Caleb&Thaïs + but you're a free danse partner, right ?

« Oh ne t’inquiètes pas tu n’es pas le seul à être insomniaque donc au pire, tu me trouveras très facilement à la salle d’en bas si tu n’arrives pas à me joindre sur mon portable… je n’ai pas de question pour le moment mais si j’en ai, tu seras le premier informé ! » Et ils s’étaient quittés sur ces mots. Cela mettait presque Thaïs mal à l’aise de devoir être dans le contrôle alors que pour elle, la danse, c’était un échange, une langue universelle que tout le monde pouvait parler. Comme quoi, tout le monde n’est pas aussi expansif qu’elle et cette idée l’empêcha diablement de dormir, au point qu’elle finit par se réfugier dans sa fameuse salle fétiche, à s’user les membres et l’esprit sur une chorégraphie qu’elle bossait depuis des mois pour un futur atelier. Il s’agissait d’une façon comme une autre de se lâcher dans tous les sens du terme, vu qu’elle ne pourrait jamais le faire avec son partenaire. Mais cette nuit sans sommeil ne l’empêcha pas d’être à l’heure à la salle afin d’y retrouver Caleb, bien qu’à en croire le silence de mort de ladite salle, son partenaire ne devait pas être arrivé. Qu’importe, elle allait s’échauffer en débutant par des pas de valse et continuer en exprimant toute sa colère sur un paso. Le résultat en fut explosif et d’ailleurs, la musique avait à peine stoppé que déjà, elle entendait la porte de la salle. « Pile à l’heure ! » remarqua-t-elle en frôlant du bout des doigts sa montre en relief. Un bon point pour lui, pensa-t-elle avec ironie tant elle ne pouvait s’empêcher de craindre le pire face à la suite des évènements. « Bonjour monsieur le danseur... bien dormi ? Je me suis déjà échauffée pour ma part et je ne sais pas comment tu procèdes mais au pire, si tu le souhaites, on peut danser quelque chose de ton choix et se tester à nouveau. Bien que je sois curieuse de savoir ce que tu donnes en rumba… »

Voilà, le pas était franchi, j’avais trouvé une nouvelle partenaire mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce n’était nulle autre que Robyne qui avait orienté Thais dans ma direction. Ma meilleure amie devait sans doute se dire qu’il était temps pour moi de reprendre le chemin des compétitions et d’oublier Mary la partenaire de danse. Je crois que c’était ça le plus difficile, de se dire qu’une autre femme allait la remplacer non pas dans mon cœur mais dans ce partenariat. Est-ce cela qui m’empêcha de dormir une bonne partie de la nuit ? Très certainement car il n’était pas évident pour moi de me dire que je devais repartir de zéro, que je devais à nouveau me confier corps et âmes à une parfaite inconnue. Cela m’effrayait mais en même temps, le danseur en moi se félicitait de reprendre le chemin de la compétition. En un mot comme en cent, j’étais partagé. Aussi, lorsque mon calme pourtant légendaire me fit défaut et que je me mis à tourner et tourner dans mon lit, je me décidais pour faire un footing histoire de m’échauffer pour être à l’heure et fin prêt pour notre première répétition.

A six heures tapantes, je poussais la porte de la salle de danse. Elle était déjà là et me félicita non sans ironie, d’être pile à l’heure. « Je ne suis jamais en retard » lâchais-je un peu piqué au vif car j’avais bien des défauts mais pas celui d’être en retard. Je déposais mon sac de sport sur le banc avant de retirer mes écouteurs. J’avais été gentil, j’avais pris une douche avant de revenir mais mes muscles étaient encore chauds. Nous n’aurions pas à attendre que je m’échauffe avant de pouvoir commencer. « Bonjour. Insomnie tout comme toi, je présume. Je suis échauffé également, nous allons pouvoir commencer » répondis-je laconiquement avant de m’approcher d’elle après avoir mis le morceau idéal pour danser une rumba, preuve que j’écoutais ces désidératas. Toutefois, je glissais ma main sur sa joue. « Je m’excuse par avance. » murmurais-je avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Je partais du principe que pour briser la glace, il fallait y aller à la manière forte et je ne voyais rien de tel qu’un baiser pour établir un lien entre nous. Les paroles, c’est n’était franchement pas mon truc de toute de manière. Le baiser fut néanmoins délicat, l’effleurement de nos lèvres comme pour marquer une certaine acceptation à me dévoiler face à elle. « Maintenant, nous pouvons commencer à danser » annonçais-je l’air de rien. Oui, Thais allait apprendre que j’avais des méthodes pour le moins spéciales.

Il allait devoir s’y habituer, Thaïs risquait d’avoir du mal à ne jamais lâcher aucune plaisanterie et à être le sérieux incarné. Elle le sentit se tendre très légèrement alors qu’elle était à plusieurs mètres de lui mais plutôt que d’en être désolée, la jolie irlandaise émit un petit sourire amusé. Sourire qui ne diminua pas d’un millimètre alors qu’il lui énonçait être déjà échauffé et prêt donc à commencer… par une rumba, manifestement, puisqu’il n’avait rien dit qui lui fasse penser le contraire. Mais Thaïs ne s’attendait en aucune manière à sentir sa joue se poser contre la sienne, geste qui la fit légèrement sursauter avant que son cœur ne fasse un bond vertigineux dans sa poitrine face à ce baiser qu’il osa lui donner, d’une délicatesse presque… troublante. La demoiselle demeura d’ailleurs un instant inerte avant de ne secouer la tête en fronçant les sourcils. « Minute papillon, tu m’as embrassée ou tes lèvres ont glissé par accident ? Non parce que manifestement, faut s’attendre à tout avec toi ! » s’exclama-t-elle, légèrement mal à l’aise car cela faisait une plombe et demie que ce genre de situation ne lui était plus arrivée et comment dire… Thaïs aurait préféré que ce ne soit pas avec Monsieur iceberg premier du nom, qui n’en n’avait que faire de ses sentiments tant qu’elle pouvait bouger son corps avec souplesse, grâce et technique. « Attends, attends : va falloir que tu m’expliques, rembobinage. Tu n’es peut-être pas amateur des grands discours mais moi, j’embrasse pas les gens comme ça parce que ça m’a pété ! Tu voulais me mettre en condition pour la rumba ? Je l’étais déjà, c’est toi qui est un glaçon, pas moi ! Puis merde, t’as pas idée du sens du toucher ou des sensations que j’ai, mes mains sont mes yeux bordel, c’est ignoble de pas prévenir ! Franchement tes méthodes… » Thaïs grommela un moment dans sa barbe tant effectivement, ce baiser l’avait troublée. Tout était décuplé pour elle et malheureusement, elle risquait de l’avoir en tête un bon moment. « T’es qu’un goujat, c’est tout » conclut-elle en haussant les épaules, se calmant progressivement avant de s’étirer longuement les bras au dessus de la tête histoire de se remettre.

Combien de fois mon frère aîné m’avait dit qu’il fallait que je mette bien plus de diplomatie et de tact dans ma façon de faire ? Je crois qu’il serait humainement impossible de dénombrer la chose mais j’essayais vraiment et surtout vainement. Je n’étais pas doué avec les gens, je n’étais ni chaleureux, ni avenant et encore moins sociable au grand dam de mon père qui désirait faire de moi un ambassadeur d’Allemagne émérite. Je crois qu’il ne se doutait pas le moins du monde à ce que je déclenche une troisième guerre mondiale à moi tout seul mais qu’importe : je connaissais les rouages de la diplomatie. Je n’avais simplement pas envie de m’y plier, préférant de loin faire à ma sauce et à mon envie. Malheureusement pour moi, en règle générale, personne n’arrivait à me suivre. Thais venait d’en faire les frais. « Je t’ai simplement embrassé car nous allons devoir danser ensemble, nous toucher, nous effleurer et échanger. Tu me prends pour un glaçon alors je brise la glace tout simplement. Il n’y a rien de plus à chercher, rien à analyser » soupirais-je car j’étais agacé de ne jamais réussir à me faire comprendre des autres. Ce n’était pourtant pas compliqué ! Après tout, ce n’était qu’un simple baiser, je ne l’avais pas violée pour autant. « Ceci dit, je n’ai pas l’intention de t’embrasser à nouveau, je voulais simplement établir un contact pour nous mettre à l’aise tous les deux. Je vois que j’ai réussi à produire exactement le contraire du moins en ce qui te concerne » m’excusais-je à ma manière. « Et puis je ne suis pas un glaçon alors cesse de m’appeler ainsi… Je t’appelle pas l’aveugle ou la chieuse non ? Alors oui, j’ai un problème de sociabilité mais je fais des efforts. Ce n’est pas de ma faute si personne ne me comprends » râlais-je bougon. Néanmoins, c’est bien un léger rire qui échappa à ma vigilence quand elle me traita de goujat. « On me l’avait jamais faite celle-là ! » notais-je avant de m’approcher à nouveau d’elle pour la ramener contre mon corps. Nous n’allions tout de même pas bavasser durant des heures, nous avions du travail. « Si je te promets de ne plus t’embrasser, est-ce que nous pouvons commencer à bosser ? » demandais-je pince sans rire, attendant visiblement qu’elle soit prête à se lancer dans cette rumba. Il était peut-être tant que je lui montre comment je dansais avec une partenaire car lors de notre première danse, elle n’était qu’une inconnue.

Sauf que Thaïs avait maladivement besoin d’analyser les choses, de les comprendre. Ils n’auraient sûrement jamais le même point de vue sur la chose mais qu’importe, elle ne lui demandait pas la lune, juste de lui expliquer les choses avec autant de clarté que possible… « Ouais bah t’aurais pu le dire d’emblée que c’était pour établir un contact, je suis pas une Einstein en chef mais je suis pas complètement conne ! » répliqua-t-elle froidement car s’il savait jouer les grands vexés devant l’éternel, il ne serait pas le dernier, autant qu’il en ait conscience. « Ouais bah la chieuse t’emmerde, au moins elle explique les choses, elle fait pas des trucs comme ça parce que ça lui prend avant de doucher joyeusement son interlocuteur ! » maugréa-t-elle avant d’inspirer et d’expirer joyeusement jusqu’à ce qu’il ne la ramène contre lui avec une aisance qui la surprenait au-delà des mots. Vraiment, elle avait un mal cruel à le cerner et finissait par se demander s’il n’en jouait pas, au bout du compte… était-il si associable que cela ? Peut-être, mais Thaïs n’en jurerait pas. Elle s’écarta néanmoins pour mettre de la musique par ses propres moyens, tâtonnant bien évidemment pour trouver la station Ipod de la salle mais aussi LA chanson qui puisse correspondre à une rumba. Ce n’est qu’ensuite qu’elle détacha ses cheveux avec un geste presque provocateur, possédant subitement une force dans son regard d’ordinaire si vide que personne, pas même Caleb, n’aurait pu nier. De cette façon, elle se rapprocha de lui en passant sa main sur sa joue, pleinement dans son rôle, non sans accompagner de douceur chacun de ses gestes ou des traits de son visage. « On ne « bosse » pas une rumba. On la vit, et tu le sais aussi bien que moi j’en suis sûre » énonça-t-elle d’une voix un tantinet plus provocatrice, avant de ne coller son corps au sien, pouvant s’enivrer de son parfum mais aussi être aux premières loges pour tester sa façon d’exécuter une danse si sensuelle et chargée en émotions.

« Je n’ai jamais dit que tu étais conne » répondis-je le plus calmement du monde en essayant de paraitre sincère. Ce n’était pas tant que je ne l’étais pas mais disons que j’essayais de nuancer les tonalités de ma voix pour qu’elle puisse le capter. Je soupirais néanmoins. « On va se lancer des amabilités dans la gueule encore longtemps ? Ce n’était qu’un pauvre baiser pas non plus la fin du monde… On t’avait déjà embrassé non ? » m’agaçais-je légèrement comme à chaque fois qu’on me faisait remarquer que j’étais pas très doué avec les gens. Je faisais ce que je pouvais bien entendu. Je la suivis néanmoins du regard tandis qu’elle tâtonnait pour retrouver la station IPOD. Je ne cherchais même pas à l’aider, elle n’avait qu’à se débrouiller par elle-même et puis tant qu’elle ne me le demandait pas expressément, je n’avais aucune raison de le faire. Je partais du principe qu’un handicapé était aussi valide qu’un autre et qu’il avait le droit à son indépendance et sa liberté de mouvement. Je me voyais donc mal être après elle pour l’aider dans la moindre tâche quotidienne surtout qu’elle se débrouillait très bien toute seule. Bien sûr, je n’étais pas obtu au point de ne pas l’aider si elle en faisait la demande. Je n’étais pas ce que les gens appelaient : un crevard. A la place, je me contentais de l’observer, de la voir détacher ses longs cheveux blonds qui retombèrent en cascade dorée sur ses épaules et son dos. Elle transpirait la provocation et la sensualité, elle incarnait la rumba et je trouvais cela bien. Le danseur en moi trouvait la chose magnifique et exquise, l’homme… Et bien il trouvait cela bien. Simplement bien. Thaïs finit par se couler dans mes bras et j’eu un petit sourire. « C’est une façon de parler, tu le sais très bien » me contentais-je de répondre avant que nous nous lancions dans une rumba des plus sensuelles. Nous étions réellement complémentaires et je savais qu’avec de l’entrainement, nous ferions des étincelles si nous arrivions à mettre de côtés nos différences et nos différents. Alors, quand la musique et la danse prirent fin, je me détachais légèrement d’elle. « Je pense sans me tromper que nous avons pris la bonne décision » murmurais-je relativement troublé car une rumba ne laissait jamais réellement indifférent à moins d’être un glaçon. « Il faut néanmoins revoir la seconde partie de cette danse. Nous avons été moins performants que sur la première minute. Recommençons » décidais-je en allant relancer la musique pour mieux revenir entre ses bras. Second round.

Dès l’instant où Thaïs mit de côté son ressentiment pour ce qui venait de se passer et qu’elle se plaça dans la peau de la danseuse, un autre type de magie se mit à opérer. A croire qu’ils étaient réellement fait pour danser l’un avec l’autre et qu’il aurait été proprement criminel de ne pas mettre de côté leurs tempéraments virulents respectifs pour s’étonner d’une telle symbiose. Caleb n’était pas le seul à être troublé après une telle rumba, et hélas, beaucoup d’autres le seraient à moins mais il suffisait de se remémorer la façon dont il l’avait embrassée avant de la doucher si froidement pour qu’elle n’ait plus aucun trouble. C’était radical, mieux que la combinaison entre Monsieur Propre et Canard WC ! De cette façon, Thaïs n’aurait jamais aucun mal à détacher le rôle qu’elle jouait au cours de chaque danse et ce qu’elle se devait de ressentir à l’égard de son partenaire, à savoir un gigantesque pas grand-chose puisqu’il faisait absolument tout pour cela. « Pour une fois j’applaudis parce que tu ne t’es pas trompé et tu as eu une éclair de génie en disant oui ! » plaisanta-t-elle aussitôt avant de ne lever les mains avec rapidité pour prévenir toute remarque acerbe de sa part. « C’était de l’humour, je plaisantais ! » fit-elle d’un air mutin avant de ne hausser les épaules. « Je savais que tu ne te passerais pas de ma rumba » continua-t-elle avant de ne reprendre son rôle avec extrêmement d’aisance pour recommencer encore et encore l’enchaînement, jusqu’à ce qu’ils ne soient tous deux satisfaits et raccords. Thaïs ne pouvait pas le rendre moins froid ni plus humain, sans nul doute, mais il ne pourrait pas ôter ce côté trublion de sa personnalité non plus, qu’il se le dise…