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Sa famille. Oui, c’est vrai, sa famille était là pour le soutenir, sûrement, mais quand même. Il y a une différence entre être soutenu par ses parents et être soutenu par la personne qui vous aime le plus au monde. Non que ses parents ne l’aime pas, de ce côté il avait toujours eu plus de chance que moi. Mais ce n’est pas la même chose, pas le même amour, ça n’apporte pas le même réconfort. Ses parents l’aiment parce qu’il est le fruit de leur union. Moi je l’aime pour ce qu’il est, de façon complètement désintéressée, et sans borne. Il n’aurait rien eu à me cacher, rien à changer, il n’aurait pas eu à me mentir ou à faire semblant. D’accord, il ne voulait pas me faire souffrir, ça je voulais bien le comprendre. Mais entre ne rien me dire et me laisser espérer qu’un jour, peut-être, nous allions nous retrouver, et le fait de me tenir au courant pour que je puisse me préparer au deuil en douceur, il y avait une sacrée différence. Je venais de passer quatre ans à penser à lui chaque jour, sans pouvoir l’oublier, à me demander si lui aussi de son côté avait pensé à moi, s’il m’avait oublié, s’il m’aimait encore comme je l’aimais. Tous les sentiments que j’avais tenté d’enfouir profondément dans un petit coin refaisaient surface d’un coup, sans prévenir. J’étais submergée, pire, j’avais l’impression de me noyer. C’était beaucoup trop pour moi, pour la Norah d’aujourd’hui qui ne ressentait rien, qui cachait tout, qui avait coupé le courant niveau sensibilité. Je n’avais plus la force de supporter tout ça, et ne savait plus comment le contrôler. Tout ce trop-plein d’émotion déborda par les glandes lacrymales, mon seul moyen d’expression pour le moment.
Il s’agenouilla devant moi, essayant de fixer son regard dans le mien, mais je préférais le fuir pour le moment. Il m’avait déjà vu dans des états pires que celui-ci, les yeux gonflés, les plaques rouges et compagnie, mais nous avions dix-sept ans. Là j’en avais vingt-trois, j’étais censée être une adulte, être capable de gérer mes émotions sans faire d’excès. Mais non. Je réagissais comme une gamine, une adolescente rebelle et pas contente. Le contact de ses mains sur mes épaules me tira légèrement de mon chagrin, m’apporta un peu de réconfort. Jusqu’à ce que lui aussi subisse un accès de colère. Quoique, je n’arrivais pas à déterminer s’il était vraiment en colère, ou s’il usait de la violence pour me faire réagir et me sortir de ma torpeur. En tout cas cela fonctionna, car je fus tellement choquée que je m’arrêtais de pleurer nette, redressant mon visage pour le regarder droit dans les yeux. Je n’avais pas l’habitude de le voir s’énerver, lui qui était si doux, si calme de nature, comme un gros nounours. Mon doudou à moi. Je restais scotché quelques minutes. Dans un sens il avait raison, la vérité valait mieux qu’un mensonge, au moins je n’avais pas à lui quémander des explications. Parce que vu l’état dans lequel j’étais, il m’aurait servi un mensonge comme il le suggérait que je ne l’aurais pas lâcher tant qu’il ne m’aurait pas expliqué pourquoi il ne m’aimait plus, après tout ce que nous avions vécu, et surtout parce que ce que nous avions partagé était bien trop fort pour disparaitre, même après quatre ans. Non, je ne suis pas niaise. Je ne croyais pas à l’amour. Et puis j’ai rencontré Siméon. Toutes ces conneries sur le Prince Charmant et compagnie, je n’y croyais pas. Quand mes parents me racontaient qu’ils ne pouvaient pas vivre l’un sans l’autre, qu’ils étaient des âmes sœurs, je leur riais au nez sans scrupules. Jusqu’à ce que je rencontre Siméon. Là, j’ai su. Tout simplement, naturellement, j’ai su qu’on était fait l’un pour l’autre. J’en avais la conviction profonde, je ne pouvais pas lutter contre ça, et lui non plus. Quand on rencontre la bonne personne, on le sait. Il essuya mes larmes de ses pouces, tandis que j’essayais de regagner une certaine contenance. Puis il approcha son visage, si près que je pouvais sentir son souffle sur ma peau, tel une douce brise d’été. Je posai mon front contre le sien, réduisant encore plus l’espace entre nous. Puis tous mes efforts de retenue furent anéantis avec ses mots. J’éclatai à nouveau en sanglots devant l’horreur de cette fatalité. Voulant cacher ma peine tant que je le pouvais, et voulant profiter de chaque instant passé à ses côtés, j’enfouis mon visage dans son cou, laissant libre court à la fontaine de mes yeux.
« C’est pas juste qu’elle nous sépare si vite. Pourquoi tu dois mourir maintenant ? T’es si jeune, et on vient juste de se retrouver, et… et… Je t’aime tellement. T’as pas le droit de partir, tu peux pas me laisser toute seule dans ce monde… Comment je vais faire, moi, pour vivre sans toi ?... »
Ma voix était entrecoupée de sanglots, et secouée par l’émotion. Moi qui avait tout caché à l’intérieur pendant toutes ces années, me livrer comme je venais de le faire, me dévoiler de la sorte, cela me demandait beaucoup d’énergie, et j’étais bien trop faible pour endurer tout ça. Je pouvais sentir mon corps entier trembler sous le coup de l’émotion. Par reflexe, les bras toujours contre mon corps, je me blottis un peu plus contre lui, m’abandonnant tout contre son cœur, comme j’avais l’habitude de le faire à dix-sept ans…
Aaaaaah, beurk, c'est sale comme façon de mourir !!!
(Invité)