(Norah) Beginning of what?

J'avais intégré la Lowell House. Enfin aurais-je pu dire ça ainsi. Le taxi m'avait déposé sur le campus, je ne vous raconte même pas, il me fallut bien dix minutes pour transporter mes valises du coffre du chauffeur jusque dans la maison. J'allais emménager dans la chambre qui m'avait été assignée. Un grand changement encore une fois pour moi. Oh ce n'est pas que je sois asociale non, disons qu'en vint trois ans de vie, j'avais du souvent les refaire mes valises. Il était temps pour moi de me poser enfin quelque part et de prendre mes marques, enfin si possible. Le temps de tout monter dans l'escalier jusque devant la porte, je prenais une inspiration avant de toquer à la porte de la chambre. Ben oui, le truc c'est que je n'allais pas être seule. J'étais supposée partager cette pièce de vie avec une de mes comparses Lowell que je ne connaissais en fait que de nom. Une certaine Norah, alors par respect vu qu'elle occupait l'endroit depuis plus longtemps que moi j'ai cru bon de toquer. J'entrais alors ensuite pour la trouver allongée sur son lit à rêvasser. Hum... Désolée j'espère que je ne t'ai pas réveillée? Je suis Silver ta nouvelle coloc'... lui dis-je en déposant l'une de mes valises sur le lit innoccupé.

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Sommeil... J'avais terriblement sommeil. Je ne voulais pas bouger. J'avais une tonne de devoirs à faire encore, mais je ne voulais pas m'y mettre. Pire que ça, je ne pouvais pas. Je m'étais une nouvelle fois complètement ridiculisée face à Bleeker la veille, et je n'en revenais pas de ma stupidité. Digne d'une gamine de quatorze ans. Pourquoi fallait-il que je sois aussi débile en sa présence, hein ? Non seulement je me ridiculisais naturellement avec lui, mais là, j'avais battu tous les records en tombant sur lui alors que j'étais complètement soûle. J'étais tombée bien bas et je n'avais qu'une envie, disparaître six pieds sous terre. Alors que je tentais tant bien que mal de me remettre de cette cuite monumentale que j'avais prise, et que je ressassais tout ça, j'entendis quelqu'un frapper à la porte. Comme si c'était le moment. Je ne voulais pas qu'on me dérange, mais la porte s'ouvrit quand même sur une grande brune qui posa une valise sur le lit encore vide de la chambre. Le moment que j'avais tant redouté était enfin arrivé. On m'avait attribué une colocataire. Je n'avais plus qu'à espérer qu'elle ne soit pas trop chiante. Au moins, elle s'excusait de m'avoir dérangée, ce qui jouait en son avantage pour le moment. Je jetai un oeil dans sa direction. Elle ne m'était pas complètement antipathique. Ni trop souriante, ni pas assez... J'étais prête à faire quelques efforts. « Non, je ne dormais pas vraiment t'inquiète. J'ai juste une... énorme gueule de bois. Mais rassures-toi, je ne suis pas une grosse fêtarde d'habitude. Moi c'est Norah. » Je me redressais juste assez pour attraper mon verre d'eau que je descendis d'une traite.

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Jamais très évident d'être celle qui arrive en dernier, je n'aime pas ça à vrai dire, on a toujours un peu l'impression d'arriver comme un soufflé trop cuit. Je me contentais de sourire à ma nouvelle colocataire tout en tentant de faire le moins de remue-ménage possible. D'après ses dires elle avait une odieuse gueule de bois, pour le coup je compatissais avec elle. Les lendemains de soirée trop arrosées c'est loin d'être le must, j'y ai eu droit quelques fois moi aussi. Je suis plutôt du genre fêtarde même si je n'abuses pas des boissons alcoolisées à tout va. Oh ah une gueule de bois j'ai un bon remède contre ça si ça te tente. Je venais d'ouvrir ma première valise cherchant du coin des yeux où je pourrais bien ranger toutes mes affaires. Moi c'est Adriana-Jane mais, heu AJ ou Silver ça ira. Je lui adressais un petit signe de tête pour la saluer. Elle ne semblait pas plus âgée que moi, un bon point selon moi. J'espérais que l'entente serait un minimum cordiale après tout nous allions devoir nous voir assez souvent le soir. Peut-être avait-elle des manies ou habitudes que je devrais connaitre. Loin de moi l'envie de te filer mal de crâne avec des questions mais, y aurait-il des choses que je dois savoir, enfin tu sais un code des colocs quoi?

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Elle me fit comprendre qu'elle avait un bon remède contre les gueules de bois... Finalement, elle commençait à me plaire, cette brunette. « Ah oui ? Ça m'intéresse, parce que j'en peux plus. »Je la vis ouvrir sa valise et chercher du regard un endroit où ranger ses affaires. Sans rien dire, je lui désignai l'armoire au pied de son lit qui était encore vide. Heureusement pour elle, je n'avais pas beaucoup d'affaire ici, puisque mes chers parents me forçaient à rentrer presque chaque week-end quand ils le pouvaient. Puis elle se présenta. Adrianna-Jane. Ou A.J. Je n'avais jamais aimé les prénoms composés. Ils étaient bien trop pompeux, trop snob. Mais grâce au ciel, elle avait un autre prénom, plus simple, et tellement plus agréable. « Silver. Ça ira très bien, Silver. J'ai du mal avec les prénoms composés, je les inverses, ou je les change. Jean-François au lieu de François-Joseph par exemple. » Trop de blabla, trop de paroles, trop de neurones sollicitées. La douleur qui sévissait dans ma boîte crânienne s'intensifia. Je fermais les yeux et me rallongeait, massant mes tempes du bout des doigts. Mais à mon grand désespoir, elle avait encore une question. Et pas des plus simples. je n'avais jamais pensé à ces histoire de règles en colocation, puisque je pensais échapper à cette obligation. Sur le coup, je ne savais pas trop quoi lui dire, alors je fis simple. « Bah... Je ne vois pas trop. A part que je rentre tard presque tous les soirs, je bosse comme serveuse dans un bar. Et sinon, euh... je travaille beaucoup quand je ne suis pas dans cet état, mais plus en bibliothèque que dans la chambre. Et toi ? T'as des conditions particulières ? »

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Comme je la comprenais pour avoir passé des moments bien pires enfermées dans ma chambre dans le noir le plus total et le silence le plus complet sous peine de voir ma tête éclater littéralement si je ne m'isolais pas. La gueule de bois ça vous prends la tête comme dans un étau qu'on resserre toujours et encore. Elle me désigna l'armoire près du lit et je m'empressais d'aller y déposer les affaires que j'avais en main. J'avais voulu m'assurer qu'elle n'avait pas de petites habitudes dont il vaudrait mieux que je sois au courant. Je relevais alors la tête vers elle. Oh ben je viens juste de commencer un job de serveuse pour combler les trous niveau fric donc je rentre assez tard aussi. Et rassures-toi je suis pas casse-pied ou prise de tête. Je serais rarement ici sauf pour dormir dans les bras de Morphée. Parole accompagnée d'un sourire très franc alors que je m'étais remise à fouiller dans mes affaires. J'en sortis une petite trousse contenant deux ou trois trucs indispensables à mes yeux. J'aimais bien être prévoyante et vu mes fréquentes migraines, je dois dire que de ce côté j'étais bien armée. J'en sortis une boite de bicarbonate et des aspirines, je vins alors m'emparer de son verre. Attends je reviens, je vais à la cuisine... J'étais partie à toute vitesse remplir le verre d'eau froide, y ajoutant des glaçons et un peu de jus de citron. Quelques minutes plus tard, je réapparu auprès d'elle en versant un peu de bicarbonate et un cachet d'aspirine. Je mélangeais le tout et lui tendis le verre. Tiens remède de grand-mère, sur moi ça marche d'enfer. Je retournais alors ranger le reste de mes affaires.

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Elle commença à ranger ses affaires dans l'armoire, ce qui me laissa quelques minutes de répit. Je ne savais pas ce qui était le mieux. Garder les yeux ouverts et souffrir d'une migraine cataclysmique dû à la trop forte luminosité ambiante, ou bien les fermer et subir une nausée fulgurante accompagnée de la troublante impression de tanguer sur un bateau en pleine tempête. Je me maudissais pour avoir autant bu la veille au soir. Cela ne m'arrivait jamais de terminer dans un état pareille. Surtout pour des conneries pareilles. Pour un mec. Non mais vraiment, j'avais la désagréable impression d'avoir terriblement régressé. Puis elle repris la parole, me tirant de ma rêverie cauchemardesque « Ah, toi aussi t'es serveuse ? Tu travailles dans quel bar ? » Pourvu qu'elle ne me réponde pas le mien. C'était déjà assez dur de supporter l'autre Barbie blonde en salle, mais si je devais me taper encore une fille de la fac, qui plus est ma coloc, cela risquait de devenir compliqué. Non pas qu'elle avait l'air désagréable, mais bosser avec quelqu'un que je risquais de croiser régulièrement dans la journée, ça ne m'inspirait pas grand chose de bon. Quoique... Elle avait l'air sympa quand même avec son grand sourire. Pas le genre de sourire forcé que l'on fait lorsqu'on se sent obligé, non, un vrai sourire, bien franc, pas calculé, juste pour le plaisir de sourire. Cela faisait longtemps que je n'en avais pas vu d'aussi franc. Elle quitta la chambre pour aller dans la cuisine apparemment. Je ne compris pas sur le coup. Mais cela ne me perturba pas plus que ça. Je refermai simplement les yeux, me souvenant d'un vieux conseil qu'un ami m'avait donné un jour. Quand ça tangue dans le lit, pose le pied par terre. Ce que je fis, et étonnamment ça fonctionna plutôt bien. Je comatais encore lorsqu'elle revînt dans la chambre, mon verre remplit d'un truc bizarre. Remède de grand-mère apparemment. Je restai sceptique face au contenu, avant de l'avaler d'une traite sans me poser trop de question. C'était clairement immonde, mais au moins, je n'avais pas envie de vomir. « C'est vraiment dégueulasse ton truc... Mais ça à l'air de marcher. Merci. Je t'aime bien toi. T'as essayé de m'empoisonner, mais je t'aime bien. » Ô Norah, arrête de boire, ça te rend trop franche et trop gentille.

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Non ce n'était pas pour gagner des points auprès de ma nouvelle comparse de chambre que je m'étais mis en tête de lu concocter ce remède, j'étais une nana assez délurée et déjantée dans son genre mais, j'étais généralement suffisamment sociable et surtout je me comportais comme ça avec un peu près tout le monde tant qu'on ne me chiait pas dans les bottes. Expression en pensant. J'avais déposé le verre près d'elle qu'elle avala sans trop protester. Au Lord Hobo et toi? répondis-je à sa question tout en n'omettant pas de finir de ranger mes petites affaires en quatrième vitesse. Je me tournais vers elle alors qu'elle me remerciait à sa manière. Sur le coup je pouffais un peu de rire mais, un rire franc de bonne humeur. Sa réplique me plaisait, c'était franc et spontané. Rassures-toi, je ne suis pas une prêtresse vaudou qui concocte des poisons en tout genre. Cette mixture c'est ce que le père de ma famille d'accueil monsieur le pasteur nous donnait quand on rentrait avec la gueule de bois. Disons que ça fait mauvais genre tu vois. dis-je assez spontanément. Ce n'était pas top mais, pas infecte grâce au citron. Bon en tous cas, ça ne semblait pas démarrer trop mal entre nous deux.

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Elle me donnait le tournis à faire tout ce foin pour ranger ses affaire, je la quittai donc des yeux quelques minutes. Loupé, elle bossait au Lord Hobo. Nous allions donc être obligées de nous voir très régulièrement. « Moi aussi je travaille au Lord Hobo. Tu verras, c’est plutôt cool. Enfin, ça dépend des soirs. Y a toujours des gros relous qui se croient tout permis avec les serveuses, mais parfois ils sont pas trop mal… Mais bon, faut pas te laisser faire surtout. Et ne reste jamais, ô grand jamais, après le service. C’est dangereux, regarde-moi. Pour peu que le barman t’apprécie et qu’il y ait deux ou trois pigeons au comptoir, et bien tu termineras dans un sale état. » J’étais un vrai déchet, et j’espérais que cela la convaincrais de ne pas tenter l’expérience. Puis elle me raconta l’origine du remède immonde, après avoir émis un rire franc devant ma déclaration – qui en soit aurait pu me faire rire aussi, tellement c’était ridicule. « Ouhla, le pasteur carrément. Ma pauvre, j’espère au moins qu’il vous évitait la torture de la messe tous les dimanches. Sauf si t’es croyante, dans ce cas excuse-moi et n’y vois aucune enfance, je respecte toutes les religions ! Et je crois que j’ai encore quelques grammes d’alcool dans le sang, sinon je ne serais pas aussi bavarde… Faudra pas t’étonner les prochaines fois si je parle moins hein, ce sera normal et naturel, c’est là que c’est pas naturel. Ca, l’alcool, c’est un vrai poison pour le coup. Enfin bref, je rends l’antenne, c’est à vous ! Depuis quand tu vis en famille d’accueil ? Enfin si c’est pas indiscret, t’as le droit légitime de m’envoyer sur les roses. » La ferme Norah.

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Instantanément, j'en apprenais plus sur ma colocataire de chambre, il semblerait que le "destin" si tant est qu'il existe nous ai réunis de deux manières différents pour le coup cela me fit sourire en fait. C'était assez étrange mais, ce genre de bizarrerie ne me dérangeait pas vraiment. Je l'écoutais me dispenser quelques petits conseils, après tout elle avait déjà l'expérience des lieux. Ben mince, c'est un sacré coup du sort ça. Coloc' et collègues? Oh rassures-toi je vois tout a fait où tu veux en venir. Les gros lourds j'y suis quasi abonnées, j'en connais plus d'un déjà. Sans vraiment m'en rendre compte en parlant je m'étais ouverte sur un passé que je préférais taire généralement. Enfin du moins juste sur la partie famille d'accueil, parler de mon père ou encore des mauvais traitements, c'était pas mon genre. Passé trouble que je préférais largement laisser de coté. Je me mis alors à rire sur le passage religion, messe du dimanche et tout le tralala. Oh t'inquiètes pas pour ça non je ne suis pas vraiment croyante mais, ouais j'y avais droit. Disons que je ne cadrais pas tout à fait avec leurs attentes. J'étais un peu trop "originale" et pas assez préformatée à leur goût. J'y suis restée deux ans mais, c'était en Australie depuis j'suis venue vivre chez ma tante ici à Cambridge. Et je comprends, l'alcool délie les langues comme on dit. L'entendre parler plus que de raison ne me dérangeait pas j'étais plus du genre à écouter les autres qu'à parler moi-même. Et toi tu viens d'ici?

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Abonnée aux gros lourds, bah la pauvre, elle allait être gâtée en bossant au Lord Hobo. Il y en avait à la pelle, une vraie fourmilière. « Eh bien, ça te changera pas de d’habitude dans ce cas, tu vas être servie ma pauvre ! » Heureusement pour moi, elle n’était pas particulièrement croyante. Non pas que j’ai quelque chose contre les religieux, je les respectais, mais quand même, l ne fallait pas abuser non plus. J’aurais eu du mal à supporter les remontrances et autres prêcheries du genre moralisateur. Quitte à devoir subir la présence d’une colocataire, autant qu’elle ne soit pas trop insupportable. Et qu’elle me laisse vivre dans mes excès. Ce qui avait l’air de lui convenir, à ses dires elle était elle-même quelque peu originale. En tout cas, trop pour un pasteur, ce qui était juste assez pour moi. « Deux ans ? Dis donc, tu y as été tard ! Comment ça se fait ? Enfin encore une fois si c’est pas indiscret hein, t’as tout à fait le droit de me dire que je vais trop loin et que tu ne veux pas me répondre. Mais n’empêche que l’Australie, ça doit être cool, non ? Le soleil, les kangourous, les crocodiles… Les crocodiles, c’est vachement impressionnant comme bestiole. Ils sont là, tranquille, peinard, des gros lourdauds sous l’eau, et là BAM ! d’un seul coup ils se jettent sur leur proie, comme ça, hop, ni vue ni connue, dans un élan de puissance pure… » Et voilà, je m’étais encore emballée. En même temps, mieux valait ça que de penser à la soirée de la veille… Malheureusement pour moi, elle ne me laissa pas beaucoup de répit avec sa question. Je passais une main sur mon visage, dans une tentative pour chasser ces idées noires de mon esprit. Comment lui répondre sans l’agresser ? On avait commencé sur de bonnes bases, et je ne voulais pas tout gâcher maintenant. Il fallait que je parle de Paris sans penser à Siméon, ce qui en soit était impossible. Si au moins je pouvais retenir mes larmes, ce serait top. Il suffisait que je reste évasive, après tout, il n’y avait aucune raison pour qu’elle me demande des détails. « Ouh la non, je ne suis pas du tout d’ici. Je viens de Paris, en France. Mes parents ont dû déménager pour le travail du paternel, du coup on est arrivé là quand j’avais dix-huit ans. » Tenons-en nous là. Ne pas rentrer dans les détails, ne pas dire que je n’avais jamais voulu venir ici et quitter ma douce France…

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