(+Dayana) Retrouvailles renversantes

Depuis qu’Aidan, Jude, ma cousine et moi, avions patiné ensemble une après-midi, j’avais ressenti le besoin d’y retourner histoire de me vider l’esprit. Ces derniers temps, j’avais tellement de choses en tête que je ne savais plus ou en donner justement. Ma relation avec Thaïs prenait une tournure des plus sérieuses et j’envisageais réellement de tenter à nouveau ma chance dans quelque chose de bien plus officiel comme une demande en mariage par exemple. Cela m’obsédait au plus haut point sans que je ne dise mot à la principale intéressée. Ensuite venait mon père. Ce dernier n’avait de cesse de vouloir que j’embrasse la carrière d’ambassadeur et que je prenne sa suite, à sa retraite. Si durant des années et des années, j’avais décliné l’offre, je n’en étais plus très certain. Je crois que tout simplement, j’avais refusé par peur de le décevoir mais aussi par simple excès de timidité. Que faire ? Quelle décision prendre ? Aucune idée. Au moins, en patinant sur cette glace, je me donnais quelques heures pour être libre d’être un autre et ça, ça n’avait pas de prix mise à part celui d’un bleu sur ma fesse droite car je ne venais ni plus ni moins de rentrer dans une personne. « Merde ! » jurais-je tout bas en grimaçant avant de me redresser. « Désolé je ne regardais pas où j’allais…Dayana ? C’est bien toi ? » m’exclamais-je en perdant aussitôt cet air sévère que j’arborais continuellement sur mon visage pour faire place à la surprise et à une certaine joie. Cela faisait des années que je n’avais pas revu cette jeune femme. A l’époque, nous étions bien plus jeune –elle d’autant plus vu notre cinq ans d’écart. Ironique comme, des années plus tard, nous reproduisions les circonstances mêmes de notre rencontre. « Je ne t’ai pas fait mal ? »

Rien que le fait d'être sur la glace rendait Dayana heureuse. Certes peut-être que la blondinette aurait dû arrêté complétement le patinage sur ordre du médecin, mais elle n'arrivait pas à s'en passer. Quand vous avez été championne du monde et que vous faites ce sport depuis l'âge de cinq ans, c'est comme une drogue. Au diable les conseils du médecin, et tant pis si la Canadienne se casse quelque chose. De toute façon, la blondinette avait assez des sous pour prendre en charge les assurances maladies.  La femme de vingt-et-un ans était en train de glisser très vite en faisant des figures assez spectaculaires, retombant toujours ses pattes. Quant à la dernière figure, la jeune femme patine en arrière à toute vitesse jusqu'à persécuter une personne de plein fouet. L'étudiante en médecine vétérinaire allait se morfondre en excuse lorsque l'homme qu'elle avait fait tombé le fit avant elle. Observant ce dernier, son visage et sa voix disait quelque chose. « Je le suis aussi. Moi aussi, j'étais à fond dans mes figures quand ... Oui c'est moi !! Caleb ?! » Malgré leur différence d'âge et les années passées, Mademoiselle Doumanovski se souvenait toujours de lui. Ils s'étaient rencontrés au Canada lorsque Weyss passer par sa ville natale. Ils s'étaient rencontrés de la même façon que maintenant. Quelle drôle de coïncidence tout de même. « Non je me suis pas fait mal. Je te rappelle que j'ai derrière moi des années de patinage artistique derrière moi. C'est plutôt à toi qui faut demander si tu t'es pas fait mal.» Dit-elle en se relevant, aidant au passage son ami à faire de même. « Tu deviens quoi ?? » Dit-elle en croisant les bras tout en souriant et en l'observant.

Il y avait des rencontres qui forgeaient le caractère, d’autres qui permettaient d’avancer et certaines que l’on aurait préféré ne jamais faire. Il y a des années, au Canada alors que mon père avait décidé de nous offrir exceptionnellement des vacances dans le grand Nord, j’avais fait la rencontre d’une demoiselle, patineuse de son état. Elle s’appelait Dayana. Notre rencontre avait été des plus brutales puisque c’est grâce ou à cause –au choix ; d’une collision que nous nous étions adressés la parole. A l’époque, je ne sais guère patiner et comme elle s’en voulait énormément de m’avoir percuté, je lui avais demandé avec amusement qu’elle me donne des cours. Résultat, Dayana m’avait enseigné non seulement à patiner mais elle avait réussi à me transmettre en partie sa passion pour la glace. Il était marrant de voir que des années plus tard, nous nous retrouvions de la même manière. « C’est surtout mon orgueil et ma fierté qui ont été touchés » grimaçais-je en attrapant sa main pour me remettre sur mes patins. « Cela faisait des années que je ne m’étais pas retrouvé le cul sur la glace ! » rigolais-je doucement en frottant mon séant meurtri. J’observais néanmoins rapidement la jeune femme car si physiquement, elle était devenue une belle demoiselle, son visage n’avait presque pas changé et c’est avec plaisir que je retrouvais donc cette vieille amie. « Et bien j’étudie l’histoire de l’Art et la danse et toi ? Toujours patineuse ? » lui demandais-je par curiosité. De l’eau avait coulé sous les ponts depuis notre dernière rencontre. « Comment va ta famille ? » ajoutais-je sincèrement désireux de savoir ce qu’elle était devenue.

La rencontre de Caleb & Dayana remonte à quelques années déjà. Combien de temps ? Peut-être un voir deux ans. A ce moment, la blondinette n'avait pas été championne, après avoir eu le bac scientifique, elle s'était pleinement consacrée à sa carrière. Pour se faire pardonner, lui avait appris à patiner. Les débuts avaient été compliqués, car le brun n'arrêtait pas de tomber ce qui a engendré de nombreux fous rires. Elle rit à sa phrase en disant d'un oeil malicieux. « Il y a une première à tout. Du moins quand cela fait longtemps que tu t'es pas retrouvé sur le cul. » Tout de même, la Russe & Canadienne avait pas mal changé. La future bleue sait se mettre en valeur, a changé de couleur de cheveux. Oui quand il l'a rencontrée, elle était encore rousse. Quant à Weys il n'avait pas vraiment changé hormis la corpulence. En même temps, cinq ans les sépare. « Je suis en première année en médecine vétérinaire & administration à Harvard. Oui, je suis toujours patineuse mais pas comme je le voudrais. » Dit-elle en l'observant sans en expliquer plus. Après tout, la blondinette ne voulait pas qu'on ait pitié d'elle. De toute façon, elle vivait à fond sa vie avant de finir complètement aveugle. « Ma famille va bien et la tienne ? Tu es maintenant ambassadeur ?? » Dit-elle en faisant un grand sourire avant de faire signe pour qu'ils recommencent à patiner doucement tout en papotant.

« Tu pourrais compatir un peu à mon malheur » grognais-je avec amusement en me frottant la fesse droite. J’allais avoir un joli bleu demain, je le sentais venir à vitesse grand V. Je marmonnais une nouvelle fois quelque chose d’incompréhensible qui devait sûrement avoir quelque chose à voir avec ma fierté et mon orgueil blessés mais rapidement, je passais à autre chose en demandant des nouvelles de Dayana. Celle-ci m’apprit alors qu’elle suivait des études de vétérinaire et je trouvais cela vraiment classe. Les sciences n’étaient vraiment pas faites pour moi. En réalité, les études non plus même si je n’étais pas le plus idiot que la Terre ait porté mais j’étais avant tout, une personne appréciant l’action alors rester des heures et des heures dans un amphi… J’appréciais moyennement. « Comment ça tu ne patines plus comme tu voudrais ? Il y a un souci ? » lui demandais-je curieux et un peu inquiet à croire que j’avais été un Saint Bernard dans une autre vie pour être aussi protecteur avec les gens que je connaissais. « Mon père aimerait bien pour te répondre mais non, je n’ai toujours pas craqué. En fait, j’y pense sérieusement mais je ne me sens pas encore prêt à sauter le pas… Je n’ai pas beaucoup changé depuis notre dernière rencontre et je ne sais pas si tu te rappelles mais je n’ai jamais brillé par mon aisance en public ou mon sens de la diplomatie bien que mon père m’ait assuré que tout cela s’apprenait » répondis-je à sa dernière question en lui faisant signe de patiner avec moi. Nous n’allions pas rester comme deux idiots au milieu de la patinoire n’est-ce pas ?

C'est vrai que Dayana n'avait pas trop compatis à son malheur. Après tout la blondinette n'a pas l'habitude de s’apitoyer sur le sort d'un homme. Après tout ces derniers devaient être forts du moins le montrer n'est-ce pas ? Et puis un bleu ce n'est rien. Il y avait pire comme blessure. Contrairement à Caleb, les études scientifiques étaient le domaine de prédilection de la Russe & Canadienne puisque elle avait eu le bac S avec Mention. « Tu veux pas que je te masse la fesse non plus. Je laisse ta femme ou ta copine le faire à ma place. » Bien sûr la femme de vingt-et-un ans plaisantait et ne pût s'empêcher de laisser sortir un grand rire de sa bouche. Se mordillant les lèvres, Mademoiselle Doumanovski en avait peut-être trop dit ? Ne voulant pas les gens ait pitié d'elle, la demoiselle fit signe de main pour dire. « Tu veux me faire plaisir ?? Oublie ce que je dis. » La future bleue écoutait attentivement les paroles de son ami en souriant « Oui je me rappelle très bien. Tu étais un bagarreur qui fonce tête baissée pour régler ses comptes. Prend ton temps pour sauter le pas avant de devenir ambassadeur. Tu as pas changé à moins qu'il est une femme derrière ce changement. » Dit-elle lui lançant un regard taquin avant de sourire de toutes ses dents. Elle ne voulait pas être trop curieuse, ou trop intrusive sur sa vie privée, mais c'était plus fort. La curiosité était plus forte que tout. Évidement, qu'ils n'allaient pas rester au milieu de la piste à se parler. C'était mieux de se parler tout en patinant. Après bien sûr, il ne fallait pas tomber. Pour Dayana c'était chose gagnée mais pour Weyss pas sûre. Quoi que lors de leur première rencontre, l'étudiante en la première année lui avait bien appris à tenir debout sur les patins. Son ami avait bien réussi auparavant. Bref, Daya commence à ouvrir la marche en patinant devant, mais pas trop vite pour que Caleb puisse la rattraper.

« Il vaut mieux que tu lui laisses la place si tu ne veux pas avoir des problèmes » rigolais-je doucement en songeant à combien Thaïs pouvait se montrer possessive et jalouse quand une femme m’approchait d’autant plus lorsqu’elle ne la connaissait pas. Je me souvenais encore de sa crise de jalousie vis-à-vis de Maelys mais là encore, c’était différent. La jeune femme était sa meilleure amie et j’avais failli coucher avec elle bien avant de me mettre en couple avec ma blonde préférée. Enfin, je n’allais pas lui jeter la pierre car j’étais tout autant si ce n’est plus, possessif et jaloux. « Tu me connais, si je peux t’embêter un peu, je ne risque pas de lâcher le morceau mais on va passer un deal : tu oublies que je me suis vautré sans élégance et j’oublie ce que tu as dit » lui proposais-je du tac au tac par la suite avant que le sujet de mon futur ne vienne sur le tapis ou plutôt la glace. « J’ai un peu changé.. Thaïs, ma petite-amie, me sociabilise. Je crois que l’ours mal luné que j’étais est en voie de disparition enfin c’est ce que j’aime lui faire croire » souriais-je avant que nous commencions à patiner. Bien sûr, je la rattrapais rapidement car même si je m’étais vautré, avec les années, j’avais continué à mettre en pratique ses enseignements pour gagner en maitrise sur la glace. En plus, mon meilleur ami faisant du hockey sur glace, il m’arrivait de temps en temps d’aller faire quelques petites parties avec lui histoire de passer le temps. « Alors comme ça tu es à Harvard. Tu as choisi une confrérie ou tu es une de ses étudiantes qui désire rester loin de tout ça ? » lui demandais-je tout en sachant qu’elle n’était pas une Lowell sans quoi, je l’aurais retrouvé bien plus tôt.

« Je n'ai jamais dit que je voulais le faire à sa place et puis je ne veux avoir des problèmes avec ta copine. » Dit t-elle en fonçant les sourcilles. Peut-être qu'avait t-il du mal comprendre ou entendre. Ce n'est pas bien grave. « C'est dur d'oublier ta fameuse chute, puisque tu l'as fait devant moi. Je vais y repenser et me mettre à rigoler toute seule. Bon je vais essayer tout de même, mais je ne te promets rien. » Tapotant doucement son épaule en se retenant de rire tout en l'observant. Il le fallait qu'elle oublie que son ami c'était vautré avec une belle gamelle digne des bêtisiers. Oui, car la Russe & Canadienne ne voulait pas parler de ses problèmes de santé. Ensuite, ils commencèrent à patiner tout en parlant. Dayana avait raison. Son intuition féminine avait eu juste. « Je me disais aussi qu'il y avait quelque chose qui avait changé en toi, mais je ne savais pas quoi. Et ça fait combien de temps que tu es avec Thaïs ?? Excuse-moi, ça ne me regarde pas, mais tu connais la curieuse qui sommeille en moi. » Doucement, la blondinette s'approche du Lowell et lui donne un coup d'épaule pas pour le faire tomber, mais pour l'embêter. Qui aime bien, châtie bien. Finalement Monsieur Weyss arrivait bien à être à sa hauteur, bien sûr, tout les deux ils évitèrent les gens qui étaient sur leur passage pour éviter de leur rentrer dedans. « J'ai fait ma rentrée à Harvard en tant qu'élève en première année en septembre 2013. J'ai choisi une confrérie, celle des Eliots. Et toi ?? Je te vois bien chez les Winthrop. » Dit-elle en continuant de patiner sans trop s'éloigner de Caleb.

« Je sais bien que tu n’as pas dit ça… C’est juste que cela se voit que tu ne connais pas ma petite-amie car même aveugle, elle a comme un sixième sens lorsqu’il s’agit des femmes m’entourant et je n’ai pas envie d’avoir mal au crâne en rentrant à la maison » plaisantais-je pour lui montrer que j’avais bien pris en compte sa remarque mais que je ne faisais qu’un simple trait d’esprit concernant ma petite-amie. Thaïs était bien trop jalouse pour que je me permette une telle familiarité avec une autre femme en dehors d’Isaline par exemple. « C’est de ta faute d’abord ! Cela faisait des années que je ne tombais plus ! » grognais-je une nouvelle fois quand elle me tapota l’épaule en se retenant visiblement de rire. C’est qu’elle continuait de se foutre de ma gueule ! Monde cruel que voilà. Je la rattrapais rapidement pour me placer à sa hauteur, discutant de tout et de rien avec elle avant que la discussion ne s’oriente à nouveau sur ma relation. « Cela me dérange pas d’en parler. Je n’ai rien à cacher et je ne suis même content de voir que tout ne change pas. Ta curiosité m’amusera toujours autant. Pour te répondre, cela fait quelques semaines déjà » lui dis-je sans rentrer dans les détails tout de même profitant de l’instant présent pour en apprendre davantage sur elle. « Raté. Je suis chez les Lowell en dernière année. Cela va me faire drôle l’année prochaine. Pourquoi tu me voyais dans cette confrérie ? » lui demandais-je un brin curieux. Il faut croire que nous avions toujours eu ce point commun tous les deux, celui de la curiosité.

« Tu sais que les aveugles au défaut de voir, peuvent ressentir les sentiments encore plus que nous et ont une Ouïe très fine. Ta petite-amie n'a pas de soucis à se faire avec moi, je ne suis pas une voleuse de copain. » Dit-t-elle en rigolant légèrement. Et puis c'était la vérité, Dayana n'est pas du genre à piquer les copains des autres.  Si seulement Caleb savait que la femme de vingt-et-un ans allait finir avec le même handicap que sa compagne, mais ce n'était pas prévu qu'elle lui dise du moins pour le moment. En l'entendant dire que c'était de sa faute, la blondinette fonce les sourcilles avant de répondre avec un sourire sadique. « Ce n'est pas de ma faute, tu t'es juste déconcentré et puis tu étais tellement absorbé par moi que tu en es tombé sur les fesses. » Bien sûr, c'était pour rigoler. Entre eux, il y avait que de l'amitié. Ils s'amusaient juste à se taquiner. En effet, Daya se foutait un peu petit peu de la gueule de son ami, c'était juste trop tentant. Tout en patinant les deux compatriotes parlaient de tout et de rien, même si pour l'instant le sujet était Thais. « Alors c'est tout beau, tout neuf si j'ai bien compris ? Dayana sans la curiosité, c'est comme un gâteau sans chocolat. » Ah merde, la femme âgée bientôt de vingt-deux printemps, c'était bien et bel trompé. « Disons que tu aimais jouer avec les filles,  enchaîner les conquêtes et être entouré de plus belles créatures. Je pensais juste que tu étais dans cette maison pour ces raisons. L'année prochaine tu seras dans le monde du travail ! »