(+ Eventine) Aime moi au moins une seule fois

Il était tard et j’étais perdue dans mes pensées, adossée au plan de travail de la cuisine en train de pleurer le plus silencieusement du monde. Grand-mère m’avait vendu à Gaston. C’était ainsi que je résumais les choses et désormais, je me retrouvais fiancée à un homme qui me dégoutait. Pis, le mariage n’allait sûrement pas tarder à arriver et j’allais devoir… Mon dieu, j’avais l’impression de connaitre à l’avance la date de mon viol. J’avais envie de crier, de pleurer, de frapper mais je restais silencieuse, dans le noir, les genoux contre ma poitrine, comme une pauvre petite chose fragile. La lumière s’alluma brusquement et je séchais rapidement mes larmes. C’était Eventine. « Bonsoir monsieur… » commençais-je mollement avant de me relever et de m’approcher de lui. « Je sais que cela va vous paraitre soudain et déplacé mais je n’ai plus de temps à perdre alors je voudrai vous soumettre une requête… Je veux devenir une femme dans tes bras ! » osais-je le tout pour le tout en plantant mon regard déterminé dans le sien. Advienne que pourra… Je voulais au moins connaitre ma première fois dans les bras d’un homme que j’aimerai.

Il s’en était passé des choses dans l’existence du beau brun en l’espace de peu de temps. Des choses qui le dépassait complètement et dont il n’osait parler à personne en dehors de Gauthier tant son quotidien en était perturbé. Il rentrait donc à des points d’heure ce soir là, après avoir révisé un très, très long moment dans le silence le plus total de l’une des salles de musique de la fac. Un petit creux lui tiraillait l’estomac et il avait bien dans l’idée de se faire un encas de fortune lorsqu’il sursauta en voyant Mikhaila sitôt la lumière allumée. « Tout va bien ? » demanda-t-il aussitôt, non aveugle aux larmes et aux yeux rouges qu’elle possédait. Cependant, il n’eut guère le temps d’en placer une que déjà, elle lui tenait un discours qui lui arracha un énorme « pardon ?! » de surprise. On l’aurait été à moins. « Minute papillon je vole ! Comment ça pas de temps à perdre et c’est quoi cette histoire de devenir une femme dans mes bras ?! » Mikhaila venait de brûler les derniers pauvres neurones lui restant, hélas.

Je devenais folle, il n’y avait pas d’autres raison à ce que je lui saute à moitié sur lui pour le supplier de me faire l’amour mais en même temps, je voulais connaitre cet acte dans le plaisir et non devoir serrer les dents en attendant que ça passe. Pour une fois, je voulais connaitre le bonheur et faire ce que je voulais. « Je sais que je te demande la lune et que tu n’as sûrement jamais imaginé la chose avec moi mais je t’aime et je veux connaitre au moins ce plaisir-là avec un homme pour qui je ressens quelque chose » déclarais-je avant de commencer à faire les cent pas dans la cuisine. « Ma grand-mère m’a donné en mariage au jardinier… C’est fou, je sais et j’ai toujours l’impression de cauchemarder mais tu ne sais pas de quoi elle est capable si j’avais la moindre intention de refuser… Alors, je te demande juste une chose, une petite chose… Juste perdre ma virginité dans tes bras. Je ne suis pas moche, tu pourras même penser à une autre si tu as besoin de motivation… Je demande juste un peu de ton temps… Je ne veux pas perdre mon innocence dans les bras d’un homme pour qui je ne ressentirais rien »

« J’ai besoin de m’asseoir » avoua Eventine, quasiment livide. En même temps, non seulement elle venait de lui sauter au cou en lui demandant de la déflorer mais en prime, elle lui apprenait de but en blanc que sa grand-mère allait la donner au jardinier… non mais il marchait sur la tête, non pire, il cauchemardait, donc il lui suffisait de se pincer pour qu’il se réveille, n’est-ce pas ? « Tu entends quoi exactement par « je ne sais pas de quoi elle est capable » ? Non parce que vendre quelqu’un, c’est illégal. Je peux l’envoyer à Guadalcanal ta mère grand s’il le faut, tu ne vas pas épouser ce type… non mais sérieusement, il est plus con que nature ! » s’emporta-t-il sans violence avant de se relever pour leur servir deux bonnes doses de scotch. « Tiens, bois ça, t’en as sûrement autant besoin que moi. Explique-moi le fond du truc avant qu’on revienne sur ça… hum proposition. » Eventine avait besoin de cinq minutes pour mettre de l’ordre dans ses idées. Juste cinq minutes.

Eventine me faisait pitié, j’avais honte de lui avoir fait cette proposition mais en même temps, je me sentais tellement aux abois que je me révélais et j’osais. Certes, je n’étais pas la plus jolie et je savais qu’il avait connu des femmes bien plus belles et dégourdies du cerveau que moi mais voilà, je l’aimais d’un amour sans commune mesure et si je devais être sacrifiée sur l’autel, autant me damner dans ses bras. « Elle ne m’a pas vendu… Dans le sens vendu… Enfin je veux dire, pour prouver la chose, il faudrait être Sherlock Holmes et Colombo réunis » soupirais-je en prenant le verre qu’il me tendait, en buvant quelques gorgées avant de tousser. C’était fort !! « Ma grand-mère… Je ne sais même pas comment expliquer la chose… Mélange Cruella d’enfer, la marâtre de Cendrillon bref toutes les méchantes belles-mères et tu auras cette femme mais elle est aussi ma seule famille. Je sais qu’elle fera en sorte que je perde tout ce que j’ai réussi à construire… Qui me défendra ? Personne ne s’intéresse à une orpheline sans le sou et je ne cherche pas la pitié. J’ai toujours assumé mais pour la première fois de ma vie, j’ai envie d’obtenir ce que je désire et c’est une nuit entre tes bras que je veux. Je ne demande rien d’autre. Juste une nuit. Ni amour, ni relation, juste la sensation d’être quelqu’un d’important l’espace de quelques heures »

Eventine se massa subitement les tempes en soupirant : bordel de dieu dans quel merdier s’était-il encore fourré ? L’heure n’était pas aux lamentations, pas alors que Mikhaila semblait littéralement prête à se suicider avec des produits pas nets. « Qui te défendras ? Tout le monde ici, à commencer par Gauthier ou moi. Il me serait très facile de ruiner la vie de cette femme et je pense que tu en as autant conscience que moi… j’avoue ne pas comprendre comment tu peux accepter une telle chose sans chercher à aller contre ! Tu te vois, toi, passer l’intégralité de ta vie avec ce mou du genou ? Je te vois mal demander le divorce en prime… c’est évident qu’il ne prendra même pas soin de toi, il a plus de tentacules qu’un snargalouff ! » Mais Eventine haussa les épaules. Elle lui demandait la lune, c’était bien ça le problème. « Je ne suis pas persuadé que tu seras capable de juste coucher et après effacer ladite nuit. Ce n’est pas ton genre et ce n’est pas le mien de voler la virginité de quelqu’un pour qui cela a de la valeur. Tu es bien sûre de toi ? »

« Parce qu’il serait simple de devenir comme elle, de ruiner sa vie comme elle s’efforce de ruiner la mienne mais je ne suis pas ainsi. Je ne souhaite pas le mal à mon prochain, c’est peut-être naif ou totalement stupide mais c’est ainsi que naisse les rancœurs dans le cœur des hommes… je ne tends pas l’autre joue pour autant, un jour j’arriverai à m’en sortir » répondis-je avant de détourner le regard. « Je sais qu’il ne me rendra pas heureuse mais un ami m’a dit un jour qu’il fallait que j’arrête de croire aux princes charmants. Il avait raison. Je n’ai pas besoin qu’on prenne soin de moi, je me débrouille très bien… Je… » commençais-je avant de tout simplement lui sourire avec tristesse et tendresse mêlée. Je n’avais pas à lui imposer pareille décision, c’était égoïste de ma part de le forcer à faire quelque chose qu’il ne désirait pas sous prétexte qu’il avait le malheur d’être l’homme pour qui mon cœur battait. Finalement, je me conduisais comme ma grand-mère. « Il n’y aurait pas eu vole car je te l’offrais bien volontiers… Mais je n’ai pas à t’imposer ça… je suis désolée, c’était stupide de ma part »

Vrai, Eventine ne comprenait pas. Mais d’un autre côté, il n’était pas assez bien placé pour cela : il ne connaissait pas Mikhaila en dehors des deux fois où il l’avait croisée, dont une pendant laquelle cette dernière lui avait avoué ses sentiments. « Moi jamais je n’accepterais une telle chose. Ce n’est pas devenir quand même, c’est décider de ta vie, de ton avenir. Tu devrais être la seule décisionnaire, voilà mon humble avis. Mais je crois que c’est comme si je pissais dans un violon et dieu sait combien c’est criminel… » soupira-t-il avant de s’enfiler l’intégralité de son verre cul sec. Il fallait qu’il se remettre : la Dunster n’avait pas idée de ce qu’elle lui demandait. Oh Eventine savait par avance combien ce serait agréable, et peut-être justement était-ce cela, le fond du problème. « Leçon numéro une, si tu veux devenir une femme, il faudrait que tu arrêtes de t’excuser. Tu veux quelque chose ? Revendique-le. »

Elle était belle sa leçon mais je n'avais aucune expérience en la matière. Peut-être avait-il l'habitude des femmes expérimentées ou décidées à se revendiquer comme telle mais j'avais été élevé dans une tour depuis mes dix ans. Je vivais au grand air dirons-nous que depuis un an et demi. Ma seule expérience avait été désastreuse en matière de relation sentimentale. Enfin, on ne parlait pas de sentiments ici mais juste de sexe ni plus ni moins. "D'accord, ne plus s'excuser... Revendiquer" répétais-je avant de me mordre la lèvre inférieure quand j'eu subitement une idée. Je me souvenais avoir vu un film dernièrement et peut-être que cela faisait cliché mais rejouer la scène me paraissait être une manière comme une autre de briser la glace. Aussi, je remontais légèrement ma robe pour mieux ôter sous son regard ma petite culotte afin de m'approcher de lui pour mieux la glisser dans la poche de son pantalon, reculant à peine avec un léger sourire mutin accroché aux lèvres. Puis, sous son regard, je fis tomber mon gilet au sol, dans un curieux mélange de timidité et d'assurance. "Est-ce que je dois faire tout le travail ou tu vas prendre ce que je veux bien t'offrir" murmurais-je avant d'effleurer ses lèvres des miennes. Mon véritable fruit défendu.

En même temps, que Mikhaila soit expérimentée ou pas, il n’était pas question d’expérience ici mais bel et bien de culot. C’est tout ce qu’il attendait de sa part. Eventine était curieux de savoir si elle désirait si fort de perdre sa virginité, du moins au point d’oser des choses qu’elle n’aurait même pas pu imaginer dans ses rêves les plus fous. Il ne fut pas déçu lorsqu’il la vit retirer sa culotte pour mieux la mettre dans la poche de son pantalon, fidèle à une scène mythique de film, chose qui lui arracha bien évidemment un sourire amusé. « Disons que je suis curieux de voir jusqu’où va te mener ton fameux culot » répliqua-t-il aussitôt non sans s’emparer de ses lèvres avec un mélange de passion et de provocation, deux choses auxquelles lui était particulièrement habitué à vrai dire. Mais il s’écarta ensuite, l’air mutin, chercher à dédramatiser la chose : si la demoiselle devait perdre sa virginité ce soir, autant que ce soit aussi agréable que possible et pour cela, rien de tel qu’un jeu. « Et bien ? Tu m’as donné un excellent début, donne-moi donc une bonne suite… »