(+ Mei) et dieu inventa les gourdes...

Eventine avait passé un temps monstrueux à remettre ses partitions dans l’ordre, après un moment non moins considérable à s’user les doigts, les yeux et les neurones sur un entraînement de violon et il n’était pas fâché de quitter le théâtre indemne : une bonne douche et hop, il rentrerait chez lui frais comme un gardon pour se reposer et faire autre chose que bosser. Une fois n’est pas coutume ! Mais il faut croire que tous les dieux étaient définitivement contre lui lorsque qu’il rentra dans une parfaite inconnue au beau milieu d’un couloir, avec l’idée bien arrêtée de mettre ses si précieuses partitions dans son casier histoire d’éviter tout incident. Résultat, il lui avait certes marché sur le pied mais elle, de son côté, avait fait voler en fumée des heures de boulot… en éparpillant ses précieuses partitions sous le choc. « Bordel mais tu peux pas regarder ou tu vas !! Espèce de gourde !! »

« Tu as marché sur le pied de la gourde. Ce n’est pas ma faute à moi si tout à valsé. La gourde aimerait bien des excuses. » Il fallait toujours que je tombe sur un con ou quoi ? Ce matin, un ami avait eu le don de m’énerver encore plus en disant que je ne servais à rien. En fait, c’était lui qui ne servait à rien. Mais alors là, ce type qui sortait de je ne sais où qui me marchait sur le pied et tout, et je me faisais traiter de gourde….Mais où va le monde ? Croisant les bras, je me préparais à lui donner une torgniole s’il le fallait…

Mais c’est qu’elle mordrait en prime, la gourde ! Par la plus grande malchance du monde, Eventine n’était ni disposé à s’excuser, ni à courber l’échine devant une demoiselle qu’il n’avait jamais vue de sa vie et qu’il ne verrait sûrement plus jamais après coup – et heureusement pour lui, à priori. « Ah oui, la gourde aimerait des excuses ? Et bien ce n’est pas la modestie qui l’étouffe ! Je t’ai peut-être marché sur le pied mais toi tu viens de foutre en l’air des heures de boulot, alors c’est plutôt la gourde qui va s’excuser et plus vite que ça par-dessus le marché ! »

« Non, mais je dois rêver. Tu vas rêver longtemps mon ami, pas question que je m’excuse. » C’était plus fort que moi, mais j’avais une folle envie de lui foutre une bonne tarte. Ce qui ne tarda pas trop. Tout en le regardant, je lui disais : « Il faut mettre son boulot dans un classeur. Maintenant, tu devrais le savoir, non ? » Je le regardais attentivement, et il ne fallait pas qu’il me cherche….Rien qu’à voir sa tête d’abruti, je me doutais que la suite serait donc assez chiante….

« Parce que tu crois que tu vas en obtenir des excuses de ma part aussi ? Tu peux toujours t’accrocher le minou à une pendule pour sonner l’heure, ma vieille ! » grogna-t-il aussitôt, peinant à se reconnaître pourtant. Lui si avenant, si aimable et compréhensif… le boulot qu’il avait par-dessus la tête ainsi que le manque de sommeil venaient d’avoir raison de son habituelle gentillesse, il faut croire. « Mais ouais, traite-moi de con pendant que tu y es, vas-y te gêne pas ! Si je dois m’acheter un classeur, achète toi des yeux et quelques neurones aussi, rien que pour t’apprendre à regarder où tu marches ! »

« Ah parce que pour toi, je n’ai rien vu, il me semble que c’est toi qui n’a pas les yeux en face des trous…» Il avait dû alors avoir une sacrée journée pour me parler sur ce ton. Regardant alors la douleur qui me lançait dans mon pied, je me massais le pied pour faire partir le tout en lui rétorquant ceci : « Les neurones j’en ai, mais toi tu ne dois pas avoir une once d’amabilité apparemment…. » Tandis que je regardais un peu plus la situation, je ne risquais pas de m’excuser. Après tout, j’avais mal à mon pied maintenant.

« Parfaitement, moi je marchais droit devant moi, c’est toi qui a dû boire avant de venir pour me foncer dedans ! » Tiens, bien la première fois qu’il faisait preuve d’une telle mauvaise foi mais plutôt que de dire que les torts étaient partagés et qu’il avait merdé autant qu’elle, Eventine n’avait aucune envie de reconnaître sa part de responsabilité ou la patience de le prétendre. « Je suis aimable avec ceux qui le méritent, et quelqu’un qui fout en l’air mon boulot, c’est un parasite, point final ! » Peut-être un peu extrême comme façon de voir… mais en attendant ses partitions jonchaient le sol et il était désespéré – intérieurement, bien sûr – à l’idée de devoir tout ramasser et classer une fois encore.

«Ah c’est sans doute les trente-six heures de garde à l’hôpital cela à tendance à me faire voir en double. » Oui, il fallait bien que la chose se passe sauf qu’en entendant sa phrase, j’avais plus envie de lui envoyer encore une gifle verbale dans le crâne. « Quand à moi, je suis aimable, mais pas avec les idiots dans ton genre. » Il y avait mon sang russe et chinois qui avait le tour de mes veines en moins de trois seconde. Ce n’était pas une raison pour être mal polie parce qu’on avait mal dormi… 

« T’es pas la seule à avoir un emploi du temps chargé, et puis l’excuse du médecin « ouais je fais quinze mille gardes tu comprends, je peux faire de la merde et on me pardonne tout » ça prend pas avec moi, je connais d’autres étudiants en médecine qui sont pas aussi obtus que toi ! » Bon, d’accord, là Eventine donnait l’impression de n’être qu’une tête à claque mais elle le cherchait aussi. Il ne connaissait même pas son prénom et là, tout de suite, il n’avait guère envie de le connaître, juste de la secouer très fort pour la pousser à ramasser. « Ouais ben l’idiot te retourne l’insulte, idiote !! »

Là, il allait trop loin, je tentais donc de lui répondre : « Ah oui, et bien, ils n’ont sans doute pas leurs diplômes de fin d’études à la fin de l’année. Contrairement à toi, je ne suis pas obtus, vu que tu ne veux pas me donner tes excuses. » Je tentais aussi de lui dire : « Tu penses parce que tu as bossé comme un dingue que tu dois prendre les gens de haut sous prétexte que tu es comme tu es. » Je sentais donc que pour l’instant, je pensais qu’il était bien pour moi de savoir ce qu’il avait en tête.