The first time [ Jude & Samara ]

Je n’avais pas oublié ce rendez-vous de mardi. J’avais pris conscience, la semaine dernière, que je n’avais pas parlé à Samara depuis quelque temps, et qu’il fallait y remédier. Ça n’était pas en agissant comme ça qu’elle allait avoir confiance en moi. Pourtant, je me trouvais dans une situation assez délicate : j’avais ma petite amie d’un côté, et Samara qui attendait mon enfant de l’autre. Je ne connaissais pas vraiment la jeune femme et même si nous avions pu discuter le soir de notre rencontre, je dois dire que c’est juste le trou noir, pas moyen de me souvenir de quoi que ce soit. La seule chose dont je me souvenais, c’était qu’elle était le portrait craché d’Aurore – mon ex-petite amie décédée il y a trois ans – et que ça me déstabilisait beaucoup. J’avais passé ma journée en cours, me demandant ce que j’allais dire à Roxanna si elle me proposait qu’on se voit aujourd’hui. « Désolé, je passe du temps avec la fille avec qui je vais avoir mon enfant et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à mon ex ! ». Non, ça ne passerait pas. Roxy ne m’avait pas reproché cette histoire, quand je lui en ai parlé, elle m’a juste dit que c’était avant que je la rencontre et que c’était bien, que je ne renie pas mes responsabilité. Mais je devais bien me douter que au fond, cette situation devait être bizarre, gênante et peut-être un peu blessante pour elle. J’enchainais vraiment les conneries, moi. J’avais cours jusque seize heures, et la jeune femme m’avait donnée rendez-vous dans le parc pas très loin de l’hôpital. J’eus donc le temps de rentrer chez les Mather, de poser mes affaires et de me mettre tranquillement en route vers notre point de rendez-vous.

J’appréhendais un peu, je n’étais pas prêt pour être père. Du moins, pas une seconde fois. Car j’avais eu un enfant avec Aurore, Kyle. Celui-ci été décédé avec ma mère par une voiture qui les avaient fauchés sur un pont, les faisant tomber dans la rivière en dessous. Ayant perdus connaissance avec le choc, ils étaient morts noyés. C’était bien pour ça, que je m’étais enfoncé dans la drogue, l’alcool et que j’avais cette mauvaise réputation. J’avais beaucoup de mal à faire mon deuil. Kyle et ma mère étaient, à l’époque, tout ce qui me restait. L’accident remontait à cinq mois, mais j’avais toujours du mal à oublier. Le temps était plutôt agréable dehors, et je remarquais tout de suite Sarama au loin, allongée sur un banc. Je m’approchais, son ventre était encore plus arrondis que la dernière fois, elle devait être à cinq ou six mois. Je m’arrêtais face à elle, elle avait l’air assoupie, « Samara… ? », lançais-je calmement, ce qui fit ouvrir les yeux de la belle brune. Je fronçais légèrement les sourcils, je serais toujours étonné par la ressemble…elle était exactement comme elle, son sosie…comment cela pouvait-il être possible ? « J’crois que tu t’es endormie », dis-je en souriant à Samara avant de m’assoir sur le banc près d’elle. Le rendez-vous était dans quinze minutes, largement le temps d’aller jusqu’à l’hôpital. « Tu vas bien… ? »

Je voyais bien qu’elle était mal à l’aise. Mais si seulement elle pouvait voir à quel point je l’étais moi aussi. Surtout à cause de cette bouille. Je n’avais jamais cru à cette histoire comme quoi nous avons tous un sosie dans le monde, mais aujourd’hui, je ne savais plus trop quoi penser de ça. Car plus je regardais, plus j’avais l’impression de me tenir devant Aurore, ce qui me rendait encore plus nerveux que la simple idée qu’elle portait mon enfant. Je regardais Samara qui commençait à poser ses mains sur ses cuisses, ce qui me fit sourire. On voyait qu’elle n’avait pas encore l’habitude d’être enceinte, enfin, moralement. En général, les femmes enceinte ont l’habitude de poser systématiquement leur main sur leur ventre. Surtout quand le bébé bouge. D’ailleurs, j’avais hâte de pouvoir sentir le bébé bouger…d’après elle, ça arrivait parfois, mais il fallait certainement qu’il prenne l’habitude de ma voix et qu’il puisse la reconnaître. Et pour ça, il allait falloir qu’on se voit un peu plus souvent, de toute façon, nous n’avions pas trop le choix, il fallait bien qu’on apprenne à se connaître non ? Nous risquions de devoir se voir régulièrement avec le bébé, parce que je voulais vraiment faire partie de sa vie et qu’il sache que j’étais son père, moi et personne d’autre. « Juste un peu fatiguée, j’ai du mal à m’endormir depuis quelques jours. » J’hochais la tête, je pouvais comprendre ça. Moi aussi j’étais fatigué, et j’avais du mal à dormir depuis quelques jours. Surtout à cause du manque de drogue mais bon, ça n’était qu’une étape à passer pour être clean et ne plus être dépendante de toutes ses merdes.

« Et toi ? Pas eu trop de difficultés pour te libérer ? » J’hochais la tête, j’avais fini ma journée de cours il y a environ une heure, et il fallait juste que je rentre pas trop tard ce soir pour pouvoir bosser. C’était peut-être le seul « inconvénient » des études de médecine : celles-ci étaient bien souvent longues et contraignantes, vu la quantité de cours que j’écrivais par jour et que je devais savoir par cœur pour avoir mes examens. « Non, je suis sorti de cours il y a une heure », répondais-je à la jeune femme en souriant, descendant mon regard vers son ventre, à la fois curieux, mais aussi appréhendant. Quand je verrais le bébé sur l’échographie, ça sera réel… Je regardais rapidement ma montre et je me levais du banc d’un bond, « On devrait se mettre en route si on veut pas être en retard ! », lançais-je en lui tendant ma main pour l’aider à se lever du banc. Je commençais à me mettre en route et je lui demandais, « Alors mh…tu veux connaître le sexe ou pas… ? »

Aurore, mon ex-petite amie, était en Italie lorsqu’elle était enceinte de notre fils, et je n’étais pas au courant, jusqu’à la mort de celle-ci , quand je dus m’occuper de Kyle. Alors si je savais tout ce que je savais à propos de la grossesse, c’était uniquement à cause de mes cours de médecine. Même si ça n’était pas ma spécialité, j’avais eu des cours de maïeutique dès la première année, et je continuais à avoir quelques cours concernant la grossesse, le fœtus et tout ce genre de chose. Je ne voulais pas me spécialiser là-dedans, mais je trouvais ça assez intéressant, et c’est pour ça que j’avais pris les modules en rapport avec la maïeutique. J’avais donc appris à lire les échographies, donc c’était certains que je pourrais voir le sexe du bébé, mais je devais savoir si je pourrais lui dire ou pas. En tout cas, si elle décidait de ne pas vouloir savoir et qu’elle changeait d’avis, je pourrais toujours lui dire, même si le fait que je sache et pas elle serait un peu bizarre. Et je n’étais pas sûr de pouvoir garder le secret très longtemps. Je me demandais aussi si je devais en parler à Roxanna, je ne savais pas trop comment m’y prendre, elle m’avait bien dit l’autre soir que cette histoire lui faisait un peu peur et qu’elle ne voulait pas que je finisse par la quitter pour aller avec Samara et le bébé. C’était vraiment…compliqué.

« Je pense que je vais demander si on peut le connaître oui. Pour peut-être commencer à acheter quelques affaires... » J’hochais la tête et je tournais vers elle, souriant légèrement en voyant ses deux mains logées sur son ventre. J’avais encore un peu de mal à réaliser que c’était bel et bien mon bébé, qui était là, dans ce petit ventre tout rond. Beaucoup de gens me conseillaient de faire un test de paternité, mais au fond…pourquoi Samara m’aurait-elle menti alors qu’on ne se connaissait même pas ? Elle n’avait aucun intérêt à faire ça… Et ça me rendait vraiment très nerveux, plus j’y repensais. « Ouais, ça sera plus pratique de savoir je pense… », répondais-je avant de rire légèrement. Nous arrivions à la maternité, nous avançant vers la salle d’attente où quelques femmes enceintes attendaient elles aussi. Je m’asseyais sur une chaise, laissant la jeune femme s’asseoir elle aussi près de moi. « Bon, en tout cas… si t’a besoin d’aide, tu m’appelles et j’serais là pour t’aider d’accord ? Pour n’importe quoi, même si c’est des bêtises, j’serais là… » Je lui souris et j’haussais les épaules, « J’sais qu’on se connait pas beaucoup, mais on va…apprendre à se connaître, d’accord ? »

Je le savais, qu’elle ne le ferait pas. Je sentais bien, qu’elle ne voulait pas forcément que je m’implique beaucoup dans la grossesse. En fait, je pensais qu’elle ne s’attendait pas trop à ce que je veuille, m’investir. Mais c’était normal, qu’elle doute de moi, qu’elle ait besoin de preuves qui pourrait lui montrer qu’elle pouvait, avoir confiance en moi. Et elle le pouvait vraiment, j’avais très envie de faire partie de la vie de ce bébé, je voulais qu’il sache qui est son père et pouvoir retrouver une relation, la relation que j’avais avec Kyle, peut-être via ce bébé. Kyle avait été une des meilleures choses qui m’étaient arrivées dans la vie, surtout après la mort d’Aurore que j’avais eu beaucoup de mal à encaisser. Ce bébé…était une chance de me donner une autre raison de devenir quelqu’un de bien, de réussir à décrocher de la drogue une bonne fois pour toute. C’était vraiment très important pour moi. « Oui. On va apprendre à mieux se connaître. Ce soit déjà, comme on avait prévu. A moins que tu ais d’autres plans ? » J’hochais la tête négativement en lui souriant. Bien sûr que non, je n’avais pas d’autres plans, nous avions décidés que nous nous verrions un peu après l’échographie, je n’avais donc, absolument rien prévu après. J’avais très envie de la connaître un peu mieux, histoire de ne pas rester bloquer sur son apparence physique, qui était vraiment identique à celle d’Aurore, ce qui me déstabilisait beaucoup. Il fallait vraiment que j’arrive à dépasser ça, en me prouvant, par son caractère, qu’elle était différente d’Aurore. C’est vrai que la question « et si elle avait le même caractère ? », m’avait traversé l’esprit, mais je préférais ne pas y penser et voir par moi-même en la connaissant un peu mieux.

« Non, bien sûr que non ! Je suis tout à toi ! », lançais-je en lui souriant, sincèrement. Mon regard se tourna vers une porte qui s’ouvrit, appelant Samara. Je l’aidais à nouveau à se lever, car son ventre ne lui facilitait pas la tâche. Nous entrions dans la salle d’examen, et la gynécologue nous salua en demandant à Samara de s’allonger sur la table près de l’écran où, bientôt, nous allions voir notre bébé. Je m’asseyais à côté, alors que le médecin demanda à la jeune femme de soulever son haut pour pouvoir dévoiler son ventre. Je pris une grande inspiration et je souris à la demoiselle, « Bon…prête ? » Je relevais le regard vers l’écran, alors que le médecin demandait si nous voulions connaître le sexe du bébé ou non…Je laissais Samara répondre, ayant hâte de voir cette fameuse échographie..

Je voyais bien qu’elle n’avait pas trop trop confiance, mais en même temps, je ne pouvais pas la blâmer. Elle ne me connaissait pas, et même si elle m’avait dit ne pas faire attention aux rumeurs ou à ce genre de chose, si elle avait entendu parler de moi, c’était très certainement en mal. Il fallait vraiment que je lui montre que j’étais digne de confiance, quitte à devoir lui raconter tout. Devoir lui raconter mon passé, qui avait été trop douloureux, et qui était la cause de l’homme que je pouvais être aujourd’hui. Mais j’essayais de changer, vraiment, pour Roxanna, et aujourd’hui j’avais une deuxième raison de changer de comportement et d’arrêter la drogue et toutes ses merdes : pour le bébé, qui était dans son petit ventre arrondis, sous mes yeux. Ce bébé qui, d’ici quelques années, m’appellerait papa et pour qui je serais la figure paternelle. Il était hors de question que je loupe mon boulot de père. Hors de question. Le regard rivé sur le petit écran face à nous, j’entendais Samara répondre à la question du médecin, qui voulait savoir si nous voulions connaître le sexe du bébé ou pas. De toute façon, même si je n’avais pas voulu, je n’aurais pas tellement eu le choix en voyant l’échographie ; j’avais appris cette année à pouvoir en lire une et à voir chaque détails de celle-ci, il était donc probable que je puisse moi-même, sans l’aide du médecin, voir le sexe de notre enfant. « Oui, on aimerait le connaître si c’est possible. »

Je regardais la femme en blouse déposer le gel sur le ventre de Samara, glissant par la suite la sonde un peu au niveau de son nombril. Mon regard dévia à nouveau vers l’écran, mon cœur battait de plus en plus vite et je ne pus m’empêcher de sourire légèrement en voyant l’image devant nous : on pouvait facilement distinguer la tête, son corps, ses bras et ses jambes. Le cordon ombilical aussi était bien visible et aussi…C’est un garçon Cette évidence me foudroya de plein fouet, je plissais légèrement les yeux, n’écoutant même pas le médecin qui montrait sur l’écran quoi était quoi, pour pouvoir être sur et bien distinguer l’image. Oui, c’était ça, j’en aurais mis ma main à couper : c’était un garçon. J’étais content, mais en même temps, effrayé. Un garçon, comme Kyle…c’était une histoire qui se répétait, et c’était très embarrassant, très… effrayant. « Samara…c’est un garçon », murmurais-je à la jeune femme calmement avant que le médecin ne répète exactement mes paroles. Je me pinçais la lèvre et le médecin nous demanda si nous avions des antécédents médicaux graves, pour savoir si le bébé avait des risques d’être malade lui aussi ou non. J’hésitais, mais je savais qu’il ne fallait pas mentir à un médecin, j’étais bien placé pour le savoir. J’attendais de voir si Sarama allait répondre quelque chose, et je me lancé, un peu gêné : j’aurais aimé en parler à la jeune femme lors de notre tête à tête. Tant pis. « Je…j’ai souffert d’une leucémie de type LAL quand j’avais environ 6 ans, j’ai eu une greffe de moelle osseuse et je suis toujours suivit pour vérifier si ça ne va pas récidiver.. » La gynécologue prit ça en note, nous disant qu'on ne pourrait pas faire de test pour la leucémie sur le bébé avant sa naissance et que même si il avait le gêne, nous le verrions pas tout de suite. Elle dit ensuite à Samara qu'elle pouvait se rhabiller..