if you're homesick give me your hand and I'll hold it ~ lia

Encore une nuit à se réveiller par une angoisse surgi de nulle part, les poils du torse hérissés, une goutte de sueur perlant le long de sa tempe. Merde. Il commençait à les faire souvent ces cauchemars, ces cauchemars où, bien que l'histoire différait, tournaient autour du même sujet ; Cody perdait à jamais sa fille Jess. Il avait la nette impression que ses efforts pour la récupérer ne se soldaient à rien. Peut-être était-il trop gentil, trop naïf de croire qu'il suffisait de montrer à tous qu'il pouvait se comporter en adulte pour récupérer la femme de sa vie. Ou peut-être qu'il était temps pour lui de sortir les griffes ? À voir. Bleeker n'aimait pas ça, il n'aimait pas réfléchir du tout, ni se poser toutes ces questions. Ça lui ramollissait le cerveau et sûrement d'autres parties de son anatomie mais là n'était pas le sujet. Il quitta son lit et s'avança jusqu'au miroir de la salle de bain où il scruta quelques secondes son visage émacié, ses yeux cernés. Il faisait peine à voir. On aurait dit un zombie, le remake de World War Z dans la salle de bain avec Cody pour personnage principal. Il passa de l'eau sur son visage avant de se résoudre à dire que ça ne suffirait pas cette fois. Il avait besoin de parler ou du moins être avec quelqu'un qui pourrait le comprendre sans avoir à prononcer mot. Il n'eut pas à réfléchir davantage pour empoigner son téléphone et trouver le nom de Lia dans son répertoire. Il était quelle heure … Deux heures ? Trois heures ? Cody ne sut quel vague espoir le rendait si confiant d'avoir une réponse de son interlocutrice mais tant pis, il tenta le diable et après quelques sonneries, une voix féminine jaillit ; « Lia ? » Non, le pape voyons. « ça ne te dit pas qu'on prenne le large ? » Ou sa voiture. Mais qu'ils partent toute la nuit pour ne revenir qu'une fois le jour levé. Là, Cody avait besoin de ça et seule Lia aurait la folie d'accepter.

Cody avait cette image du mec bien sous tout rapport, toujours le sourire aux lèvres, le cœur à rire. On oubliait souvent cette plaie béante qui le tiraillait de l'intérieur ; l'absence de son bébé. Oui, il était papa. Il ne s'en vantait pas, même si sa fille était la prunelle de ses yeux. Parfois, il ressentait ce manque de ne plus pouvoir la prendre dans ses bras, de ne plus pouvoir caresser sa peau douce, de ne plus tout simplement entre ses rires, ses cris, ses pleurs. Il se voyait bien mal appeler Ree, son meilleur ami, à une heure pareille. Généralement, il comprenait assez bien ce que confiait Cody, mais la seule personne à vraiment le ressentir, à le vivre … C'était Lia. Il soupira de soulagement quand elle accepta de venir avec lui. Il était malade quand même, elle finirait par le haïr à la réveiller en plein milieu de la nuit  comme ça … Mais qu'importe. YOLO. « Dans une voiture rouge, à l'entrée du parc en bas de chez toi. » répondit-il simplement en gardant l'oreille contre son téléphone. En voyant Lia arriver par la vitre passager, il ouvrit la portière droite comme pour confirmer qu'elle s'avançait bien vers la bonne voiture.

Appeler quelqu'un au milieu de la nuit sur un coup de déprime … Cody ne se reconnaissait pas. Ce n'était pas son genre, lui qui tentait toujours de paraître plus fort qu'il ne l'était réellement. Il était souvent bien difficile d'exprimer ce qu'il ressentait par rapport à l'absence de sa fille. Les mots … Il semblait qu'aucun ne correspondait à ses sentiments. Mais Lia comprendrait. Sans avoir la même histoire, leurs histoires se complétaient. Une fois dans la voiture, il lui fit un grand sourire et la toisa tandis qu'elle s'asseyait confortablement. Il attrapa la couverture qu'elle avait dans les mains pour la jeter sur la banquette arrière avant de regarder la rue à travers le pare-brise. « J'avais juste besoin … De rouler. » Et d'être avec elle. Sans doute qu'il longerait la côte, trouverait un coin de paradis loin du tumulte de la grande ville. Un coin où il pourrait réfléchir en paix, ou tout simplement oublier. Il démarra. Lia finit par poser sa main sur la sienne, ce qui le déconcerta un peu durant les premières secondes, si bien qu'il fit des espèces de zig-zag sur la route comme pour éviter des lapins imaginaires. Il murmura sans quitter la chaussée des yeux ; « Tu sais, si tu veux retourner te coucher … Je comprendrais. » Il comprendrait … Mais il s'en fout, il la séquestrerait quand même, mouhahaha. Ou pas.

Peu importe où ils atterriraient, aux yeux de Cody, n'importe où serait mieux que le fond de son lit à se morfondre sur ses erreurs passées. Bien que très pudique sur ses sentiments, il remerciait tellement Lia d'être là, d'être ce qu'elle est. Merde, il bénissait le ciel pour sa présence, hallelujah mon frère, amen ! Et il exagérait à peine. Il avait hâte d'arriver à cet endroits, hâte de franchir ces quelques kilomètres où, peut-être, il trouverait une paix intérieure, quelque chose pour le soulager en tout cas. La chaleur de Lia sur sa peau fraîche par la nuit eut un effet secousse sur le jeune homme. Un moment d'inattention et bim, il se retrouva de l'autre côté de la ligne continue. Heureusement, faible temps de réaction et aucune voiture à l'horizon le ramenèrent vite dans le droit chemin. « Nan, je .. Hum … pensais à autre chose. » Il ne se cherchait même pas d'excuse, puis inutile de préciser qu'il avait réagi au contact d'une femme comme un puceau au prélude de sa première fois. S'il pouvait garder un semblant de virilité ce soir, ce serait bien. « Merci. » lâcha-t-il dans un murmure à peine audible. Oui, un jeu. Ça lui changerait les idées, ça lui occuperait l'esprit, parfait, oui, un jeu. « Tu proposes quoi ? » demanda-t-il en tournant la tête vers elle une fraction de seconde. Elle avait peut-être déjà une idée. En attendant, Cody s'était engagé sur une longue route bordant la côte, les effluves des algues fraîches et de l'iode s'engouffraient déjà dans ses narines.

Bien sûr que non, Cody n'était pas bourré. Il buvait beaucoup, sans aucune modération, mais jamais dans l'intérêt de noyer un quelconque chagrin. Il buvait pour s'amuser, pas pour pleurer. Il trouvait ça plutôt pathétique en fait. Taquine, Lia indiqua qu'elle aurait été obligée de râler si ça avait été le cas, ce qui éveilla évidemment tout le second degré qui hantait l'étudiant de première année ; « Gronde-moi, punis-moi. » souffla-t-il l'air a priori sérieux, avant de rire légèrement dans les secondes qui suivirent. Non, aucune mouche SM ne venait de le piquer, tout va bien, merci de vous inquiéter. Cody était content d'avoir gagné la côté, là où la nuit semblait déjà bien plus claire, plus belle, moins effrayante. Il trouverait sûrement un endroit où se poser, là où moins d'habitations squatteraient les dunes de sable. Il est vrai qu'un jeu les détendrait, attiserait la complicité instaurée entre eux. Puis … Action / vérité ? Pourquoi pas. Cody raffolait des défis en général ? Moins des vérités, souvent trop personnelles pour lui. On demandait jamais 'dis-moi ce que tu préfères entre un teckel ou un yorkshire' par exemple, alors qu'évidemment la réponse était super intéressante. Ou pas. Il pouffa de rire et suivi d'une grimace, s'exclama ; « Peureux ? Ça veut dire quoi ça ? » Peureux pas entrer dans vocabulaire de Cody. Immédiatement, afin qu'ils soient immédiatement dans le game, il lança ;  « Action ou vérité ? » Honneur aux dames.