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Techniquement parlant, c’était ridicule d’être là. D’une, parce que Thaïs n’avait jamais foutu les pieds dans le dortoir de la Quincy House, de deux parce qu’elle ne pourrait y reconnaître personne en raison de sa cécité et de trois parce que ses motivations n’étaient pas forcément louables aux yeux de tout le monde. Oh il ne fallait pas voir la jolie irlandaise comme la pire des manipulatrices car ce n’était aucunement le cas, mais plutôt un élan désespéré d’une damoiselle ne l’étant pas moins. Ce fut sans doute ce même élan qui la poussa à frapper à la porte qu’on lui avait indiquée à l’accueil même du dortoir, lorsqu’elle avait demandé le numéro de chambre de Julia Delcroix… cette demoiselle, dont elle n’avait pas encore fait la connaissance, était une française particulièrement proche de Caleb. Il n’avait donc pas fallut quinze ans à Thaïs pour désirer la rencontrer et, d’un même temps, vouloir obtenir de sa part quelques conseils pouvant l’aider dans sa relation avec l’allemand. En somme, sa venue était certes intéressée mais ce n’était pas à elle qu’elle pensait en premier. Après tout, Caleb lui avait dit et répété ses sentiments à maintes reprises, elle n’éprouvait pas le moindre doute vis-à-vis de ces derniers mais d’un autre côté, la tempétueuse blonde se faisait du souci. Quel serait son avenir à lui en ayant à son bras quelqu’un atteint de cécité ? Julia le connaissait mieux qu’elle, et son avis lui importait, aussi incroyable que cela puisse paraître. « Bonjour ! » énonça-t-elle de sa sempiternelle voix on ne peut plus enthousiaste, et dans un français teinté de son bel accent irlandais. « Je suis désolée de vous déranger mais si vous êtes bien Julia, je vous cherchais… auriez-vous quelques minutes à m’accorder ? » poursuivit-elle dans la langue de Molière, trop contente de pouvoir pratiquer et ainsi ne pas perdre ses connaissances en la matière. « Je suis Thaïs, je ne sais pas si Caleb vous a parlé de moi mais j’aurais besoin de vos lumières le concernant, à vrai dire… » Autant annoncer clairement la couleur tout de suite : la jolie irlandaise n’était pas connue pour son manque de franchise, bien au contraire, et si cela lui avait apporté moult ennuis par le passé, elle espérait que son interlocutrice ne refermerait pas froidement la porte sans un mot. Rien qu’en craignant cela, Thaïs ne pouvait pas s’empêcher de fermer fortement ses doigts contre sa canne d’aveugle, blanche, qu’elle tenait actuellement en main.
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