Like we were before ⁂ JONES FAMILY

Durant ces six années, je m'étais efforcé de me couper du monde, tant bien que mal. Je ne voulais pas avoir à penser à mes parents ou à Oly, ce qui ne m'a pas empêché de penser à eux tous les jours sans exception. On peut pas rayer de sa vie sa famille, sinon ça se saurait. C'était plus facile de penser à mes parents, même si ça faisait mal. Ils me manquaient, mais je leur en voulais également. Olympe en revanche... Je n'avais jamais rien eut à lui reprocher. Au contraire, je me faisais des reproches à moi et je l'avais longuement imaginé, toute seule avec nos parents, me détestant d'être parti, de l'avoir laissée en Australie. Ma soeur était finalement moins rancunière que je l'avais imaginé. Elle était meilleure que moi, définitivement. Je ne put qu'acquiescer lorsqu'elle me dit que ce genre d'endroit, ça la ramenait à moi. C'était réciproque. Oui, moi aussi. Lui dis-je avec un petit sourire avant de baisser les yeux. Je me sentais con, d'être parti et revenu que maintenant. Partir, à l'époque ça me semblait tellement pas négociable. Mais ne donner aucune nouvelle à ma petite soeur durant six ans, c'était quand même autre chose et je me reprochais surtout ce silence, bien que je l'ai toujours surveillée, même si c'était de très loin. Elle l'avait ignoré durant tout ce temps, voilà tout. Mon portable se mit à vibrer et la boule dans mon estomac revint de plus belle en voyant le mot papa s'afficher. Qu'est-ce qu'il me voulait ? On s'était appelé il y a une heure à tout casser... Je remis mon portable dans ma poche et changea de sujets. J'avais mal joué car naturellement, Olympe trouva cette réaction louche. Sauf qu'elle alla pas s'imaginer que je renouais avec notre père. Non. Elle pensait que c'était une fille, dont je voulais pas lui parler car elle avait comprit que j'allais pas aborder ma vie sentimentale avec elle, car bon, c'était ma petite soeur quoi. Sauf que là, pour le coup, j'aurais préféré que ce soit une fille. Pensant à Deirde, je roula des yeux tout en portant une main à ma poche pour la protéger vu que ma soeur essayait de m'attaquer pour récupérer le téléphone et satisfaire sa curiosité. Si elle l'attrapait... Bon sang. Ok, c'est Deirde, une fille que j'ai rencontré commençais-je sur un ton dans lequel perçait le stress, en dépit de mes efforts pour garder ma légèreté. La main de ma soeur se referma sur mon téléphone par dessus le tissu de mon bermuda et je me braqua, repoussant sa main un peu trop franchement avec la mienne. Oly. Non. Lui dis-je un peu trop sèchement.

(c) darkdreams/marine

Nous avions grandis tout les deux face au monde, et j'avais appris à le connaitre. Il restait maitre dans l'art de lire en moi, il avait apprit au fil du temps à comprendre la moindre de mes mimiques, des mes hésitations. Si j'arrivais à mentir à mes parents, pas à lui, jamais. Il avait toujours le petit sourire et le petit geste qui prouvait qu'il n'était pas dupe, mais il m'avait toujours couvert : un fois, j'avais brisé un vase précieux de maman, et il m'avait défendue, disant que nous étions dehors tous les deux, soutenant mon mensonge, alors que c'était totalement faux et que je m'emmêlais les pinceaux. C'est ça, ses souvenirs, qui font que je ne peux pas lui en vouloir d'être parti aussi longtemps loin de moi. C'est des petits gestes qu'il a fait pour moi, qui m'ont sauvée, qui ont sauvée l'enfant que j'étais des griffes de mes parents, et rien que pour ça je pouvais pas lui en vouloir. Et je ne pouvais que profiter de cette journée à nous.. Une fois dans la queue, lorsque je le vis ranger son téléphone un peu brutalement, je ne pus m'empêcher d'afficher un grand sourire et de vouloir en savoir un peu plus. Parce que je savais bien qu'il ne comptait rien me dire sur sa vie privée, avec son instinct de protecteur, et que moi je voulais savoir. J'étais persuadée qu'il avait déjà une copine, avec son joli minois - normal c'est mon frère- et je voulais tout savoir, ou du moins ce que j'arriverais à lui tirer. " Hoou.. elle est à Harvard? Dans quelle maison? " Je continuais à chercher à attraper son téléphone en riant, me foutant des gens qui nous jetaient des regards un peu froids. Soudain, mon rire s'étouffa dans ma gorge lorsqu'il chassa ma main avec force et froideur. Un instant muette et immobile, sa voix me fit mal. Parce que je savais que c'était de quand il était gêné, celle de quand nous avions un problème.. " César.. qui c'était? Ce n'était pas elle, n'est-ce pas? " J'étais redevenue sérieuse, et j'étais prête à cette fois insister fortement pour voir son téléphone. Il avait des problèmes ici? Il pouvait m'en parler quand même..

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Je ne faisais pas attention aux gens autour de nous qui nous jetaient des regards curieux. Bah, tous des enfants uniques sûrement. Ce genre de taquineries, c'était typique entre frère et soeur et on échappait pas à cette règle. Sauf que ce coup-ci, moi ça me faisait pas rire et ça me rendait même carrément anxieux et ça, dans ce genre de moments, c'était nouveau. Quand je voulais pas qu'elle fasse un truc, je prenais mon air bougon en ronchonnant, mais jamais ça n'allait plus loin. J'ignorais ces questions, trop concentré sur le fait que je pouvais pas me permettre qu'elle attrape mon téléphone. Je repoussa sa main sèchement, ce qui était caractéristique chez moi d'un truc qui n'allait définitivement pas. Ca ne tarda pas. Elle me connaissait trop bien et bon sang, ça craignait vraiment trop même s'il fallait que je reconnaisse que je m'étais vraiment débrouillé comme un bleu jusque-là. Elle ne pouvait pas ne pas soupçonner qu'un truc allait de travers vu ma façon de me comporter. Perdant son air amusé, ma soeur retrouva un air plus sérieux et concerné. Je me sentais mal et j'avais chaud. Voyant que la queue avait avancer, je fis quelques pas, comme pour me filer une contenance que j'avais définitivement perdue. Il fallait sérieusement que je me ressaisisse. J'avais plongé ma main dans ma poche, la refermant sur mon portable dans un geste protecteur. Je roula des yeux en silence, sans la regarder, pour moi-même. J'aimais pas lui mentir, mais bon, c'était pas si grave, non ? Il n'était pas question de ma santé ou autre, j'étais juste pas d'humeur à me disputer avec elle sachant que c'était ce qui allait se passer si elle découvrait le pot aux roses. Ca allait gâcher cette journée. Bordel, pourquoi il avait fallu que papa appelle ? Je me tourna à nouveau vers ma soeur. Non. Mais tout va bien, d'accord ? Fais moi confiance, t'as pas à savoir dis-je. Je voulu afficher un petit sourire confiant mais je m'abstenu sachant que ça y arriverait pas. Ca allait davantage avoir des airs de grimace bizarre et c'était pas ce dont on avait besoin, l'un comme l'autre.

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Je sentais que c'était pas sa copine, ou sa sex friend, ou la nana qui s'appelait Deirde. J'avais ce sentiment de mensonge ou de non dit, et je n'allais pas tomber dans le panneau : je le savais, et je n'allais pas insister. Du moins, pas pour le moment, puisque nous allions arriver près des manèges, et que ça allait être notre tour. Puis, il m'avait dit que tout allait bien, et avait joué la carte de la confiance, je me voyais mal chercher encore à prendre son téléphone.. Alors je soupirais. " Okay.Toute façon on arrive.. " Je baissais les bras, mais si jamais le téléphone re-sonnait une seule fois cette fois j'allais sortir les crocs pour l'avoir. Parce que autant une fois, ma curiosité pouvait être oubliée, chasser à l'intérieur de mes entrailles, mais si je vois que ça continue, je vais vouloir savoir. Et il ne pourrait rien faire face à moi, j'deviens redoutable, vexée. ais là, c'était César, c'était mon frère, et je pouvais tirer un trait une fois sur un énervement comme celui-ci. c'était son cadeau de retour, en quelque sorte.. Attrapant son bras, je lui fis un petit sourire, histoire d'enterrer l'atmosphère tendue à cause de lui, et je passais pour aller m'installer, comme me l'indiquait le monsieur de manège. Je pris la sécurité pour la fixer sur mes épaules, excitée à l'idée de recommencer un manège, et un poil apeurée. " Bon.. t'es prêt? " Je commençais à serrer les poignées, stressée et tendue, inspirant un grand coup. Pfioui, j'avais pas fait ça depuis trop longtemps, et j'allais finir par tomber dans les pommes si on ne démarrait pas tout de suite. c'est trop cruel, l'attente..

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Je me sentais vraiment merdeux de lui mentir ainsi. Elle méritait pas ça. Oly avait été bonne avec loi, compréhensive, acceptant de me revoir débarquer dans sa vie comme une fleur, après six ans. Quelques semaines à tout casser après mon retour, voilà que je me mettais à lui mentir et c'était bête, mais en y pensant bien, c'était nouveau. Alors bien sûr, quand on vivait chez nos parents, je lui racontais tout, mais elle savait le principal. Elle savait que je sortais fréquemment de la maison, du radar de mes parents pour mener tant bien que mal une espèce de double vie plus épanouissante que celle que je menais au quotidien et qui consistait à être coincé à la maison sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je lui avais jamais ouvertement mentit et ça m'ennuyait de commencer maintenant. Qu'on puisse monter dans le manège avant qu'elle ai le temps d'insister, ou mon père de me rappeler, ce dont j'avais peur, ce fut une très bonne chose et je m'installa sans sourciller après ma soeur, laissant le mec dont c'était le boulot me guider. Je mis en place la sécurité et m'efforça de faire le vide, histoire de savourer ma journée. Oly était tendue, mais clairement pas pour les mêmes raisons que moi. J'aurais aimé avoir les mêmes raisons qu'elle.  J'acquiesça. Yep, toujours lui répondis-je avec un sourire qui se voulut rassurant. Faut dire que notre dernière montagne russe remontait. J'étais pas stressé, j'avais hâte. Un sourire instinctif se dessina sur mes lèvres alors que le manège se mettait en marche, nous faisant avancer. C'est parti marmonnais-je alors que ça commençait. Comme tous les tours, ça passa trop vite à mon goût. Il faut dire que cette attraction était pas mal. Quand on croyait qu'il n'y avait plus de looping, il y en avait encore et quand on pensait qu'on ne pouvait monter plus haut pour mieux redescendre en piquet, on avait tort. Au bout de quelques instants, nous étions de retour et j'avais  la tête qui tournait un peu, mais ça allait. Tout en virant la sécurité dès que je le put, je tourna la tête vers ma petite soeur. Ca va ? Il était pas mal, celui-là.

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Il y a des moments où on sens qu'il faut céder, pour éviter de bousiller sa journée. Je pense que c'est ce que je me suis dis en le laissant s'en tirer sans plus d'explications : j'ai envie de profiter de ma journée, c'est une réaction humaine, non? J'ai pas envie de gâcher ma journée, ou de l’énerver en étant trop indiscrète, mais je reste sur ma faim d'informations, enfin bref. J'veux pas y penser, puis le manège ne va pas tarder à commencer.. Un poil stressée, je jetais un regarde à mon frère, bien à l'aise sur son siège. Bon bah visiblement lui n'a pas peur de ne plus supporter les sensations fortes, au moins c'est déjà ça.. Moi si je pouvais partir, je le ferais. Sauf que hors de question de perdre la face devant les autres visiteurs du parc, puis encore moins devant César. Il n'y a pas de raison, après tout avant j'adorais réellement les manèges.. Et puis trop tard c'est parti !

Lorsque la fin du manège arrive, je pousse un tout petit soupire de déception. Genre, c'est déjà fini? Moi qui avait peur, je me suis gourée, j'adore toujours ça ! Cette adrénaline, qui monte dans le corps, ce cœur qui bats, j'adore ! Totalement ravie, dès que les protections se lèvent pour nous laisser sortir, j'adresse un grand sourire à mon grand frère. " Ho oui ça va ! C'était géniaaaal ! Comme ça m'a manqué, les manèges.. " Sans lui laisser le temps de réagir, j'attrape sa main pour que l'on sorte, et que l'on se dirige vers l'autre qui nous avait plus en rentrant, et qui nous avait fait hésité. Sauf que au moment où je commence à tourner pour aller faire la queue, j'entends son téléphone vibrer contre sa cuisse, encore. Je lève les yeux au ciel, et cette fois je l'attrape avant qu'il ait le temps de réagir. Je secoue son téléphone sous son nez, sans regarder le numéro qui s'affiche. Pour l'instant. " César, franchement, tu pourrais pas l'éteindre? On passe un moment tous les deux, et t'es tout tendu ! Regarde, c'est pas compliqué ! " Je pose mon doigt sur le bouton rouge pour raccrocher, mais mon geste est stoppé dès que je vis le numéro qui s'affiche. C'est un putain de numéro que je connais bien, trop bien. Je ne dis rien, et laisse sonner. En fixant le téléphone, choquée.

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Un sourire se dessina sur mon visage en découvrant la mine réjouie de ma cadette à la fin du tour  de montagne russe. Ca ne m'étonnait pas. On a toujours des appréhensions au début, puis, on se laisse porter, on crit un bon coup, on s'amuse et on se sent bien, purement et simplement. Si bien, qu'on a juste envie que ça recommence. Et tant mieux : on avait la journée pour ça ! Pareil dis-je en me levant. Une fois ma soeur à côté de moi et en route pour sortir de l'aménagement de l'attraction. Ma soeur m'attrapa la main et je me tourna vers lui, lui faisant un bisous sur le front. Elle m'avait manqué, faire ce genre de choses avec elle, ça m'avait manqué. C'était bien qu'avec Oly', définitivement. J'étais vraiment heureux d'être rentré, d'être revenu vers elle. On repars quand mon téléphone revibre. Je me braque et en silence, je fais un doigt à mon père, depuis le parc d'attraction. C'est lui, sans doute, avec ma chance. Bon sang, il m'emmerde. Mais pour l'heure, il est pas ma première préoccupation. Olympe. Elle va pas me laisser me défiler ce coup-ci. Elle attrape mon portable et je me fige, lui lâchant la main. Non. Non. Non. Dans sa main, l'appareil vibre toujours et j'ai envie de rentrer sous terre. Je me sens comme un gamin, pris la main dans le sac, en train de grignoter des gâteaux au chocolat quelques heures avant le repas. C'est humiliant, encore plus avec ma petite soeur. Oly ! Je lance, je tend la main pour reprendre mon portable afin de l'éteindre avant qu'elle y touche mais trop tard. Elle observe le numéro et je peux sentir l'atmosphère se glacer, à moins que ce soit dans ma tête. Ouais, c'est sûrement dans ma tête n'empêche que d'un coup, je me sens super mal, mes jambes se font moins aptes à me porter et je m'efforce de garder la tête droite. Bon, c'est pas la première fois que je suis découvert. Mais je sais pas pourquoi là, ça fait d'autant plus mal. Je risque pas une fessée, ou une punition. Je vais faire de la peine à ma soeur. C'est pire que tout. Je sais que c'est... Surprenant. Je peux t'expliquer je dis, prudemment, d'une voix qui se ressent moins sûre d'elle que d'habitude. Non, je fais vraiment pas le fier.

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