Beaucoup de gens disent qu'ils ont un rêve, et que c'est cela qui dicte leur vie. Être fermier, être astronaute ou avocat, reprendre le métier de leurs parents. Vivre heureux, finir mère d'une belle famille, avoir un conjoint pour les plus simplistes.. Mais un rêve se décide-t-il vraiment ? Pour ma part il m'est plutôt tombé dessus, et je n'ai guère eut le choix, il m'a fait souffrir. Je n'avais aucun talent, j'étais une catastrophe. Mais un rêve est-il réservé aux personnes talentueuses ? Les autres devraient-ils simplement abandonner ? Je vous le demande : une personne dénuée de talents devrait-elle simplement arrêter de rêver ? Rêver ça commence par fermer les yeux, et lorsque je ferme les yeux je me vois tel que je suis, et non comme les autres me voient. Pour rêver il faut se voir, pour rêver il faut croire en soit. Le reste viendra après.
Je suis né à Icheon, en Corée du sud, et j'ai commencé à rêver très jeune. Petit bambin joufflu et apprécié par mon entourage pour mes grosses joues, mes yeux d'un noir commun, mon sourire béat, j'ai grandit entouré dans un milieu atypique : une mère chômeuse mariée de force par son père, au mien. Elle s'attachait à nous comme à la prunelle de ses yeux car nous étions sa chaire, son sang, tout en nous haïssant pour être la concrétisation d'un mariage non souhaité. Mon frère, Sam Ki, de trois ans mon aîné, est né prématurément et souffrait de paralysie des jambes par moment, il lui arrivait de ne plus rien sentir et tomber, et cela mettait parfois du temps à revenir. Mon père, macho de première, expert comptable, ne manquait pas une occasion pour la rabaisser, et nous par le même fait, nous prenant pour des moins que rien. Pour lui, si nous ne finissions médecins ou politiciens, nous n'étions pas des hommes respectables, pire encore, nous représenterions alors la honte de la famille. Autant vous dire qu'un rêve nourrit par la crainte de le décevoir s'est alors imposé : finir avec un métier plus respectable que le sien encore. Pour l'un de nous deux, l'aventure s'arrêta vite, trop vite.
Rêvant de devenir président de notre très chère Corée du sud, je suivis avec ardeur et intérêt le moindre de mes cours, repassai la moindre leçon chez moi, répétait des heures et des heures une pièce de théâtre à apprendre. Sam Ki quant à lui était plus modeste, et souhaitait, avec la simplicité qui lui collait à la peau, mener une vie normale. Par ailleurs lui et moi avions développé une vraie complicité fraternelle, tous deux issus d'un milieu instables, tous deux fruits d'une union non consentie, tous deux mal-aimés ou choyés à l'excès en fonction des périodes. A mes huit ans, mon rêve a évolué. Je me voyais dirigeant de la Terre, rien que ça. Je n'allais pas en modestie, mais fort heureusement ceci ne dura que le temps qu'il me fallut pour comprendre l'impossibilité de cette chose. Alors, ensuite, commença ma vraie vie.
Je m'en souviens aisément comme un huit novembre. L'un des jeux précédant les Just Dance fut mon déclic. J'étais invité chez un ami afin de fêter son anniversaire comme le font les enfants, avec un chapeau ridicule sur la tête et après m'être empiffré de bonbons gélatineux. Cette période se situant entre dix-huit et dix-neuf heures, lorsque tous sont partis et qu'il ne reste que vous, que l'on doit trouver un moyen de s'occuper avant que n'arrive l'un des parents. A la première chanson, j'étais paralysé, incapable de bouger autre chose que la manette : la honte prenait le dessus. A la deuxième, j'ai commencé à bouger mes jambes pour taire les moqueries de mon ami. A la troisième mon corps bougeait avec hésitation, mais bougeait. Lorsque ma mère arriva, c'était avec aisance que je me mouvais sur les musiques. Mais sans talent aucun.
J'ai eu beaucoup de difficultés à convaincre ma mère de me laisser aller à mon premier cours de danse, et les préjugés n'y étaient pas pour rien : en effet, un garçon qui fait de la danse est plutôt rabaissant, ou alors provoque l'hilarité. Néanmoins à l'usure je l'ai eue, et elle m'a finalement accompagné à la petite salle de notre ville, j'avais neuf ans. Fini les danses exclusivement sur les jeux vidéos, j'allais basculer dans un autre montre. Inconsciemment, mon rêve a changé. Lorsque mon père a su que je pratiquais une « activité » de fillette, il a raillé un long moment dans le but de me mettre mal, et m'a giflé. Plus que ma joue, c'était mon ego qui était blessé, ma fierté, et j'étais en colère : il avait réussi à me toucher : mon rêve était devenu cauchemar. Mais je pus alors compter sur Sam Ki pour me remonter le moral. Il savait s'y prendre, et il m'avoua secrètement qu'il aurait aimé en faire aussi, comme dans les clips à la télé, mais malheureusement ses jambes ne lui en laissaient guère le loisir.
J'étais nul. Vraiment très nul. Et le regard des autres, de mon père, n'étaient pas des soutiens des plus fidèles. Je crus même devoir abandonné lorsque tous passaient au niveau supérieur et que je restais avec les débutants. C'était très difficile à gérer alors je gardais ça pour moi : au collège je n'en dis rien et continuai d'étudier avec application, dans l'espoir de trouver une solution de replis. Qui sait, peut-être aurais-je du poursuivre mon idéal de président ? Puis vinrent les premiers succès des groupes de K-pop de ma génération, avec ces idoles super-performants, leurs chansons et leurs chorégraphies millimétrées. Tout me retomba dessus, et paradoxalement, ma nullité manqua de m'achever mais me donna la force d'aller de l'avant et réussir. Et je réussis, en quelques années, en laissant les études de côtés pour me consacrer à ma passion, à me hisser au statut de meilleur danseur de cette petite école spécialisée. Du hip-hop au R&B, la salsa et l'electro, .. Mais ma spécialité était bien le R&B. Un rêve touché du bout des doigts.
Puis vint mon premier concours, mon dernier avant un moment aussi. Secrètement, j'apprenais à Sam Ki à bouger, à danser plutôt. En effet j'avais appris que « Bouger son corps n'était pas danser, mais simplement bouger ». C'était sans doute ce qui m'avait fait défaut. Ce n'était guère recommandé, bien au contraire, et les conséquences tombèrent. Alors que je concourrais pour entrer dans l'une des prestigieuses écoles de danse de Séoul, mon frère fit une crise, et son cœur s'arrêta momentanément. Son cerveau non-oxygéné perdit de ses fonction, et je fus déconcentré pendant ma performance par l'inquiétude et la culpabilité. Je ratai de peu, ma performance artistique était l'une des meilleures en terme de performance mais je n'étais pas vraiment dedans. Et dans ce genre d'école, tout se joue à un cheveu. Sam Ki quitta bien trop vite l'aventure. Un jeune homme de dix-neuf ans entièrement paralysé à la mémoire défaillante ne pouvant plus danser comme il avait voulu le faire, devenue honte de la famille par son statu, se suicida par arrêt respiratoire dans une chambre d’hôpital un jour de janvier. Un traumatisme pesant. Dire que j'avais pleuré et hurlé n'aurait pas encore décrit l'état pitoyable dans lequel j'étais. Un rêve ? La danse était un vrai cauchemar. J'ai arrêté la danse et ai refusé de bouger mon corps sur une musique pendant plus d'une année complète.
Il fallut se trouver une nouvelle idée d'avenir. Un nouveau projet. Et pendant cette année, ayant toujours été très bon à l'école, étant de ces hommes ambitieux, j'ai décidé d'étudier aux Etats-Unis perfectionner mon anglais. Contrairement aux pays de l'Europe, les asiatiques ne sont pas mal vus et plutôt même bien accueillis pour les coréens grâce à l'essor qu'à connu la K-pop ces dernières années. La vie n'était donc pas insupportable, et je me pris même d'affection pour cette dernière, me remettant lentement mais surement du choc causé par le départ de mon frère aîné. J'étais devenu la lumière de la famille du jour au lendemain, et c'est poussé par leurs encouragements que je passais le concours pour entrer à Harvard. Sport fétiche, discipline favorite, catégorie ? J'hésitais un moment conséquent avant de renier mes nouveaux principes pour saisir la danse. Après tout, Sam Ki ne serait-il pas fier, de là haut, de me voir intégrer une prestigieuse école grâce à lui -puisque c'est grâce à lui que je n'ai jamais baissé les bras- ? Le concours, je le passai après de longs mois à étudier sans relâche, et fut bel et bien accueilli dans la grande famille d'Harvard dans la section danse. Après cela et grâce à la réputation de l'école, je pus me vanter d'avoir été un des danseurs d'un groupe coréen lors de sa tournée en Amérique, ce qui est toujours appréciable sur un CV. Un excellent sportif, un artiste plutôt. Toutes les danses me connaissent aussi bien que je les connais, mais ma fétiche reste le R&B, sans hésiter. Suite à cette célébrité temporaire j'avoue avoir perdu le contrôle de moi-même pour devenir quelqu'un d'arrogant et narcissique, mais suite au contrecoup de la gloire je sus reposer les pieds sur terre, fort heureusement. Enfin parfois. Une fois j'ai voulu voir jusqu'où pouvait me pousser ma gloire, et j'ai volé un téléphone, une console et un porte-feuilles à quelqu'un que je hais de tout mon saoul. Depuis, le surnom de kleptomane ne veut pas me quitter. Enfin j'avoue l'avoir cherché. Aujourd'hui ? J'attends de voir ce que l'avenir me réserve, simplement.
Une vie dictée par la passion, par un rêve chaotique, une vie rythmée par la mélodie des instruments et les paroles. We dance, we lost, we find, we choice. We last, we run, il faut croire en soit et se lâcher. It's a beautiful dance, step by step. It's a beautiful dance, step one show. Je suis mon énergie, je suis mon intuition, je suis ma synergie mais je ne suis pas simplement ça : je suis ma mélodie, je suis ma comédie, je suis ma fantasy, et ce n'est pas tout. (©Bye Bye Sea ; Beautiful Dance)