En attendant la sortie de ma biographie complète à la rentrée littéraire je vous ai concocté un court résumé de ma vie, de la première fois où j’ai respiré (braillé serait plus juste) jusqu’à maintenant.
Je suis jolie, bien éduqué, polie et parfaite française et je suis née en décembre, le douze, à Cannes, ville du cinéma, du clinquant, des palaces et des plages privés. Tout ce que je n’ai jamais vraiment connu. Je suis issue d’une famille aux revenus « normaux ». Mes parents, Isabelle et Mario (d’où le nom italien et l’adoration des plombiers (ou jardinier, le mystère reste complet)) tiennent un restaurant classique, chaleureux et familial dans le cœur de ma ville. Je suis tout de même une piètre cuisinière.
Et maladroite. Vraiment maladroite. Ce qui m’a valu le meilleur poste dans le restaurant familial, au revoir cuisine, adieu service et bonjour la plonge. Ce détail insignifiant et représentant l’antithèse de la vie de certains a une importance capital pour moi. Enfin… Passons. J’ai une autre chose à vous raconter sur moi en premier lieu.
Je ne suis pas venue au monde toute seule !
Ma Louise m’a accompagné ! Louise c’est ma sœur jumelle.
Louise, Lou, ma Lou.
« tout le monde n’est pas beau, tout le monde n’est pas gentil »
Louise est morte.
Il y a 453 jours. Non approximativement. Elle était malade.
Pendant longtemps, un trou noir, sans fond, a pris la place de mon bonheur me rappelant sans cesse que plus jamais je ne la reverrai, plus jamais je ne l’écouterai raconter ses histoires, plus jamais je ne l’entendrai rire.
Et avec cette certitude : que sans elle je n’existais plus.
Et ça fait mal. Putain.
Je passais de long moment assise sur le lit, les yeux dans le vague, les photos de Louise étalées autour de moi. Je pense à elle et à tous les moments que nous avons passés ensemble. Tous ces fous rires, ces discussions interminables et ces petites disputes ; tous ces moments où rien d’autre ne comptait que nous-mêmes, notre univers.
J’ai toujours du mal à croire que tout cela soit terminé.
J’ai du mal à croire que tu m’ais quittée, Lou.
Louise a peuplé mon enfance d’êtres merveilleux et maléfiques, de lieux magiques et poétiques. Elle m’a donnée tout ce qu’elle possédait : son amour, son écoute, sa gentillesse, sa joie de vivre et son univers.
Voyez, Louise c’était une fille extraordinaire. Elle était la plus sage et réfléchie de nous deux. Toujours à me sortir de situation impossible. On a fait beaucoup de conneries ensemble.
Louise c’était ma sœur, ma meilleure amie. Et j’ai tout perdu en la perdant.
Il m’aura fallu un an pour sortir du trou au fond duquel je m’étais perdu. Il était… Profond.
J’étais transparente. Je me rendais transparente à cette période. J'avais arrêté de croire en Dieu, j'avais arrêté de sourire pour rien, et je me disais que je devais faire comme elle, au moment où j'en aurais envie, dire aux gens d'aller se faire voir une bonne fois pour toutes.
J’étais adorable. Meurtri et a-do-ra-ble !
Il m'a donc fallu dépasser mon type de réflexion habituelle, de penser qu’elle devait être là, et même si c'était une pratique dans laquelle je m'améliorais de jour en jour, je n'ai aucune raison de m'en vanter. Il n'y a rien de glorieux à sortir de ses vieux schémas de pensée quand le monde s'effondre autour de vous. J’ai arrêté de penser ainsi. Puisque je le devais si je voulais avancer. Puisque j’ai le droit d’avancer n’est-ce pas ?
Désormais j’ai recommencé à sourire, parler, respirer, vivre.
La suite !
Alors voilà, c’était la séquence émotion.
A part cela, dans ma vie, il y a Thomas. Mon ami d’enfance, le roc, la pierre angulaire de mon existence. Celui qui m’a soutenu, qui a souffert avec moi. Celui qui me faisait des gâteaux le dimanche qui donnait lieu à une dégustation de cookies brûlés. Si un jour j’ai le cancer, je saurai d’où ça vient. Thomas qui avait une caisse complétement pourri que la première fois qu’il a tourné la clé le pot d'échappement avait lâché un énorme nuage noir. N'ayez aucune crainte pour l'environnement, parce que j’en ai respiré la plus grande partie. Six ans de tabagisme passif en moins d'une seconde. Je suis vraiment un héros.
Un jour, alors que j’allais vraiment mal, Thomas m’a dit : « Alice est tête en l’air et téméraire, capricieuse et colérique, insolente et chiante. Alice elle est souriante et drôle, joueuse et curieuse, bavarde et courageuse, douce et aimante. Et puis elle est attentive. Elle comprend. Alice est magique. Mais est-ce que elle va revenir ? Elle me manque. »
Je ne vous raconte pas la claque que je me suis prise. J’suis sorti de mon trou à ce moment-là. Parce que Thomas avait raison, je n’étais plus moi. Il m’a sauvé. Encore une fois.
Il y'a quelque chose de rassurant à grandir près de ses copains d'enfance. On garde le lien avec le passé, on continue ensemble.
Continuons. Harvard. La très bonne élève que je suis en rêvais depuis longtemps et que ce soit mes professeurs ou mes parents, tous ‘encourageait à tenter ma chance. Mais Louise est tombée malade et je n’osais plus partir. C’est en avril dernier soit huit après le décès de ma Lou que Thomas m’a tendu le formulaire d’inscription, mais je n’avais plus envie de rien et puis quels étaient mes chances d’être accepté avec un vide de un an dans mon parcours ? Mais le grand et merveilleux Thomas m’a convaincu et j’ai posté ma demande.
Et… deux mois plus tard j’ai reçus une lettre. LA lettre.
Je devais avoir la tête du conquistador qui a découvert le premier temple inca. À moins que ce ne soit celle du type qui, le soir de ses noces, se rend compte que sa femme est un travelo.
Et voilà comment je suis arrivée ici, pleines de bonnes résolutions, de sourires et d’appréhension.
« Au mieux, il vont me prendre pour une prostituée de la cordillère des Andes qui fait le tapin en attendant une éclipse. »
Voilà, sinon, la fille qui a dégringole de manière magistrale les escaliers principaux il y a peu. C’était moi. Quand je vous disais que je suis maladroite. Mais il n’empêche que lorsque je fais quelque chose comme : jouer de la musique, peindre, dessiner, tricher, mentir, dormir, chanter, dire à quelqu’un à quel point je le haie (ça marche aussi avec le verbe aimer) danser, obéir, résoudre des équations, imiter une girafe, cuisiner, être distingué, ne pas dire de gros mots, communiquer avec un garçon sans passer pour l’être le plus débile du monde, surtout s’il est mignon, je semble être en possession de toutes mes facultés. Ou du peu qu’il me reste.
Alors voilà, je me suis introduite moi-même. J’ai dit moi-même, et non en moi-même, la nuance est infime mais non négligeable. Non pardon, je suis française, j’ai donc l’esprit parfois (souvent) mal tourné. Et je raconte beaucoup de stupidités.
Mais il m'arrive aussi d'être calme, silencieuse et réfléchie. Je ne suis pas tout le temps bavarde et dévergondée...
Oh, une dernière chose. Première des sept vérités fondamentales qui commandent l'univers : Le bonnet péruvien ne va à personne.
A la revoyure comme on ne dit jamais en France.
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Alice Della Rosa