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Cela faisait maintenant une semaine depuis ma cuite monumentale. Je m’en voulais dans un sens, mais en même temps, je n’avais pas su me retenir. J’avais fait comme tout le monde, buvant pour oublier. Mais c’était de loin l’une des pires idées de toute ma vie. Et la soirée s’était terminée de façon catastrophique. Non seulement je n’arrivais pas à oublier Siméon, mais en plus, il avait fallu que je le croise en pleine rue, complètement ivre. Je n’en revenais toujours pas d’ailleurs. Je n’arrivais pas à concevoir qu’il puisse s’être installé aux Etats-Unis, et pour ainsi dire si près de moi, dans les parages, sans m’en avoir dit un mot. D’accord, cela faisait maintenant quatre ans que l’on ne s’était pas donné de nouvelle, mais quand même. Et même s’il avait tenté de me faire comprendre que c’était pour mon bien, je n’arrivais pas à me faire à cette idée. Comment il pouvait concevoir que c’était pour mon bien ? Que pouvait-il y avoir de bon dans le fait de me laisser dans l’ignorance de sa maladie et de sa mort prochaine ? En quoi c’était bon de me laisser espérer qu’un jour, on se retrouverait, alors qu’il savait très bien que ce jour n’arriverait jamais ? Trop de questions tournaient dans ma tête, je n’arrivais pas à faire la part des choses… Et alors le pire, c’avait été cette soirée pyjama. L’horreur. Non seulement, j’avais dû supporter des filles qui m’exaspéraient, mais en plus, il avait fallu que Bleeker fasse son entrée, nu comme un ver, caché derrière une guitare. Là, j’avais eu envie de détruire la terre entière. Le sort s’acharnait contre moi. Non seulement je perdais Siméon, le seul que j’avais jamais aimé, mais en plus je devais supporter la vision de son sosie tous les jours dans mon lieu de vie. J’aurais tout donné pour disparaître.
Heureusement pour moi, même si je l’oubliai parfois, je n’étais pas toute seule. J’avais certaines personnes sur lesquelles compter, bien que je n’aime pas l’idée d’appeler quelqu’un juste pour me plaindre. Autant écouter les personnes auxquelles je tenais me parler de leurs soucis ne m’a jamais dérangé, autant je ne supportais pas parler des miens. J’avais toujours cette peur de faire fuir les gens, ou de passer pour une idiote qui s’en fait pour trois riens. Et on avait beau me répéter que non, ça ne dérangeait pas que je parle moi aussi de mes problèmes, que j’en avais tout à fait le droit, je n’arrivais pas à intégrer ce concept. Par conséquent, j’avais tendance à accumuler tous mes sentiments et autres émotions, jusqu’au point de non-retour, où je perdais le contrôle de mes actes et de mes réactions. J’en devenais violente et irritable au plus haut point, à fleur de peau comme on dit. Et c’était dans ces moments-là que je faisais les pires conneries, comme boire à outrance. J’étais dans cet état-là une semaine après cette fameuse rencontre incongrue, et je n’en pouvais plus, j’avais réellement besoin de trouver quelqu’un à qui parler, et je me tournais automatiquement vers Charlie. On se connaissait depuis des années, il savait comment gérer tout ça, et surtout je n’aurais pas à tout lui expliquer sur Siméon, il était déjà au courant. On s’était connu avant que je ne me mette avec lui, alors il avait forcément su tout ce qu’il s’était passé. Je lui avais donné rendez-vous dans un parc, car même si je n’aimais pas m’étaler en publique, j’avais besoin d’air frais, et surtout de pouvoir allumer une cigarette sans déclencher une quelconque alarme. Ce que je fis en l’attendant, assise sur le dossier d’un banc, les pieds sur le banc lui-même. Ma jambe tremblait sous le joug de l’angoisse et de la nervosité qui m’habitaient. Il était vraiment temps que je me confie à quelqu’un si je ne voulais pas exploser comme une cocotte-minute. Je le vis arriver de loin. Je lui fis un signe de la main pour qu’il me remarque, et il vint s’asseoir à mes côtés. Je posai ma tête sur son épaule avant de prendre la parole.
« Mon Dieu, Charlie, tu ne croiras jamais ce qu’il m’est arrivé la semaine dernière… »
Et je me mis à tout lui raconter. Comment j’étais tombée sur Siméon alors que j’étais soule, comment on s’était embrassé, comment il m’avait annoncé qu’il allait mourir d’ici peu… Les mots sortaient de ma bouche sans que je ne contrôle quoi que ce soit. Et finalement, je devais admettre que ça faisait du bien.
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