¸¸ I can't be cool ─ MAY

Était-ce génétique ? Normal, qu'une fille ne prenne pas vos avertissements au sérieux ? Ou peut-être qu'elle était juste bête ? Kakeru n'en savait rien, mais lorsqu'elle lui agrippa le bras, il lâcha un "oh bordel" en roulant des yeux, très significatif. Alors quoi, elle allait le materner ? Elle savait pas dans quoi elle s'engageait celle-là. Ayant vainement tenté de dégager son bras avec le peu de force qu'il avait, il compris bien vite qu'elle allait se montrer plus têtue que lui. Et puis, peut-être qu'être accrochée à son bras lui éviterait les autres cons ?... Allez savoir.
Kakeru braqua son regard sur elle, tentant de la faire fuir par ce biais, mais rien à faire. Il savait qu'il valait mieux qu'elle l'accompagne, mais devoir lui être redevable allait être un fardeau. Il soupira bruyamment et préféra rendre les armes. Temporairement.

« J'habite pas très loin de là. C'est par ici. »

De sa main libre, il garda le tissu appuyé contre son crâne, et lui indiqua d'un mouvement de tête une rue qu'il leur fallait emprunter. Derrière eux, le bruit d'une bouteille se fracassa contre le mur et ils purent entendre un homme râler sur un autre. Kakeru jeta un bref coup d'oeil derrière eux, et voyant qu'ils n'avaient pas été remarqués, entama la marche.

« Putain mais quelle bande de cons... »

J'avais apparemment gagné le premier round, déjà il ne m'avait pas vraiment repoussée lorsque je m'étais agrippée à son bras, et puis ça lui éviterait peut-être d'autres emmerdes d'ici à ce qu'on arrive enfin chez lui.
Il m'indiquait le chemin à prendre et je le traînais (sans trop forcer non plus) jusqu'à chez lui, bien qu'il ait essayé d'me faire partir en braquant son regard sur moi, mais à force j'étais devenue habituée et levait les yeux aux ciels... Ces hommes et leur fierté mal placée, j'vous jure...

Je sursautais lorsqu'une bouteille se brisa, et je n'osais même pas me retourner, je ne voulais pas que le jeune homme que j'accompagnais se retrouve encore dans une embrouille pas possible. D'ailleurs je ne connaissais pas encore son nom, mais ce n'était peut-être pas le moment de le lui demander, peut-être plus tard... Il pesait son poids, et moi j'étais une femme, pas très musclée et après les événements d'il y a quelques minutes plus tôt, j'me sentais toute faiblarde, mes jambes tremblaient.

Bref, je fouillais dans ses poches histoire de trouver les clés de son appart, mais je ne savais pas à quel étage il logeait.

" Quel étage ? " lui demandais-je avant de lui lâcher le bras, histoire d'être bien sur qu'il ne se mette pas à me crier encore dessus.

Ils avançaient, lentement mais sûrement. En silence, ils se dirigèrent jusqu'au bâtiment et s'y engouffrèrent. Kakeru ne faisait pas vraiment attention au temps qu'ils avaient mis, ni au fait qu'elle l'accompagnait jusqu'au bout. Plus le temps passait, et plus il se sentait faiblir. Il avait toute sa tête, pensait correctement, mais réalisait que son corps, lui, ne suivait pas. Quand elle le questionna sur l'étage, il ne répondit pas, trouvent les mots plus fatigants que les gestes. Il s'engouffra alors dans l'ascenseur, l'entraînant avec lui, et appuya sur le chiffre cinq.

Se posant contre la paroi de l'ascenseur, il pencha la tête en arrière et ferma les yeux, profitant de ces quelques secondes de répit pour se reposer. Elle lui avait pris ses clefs dans la poche ? Il s'en balançait. Il ne la voyait pas courir avec son trousseau et partir comme une follasse en lui disant qu'il était con. Non. Si elle le faisait, il finirait de toute façon par la retrouver.

L'ascenseur s'arrêta et Kakeru rouvrit les yeux en tournant la tête vers la sortie. Il se décolla alors de la paroi, laissa la demoiselle passer devant lui et sortit à son tour, prenant son temps pour ne pas avoir le vertige.

« Numéro... 152... » lui dit-il pour qu'elle aille ouvrir la porte. Et lui, pendant ce temps, avançait lentement vers l'appartement.

Il ne disait pas un mot, je le laissais entrer dans l’ascenseur et le laissait m'entraîner par lui, je n'avais pas non plus la force de me disputer avec lui. On dit toujours qu'une première impression ne fait pas tout, mais dans mon cas, cette première impression était juste pas cool du tout. Il ne parlait toujours pas et ce fut seulement lorsqu'on arriva au cinquième étage, qu'il daigna enfin me dire le numéro de son appartement, qui fut facile à trouver, puis une fois la porte ouverte, le jeune homme entra dans la pièce, me laissant derrière lui. J'hésitais à le suivre, je ne le connaissait pas, voire pas du tout en fait, mais je ne pouvais pas le laisser se débrouiller tout seul par la suite.

Il saignait encore, et je n'avais rien d'une infirmière, mais je pouvais toujours l'aider à s'allonger sur son lit, nettoyer ses plaies et repartir pour le laisser tranquille.
J'entrais à mon tour dans son appartement, c'était un appart simple, une cuisine, une salle de bain, une salle à manger et je supposais aussi qu'il y avait une chambre. Je regardais autour de moi et me rapprochais du garçon, timidement cette fois-ci.

" Au fait... moi c'est May." fis-je doucement, si ça se trouvait il s'en moquait de mon nom comme de l'an 40 et me dirais de me taire, pour que je le laisse se reposer.

" Tu as besoin de quelque chose ? " rajoutais-je ensuite après un long silence .

Visuellement, oui l'appart paraissait simple. En regardant un peu mieux, on pouvait même le trouver vide. Pas une seule photo ou décoration. Les murs étaient vierges, blancs, propres. La seule chose qui pouvait interpeller était une caisse rangée en retrait avec un tas de câbles. Kakeru ne daigna pas lui faire la présentation des lieux, jugeant que c'était de toute façon inutile. Il s'avança plutôt vers le canapé où il s'assit, écoutant la jeune fille se présenter. May ? D'accord. Il pourrait la nommer, ainsi. Question de pratique, plus que par réel intérêt. Posant le tissu imbibé de sang sur la table en face de lui, prenant un minimum soin de pas poser le côté ensanglanté contre le meuble, il s'affaira pour retirer son t-shirt... douloureusement. Il grimaça de douleur alors qu'il le passait par dessus sa tête, puis le retira d'un coup sec et le laissa tomber par terre.

« Kakeru. » répondit-il.

Il tourna ensuite la tête vers elle, l'observant un instant. Tant qu'elle était là, autant qu'elle soit utile, non ?

« Y'a des bandages et du désinfectant dans la salle de bain. Deuxième étagère du placard. Et le tube de crème cicatrisante aussi... »

... s'il te plait ? S'il le pensait, il n'allait clairement pas le dire, trop occupé à passer ses doigts dans ses cheveux pour vérifier l'ampleur des dégâts. Finalement, c'était pas si grave. Le coup avait été violent et les blessures à la tête étaient toujours des plus saignantes, mais il ne sentait pas la nécessité d'aller à l'hôpital ou voir le médecin. Il n'avait pas la tête "tranchée", juste bien... amochée. Et les gouttes d'alcool qui coulaient sur la plaie, ça le fit grimacer de douleur...

C'était étrangement vide, trop vide à mon goût et ça manquait de couleurs, de photos, de quelques décorations... Mais je n'allais rien dire, ce n'était pas le moment, ni mon but, et puis je ne voulais pas l'énerver encore plus qu'il ne l'était déjà. Je jetais un coup d'oeil vers sa direction, il ôtait son tee shirt pile au moment ou je me retournais et je piquais un fard. Il était plutôt canon, il avait un truc qui me rendait toute chose, mais je ne bronchais pas et me retournait brusquement. Mon dieu que c'était puéril. J'étais grillée à coup sur.

Puis son prénom, un prénom qui collait parfaitement avec sa gueule d'ange, je souriais et j'étais amusée intérieurement, mais étant de dos, il ne pouvait s'en rendre compte. Puis sa réponse prouvait que je pouvais enfin servir à quelque chose et j'me dirigeais vers la salle de bain, assez grande, une douche, enfin c'était sympa quoi.

Je fouillais la deuxième étagère du placard et trouvait tout ce dont il avait parlé dans le salon, et revenait ensuite dans la pièce, avec les bandages, crème et compagnie dans les bras. Je me rapprochais de lui et le fixais pendant quelques secondes.

" Assieds toi que je puisse m'occuper de toi." pas de s'il te plaît puisque lui non plus ne me le disais pas, du coup c'était un peu comme un ordre, les rôles changeaient, enfin ce n'était que mon point de vue.

Je prenais la bouteille de désinfectant dans ma main, un coton pour en mettre un peu dessus et m'apprêtais à nettoyer ses plaies.