(+Sio) On est tous victime de son passé

feat Siobban & Norah ✖ Allongée sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond, je repensais aux évènements de la veille. J'avais terriblment envie d'aller me noyer dans le travail en bibliothèque, mais j'avais aussi une peur bleue de croiser Bleeker dans la Lowell House. Même s'il s'était montré vraiment gentil avec moi au final, je n'arrivais quand même pas à me dire que je réagirais de façon normale à notre prochaine rencontre. J'allais devoir prendre sur moi comme jamais. Assez de réflexions pour le moment, il était temps que je prenne les choses en main. Je pris une profond inspiration, me levai, attrapai mon sac. Je restai quelques instant devant ma porte, hésitante, avant de l'ouvrir et de m'engager dans le couloir. J'avançai lentement jusqu'aux escaliers, jetai un oeil en bas... Personne en vue. Une voix s'éleva, semant la panique en moi. Bleeker. Il était bien là, et en plus, il s'apprêtait à monter les escaliers. Je ne pouvais pas rester là, il fallait que je me cache et vite. Je battis en retraite vers ma chambre, mais une porte s'ouvrit d'un coup, me bloquant le passage. Sans réfléchir, je poussai l'obstacle à l'intérieur de sa chambre, refermant la porte brutalement. La main sur la poignée pour la garder fermée, le coeur battant, j'attendais que les bruits de bas et le son de sa voix s'éloigne. Puis je m'adossais à la porte, me laissant glisser jusqu'au sol, le visage enfouie dans mes mais, ne prêtant aucune attention à la personne qui devait me prendre pour une folle. Au bout de quelques minutes, je levai quand même les yeux pour reconnaître une tête blonde qui m'était familière.

« Oh, c'est toi Sio... »

Au moins ce n'était pas une parfaite inconnue, je n'étais pas trop mal servie dans mon malheur...

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Je me trouvais donc dans ma chambre pour bosser mes cours. Les derniers partiels s’étaient bien passés et donc, je me trouvais dans une position plus agréable que prévue. Je me trouvais en pyjamas dans ma chambre parce que je n’avais pas cours durant une semaine à cause des corrections pour certains de mes examens. On devait donc travailler tous seuls. Ce qui ne me gênait pas du tout d’ailleurs. Je ne m’attendais pas à voir débarquer Norah dans ma chambre. Je lui disais : « Aux dernières nouvelles, oui , je suis bien moi. » Je tentais donc de lui demander : « Tu es bien matinale ? Il t’arrive quoi au juste ? Tu t’es trompée de chambre ou est-ce que tu as vu un fantôme ? » Assise sur mon lit, je lui donnais un verre d’eau.

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Sio m'apporta un verre d'eau. En fait, elle était vraiment gentille cette fille. Je murmurai un merci avant de boire une gorgée, le regard fixé dans le vide. Moi qui voulait que tout cela reste un secret, j'étais foutue. Comment j'allais bien pouvoir en dire assez à Sio sans non plus tout lui révéler, tout en en disant assez pour qu'elle ne me prenne pas pour une folle ? J'étais à bout. Je restai assise sur le sol, le dos contre la porte. Je redressai la tête, les yeux fermés, prenant une profonde inspiration. Encore une gorgée d'eau, et j'esquissai un début d'explication.

« Effectivement, on peut dire que... j'ai vu un fantôme. Dont je me serais bien passé pour tout te dire... »

Je détournai le regard, laissant mes pensées vagabonder un instant. Bien sûr je n'en avais pas dit assez, il allait falloir que je développe un peu. Mais je ne m'en sentais pas le courage. Je ne voulais pas remuer à nouveau le couteau dans la plaie. Pourtant, je n'avais pas vraiment le choix. Et qui sait, peut-être cela me ferait-il du bien de libérer mon esprit en parlant à quelqu'un ? Je commençai donc mon récit, tâtonnante, guettant sa réaction.

« Comment t'expliquer ça sans que tu ne me prennes pour une folle... En fait, pour faire simple, hier, dans le salon, j'ai croisé un certain Bleeker, je sais pas si tu le connais. Et en fait, je me suis complètement ridiculiser devant lui dans un accès de panique. Tu connais cette théorie selon laquelle on aurait tous un sosie quelque part dans ce monde ? Et bien voilà, Bleeker en est l'exemple concret. Il ressemble comme deux gouttes d'eaux à quelqu'un que je connaissais en France et... Et je ne supporte pas de le voir, ça me rappelle trop de choses. Du coup je fais tout ce que je peux pour l'éviter... y comprit repousser les gens dans leur chambre, désolée pour ça... »

Mon Dieu, cela faisait longtemps que je n'avais pas autant raconter ma vie en une seule tirade. Tout ce que j'espérais, c'était qu'elle ne me prenne pas pour une folle. Je reprenais encore une gorgée, jetant un oeil dans sa direction.

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« Les fantômes du passes existent parfois….On a beau ne pas vouloir les voir, ils sont toujours là jusqu’à ce qu’on les affronte. » Une simple phrase qui m’avait donné un psy pour la mort de Fred et des danses pour faire sortir ma détresse et ma tristesse. Je l’écoutais attentivement, et je tâchais de l’aider de mon mieux. « Alors….Il faut essayer de faire le pour et le contre. Est-ce que tu as essayé de lui parler ? Tu dois sans doute te tromper de personne. Remarque on dit qu’on a un sosie dans le Monde. Tu as du tombé sur celui de ton mauvais souvenir. » Je ne voyais pas trop quoi dire de plus, et je tentais ceci : « Est-ce que tu fais du yoga ? Respires par le ventre, cela apaise rapidement. » Je ne voulais pas trop qu’elle fasse une crise de panique dans ma chambre et donc, je préférais qu’elle prenne le temps de se calmer.

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J'eus l'impression qu'elle n'avait pas bien compris la situation. Je n'avais pas rêvé, je n'y pouvais rien si Bleeker ressemblait à Siméon. Comment j'étais censée gérer ça, hein ? Enfin bref je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. Comment aurait-elle pu comprendre avec le peu d'information que je lui avais donnée ? Il n'y avait pas vraiment de pour ni de contre, je devais juste apprendre à vivre avec. J'eus un léger rire quand elle me demanda si je lui avais parlé.

« Ça pour lui avoir parlé... On peut dire que je lui ai parlé haha... »

Entre deux bégaiements, trois rougeoiements, et une chute, oui. Je lui avais parlé après m'être complètement ridiculisée. Et en plus de ça, j'avais même fini par le trouver presque charmant... Avant de péter un câble et de faire n'importe quoi le soir même. Mais il était hors de question que je m'épanche sur mes folies. L'idée même de faire du yoga m'avait toujours horripilée.

« Tu m'as vu ? Tu me vois, assise à rien faire en écoutant de la musique soit disant relaxante ? Très peu pour moi. Ça me met les nerfs en boule plus qu'autre chose. Mais ne t'en fais pas, je ne vais pas te faire une crise de panique là maintenant. Il faut juste que j'évite de croiser Bleeker. »

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« Ah ah ! Tu as juste parlé en faisant crak boum hue…..C’est une bonne façon de parler, oui… » Je ne savais pas trop ce qu’elle lui avait fait, mais vu son comportement, cela avait dû lui donner la honte. Faisant une petite moue je rajoutais : « Ou autre chose…. » Tout en écoutant le reste de ses propos, je lui répondais : « Je ne te parle pas d’écouter de la musique ; mais de respirer par le ventre. Ce n’est pas du tout la même chose… » Je regardais donc par la fenêtre et tout en jetant un œil dehors, je disais : « L’Irlande me manque….Les odeurs, les saveurs, les hommes, la musique, l’ambiance, tout me manque….C’est à la fois mon passé et mon présent…Pour rien au monde je n’accepterais plus de ne plus y retourner. »

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« Crack boum hue, oui, c’est ça, c’est une bonne façon de résumer la situation ! Si par crack tu entends une chute lamentable sur une chaise, et si par boum tu entends des bégaiements incessants… »

Mais pourquoi, pourquoi je lui racontais tout ça ? Ça ne m’avais pas suffit de me ridiculiser devant une personne, non, il fallait que j’étale mes exploits à une autre personne. J’avais déjà assez souffert de la honte monumentale que j’avais vécu, je n’allais pas m’épancher devant elle. Puis elle repris avec son idée de yoga. Décidément…

« Oh non, mais ne t’en fais pas va, je n’ai pas besoin de ça, je ne suis pas stressée ni paniquée, je veux juste l’éviter, c’est tout. »

Ce n’était pas une simple respiration ventrale qui m’empêcherait d’être tétanisée face à Bleeker. Puis elle se mit à parler de l’Irlande et de sa nostalgie pour son pays.

« Je ne savais pas que tu étais irlandaise. Je te comprends tellement. Paris me manque à un point, tu ne peux même pas imaginer… Et pourtant, je n’ose pas y retourner. Mes parents m’ont toujours empêchée d’y aller depuis qu’on a débarqué ici il y a cinq ans. J’ai peur de ne jamais pouvoir repartir si… »

Je m’arrêtai au milieu de ma phrase, mon esprit ayant rejoint Paname de l’autre côté de l’océan.

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Riant un peu plus en entendant la description de la chose, je disais : « Hum….Non, ce n’était pas trop le truc que j’avais en tête…. » Je l’entendais me dire qu’elle ne voulait pas le voir, et donc qu’il fallait juste que je la garde dans ma chambre durant ce petit moment. Je réalisais qu’il était donc bien pour moi de comprendre le truc un peu plus afin de ne pas trop la mettre mal à l’aise. « Les parents sont toujours là pour nous protéger, donc, il faut se dire qu’ils ont une raison précise pour te garder ici. » Me bougeant de ma fenêtre, je me demandais bien ce qu’elle me dirait par la suite.

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« Je me doute bien que tu pensais à autre chose, mais on en est encore très loin... »

Pour ça, il aurait fallu que je sois capable de le regarder en face sans trembler et sans bafouiller, et aussi que j'arrête de me ridiculiser à chacune de nos rencontres. Entre la fois où j'étais tombée sur la chaise, et l'autre fois où je l'avais croisé alors que j'étais complètement bourrée... Mais ça, je préférais l'effacer de ma mémoire. La plus grosse honte de toute ma vie. Elle me sortit vite de mes réflexions en parlant de la bienveillance des parents...

« Oh, c'est pas vraiment pour ça que je leur en veux tu sais... En un sens, je les comprends. Ils m'auraient ramenée en France pour les vacances, j'en aurais profité pour fuguer. Je ne voulais tellement pas venir ici... C'est pour ça que je ne veux pas y retourner, j'aurais trop peur qu'une fois là-bas, je n'arrive pas à revenir ici, aux Etats-Unis... »

Je m'arrêtais cinq minutes, jetant un oeil par la fenêtre pour laisser mon esprit vagabonder. Un jour, je retournerai en France. Et ce jour là, je ne quitterais plus mon doux pays.

« Tu sais, je comptes bien m'installer là-bas plus tard. Une fois que... J'aurais terminé mes études quoi. J'en peux plus de la vie à l'américaine. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde en rêve. Tout ce que je demande, c'est de pouvoir me balader sur les quais de Seine, retrouver ma Tour Eiffel, et surtout, mon Montmartre... »

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« Ah bon….» Riant encore une fois, je me demandais bien ce qu’il fallait que je lui dise par la suite. Je réfléchissais à tout cela, et je tentais de lui dire mon point de vue. « Tu es étrange, tu voulais venir sans tes parents et une fois en vacances chez toi, tu ne voudras pas revenir ici….Il faut savoir partager les deux pays de son cœur. Ou alors, tu te dis que tu finis tes études ici et tu rentres chez toi après. » Nono était bien étrange, et donc, je me demandais ce qu’elle pouvait bien avoir comme soucis pour penser cela. Je lui répondais donc par la suite : « Pour ma part, je resterais ici, j’ai ma carrière lancée ici, si je m’en vais, je vais me retrouver coincée. Pas question que je recommence tout….C’est trop difficile comme ça…. »

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