"One Bourbon, One Beer, One Scotch" |Jude&Julian|

Enfermé. J’avais passé toute la journée dans ma chambre, sans jamais en sortir. Le réveil avait été difficile, et j’avais oublié à quel point c’était dur, de se réveiller après une soirée de défonce. Un mois, que je n’avais pas touché à une seule drogue, rien. Tout ça, pour rien car j’avais décidé de faire le con hier soir. En quelques heures, tout le campus fut au courant que Jude Montgomery avait replongé hier soir. Les gens pouvaient bien parler, mais ils ne savaient pas ce que c’était, d’être accroc à quelque chose, au point d’en penser jour et nuit, au point que ça soit votre obsession numéro une. Pourtant j’étais bien parti, je commençais à ressentir de moins en moins le manque, mais quand je me suis retrouvé avec ce sachet d’exta’ entre les mains, il me fut totalement impossible de penser normalement, de me dire qu’il fallait que j’appelle Roxanna ou même Billie pour qu’elle vienne m’aider à m’en débarrasser. C’était facile, de me dire que je n’irais pas en acheter, mais quand on se retrouve en possession d’une dose, c’est difficile, de dire non. Allongé dans mon lit, il m’était impossible d’en sortir, j’avais certainement sale mine, je me sentais tout vaseux et dès que je me redressais un peu trop, je perdais l’équilibre. Mes mains se mettaient à trembler aussi, mais cette fois, Roxanna n’était pas là pour les prendre et me dire de me calmer. Et ça n’arrivera plus…cette phrase se répétait et faisait écho dans ma tête, tout le temps. Et si tout le campus était au courant que j’avais replongé, tout le campus était, également au courant que Roxanna m’avait quitté. En fin de soirée, je me sentais légèrement mieux, mais toujours pas en forme pour sortir de ma chambre, et affronter le regard des gens. Julian me proposa une bière, et je ne refusais pas à condition qu’il vienne, car il m’était impossible de sortir. Dix minutes plus tard, on toqua à ma porte, et je me levais, avec un peu de difficulté pour ouvrir : son chien entra directement dans ma chambre, ce qui me fit sourire et je jetais un regard vers le jeune homme, en me poussant pour le laisser entrer dans ma chambre. « Désolé, c’est…carrément le bordel… », lançais-je à Julian en refermant la porte derrière moi. Mes poussées de colère m’avaient amené à donner des coups dans mon bureau, ce qui fit tomber tous mes cours et mes nombreux livres de médecine sur le bureau et un peu partout dans la chambre. J’allais ramasser mes cours à terre pour les mettre hors de portée de Junkee, les mettant sur mon bureau.

C’était toujours ce qui arrivait, lorsque j’étais en manque. D’ailleurs, Billie m’avait fait acheter un punching-ball pour que je puisse me défouler dessus. Mais hier soir, j’avais cogné tout ce que j’avais sous la main, même si j’avais presque pété mon bureau et faillis mélanger la tonne de cours que j’avais en ma possession et que je n’avais pas intérêt à perdre si je ne voulais pas rater mon année de médecine, même si j’étais bien partie pour. « T'en fais pas, j'ai fais pire. J'ai réussis à faire un trou dans un des murs de notre appart pendant l'une de mes crises. Tiens, je t'ai apporté de quoi tenir un peu. Tu as mangé? » Je tournais mon regard vers lui en hochant la tête négativement, également étonné par ce qu’il venait de dire. Ses crises… ? Est-ce que lui aussi était passé par là ? Comme moi, comme Billie ? « Non, j’ai pas mangé depuis hier soir, mais ça va, c’pas à la faim que j’pense le plus là… », lançais-je gravement.

Je remettais mes cours sur mon bureau, avant de prendre le pack de bière et le paquet de carambar que me tendait le jeune homme. Je tirais la chaise dans sa direction pour qu’il s’assoit alors que je prenais place sur le bord de mon lit. Je tendais une cannette à Julian, et j’en pris une en l’ouvrant pour l’apporter directement entre mes lèvres, buvant une gorgée. Je relevais le regard vers Julian, prenant quand même un carambar histoire qu’il n’ait pas amené le paquet pour rien en prenant un au caramel, mes préférés et les seuls que je mangeais d’ailleurs. « Tu…t’a connu toi aussi tout ça… ? J’veux dire…la drogue et tout… », demandais-je après quelques minutes de silence. La présence de Billie, qui avait connue elle aussi tout ça, me faisait beaucoup de bien, et l’idée que je puisse connaître d’autres personnes qui étaient passé par là et qui s’en étaient sortis, ne pourrait qu’être bénéfique…

« J'étais le dealer de Billie pour être honnête avec toi. Elle ne t'a jamais raconté comment on s'était rencontrés? Je sais qu'elle t'aide à arrêter, il y a un bruit qui court et la connaissant, ça ne m'étonne même pas d'elle.», annonça le jeune femme. Je levais mon regard à nouveau vers lui, buvant une seconde gorgée de la bière que j’avais entre mes mains. Alors lui aussi, avait réussi à s’en sortir…la situation de Julian était même plus proche de la mienne, car avant de rencontrer Roxanna, j’avais moi aussi commencé à dealer pour pouvoir me faire un peu d’argent, car avec mes parents de morts qui m’avait laissé de l’argent, uniquement pour mes vingt-deux ans, je ne roulais pas sur l’or. J’hochais la tête négativement, Billie m’avait juste brièvement parlée de Julian à Cancun quand je lui avait demandé pourquoi ils étaient fâchés. Julian se courba légèrement, s’appuyant sur ses cuisses sans me quitter du regard. Je jetais un bref coup d’œil à son chien qui s’était assis près de son maître.

« - Par contre, je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté à son sujet et comme je ne voudrais pas dire de bêtises, tu peux m'éclairer à ce sujet Jude?» J’haussais les épaules, me penchant légèrement pour caressais le chien alors que j’apportais à nouveau la canette à mes lèvres, buvant assez vite celle-ci. Heureusement pour moi, j’étais un Mather, et un Mather, ça tiens très bien l’alcool et ça n’était pas la bière qui allait me faire flancher. « Billie…m’a juste parlée de l’époque où elle a arrêté la drogue…elle me parle assez peu d’avant en fait… », lançais-je calmement en baissant à nouveau le regard vers Junkee, tapotant nerveusement mon doigt contre la paroi de la canette. Je soupirais, ce genre de tic, je ne les avaient plus avant que je recommence mes conneries en replongeant hier. « J’sais pas comment vous avez eu le courage d’arrêter définitivement… », soufflais-je avant d’amener la canette à ma bouche, buvant à nouveau.

Le chien du jeune homme s’était assis près de moi, et je passais mes doigts sur sa peau pour le caresser à nouveau. J’avais toujours aimé les chiens, et j’en avais toujours voulu un, mais ma mère n’était pas trop d’accord pour. « On était deux, enfin trois avec Junkee, à se soutenir donc ça aide énormément. Tu n'es pas seul, maintenant on est là, elle et moi, on va t'aider. Ta rechute est normale, je t'assure, moi-même j'ai replongé au début. Pour en revenir à Billie, je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu une prise de conscience quand j'ai remarqué qu'elle demandait toujours plus. Alors j'ai décidé de réduire les doses et d'augmenter les prix pour la décourager. Le reste, elle te le racontera si elle en a envie » J’écoutais le jeune homme avec attention. Billie ne m’avait pas parlée de Julian, enfin, pas avant Cancun quand j’avais fait rapidement sa connaissance lors du feu de camp. Jamais, je n’aurais pu imaginer que Julian avait eu à faire à la drogue, et dans un sens, ça me donnait vraiment espoir de voir qu’on pouvait s’en sortir, et faire une croix sur ce genre de chose. « Sache juste que lorsque j'ai décidé de me retirer du circuit, nous avons décidé de complètement arrêter. Ça n'a pas été simple, on a du se gaver de je ne sais combien de kilos de bonbons.»

Je souris légèrement, regardant le paquet de carambar que Julian venait de m’apporter. Je bus à nouveau une gorgée, plongeant ma main dans le paquet pour reprendre une des friandises au caramel. Je posais la canette presque vide à mes pieds, déballant le papier du bonbon pour l’apporter à ma bouche. C’est vrai que le goût sucré faisait du bien, surtout que je n’avais rien mangé depuis hier soir, et que même si je pensais plus à mon manque qu’à ma faim, mon ventre aurait bien aimé être un peu plus remplis. « J’espère que j’arriverais à le faire moi aussi… », soufflais-je calmement avant de soupirer, caressant à nouveau le chien qui était plutôt calme. Je m’en voulais beaucoup d’avoir replongé alors que les effets du manque commençait enfin à se dissiper. « J’ai peur de pas y arriver…si j’y arrive pas, j’peux faire une croix sur Roxanna, et je veux pas ça… »

Un léger silence s’était installé entre nous, et je regardais Julian se lever vers ma petite cuisine – si une plaque chauffante, et un mini frigo pouvait être appelé « cuisine » - pour, certainement vouloir me faire un truc à manger. Il ne fallait vraiment pas qu’il se fasse chier à me faire à manger, je n’avais vraiment, mais vraiment pas faim. « Je vais pas te mentir, tu n'auras pas droit à une seconde chance avec elle. Tu ne peux plus te permettre un faux-pas comme celui-ci, tu dois mettre toutes les chances de ton côté. La solution la plus radicale mais aussi la moins rapide, c'est d'aller dans un centre et c'est ce qui te pends au nez si je vois que tu n'arrives pas à t'en sortir, mais il y aussi un autre chemin pour être clean: un mode de vie sain et équilibré. Donc, pour commencer, tu vas manger. Tu es médecin, tu sais ce dont ton corps à besoin donc je ne t'apprends rien en te disant de faire du sport. Pour l'addiction, on verra plus tard, d'abord tu dois réparer les dégâts de la drogue sur ton organisme.» Je soupirais et j’hochais la tête. Je savais qu’il avait raison, et je ne comptais pas rechigner sur ce qu’il me disait. Au contraire, je voulais garder dans un coin de ma mémoire tous les conseils qu’ils pouvait me donner. Je regardais Julian qui faisait cuire les pâtes, et je ne répondais rien, préférant garder le silence et continuer à l’écouter attentivement. « Tu vas en baver, tu voudras replonger pour atténuer le manque mais je t'assure que quelques grammes ou une piqûre, ça ne vaut pas ce que tu perdras inévitablement. Arrêtes de te lamenter et ressaisis-toi mec, tu as un brillant avenir devant toi. Et c'est prêt, ramène ton fesse avec une assiette.»

Je baissais la tête et je déglutis. Le manque…j’avais l’impression que ma gorge était sèche, qu’elle brûlait tellement j’en avais besoin. Je regardais mes avants bras, couverts des traces de piqûres que je m’étais fait dans le passé. Les traces s’atténuaient un peu, mais mon corps restait abîmé par la drogue, par la maladie, par tout ce que j’avais dû traverser dans ma vie. Je finis par me lever comme il me l’avait dit, ramenant une assiette pour pouvoir me servir les pâtes, la sauce et les lardons qui allaient avec. Je me rasseyais sur le bord de mon lit avec mon assiette, prenant une fourchette de pattes pour l’enfoncer dans ma bouche. Mon estomac grogna, comme si il venait seulement de se rendre compte que je n’avais rien avalé depuis des jours et je soupirais une fois après avoir avalé. « J’crois qu’il faut que je fasse le deuil de ma mère et de mon fils, pour réussir à arrêter tout ça… », murmurais-je doucement. Je fronçais les sourcils, j’en parlais comme ça, mais je n’étais même pas sûr que le jeune homme était au courant pour mon passé. Ma leucémie, la mort d’une bonne partie de mes proches… « Je consommais déjà de la drogue avant, mais leur mort m’a… disons que ça a juste tout empiré et que j’suis devenu dépendant à ce moment-là… » Ce qui était sûr, c’était qu’ils ne devaient vraiment pas être fier de moi, de là-haut. « Au fait, merci pour les pattes », lançais-je en prenant une autre bouchée.