Louis&Thaïs + a true gambling moment

Nom d’un chihuahua enragé, Louis avait perdu la boule. Du moins c’est la réflexion que s’était permise de faire Thaïs en enfilant une robe seyante pour se pomponner et être présentable car ce soir, il la voulait à son bras afin de lui montrer comment fonctionne un casino. Mieux encore, il avait l’intention de lui apprendre à jouer. Oh sur le coup, la jolie irlandaise avait été tentée de dire qu’elle était aveugle et qu’il n’était pas dit qu’elle puisse jouer seule, ou même jouer tout court, mais Louis semblait tellement y tenir qu’elle n’avait pas eu le cœur de lui dire non… du coup, elle jouait le jeu : non seulement elle avait placé sa peur dans sa poche avec son mouchoir par-dessus, mais elle était complètement rayonnante dans sa robe d’un blanc d’une pureté incroyable. Tout était assorti : ses chaussures, son sac, y compris la jolie barrette en forme de fleur qu’elle avait placé dans ses cheveux. De plus, Nausicaa n’avait pas manqué de lui faire LE maquillage dans le bon ton afin qu’elle soit époustouflante. On la siffla d’ailleurs à plusieurs reprises alors qu’elle s’avançait vers le casino, après que sa meilleure amie l’ait déposée juste devant – la chose lui ayant épargné de dépenser une fortune dans un taxi pour venir. « Je crois que j’aurais pu reconnaître ton eau de toilette entre mille » fit remarquer Thaïs à l’attention de Louis, tâchant de pallier à sa cécité à l’aide de tous les repères qu’elle pouvait bien connaître à propos de son pote : son timbre de fois, sa gestuelle, et même son odeur ou le bruit de sa démarche contre le sol. Autant de détails qui venaient de lui permettre de le reconnaître avant même qu’il n’ait pu ouvrir la bouche. « Tu es toujours aussi sûr de vouloir me faire pénétrer dans la fosse aux lions ? » s’amusa-t-elle non sans lui sourire et lui offrir une bise sur chaque jour, rituel de son tempérament on ne peut plus tactile.

Thaïs éclata aussitôt de rire. « Mais tu sens très bon voyons ! En général, ceux qui mettent de l’eau de toilette sente bon, pas la fiente de moineau par exemple ! » imagea-t-elle son propos exprès sans pour autant perdre ce sourire radieux venant tout juste d’étendre délicieusement ses lèvres. De toute évidence, la tempétueuse blonde ne ferait jamais un compliment comme tout le monde, au même titre qu’elle n’agissait pas comme le commun des mortels mais hélas, c’était à prendre ou à laisser. Il faut croire que son cavalier de ce soir prenait la présence qu’elle avait à offrir et pour le coup… il venait de lui ôter un poids avoisinant les mille grammes au kilo s’étant glissé sournoisement contre ses frêles épaules de demoiselle. « Oh, mais c’est que tu es un vile flatteur ! Fais gaffe je suis extrêmement sensible à la flatterie… puis merde, t’oublie pas dans le lot non plus, t’es un beau gosse parmi les beaux gosses, s’il n’y a pas au moins une dizaine de bourgeoises qui me fusillent du regard et une vingtaine qui essayent de me faire genre malencontreusement trébucher avant la fin de la soirée, ce sera miraculeux ! Que veux-tu, nous sommes trop beaux pour être vrais… » Il n’y a aucun mal à s’envoyer des fleurs surtout qu’elle pensait chaque compliment qu’elle venait de lui faire. La jolie irlandaise était fière d’avoir un homme aussi galant à son bras, surtout qu’il allait l’aider à se coucher bien moins conne ce soir : qui sait, peut-être qu’elle saurait jouer au moins à un jeu de casino et qu’elle aurait peut-être gagné en ressortant ! « C’est toi le pro ce soir… tu veux que je teste quel jeu en premier ? Je te préviens je ne roule pas sur l’or et en prime je n’y connais pas grand-chose, tu vas devoir me tenir la main au sens propre comme au figuré toute la soirée ! Tu es prêt à faire ce sacrifice ? »

« Nan mais moi non plus qu’est-ce que tu crois ! Je préfère ce qui sent bon alors compte sur moi pour ne pas te lâcher d’une semelle » précisa-t-elle, bien trop vaccinée par les effluves insupportables s’échappant de certaines personnes les rares fois où elle avait le malheur de prendre le bus par exemple. A côté, Louis donnait l’impression d’être un champ de fleur, dégageant une fragrance des plus appréciables pour son nez aiguisé tout comme son ouïe des suites de la perte de sa vue. Elle ne lâchait donc pas son bras, s’y accrochant avec légèreté sans pour autant en devenir lourde, rayonnant comme un soleil sans jamais quitter ce petite sourire tantôt amusé tantôt tendre qu’elle lui lançait à chaque fois qu’il reprenait la parole. « Pourquoi beaucoup ? J’ai juste fait un prix de gros sur les fleurs, le vase et l’eau qui va bien avec ! Il n’y a pas de mal à se faire du bien après tout… mais si tu veux que je sois moins sympa je peux essayer ! » rétorqua-t-elle avant d’émettre un petit rire amusé, se mordillant la lèvre inférieure en secouant la tête de droite à gauche. Décidément, Louis était impayable : tantôt charmeur, tantôt modeste, il ne réagissait jamais deux fois de la même façon et sûrement était-ce ce qu’elle appréciait tant chez lui. Impossible de s’ennuyer en sa compagnie, ou de trouver l’amitié qu’il offrait terne… il transformait en véritable rayon de soleil, que dis-je, en or tout ce qu’il pouvait bien approcher et toucher. « Chérie ? » s’étonna-t-elle cependant. Thaïs ne l’avait jamais entendu l’appeler de cette façon auparavant et bien qu’elle n’en soit pas choquée mais plutôt flattée, elle ne pouvait s’empêcher de s’en amuser. « C’est mignon comme appellation, et je veux du champagne bien volontiers ! » Ce qui la surprit plus encore, ce fut toute l’attention qu’il lui offrit en l’espace d’un discours et d’un baiser accordé contre sa joue. La donne la fit légèrement rougir, Thaïs n’étant décidément pas habituée à tant d’altruisme dirigé vers elle, bien que cela ne l’ait aucunement empêchée de l’embrasser à son tour contre sa joue, allant même jusqu’à le serrer contre elle quelques secondes. « Tu es mes yeux ce soir alors je te suis volontiers à un endroit calme pour boire tes paroles en même temps que cette délectable coupe de champagne ! »

« Ah t’es trop un chou ! » s’exclama Thaïs avec un grand sourire, preuve qu’elle ne plaisantait pas, alors que Louis venait de lui dire qu’elle pouvait le coller toute la soirée que cela ne le dérangerait en aucune façon. « Tu veux que j’ai un fouet dans mon sac parce que t’as été vilain ? Non parce que pour l’instant, tu te rapproches plus du prince charmant que du vilain petit diable ! » éclata-t-elle de rire après s’être soigneusement assise sur une banquette, n’ayant pas l’intention, même une seconde d’être cruelle envers lui. Thaïs avait un tempérament plutôt avenant et altruiste, elle se voyait donc très mal se mettre à lui beugler dessus surtout qu’il lui permettait de sortir un brin de son quotidien fait de danse et de partitions de piano. Ce soir, elle côtoyait un tout autre univers, impressionnant certes, mais pas moins intéressant pour autant. « Prince charmant ET sauveur d’un gros relou que j’aurais dû envoyer péter, que demander de mieux ? » s’amusa-t-elle aussitôt avant que son sourire se transforme bientôt en expression sérieuse mais teintée de tendresse car Louis avait toujours eu cette formidable façon de la complimenter sans qu’elle ne s’en sente gênée. Bien au contraire, elle prenait la chose comme elle venait et s’en sentait plus flattée qu’elle ne l’avait jamais été jusqu’à lors. « Tu sais Louis, il y a toujours pire que soi. J’ai perdu la vue c’est vrai mais je suis en vie. J’ai de l’air dans mes poumons, des mains pour jouer du piano et des jambes ainsi que des pieds pour danser. Je ne m’estime pas vraiment malchanceuse. Surtout que tu vois beaucoup d’aveugles qui ont la chance d’avoir un cavalier pour leur faire visiter un casino et apprendre les rudiments de plusieurs jeux toi ? C’est plutôt moi qui admire ta patience… tu es une belle personne, Louis. » Pour prouver qu’elle pensait ses paroles, Thaïs déposa doucement un bisou contre sa joue avant de ne lever sa coupe de champagne à son intention, dans le but de trinquer à la santé du jeune homme.

« Ah oui, et comme quoi par exemple ? » Ne jamais tendre de perche à Thaïs car autant elle pouvait être gênée par le fait d’avoir ce genre de conversation en compagnie d’un inconnu, autant elle connaît bien trop Louis pour en être intimidée de quelque manière que ce soit. Voilà pourquoi elle n’hésita pas une seconde à éclater singulièrement de rire lorsqu’il lui énonça qu’il pouvait se transformer en petit diable juste pour elle, comme s’il cherchait à lui faire comprendre qu’elle était en mode VIP pour tout et rien ce soir, y compris pour cela. « Moi je préfère les angelots mais tout dépend ce que tu entends par là… si tu cherches à être un mauvais diable, genre à être méchant je vais devoir l’être aussi, ce serait dommage, je préfère quand t’es gentil et protecteur ! » Effectivement, Thaïs avait le cœur sur la main mais cela ne faisait pas d’elle une idiote pour autant. Elle était toutefois capable des pires folies pour ses amis les plus proches, quitte à devoir donner jusqu’à sa dernière chemise… à ses yeux, l’argent ne faisait pas tout, à commencer par la valeur d’une personne ou son bonheur. De nombreux riches semblaient bien plus misérables qu’elle ne le serait jamais, même avec la cécité l’amenuisant depuis six longues années. « Vrai, il n’y a pas grand-chose qui est fait pour simplifier la vie des gens possédant un handicap et pour les aveugles qui comme moi n’ont pas de chien d’aveugle, souvent, une canne d’aveugle c’est très léger pour se déplacer… mais je pars du principe que tout s’apprend. Tant que j’ai de l’air dans mes poumons et la capacité de réfléchir, j’ai aussi la capacité d’apprendre. Par exemple, j’ai appris à écouter… je ne mets pas des chaussures à talons parce que cela fait joli, mais plutôt parce que le bruit de celles-ci me permet de différencier les sons… ces derniers changent en face d’une porte, d’un escalier, ou d’un objet plus lourd comme une bibliothèque. J’essaye de capter la respiration des gens pour voir s’ils sont sincères avec moi, aussi. Je ne peux pas capter d’expression de visage, alors j’écoute ce genre de détails, ou bien les différences entre les tons de voix. Cela m’a pris six ans et ce n’est pas toujours d’une précision parfaite mais j’ai tendance à dire que c’est mieux que rien. Avec tout ça, je me déplace et je vis très bien toute seule. Je ne dis pas que la solitude est facile par contre, loin de là. »