Il me fallu quelques minutes pour comprendre que de la scène où elle se trouvait, avec les projecteurs en pleine face, elle ne devait effectivement rien voir du côté des spectateurs. J’aurais donc pu rester tout à fait immobile et attendre que le temps passe. Mais ma bonne conscience m’intima l’ordre de montrer signe de vie. Je n’allais tout de même pas effrayer un nouveau membre de ma confrérie. Déjà que je m’efforçais d’éviter Bleeker du mieux que je le pouvais et que c’était bien assez compliqué comme ça, je n’allait pas en plus me rajouter un fardeau supplémentaire. Il ne me restait donc plus qu’à jouer la carte de l’honnêteté, tant pis pour le théâtre au frais. « Oui, excuse-moi de t’avoir dérangé. Je ne pensais pas qu’il y aurait quelqu’un ici à cette heure-là et par le temps qu’il fait dehors. Mais si tu es en train de travailler, je peux te laisser, je me trouverais un autre coin au frais. » Adieu solitude chérie.

Ma conscience me rattrapait bien trop vite, et d'une manière bien trop forte à mon goût, et bien oui cela devait arriver un jour, je n'avais pas révisé mon contrôle de biologie, faut dire la bio et moi c'est pas l'histoire d'amour du siècle, mais plutôt le désamour éternel, de la haine pure et dure, mais bon je dois apprendre cette manière, qu'importe mon avis. Seulement, j'étais trop préoccupée par Priape et toute cette histoire de bébé, alors la biologie passait au second plan, mais je n'étais pas une dunster pour rien, et ma petite tête me disait de réviser au plus vite histoire d'éviter une catastrophe. Je me dirigeais tout droit vers le théâtre, seul endroit qui me semblait assez calme et paisible pour ingurgiter une soixantaine de pages en un temps record. Mission impossible vous dites ? Mon oeil. J'entrais dans le grand bâtiment, la scène éclairée par des projecteurs, des voix s'échappaient du lieu. Mince, j'étais pas seule, mais maintenant que j'étais là je ne pouvais pas partir comme une voleuse. Désolée de vous déranger dis-je sans savoir à qui, ni à combien de personnes je parlais. Ça vous dérange pas si je reste ici un moment... je dois travailler, j'ai un exam en fin de journée dis-je en étalant ma petite vie d'étudiante, mais au fond on était à Harvard, école prestigieuse où chaque élève devrait comprendre un besoin de bosser.

Lorsqu’une voix résonna dans le théâtre, Jackie referma la pochette entièrement remplie de dessin et fit un petit nœud avec les deux ficelles. Elle se leva et se dirigea sur le côté jardin de la scène, où se trouvait la gestion des lumières. Elle tira une poignée vers le haut et d’un coup, des projecteurs s’allumèrent dans la salle. Elle pu apercevoir le visage non pas d’une, mais de deux jeunes femmes. La deuxième venait d’arriver et s’excusa de déranger. Elle souhaitait travailler dans le calme. Jackie descendit les petites marches et arriva dans la salle. Oh non non, reste, tu ne m’as absolument pas dérangé. adressa-t-elle à l’égard de la jeune femme assise dans un des sièges. Et toi non plus d’ailleurs. Elle adressa à chacune d’elle un sourire. La seconde jeune femme avait demandé à rester ici pour travailler un examen qu’elle avait en fin de journée. Evidemment que tu peux rester travailler ici, je n’ai pas l’exclusivité de la salle. Jackie regarda attentivement les deux demoiselles. La première lui disait vaguement quelque chose. Elle devait être à la Lowell House. Quant à la deuxième, Jackie avait beau chercher, elle ne la connaissait pas.

Spoiler:

D'un seul coup, la salle s'illuminait au niveau des sièges, je pouvais apercevoir une jeune femme brune assise sur l'un des sièges, il y en avait une autre qui descendait de la scène afin de nous rejoindre. Elle s'adressait à moi très poliment, en disant que je ne dérangeais pas du tout, j'esquissais un petit sourire en guise de remerciement. Je m'avançais vers les allées de sièges afin de trouver une place. Merci c'est gentil dis-je avant de m'asseoir et de poser mon sac au sol. J'allais sortir mon livre de biologie lorsque je décidais, sans trop savoir pourquoi, de poser une question à cette jeune femme, qui semblait fort sympathique à première vue. C'était dommage de faire sa sauvage alors que j'avais l'occasion de rencontrer des nouvelles personnes. J'aime beaucoup cet endroit, c'est clame et reposant, tu fais du théâtre ? me risquais-je. Elle semblait bien connaître le lieu puisque c'était elle qui avait allumé les lumières, or je ne savais pas du tout où l'interrupteur était, malgré mon ancienneté à Harvard.

Spoiler:

La jeune femme qui se trouvait au niveau de la porte pénétra un peu plus dans la salle en remerciant  Jackie et s’assit sur l’un des sièges de la salle. Oh non, pas du tout. Je suis même plutôt nulle pour ça. Elle laissa échapper un petit rire. Le théâtre, ça n’avait jamais été fait pour elle. Ce qu’elle préférait, c’était être derrière les projecteurs, pas devant. J’suis en audio visuel. Elle avait un certain plaisir à annoncer son domaine d’études. Pour elle, s’était une fierté. Vous le croirez où non, mais Jackie avait déjà travaillé sur ces lettres de motivations pour les studios Disney et Pixar deux ans auparavant. Plus motivée que jamais, elle espérait intégrer sans trop de soucis l’un de ces studios grâce à ses compétences. Ce n’était plus qu’une question de quelques petits mois !

Je me laissais aller sur le siège, contente de pouvoir me reposer durant un petit laps de temps dans cette journée longue et pleine de travail. La jeune femme me répondait qu'elle ne faisait pas du théâtre, j'étais étonnée, mais on pouvait aimer cet endroit sans forcément pratiquer le théâtre, la preuve, j'aimais cette salle. Ah d'accord, je pensais. Je laissais échapper un petit rire face à sa remarque, elle était peut-être nulle pour jouer la comédie, mais j'étais inévitablement pire, j'avais eu l'occasion, petite, de participer à une pièce, une vraie catastrophe, depuis je ne me suis jamais risquée à renouveler l'expérience. Olala, à côté de moi j'suis sûre que tu es super forte dis-je en souriant. Elle était en audio visuel, pour être honnête j'connaissais pas vraiment ce domaine d'étude, j'étais trop scientifique - et trop débordée - pour m'intéresser à d'autres domaines que le mien, puis de toute manière l'art c'était pas mon point fort. Ah d'accord... j'connais pas trop, moi j'fais vétérinaire ! dis-je avec un enthousiasme modéré puisque je n'oubliais pas mon examen de biologie qui m'attendait sagement dans mon sac.

La jeune femme sur la scène alluma les projecteurs côtés spectateurs, m’aveuglant un instant, mon regard s’étant habitué à l’obscurité ambiante. Une autre fille venait d’entrer dans le théâtre, pour réviser un examen. Sa tête me disait quelque chose, je l’avais déjà vu quelque part, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je réfléchis encore un instant, avant de me souvenir. Je l’avais vu à la soirée d’arrivée lors du voyage des Lowell en Inde, quand nous nous étions retrouvés dans ce parc autour d’un feu. Les deux parlèrent études, tandis que je me demandais ce que j’allais faire. Rester jouer les filles sociables ? Ou partir m’isoler dans un autre endroit reculé de la fac ? Bah, quitte à avoir été dérangé, autant participer à la conversation. Je me tournais dons vers la brune qui était sur la scène quelques minutes auparavant. « Excuse-moi, mais tu ne serais pas chez les Lowell par hasard ? Il me semble t’avoir déjà vu dans la résidence… » Puis je me tournais vers la future vétérinaire. « Et toi, tu n’aurais pas participé au voyage en Inde ? »