Jasey ● What am i gonna do ?

Suite à la visite de Marshall, Leyna était revenue à la chambre de quarantaine avec les autres et c'était installée sur une chaise, près de la fenêtre, observant à l'extérieur en tentant de se retenir de s’effondrer. Voilà près d'une heure qu'elle était là. Elle était mitigée entre la joie d'avoir enfin pu le voir et la peur que son annonce avait provoqué chez elle. Si seulement elle était à l'extérieur de ses murs, se serait probablement beaucoup plus facile, tout était facile du moment qu'ils se retrouvaient ensemble. D'ailleurs est-ce que cette Eden était à l'hôpital elle aussi, où alors elle était dehors entrain d'essayer de lui piquer son petit-ami alors que miss Carlson était enfermée ici comme une prisonnière? Trop de question, peu de réponses. Mais croyez moi, elle en aurait rapidement. D'ici là elle contemplait le soleil dehors, n'entendant pas des pas venir en sa direction.

Jasper n'en pouvait plus d'attendre. Ici, ils ne faisaient que ça. Attendre les visites, attendre les médicaments, attendre des nouvelles. Attendre un diagnostique. L'espoir était mince, même l'Optimiste ne l'était plus vraiment. Déjà il sentait ses symptômes s'aggraver. Mais hors de question de rester dans son lit à marmonner sur son sort. Il essayait tant que possible de rester actif, d'occuper son esprit. Ne pas devenir un légume. Et puis, ça aurait pu être pire niveau compagnie. D'ailleurs, elle est passée où Leyna ? Sa meilleure amie avait été appelé par l'infirmière pour une visite, et il ne l'avait pas revu depuis. La pièce n'était pas si grande, Jasper la repéra rapidement près d'une fenêtre. Il la rejoint, et posa l'une de ses mains sur son épaule. « T'as pas eu de bonnes nouvelles ? » Les visites, c'est censé encourager les malades et les rendre positifs non ? La demoiselle semblait être dans un état d'esprit tout autre.

S'il y a bien quelque chose que Leyna détestait c'était dépendre des autres et présentement c'était entièrement le cas. Ils dépendaient des gens qui voulaient bien les visiter, des milliers de médicaments qu'on leur ingéraient tous les jours et pire encore. Pitié mon dieu, faite en sorte qu'ils puissent retourner à la maison au plus vite. La jeune femme y avait toute sorte de choses à régler. Elle ignorait ce qu'elle deviendrait si son éternel Jasper n'était pas là pour l'aider à tenir le coup... Un vrai rayon de soleil celui-là. D'ailleurs lorsqu'il la vit seule près de la fenêtre, il ne tarda pas à venir vers la jeune femme et s'informer sur les nouvelles qu'elle avait eu durant sa visite. Pas toutes non... Elle se doutait que son meilleur ami s'attendait probablement à ce qu'elle s'étende sur le sujet mais elle n'était pas certaine d'en avoir envie. Ouais bon c'était évident qu'elle allait tout le dire, surtout que pour une fois il l'abordait de manière sympathique ce qui se faisait rare. Fallait bien se retrouver déprimer dans un hôpital avec la peste pour que sa arrive !

Les informations étaient tombées, ils avaient la peste. La peste ? Sérieusement ? C'est pas censé être éradiqué depuis des lustres cette connerie ? Enfin, au moins ils savaient enfin ce qu'ils avaient. Cette information ne semblait pas réjouir Leyna, à moins que son air attristé ne relève pas de leur contamination. Enfin il faut dire qu'ici, ils étaient tous éteins, terrés dans leur ennui. Les visites étaient leur seule distraction, et généralement, elles leur permettaient de se remotiver. Une bouffée d'air frais salvateur. Généralement, oui.  Mais pas cette fois visiblement. On oublie leurs habituelles provocations, et on laisse place au ton doux de Jasper. Parfois, il était bon d'être juste le meilleur ami. Attrapant une chaise au passage, il la tire jusqu'à côté d'elle. « Tu veux m'en parler ? » La demoiselle s'en était tenue à quelques mots, ne s'étendant pas sur le sujet. C'était plutôt étonnant de sa part. Il ne voulait donc pas la brusquer, imposer ses questions. Même si bon, clairement, il n'allait pas lâcher le morceau avant de savoir ce qui se passait.

D'un coup la ville de Cambridge venait de faire un voyage dans le temps pour retourner en 1890 ; année où ils avaient découvert la peste. La demoiselle Carlson avait vraiment l'impression de vivre dans un mauvais rêve en ce moment, tout ce qu'elle aurait cru impossible ne l'était plus. Au moins maintenant les médecins pourraient travailler sur un médicament qui les sortiraient d'ici avant qu'ils ne deviennent trop affectés... Pourtant si elle aurait sautée de joie il y a une heure,maintenant Leyna ne savait qu'en penser. Sa vie à l'extérieure venait elle aussi de basculer alors l'un ou l'autre ça ne changeait plus grand chose. Jasper vint s'installer près d'elle en mode doux petit chaton, lui demandant gentiment si elle voulait en parler. Sur le coup la belle avait envie de dire non, mais il s'agissait de son meilleur ami il pouvait le savoir. Bien qu'elle avait l'impression de se reposer un peu trop sur lui quand ça n'allait pas. C'est Marsh'... Elle baissa les yeux au sol un moment, c'était encore plus difficile à avaler quand on le prononce à voix haute. Avant de reprendre elle vérifia qu'aucune mauvaise langue n'était aux alentours. Elle n'avait rien contre le fait d'en parler à Jasper, mais c'était le seul qui pouvait savoir. Il m'a annoncer qu’apparemment une de ses exs conquête serait revenue en ville... avec une petite fille. Et ce serait la sienne... Il va faire les tests et tout, mais putain, tu te rends compte que mon petit-ami aurait une fille ? Elle-même ne le réalisait qu'à moitié pour l'instant. Ça lui semblait tellement irréaliste et pourtant les faits étaient là...

Comme quoi, Jasper n'avait pas vraiment tord en détestant par principe tous les types qui croisaient la vie de sa meilleure amie. Certes, son jugement était souvent -trop- rapide, et il ne laissait qu'une maigre chance à ces derniers de faire leur preuve. Oui, il s'agissait bien d'une preuve à fournir, celle qu'ils étaient dignes de fréquenter la belle. Au bout d'un parcours sans faute, le garçon daignait l'accepter. C'était le cas pour Marshall, qu'il avait toujours trouvé mieux que les précédents. Sûrement avait-il bénéficié du phénomène « après Théophyl ». Dès qu'elle eu prononcé le prénom du Winthrop, il se crispa légèrement, s'attendant au pire. Et ce n'est pas son regard veillant à s'assurer de la discrétion de leur discussion qui le rassura. « Il a pas encore fait les tests, pour l'instant c'est qu'une possibilité.. Tu sais, des cinglées qui veulent récupérer une pension c'est plutôt courant. » Il en sait rien en fait, mais il suppose. Peut-être que Marshall n'avait aucun lien de filiation avec la gamine, que la mère inventait tout ça. Mieux valait pour lui, et pour Leyna. Elle était enfin dans une relation stable, heureuse, et ne méritait pas de nouvelles perturbations. « T'as peur de quoi ? Qu'il se rapproche d'elle ? » Il faut dire que le timing était particulièrement foireux, avec cette foutue quarantaine.

Leyna regrettait presque le temps où elle ne s'entichait de personne et ne faisait que coucher avec les mecs qui lui plaisait. Peut-être qu'elle n'atteignait pas la joie absolue qu'elle avait vécu jusque là avec Marshall mais au moins ça lui évitait aussi de souffrir et ça c'était vraiment merveilleux. Seulement la jeune femme avait appris à vivre sans rien regretter alors il fallait qu'elle trouve un moyen de passer par dessus tout cela en gardant la tête haute. Ensemble, ils y arriveraient, elle y croyait très fort. Jasper lui rappela cependant très clairement ce qui lui faisait le plus peur. En partie oui. Ce serait normal de vouloir être avec la mère de son enfant après tout... Et puis même si ce n'est pas le cas ça va tout changer entre nous. Tu me vois m'occuper d'un enfant ? J'étais pas prête à en avoir un, alors encore moins m'occuper de celui que mon petit-ami a avec une autre ! Elle mit sa tête dans ses mains, ça faisait encore plus mal d'en parler que de le penser puisque c'était d'autant plus réel. Là tout de suite, elle rêvait d'avoir une bonne gifle en pleine figure pour changer le mal de place. Enfin la demoiselle était tout aussi reconnaissante envers son meilleur ami de se montrer si... compatissant en l'écoutant.

Ses meilleures amies lui rappelaient un peu plus chaque jour pourquoi Jasper était célibataire. Franchement, ça vous donne envie vous ? Tout ces drames, ces remises en question, ces erreurs. Certes, il ne voyait que le côté négatif de la chose, et c'était bien souvent des revers dont il parlait avec elles, mais quand même. Elles avaient bien plus de courage que lui, et le garçon était un peu admiratif de leur acharnement. Lui aurait déjà tout envoyé valser. Surtout que là, un gosse, ce n'est pas le genre de chose qui s'efface, difficile de passer outre. Ainsi, Jasper mit volontairement les pieds dans le plat. Inutile de passer par des sentiers détournés, ils se connaissaient suffisamment pour aborder les choses sans détour. « Ok, imaginons le pire des scénarios, c'est le sien. » Décalant sa chaise pour être face à elle, il prit ses mains dans les siennes et lia ses doigts aux siens afin qu'elle libère ses traits. « Déjà, si elle n'a rien dit à Marshall, c'est qu'ils ne devaient pas être très proches. Il n'y a donc aucune raison qu'il ai envie de se rapprocher d'elle, surtout si elle lui a caché son existence jusqu'à maintenant. » Sa voix était basse, il n'avait aucune envie que ce genre d'informations circulent. « Puis.. rien ne t'oblige à t'en occuper si tu n'en as pas envie. Ca changera des choses, il aura surement un peu moins de temps pour vous mais... Ca ne signifie pas la fin de votre relation. » Il semblait que c'était bien cela qu'elle craignait. Relevant ses yeux bleus vers elle, il esquissa un léger sourire. « Et franchement, oui, je te vois t'occuper d'un enfant. En plus c'est l'assurance qu'elle soit bien habillée ! » Tente-t-il de détendre l'atmosphère.

Leyna avait toujours été comme Jasper par le passé, s'éloignant de tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à l'amour. Ils avaient toujours été d'accord sur le fait que ça apportait beaucoup plus de mal que de bien. Finalement, en bonne petite princesse qu'elle était, la belle c'était laissée avoir au jeu et jusque là tout avait été digne d'un conte de fée. Évidemment tout ne peut pas être toujours parfait et elle s'attendait à ce que son meilleur ami lui sorte un truc genre "je te l'avais dit que tu finirais par avoir mal". Étonnamment non, il semblait presque essayer de la comprendre et la conseillait comme un grand frère le ferait. Elle caressa doucement sa main à l'aide de son pouce en guise de remerciement. Ses derniers propos étaient particulièrement favorable pour son moral.C'est vrai qu'elle aurait la classe avec moi ! Dit-elle en laissant échapper un petit rire. La demoiselle était particulièrement reconnaissante envers Jasper à ce moment précis, comme si elle ne l'était jamais... Enfin c'est surtout qu'il était la seule personne à savoir exactement comment agir avec elle. Il ne la prenait jamais en pitié ou avec des pincettes, il était entièrement honnête et bien que certaines fois ça pouvait être difficile sur le moment, c'est grâce à lui qu'elle remontait toujours la pente. C'est vrai quoi, imaginez qu'il la protégeait de tous les malheurs, la pauvre ne pourrait jamais s'en sortir. Tu devrais être malade plus souvent, tu dis des choses censées pour une fois ! Leyna avait déjà réussi à retrouver une partie de son moral et c'était entièrement grâce à son meilleur ami.

Franchement ? Jasper aurait pu parfaitement enfoncer le clou, comme il le faisait parfois. Lui asséner un « j'te l'avais dis », lui rappeler ses mauvais choix. Sauf que.. cette fois, le garçon ne l'avait pas vu venir. Lui aussi s'était laissé bercer par cette belle histoire, presque assez pour l'encourager à tenter l'aventure lui-même. Mais que voulez-vous, le ciel ne reste pas bleu longtemps, il y a toujours quelques nuages pour gâcher le paysage. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas se battre pour profiter des jours de beau temps. Leyna n'avait pas besoin d'une leçon de moral, et Jasper n'en avait de toute façon pas envie. Pas maintenant, alors qu'ils sont déjà affaiblis. Les mains féminines entre les siennes, il les enserrait pour lui donner du courage. Qu'elle se rappelle qu'importe les obstacles, elle ne serait pas seule pour les affronter. « Ca serait la plus belle. » La conforte-t-il avec un fin sourire, heureux de voir que sa meilleure amie broyait un peu moins du noir. C'était son job de savoir quand il était opportun de la pousser, et quand elle n'avait que besoin d'un peu de réconfort, ou juste qu'il lui prête une épaule. « Te prends pas la tête avec ça d'accord ? Quoiqu'il arrive je sais que t'arrivera à gérer. » Parce qu'il en fallait plus pour désarçonner la grande Carlson n'est-ce pas ? Regardez-la, elle se remet même à plaisanter.. bien sur que c'est une blague, Jasper dit toujours des trucs censés. « C'est pour ça que tu m'as refilé ce virus de la mort là ? » Il plisse les yeux, la regardant d'un air faussement suspicieux.