Jude&Alek - Died in your arms...

J’avais tout de suite ressentie une boule se former dans mon estomac quand j’avais reçu le sms de Nevada. Alek était malade. Mais ça n’était pas une maladie quelconque, non. C’était la fameuse maladie qui faisait que la moitié d’Harvard était malade. Et de ce que j’avais vu à l’hôpital, ça n’était pas joli à voir. Les premiers malades allaient de plus en plus mal et les médecins étaient complètement paumés. Et ça me faisait forcément peur : j’avais déjà mon fils qui était à l’hôpital à cause de sa leucémie et le temps qu’il soit assez costaud pour subir une chimiothérapie… alors merde quoi, j’voulais pas que mon meilleur ami soit lui aussi en danger de mort. Le truc, c’était que je bossais du matin jusqu’au soir et je ne pouvais pas aller le voir après les horaires de visites imposé. Du coup, un après-midi, alors que j’étais en pause d’une demi-heure, je décidais d’y aller. Je montais jusqu’au troisième étage, rangeant mon téléphone dans ma blouse blanche en expliquant aux employés chargés de s’occuper de la quarantaine qui j’étais et qui je venais voir. C’est donc comme ça que j’ai atterri dans le couloir des visites, attendant que mon meilleur ami se pointe. Bordel, faîtes qu’on trouve un antidote à cette merde.. Alek ne tarda pas à me voir et il vint s’asseoir en face de la vitre, avant de… donner un coup dedans ? « Ouais c’est bon tranquille… J’me calme y’avait juste une mouche… » Je levais les yeux au ciel, passant les mains dans mes poches en m’approchant de la vitre. « Ouais tu devrais calmer tes nerfs mec.. » Je soupirais et je regardais les gens derrière lui dans la pièce. Ils avaient l’air d’aller vraiment mal, ça craignait à mort. « Pour une fois que c’est moi qui viens te voir à l’hosto.. » Je souris légèrement, [color:7e39= darkred]« Tu vas bien ? » Question conne mais bon, on fait comme on peut.

Alek avait toujours été là pour moi quand j’étais à l’hôpital. Non, en fait… Alek avait toujours été là pour moi, alors je devais lui rendre ça maintenant qu’il était lui dans la merde. Et pas dans une petite merde, parce que cette maladie semblait plus dangereuse que ce que les médias le disaient. Ils ne voulaient certainement pas que les gens paniquent, alors ils minimisaient la chose, mais en tant que personnel du corps médical, j’étais bien placé pour savoir que tout cette affaire, ça craignait à mort. Pour qu’on aille jusqu’à les mettre en quarantaine, ça craignait déjà. De voir mon meilleur ami aussi nerveux, ça me fit bizarre. Parce que bon.. dans un sens, ça ne m’étonnait pas, mais d’un autre côté, ça voulait dire qu’il avait conscience que tout ça, c’était sérieux. Et putain c’que j’avais peur pour lui. Même si j’essayais de ne rien laisser paraître. Je n’étais pas ici pour lui faire encore plus peur, mais pour essayer de le rassurer et de me rassurer au passage. « Tu pourras te vanter d’avoir été comme un frère pour moi une fois que j’serais mort ahah ! » Je fronçais les sourcils histoire de lui faire comprendre que c’était vraiment pas drôle là. « J’vais pas te mentir, je flippe… J’me dis que plus les jours passent et plus les gens qui sont rentré ici avant moi vont mal, y’a pas de remède… Alors, j’ai juste envie de partir d’ici, de faire en sorte que tout aille bien… Mec, j’me suis foutu dans la merde j’crois… » Je passais une main sur mon front en secouant la tête, « Arrêtes tu t’es foutu dans aucune merde, tu pouvais pas deviner que t’allais tomber malade.. » Je soupirais et j’ajoutais, « Flippe pas.. ça va aller. Ça fait qu’une semaine, les médecins vont trouver un remède, faut y croire… moi j’crois en la médecine. » La médecine qui m’avait quand même déjà sauvé deux fois la vie et qui, j’espérais, allait sauver la vie de mon fils. « J’vais veiller sur Neva et Quincy tant que t’es ici, t’en fais pas pour eux okay ? » C’était la moindre des choses.

Avoir peur de ne pas voir son enfant grandir. Je connaissais cette peur, car je vivais avec celle-ci presque tous les jours. Je n’étais pas dupe, je connaissais assez la médecine pour savoir qu’on leucémique a une durée de vie beaucoup plus courte qu’une personne lambda. Aussi, je savais qu’il y avait des chances pour que dans quelques années, le cancer revienne car une leucémie ne part jamais entièrement : la durée de vie d’une greffe est assez limité. En général, on en vit pas plus de dix ans avec un greffon, alors à moins que Billie me redonne de la moelle osseuse (et même si elle le voudrait, je n’étais pas sûr de vouloir lui faire endurer ça une nouvelle fois), j’étais légèrement dans la merde. J’avais moi même souffert de la mort de mon père alors que je n’avais même pas dix ans, je ne voulais pas que mes enfants connaissent cette douleur et finissent comme moi : un pauvre gars suicidaire et drogué tellement il est fatigué des bâtons que la vie lui met dans les roues. Et je ne voulais surtout pas qu’Alek connaisse ça. Je ne souhaitais ça à personne et encore moins à mon meilleur ami. Alors tout ce que je pouvais faire, c’était lui promettre que je veillerai sur sa femme et son fils pendant qu’il était ici. "Tant que Quincy t'appele pas Papa, ça me va... Merci en tout cas... Et de ton côté, comment ça se passe ?" Je ris légèrement, « De rien, c’est normal mec. » J’haussais les épaules, « Bah.. Roxanna est malade j’suis allé la voir hier… du coup j’garde Aylin et j’essaie de la faire sortir le moins possible, j’suis mort de trouille à l’idée qu’elle tombe malade… » Un bébé a beaucoup moins de résistance qu’un adulte, alors forcément ça me faisait flipper. « Et j’me dis qu’heureusement qu’Aaron est dans une chambre stérile à l’hosto parce que si il tombait malade… j’ose même pas imaginer les conséquences avec sa leucémie.. » Je passais mes mains dans mes poches, « Sinon ça peut aller. » Je me sentais un peu mieux  comparé à quelques mois plus tôt.. quand j’avais tenté d’me fouttre en l’air.

Cette épidémie, c’était de la folie. Tout le monde tombait malade, alors forcément, je commençais à flipper pour les gens que j’aimais, ma fille surtout. Je ne voulais pas qu’elle non plus tombe malade… elle avait déjà sa mère de malade, j’avais ma meilleure amie, mon meilleur ami de malades… c’était vraiment la merde. La vie s’acharnait vraiment sur moi putain ! Quand c’était pas moi qui tombais malade, c’était les gens que j’aimais qui finissaient par avoir des problèmes. Comment est-ce que je ne pouvais pas me sentir maudis après ça, hein ? Vingt cinq ans d’horreurs qui s’enchainaient les unes après les autres. Génial quoi ! "Il n'arrivera rien à Aaron, te fait pas de soucis pour ça, t'as pu t'en sortir, et même s'il est plus jeune, il va se battre, c'est ton fils, il a tes gênes de warior !" Je n’arrivais pas à ne pas sourire en l’entendant me dire ça. Il savait par quoi j’étais passé, alors il était peut-être le mieux placé pour me dire ce genre de chose. « Ouais mais bon, il est beaucoup plus jeune que celui moi quand j’ai eu ma première chimio.. » Mais bon, on était pas là pour parler d’Aaron mais pour parler de lui. C’est lui qui était malade. "Et Rox, comment elle va ? Elle tient le coup ?" Je le regardais, surpris qu’il me pose la question. Je savais qu’il ne la tenait pas dans son cœur depuis qu’elle m’avait quitté. « Ça peut aller.. disons qu’elle flippe à mort, elle m’a fait jurer un tas de trucs et… putain ça m’fait flipper Alek.. » Je me tapotais le front avec la paume de la main, « J’essaie d’être optimiste, d’avoir confiance en la science mais.. j’flippe vraiment à l’idée d’vous perdre.. »

C’était tellement bizarre et tellement inhabituel d’être de l’autre côté. J’avais toujours eu l’habitude d’être le malade. D’être celui qu’on plaint, celui qu’on rassure.. parce qu’avec tout ce qui s’était passé dans ma vie, j’avais tendance à être… comment dire… vraiment pessimiste. Alors me retrouver là, à essayer de rassurer mon meilleur ami sur el fait que tout allait bien se passer, qu’il allait sortir de là pour pouvoir voir son fils grandir, pour qu’on puisse sortir ensemble.. en me rentrant là, de l’autre côté de la vitre, j’avais soudainement pris conscience que j’avais délaissé Alek depuis quelques temps. J’étais tellement occupé avec mes études, avec mes enfants, avec ma copine que je ne prenais pas autant soin de lui que lui avait bien pu prendre soin de moi dans le passé. Dans toute ma vie en fait. Alors il fallait absolument qu’il sorte pour qu’on puisse rattraper le temps perdu. Pour qu’on sorte et qu’on s’amuse comme au bon vieux temps, quand je rentrais totalement bourré et défoncé chez ma mère et qu’il m’aidait à monter dans ma chambre sans me faire prendre pour ne pas m’attirer les foudres de ma maternelle. "On va s'en sortir, on a pas le choix, imagine si on devrait tous mourir, ça serait impenssable, regarde le nombre de personnes enfermé ici, c'est un scénario de film le truc, c'est pas possible qu'on y passe tous !" Je ris un peu – rire forcé je vous l’accorde – et j’hochais la tête. « Ouais, t’as raison.. », soufflais-je en regardant les gens derrière lui dans la chambre de quarantaine. « Tu sais quoi ? Quand tu sortiras d’ici, on se barre. Genre.. on va s’faire un week-end à New-York. No limit, comme quand on était ados. »  Avant qu’on ait toutes ses responsabilités. Quand on était jeunes et cons, insouciants. Ça me manquait, parfois.