Emma - you start to get hurt the moment you begin to care

Je n’ai jamais vraiment aimé Noël, ou toute autre fête qui se veut familiale d’ailleurs. Il faut dire que quand on a grandi dans une « famille » comme la mienne, on se porte aussi bien tout seul. Ca fait des années que je ne prends même plus la peine de rentrer chez moi. Je le faisais, au début, pour ma sœur, pour ne pas la laisser seule avec notre monstre de père et notre pauvre mère. Mais j’ai fini par laisser tomber, je n’ai plus la force de jouer à la parfaite petite famille. Ils diront probablement que je fuis, comme je l’ai fait toute mon adolescence mais ce qu’ils pensent m’importe peu.
J’ai donc prévu de rester à Harvard, bien tranquille dans mon appart, surement dans un  état un peu second. Ces dernières semaines n’ont pas été les plus faciles, entre le départ de Rose, celui d’Aby, ma rupture avec Emma et notre dernière conversation qui n’a rien arrangé malgré ma tentative, alors je ne suis pas forcément au top de ma forme et je n’ai pas beaucoup de motivation pour aller mieux. Pour être honnête, je suis dans une de ces phases complètement je m’en foutiste –enfin, encore plus que d’habitude– où rien ne m’atteint. La bonne nouvelle, c’est que quand je suis comme ça, je suis incroyablement inspiré et je passe mes journées enfermé à créer de nouvelles compositions au piano.
Si j'ai daigné mettre un pied dehors ce soir, c’est uniquement pour remplir un peu mes placards, avec quelques bouteilles surtout, et puis un peu de pâtes et de pizzas, histoire de ne pas mourir de faim. Je suis d’ailleurs en train de bloquer dans le rayon de ces dernières, hésitant entre la trois fromages et la reine, il faut dire que c’est sûrement la plus grande décision que j’ai eu à prendre de la semaine alors j’voudrais pas me planter.
   

Cela faisait depuis au moins une heure que j'avais la même musique en tête, je la sifflotai dans la rue, je repassais mon moment préféré, bref j'avais vraiment l'esprit ailleurs. Je me sentais bien, franchement depuis un petit temps tout allait pour le mieux pour moi. J'avais revu Aidan et c'était dingue l'effet qu'il me faisait. Cette envie soudaine de m'envoyer en l'air avec lui était toujours présente dans mes pensées. Mais pour le moment, il n'y avait rien de plus, d'ailleurs je voulais rien de tout ça. Des filles me voulaient la peau parce que je me rapprochais trop du président Lowell mais j'en avais strictement rien à faire. Je sais pas ce qu'on fout, ni à quoi ça nous mène mais seul le destin nous le dira, j'ai envie de dire. J'ouvrai mon paquet de clope qui était dans la poche de ma veste et ce fut avec désespoir que je remarquai que j'avais tout vidé. Et merde. Je grognai comme une tarée en manque de nicotine et je rentrai dans le premier magasin qui était sur mon chemin. Murmurant toujours l'air de la chanson, je fis sourire le cassier qui avait l'air de bien mater mes fesses. Pervers, pensai-je presque à voix haute. J'allai lui demander de bien vouloir me donner un paquet de cigarette mais une bande de jeunes m'empêchaient de parler tellement ils gueulaient, limite ils étaient bourrés quoi. Je me tournai vers eux, les regardant avec agacement et lorsque je voulu reporter mon attention sur le vendeur, mon regard se posa sur une silhouette qu ne m'était pas inconnue. C'était vraiment Jamie ou? Oui, cela ne pouvait être que lui. Je voulais pas forcément lui parler depuis la dernière fois qu'on s'était vu, mais je voulais vérifier si j'existais toujours pour lui. Je me dirigeai vers son rayon en faisant mine de ne pas l'avoir vu, pour commencer. Il semblait concentré sur les pizzas. Est-ce qu'il m'avait vu venir? J'étais à deux doigts de faire demi-tour lorsqu'il me regarda enfin.  
   

Vraiment absorbé par mon dilemme, je ne fais pas du tout attention aux jeunes qui gueulent ou aux allers et venues autour de moi. Je prends d'abord la reine, puis la repose pour prendre plutôt celle au fromage. Et puis merde, soyons fous, ce soir je prends les deux. Fier de ma décision, je me décide finalement à lever les yeux. Ayant fini mes petites courses, mon attention se reporte instinctivement sur la caisse. Ou plutôt, à mi chemin entre cette dernière et moi, sur Emma. Je ne sais pas trop si elle m'a vu mais elle a l'air de feindre un peu trop bien l'ignorance. Je la fixe un assez long moment, complètement partagé entre mon envie d'aller lui parler et ma fierté qui m'en empêche, autant que la rancoeur. Je suis plutôt rancunier en fait. Ce dilemme bat celui de la pizza, et de loin! Si j'avais été dans un meilleur jour -ou mois, ou année, je me serai peut être inquiété de l'image que je lui renvois là, le visage marqué, les bras chargé d'alcool et de mal bouffe. Mais c'est justement parce que je ne suis pas une de ces bonnes périodes que j'en ai rien à faire. Elle peut penser ce qu'elle veut, ça m'est bien égal. D'après les rumeurs qui circulent sur le campus -quand on est vice présidente des mathers, les gens parlent forcément sur vous-, elle s'en sort très bien sans moi alors c'est pas ce soir que je vais chercher à y changer quelque chose. Après avoir croisé son regard, je hausse inconsciemment les épaules et passe à côté d'elle en feignant aussi bien l'ignorance qu'elle pour rejoindre la caisse.
   

Je regardais les bouteilles d'alcool que Jamie tenait dans ses bras. Il était d'humeur festif ou quoi? D'accord les fêtes approchent, mais je trouvais ça un peu étrange. Il pouvait faire ce qu'il veut de sa vie et s'il voulait bousiller son foie à boire comme un trou... Je ne savais même pas si j'avais souris lorsque nos regards s'étaient croisés. Je me sentais un peu conne là, moi qui m'attendait à ce qu'il m'adresse la parole, que dal. Monsieur avait tracé sa route comme s'il avait croisé un fantôme. Je me retournai pour le regarder se diriger vers la caisse, et j'en restais bouche bée. " Génial " lançai-je à voix haute en levant les yeux au ciel. Il jouait au plus malin que moi et ça me mettait vraiment à bout. Je marchais plus vite pour le rattraper et le dépasser à mon tour afin d'être la première à la caisse. Je fis signe au vendeur de me donner un paquet de clope et je lui donnai la monnaie assez brusquement. Je devais calmer mes nerfs. Je détestais être ignorée, j'aurais peut être du lui parler, enfin j'en savais trop rien. Jamie arriva à son tour à la caisse et je le regardais avec insistance pour voir s'il allait finalement réagir. Toujours rien. Je demandai ensuite au vendeur, assez énervée. " Franchement monsieur, est-ce que vous me voyez? j'ai l'air d'être invisible? bien sur que non, tout le monde me remarque ici, ou peut être que je me trompe. Je suis morte? Assez morte pour être ignorée en tout cas. " j'affichai un sourire ironique à Jamie puis je pris mon paquet pour le fourrer dans ma poche.
   

Je ne l'entends pas maugréer et ne prête pas trop attention aux pas derrière moi, alors je suis un peu surpris quand je la vois débouler et me passer devant alors que j'arrive à la caisse. Elle me fixe un long moment alors bah je fais pareil. Elle a l'air d'attendre quelque chose, que je lui parle ? Si elle a quelque chose à me dire, qu'elle le fasse, mais de mon côté elle peut attendre longtemps. Heureusement, elle a l'air de comprendre et me lache enfin pour s'adresser au caissier. Et puis rapidement, elle se met à faire son cirque. Je fronce les sourcils en regardant tour à tour Emma et le caissier. Déjà que je ne comprends pas ce qu'il se passe, le pauvre doit être complètement largué. Intérieurement, il ne m'en faut pas plus pour passer du je m'en foutiste à l'exaspération au plus haut point. Et le fait qu'elle arrive à me faire cet effet là alors que je croyais être passé au dessus ne fait qu'empirer ce sentiment. Je pose lentement mes affaires à la caisse sans la quitter du regard, restant impassible à l'extérieur comme je sais si bien le faire. Ca lui ferait trop plaisir que je m'énerve, ce serait rentrer dans son jeu et je n'ai pas envie de me prendre la tête. Je respire un bon coup et affiche mon plus beau et faux sourire. " Salut Emma, je t'avais pas vue, comment tu vas ? " Foutage de gueule ouvertement ou pas, qu'elle le prenne comme elle veut. Mais au moins, elle a eu ce qu'elle voulait non ? Comme ça, elle sait qu'elle n'est pas invisible.
   

J'avais un sale caractère, c'était bien connu, dès que quelque chose ne me plaisait pas, je pétais un câble. J'étais capable de renverser tout le magasin par crise de colère. Jamie ne devait pas s'amuser à me mettre en rogne, car il pouvait prendre cher. Je fus étonnée d'entendre le son de sa voix après m'être emportée sur le vendeur. Et bien voilà, c'était pas si compliqué finalement. Jamie me regarda enfin, je n'étais pas une fantôme, bonne nouvelle, et il décida de lancer la conversation, poliment. J'attendais avant de répondre, je sentais qu'il y avait un piège, on ne m'avait pas si facilement. " Efface-moi tout de suite ce sourire faux ou c'est moi qui te l'efface. " je le regardai sérieusement, avec mon regard noir. J'étais méchante et surtout avec lui. Le problème, c'était que j'ignorais pourquoi. Parce qu'il m'avait larguée? A cause de la dernière discussion au Housing Day? Je constatais qu'il m'avait bien remplacée avec l'alcool de toute façon. D'ailleurs, mon regard se posa sur les bouteilles qu'il tenait en main. " Et pour répondre à ta question, je vais bien, bien mieux que toi apparemment. " je disais cela d'un air moqueur mais après avoir vu l'expression de son visage, je constatais que je disais peut être la vérité et qu'il fallait mieux se taire plutôt que de blesser les gens. Enfin, blesser Jamie, car c'était pas n'importe qui pour moi. Le voir en face de moi, à me parler comme si je ne lui intéressais plus, c'était la pire chose qui puisse m'arriver dans ma vie sentimentale, c'était comme si il me quittait une seconde fois.
   

Elle est d'une humeur massacrante, et je sais pas comment je dois le prendre. Je suis plutôt du genre à intérioriser mais bon, il y a des limites, il faut pas trop me chercher non plus. Mais c'est Emma, alors tout est plus compliqué. Quand elle me remballe, je fronce les sourcils en lui jetant un regard glacial. C'est quoi son problème ce soir ? J'ai presque envie de sourire à l'idée que c'est peut être moi qui lui fait cet effet là, parce que ça voudrait dire que malgré les apparences elle n'en a pas rien à faire et elle aussi elle est affectée par la situation. Mais bon, une fois de plus je pense que j'over réfléchis. Quand elle répond à ma question, je suis assez pris de court et pour le coup, j'ai du mal à rester impassible, mon visage s'assombrit alors que je la dévisage. C'est tellement bizarre, avant d'être ensemble, on était amis, il n'y a jamais cette tension entre nous. Honnêtement, j'ai juste envie de tout planter là et de me tirer, je comptais même pas lui parler mais elle l'a voulu, si c'était pour m'envoyer ça dans la gueule, elle aurait pu le faire direct et puis on n'en parlait plus. J'aime pas être jugé, encore moins par elle, surtout que niveau déprave, elle n'est pas la dernière, elle n'a pas l'air de se souvenir de l'état dans lequel je l'ai récupérée la première fois qu'on s'est vraiment parlé. J'ai juste envie de lui répondre tant mieux pour toi, si te faire tringler t'aide mais ce serait puéril et puis ça ne ferait que trahir ma jalousie que j'essaie tant bien que mal de réprimer quand j'entends toutes les rumeurs. Me recomposant une expression plus neutre, je pose mes achats à la caisse qu'elle monopolise malgré qu'elle ait eu son paquet. " Tu permets. " Retour au Jamie impassible, je m'en foutiste -le seul moyen de ne pas être touché. Je me retourne vers elle, machoire serrée, pendant que le caissier s'affaire. " Si tu vas si bien que ça depuis qu'on ne se voit plus, qu'est ce que tu fais encore là ? "
   

Jamie et moi, c'était vraiment le bordel. Je l'aimais et le pire c'était que j'en étais bien consciente. Mais lui donner une seconde chance aurait été trop facile, trop simple. Je ne voulais pas le récupérer de la sorte. Peut-être que je m'en voulais de l'avoir repoussé au Housing Day, ou peut être pas. C'était vraiment la merde dans ma tête et j'étais en colère contre lui pour que dal, car franchement je n'en voyais pas les raisons. Lui gueuler dessus comme un chien parce qu'il ne m'avait pas vue, c'était ridicule. Je reculai d'un pas pour le laisser passer à la caisse car je monopolisais tout en fait. J'esquissai un sourire faux au caissier qui avait l'air de nous prendre pour des imbéciles. Je me demandais pourquoi je restais là, les pieds cloués au sol, je pouvais très bien partir me fumer une clope dehors et repartir vers la mather house. Je voyais de moins en moins Jamie comme il avait quitté les verts et ça m'affectait plus que je ne le pensais. Je n'avais plus un oeil sur lui, il était libre de faire ce qu'il veut et cette idée ne me plaisait pas trop. Le jeune homme se retourna pour me faire face et j'appréciais pas trop le regard qu'il me lançait. Il devait me haïr. " J'attends que tu ais finis tes achats. " répondis-je calmement comme si c'était une chose évidente. Jamie paya le vendeur et quitta le supermarket. Je soupirai puis je décidai de le suivre. " Laisse-moi te raccompagner Jamie. " je me mis face à lui en marchant en arrière. S'il ne voulait pas me voir, il avait qu'à me contourner. " S'il te plait, tu ne vas pas boire ça tout seul. " j'avais changé d'émotions en un claquement de doigts et je sentais qu'il fallait que je prenne les choses en main, car j'étais en train de le perdre et je voulais pas ça.
   

Elle attend que j'ai fini mes achats ? Qu'est ce que ça peut lui faire ? Je la regarde, assez surpris, ne sachant pas quoi répondre à ça puis je reporte mon attention sur la caisse pour payer et récupérer mes trucs. Quand j'ai fini, je lui jette un regard interrogateur, puisqu'elle est toujours plantée là, mais puisqu'elle ne dit rien de sors et commence à marcher vers chez moi. J'ai très envie de me retourner pour voir ce qu'elle fait mais je résiste tant bien que mal. De toute façon, il ne faut pas longtemps pour qu'elle réapparaisse dans mon champs de vision. Au fond, on va pas se mentir, je suis .. content. Malgré tout, elle me manque, et ça fait plusieurs semaines qu'on ne s'est pas parlé. Et voir que cette fois-ci, c'est elle qui s'accroche.. Je sais pas, mais je ne peux pas retenir un petit sourire en coin en la voyant marcher devant moi en insistant pour me raccompagner et quasiment s'inviter chez moi. Je m'arrête et la fixe une longue minute sans dire un mot. Je ne sais pas vraiment si je peux lui dire non, lui résister alors que pour le coup elle fait un pas vers moi. Finalement, je soupire et me décide à lui répondre. " Ok, viens. " La vérité, c'est qu'elle me manque et que l'idée de boire avec elle est bien plus attrayante que celle de le faire tout seul en me disant que si je ne l'avais pas refoulée, elle pourrait être là. Ouais, je le regretterai surement si je lui disais non. Je recommence à marcher sans en dire d'avantage. Faut pas rêver, je ne vais pas me mettre à lui faire la discussion et compagnie pour autant. Heureusement, je n'habite pas loin et le silence n'a pas le temps de devenir pesant. " Fais comme chez toi. " La dernière fois qu'elle est venue, on s'est séparé alors c'est .. bizarre de l'avoir de nouveau dans mon salon. Je l'observe quelques secondes puis me dirige vers la cuisine pour ranger mes achats et nous servir un verre.
   

C'était le bordel dans ma tête. Jamie que j'aimais d'un amour destructeur, Aidan qui commençait à être de nouveau présent dans ma vie et Danny qui avait l'art de me mettre en rogne pour des histoires de jalousie. Pourquoi je ressentais ça tout d'un coup? Tous ses sentiments aussi compliqués les uns que les autres. Avant je n'aimais personne, du moins, j'enfuyais mes sentiments au plus profond de moi-même, mais maintenant j'avais l'impression d'être hypersensible. C'était pas la ménopause, non c'était trop tôt et j'étais pas enceinte ça serait de la folie. J'avais juste un comportement étrange. J'avais haussé le ton sur Jamie car il m'avait ignorée et maintenant je m'étais invitée chez lui, comme si de rien n'était. J'étais assez stressée à l'idée qu'il m'envoie balader. Peut être qu'il attendait quelqu'un d'autre, genre une fille. Mais étonnement le jeune homme accepta. Je souris un instant puis mon visage devint un peu inquiétant lorsque le beau brun avait l'air indifférent. Il ne fallait pas qu'il prenne ça comme une punition ou une corvée, je ne l'obligeais pas. Nous restions silencieux le temps que nous marchions jusque chez lui. Son appart n'avait pas changé, j'avais l'impression d'être partie hier. Des images de la scène me revenaient en tête et j'essayais tant bien que mal de les chasser. Je ne savais pas trop quoi lui dire, je voulais juste être près de lui, proche de lui car il me manquait. De toute façon, je n'arriverais pas à lui dire. Jamie me regarda pendant un petit moment et je me pinçai les lèvres. C'est fou comme il me rendait dingue. D'une façon ou d'une autre, je savais que je l'avais aimé depuis notre rencontre, sauf que je ne m'en étais pas rendue compte tout de suite. On s'est mis ensemble, je l'aimais et je l'ai trompé. Je regrettais, j'y pensais souvent, et en ce moment j'étais complètement perdue sentimentalement parlant. Je m'assieds sur le comptoir de la cuisine pour regarder Jamie nous servis un verre et je tendis le mien au sien. " Bon, on trinque à quoi? C'est toi qui choisi. " J'essayais tant bien que mal de le faire sourire, même un petit sourire de rien du tout car j'aimais pas l'air de dépressif qu'il affichait. " Je suis contente de te voir. " lui avouai-je d'une voix plus douce. Je pense que c'était un bon début.