A ghost in Cambridge

Il était environ 15h quand j’émergeais enfin de mon long sommeil. Ah ça c'est certain que j'avais bien dormi au vu de la soirée que j'ai passé hier soir. Non je n'avais pas été à une grande fête étudiante, juste rejoint quelques amis dans un bar et bien évidemment la soirée s'était terminé chez les Mathers, mes amis étant principalement issus de cette maison. Je vous laisse imaginer que l'alcool et quelques substances illicites avaient coulés à flot. Ce matin je me réveillais donc complètement vaseuse avec un immense mal de tête. Même la douche que je venais de prendre n'avait pas très bien fonctionné pour me réveiller. D'ordinaire, j'avais cours à cette heure-ci mais il était trop tard pour m'y rendre, du coup je me contentais de m'habiller de façon sommaire: un simple jean avec un haut quelque peu difforme et j'avais zappé l'étape maquillage. Tout ce qui m'importait à cet instant était de prendre ma dose journalière de caféine surtout que pour le coup j'en avais bien besoin. J'ai du avaler un bon litre de café mais j'avais toujours cette terrible migraine. Il semblait donc nécessaire de se shooter de médicaments pour faire passer tout cela mais bien évidemment la boîte était vide. Je soupirais à cette découverte, en me disant que finalement je serais dans l'obligation de sortir de la résidence, histoire d'acheter quelque chose qui ferait passer la douleur. Veste sur le dos, je claquais la porte de ma chambre, pour me rendre en centre ville. Ma démarche était quelque peu fébrile et mes cheveux cachaient mes yeux quelque peu explosés. Il me fallut plus de temps que prévu pour rejoindre la pharmacie car je n'étais pas dans mon état normal. Heureusement qu'arrivée il n'y avait pas foule. La pharmacienne me regarda d'un oeil bizarre, ce qui eut le don de m'exaspérer et je lui arrachai presque le sac des mains après avoir régler mes achats. De nouveau dans la rue, je ne tarda pas à ouvrir la boîte de cachets pour en prendre un sur le champ, espérant qu'il fasse effet assez rapidement. Je me frayais un chemin parmi les passants pour revenir sur le campus universitaire. Je n'avais qu'une envie: retrouver mon canapé. Je traversais la route pour rejoindre le trottoir d'en face quand mon regard se posa sur une silhouette dont la démarche m'était familière. Plus je me rapprochais de cette personnes, plus son visage m'apparut. Je me figeais nette quand mon esprit fit un retour dans le passé. Impossible. Je devais avoir consommer bien plus que je ne le pensais hier soir pour halluciner ainsi et voir un fantôme de mon passé parmi la foule. Pourtant la personne qui se rapprochait de moi semblait bel et bien réelle. " Caleb ? " appelai-je sans vraiment m'en rendre compte.

La journée avait démarré sur les chapeaux de roues. Réveillé à l’aube par un coup de téléphone de ma mère (qui voulait s’assurer que je n’allais pas disparaître à nouveau), je n’avais pas réussi à retrouver le sommeil et m’étais donc résolu à sortir du lit pour aller faire un footing dans le parc. Une heure et demie plus tard, j’étais déjà de retour chez moi. Après avoir pris une bonne petite douche, je décidai de prendre un peu d’avance dans mon travail personnel en terminant quelques plans. Une fois chose faite, j’avalai un morceau et courrai vers la station de métro la plus proche, histoire de ne pas arriver en retard sur mon lieu de travail. Cela faisait à peine quelques semaines que je bossais en tant que serveur dans un coffee shop. Ce job ne payait peut-être pas de mine, c’est vrai, mais il me permettait de m’offrir de petits extras comme des soirées en ville ou des sorties au cinéma. Et puis, j’aimais être au contact des gens. Maintenant que j’avais retrouvé mon identité, je voulais en profiter un maximum et me faire plein de connaissances. Le simple fait de pouvoir me balader en toute liberté me faisait du bien. A l’époque où je vivais sous le pseudonyme de Liam, j’avais toujours peur qu’un membre du gang ne finisse par me retrouver et ne s’en prenne à moi. J’étais devenu si paranoïaque que je suspectais le moindre petit sourire qu’on m’adressait d’être en réalité un moyen comme un autre de me faire tomber. Mais tout ça appartenait au passé. Désormais, j’étais un homme libre, un homme heureux et épanoui, qui ne demandait pas mieux qu’à reprendre sa vie en main. Seule ombre au tableau : ma meilleure amie. J’avais beau retourner le problème dans tous les sens, je ne savais toujours pas comment renouer avec elle. Ces retrouvailles, aussi vitales soient-elles, me tétanisaient complètement. Alors, je les repoussai, me promettant d’affronter Keyla plus tard. Malheureusement, je finissais toujours pas me dégonfler. Ce que j’ignorai, c’est que j’allais recevoir un petit coup de pouce de la part du destin.

Je sortais tout juste du travail quand une voix m’interpella. « Caleb ? » Je relevai la tête en entendant mon prénom. Le visage décomposé par la surprise, je la fixai d’abord sans rien dire. Était-ce seulement possible ? « Keyla » soufflai-je en lui adressant un tendre sourire. « Je sais ce que tu penses, mais je t’en prie, ne panique-pas. C’est… c’est bien moi ma douce. Je… Tu m’as tellement manqué » ajoutai-je à défaut de pouvoir faire quoi que ce soit.

Décidément je n'imaginais pas ma journée ainsi. J'avais un mal de crâne horrible et le comprimé que je venais d'avaler ne faisait pas encore effet. J'avais envie de me taper la tête contre un mur tellement la douleur était intense. Un peu dans les vapes, je ne ressemblais pas à grand chose mais ça je suis habituée depuis quelques semaines à être quelque peu fantôme. Ma vie était un tel bordel, je me détestais et pour combler ce dégoût j’enchaînais soirée sur soirée. En ce moment, la compagnie de mes amis était la seule chose qui me retenait de ne pas quitter Harvard. Et puis je ne pouvais pas abandonner Briony, elle qui était venue ici pour qu'on passe nos années d'étudiantes ensemble, ce serait égoïste de ma part. Je n'aurais pas penser que ma journée pourrait être pire et pourtant je m'étais bel et bien trompée. J'avais cru apercevoir mon défunt meilleur ami dans la foule tel un mirage et sans vraiment savoir pourquoi, un moment de stress certainement, je m'étais tentée à prononcer son prénom à voix haute. Le jeune homme allait certainement me prendre pour ne folle de le confondre avec un mort. C'était illogique qu'il soit de ce monde et surtout ici à Cambridge. Il finit par fixer mon visage, me détaillant. Ses yeux étaient exactement ceux de Caleb, je me rappelais de son regard comme si je l'avais vu hier. " Keyla " A l'entente de mon prénom, mon souffla se coupa. Il s'agissait là d'une première preuve comme quoi je ne lui étais pas inconnue. Je tentais de reprendre mon souffle mais la chose n'étais pas aisée. " Je sais ce que tu penses, mais je t’en prie, ne panique-pas. C’est… c’est bien moi ma douce. Je… Tu m’as tellement manqué. " Ses paroles me tuèrent de l'intérieur. Je lui avais manquais alors qu'il était censé reposé sous terre. Les mots résonnèrent dans ma tête et je me figeais complètement, tétanisée par la peur. Déboussolée, j'en fis tomber le sac que je tenais en main. J'essayais de rassembler mes pensées mais tout était brouillée dans mon cerveau. Sur la réserve, je fis un pas en arrière. " C'est impossible. " Je n'avais que ce mot en tête. Ce n'étais pas la réalité, et j'allais certainement me réveiller dans mon lit d'un instant à l'autre.

Ce n’était pas la première fois que j’affrontais ce type de réaction et ce ne serait malheureusement pas la dernière. Keyla était complètement tétanisée. Mais comment l’en blâmer ? Après tout, c’était bel et bien à un fantôme qu’elle croyait parler. Si elle raisonnait de la même manière que mes parents, elle devait sans doute penser qu’elle avait un peu forcé sur la bouteille la veille ou soir, ou bien qu'elle avait tout simplement pété les plombs. Julianna, l’une de mes petites sœurs, était littéralement tombée dans les vapes lorsqu’elle avait croisé mon regard. Voilà pourquoi, une partie de moi ne pouvait s’empêcher d’appréhender la réaction de Keyla. Même si cela aurait été tout à fait légitime, je ne voulais pas qu’elle me rejette. La regarder s’enfuir aurait même constitué le pire des scénarios.

Troublée, elle finit par laisser tomber ses affaires. En bon gentleman, je me précipitai pour l’aider à les ramasser, mais elle eut un mouvement de recul lorsque mes doigts effleurèrent le dos de sa main droite. « C’est impossible… » continuait-elle de répéter, comme pour se convaincre que je n’étais pas vraiment là. « Je sais que cela a l’air totalement fou, mais j’te jure que c’est moi. Je ne suis pas mort Keyla… Je… J’ai simplement dû me tenir éloigner pendant quelques temps… Je te jure que je voulais t’en parler, mais je ne pouvais pas, c’était trop dangereux… » Je savais parfaitement qu’elle n’allait pas comprendre. Mes proches avaient eu beaucoup de mal à accepter la réalité des faits et ma meilleure amie allait probablement réagir de la même manière. Mes sœurs m’avaient confié qu’elle avait eu énormément de mal à faire son deuil, principalement par ce qu’elle se tenait pour responsable de mon décès. « Je suis si content de te revoir » ajoutai-je en la serrant dans mes bras. Profitant de cet instant comme s'il fut le dernier, je resserrais tendrement notre étreinte, en profitant pour respirer son parfum. C'était si bon de la retrouver, enfin.

C'est comme si tout s'écroulait autour de moi. Je vivais déjà assez mal ma situation actuelle de femme cocufié et de mère indigne d'avoir osé tuer son enfant bien que cela soit la meilleure des solutions. En plus de cela il fallait que je me retrouve face à un mort vivant si j'ose croire ce que j'ai sous les yeux. Je pensais que mon cerveau était déconnecté de la réalité, que ma gueule de bois était plus importe que je n'avais osé le croire. Pourquoi ce genre de choses m'arrivent à moi uniquement, j'attire les problèmes tel un aimant. Mon regard dévisagea ce qui me semblait être Caleb mais je n'arrivais pas à me résoudre au fait que c'était bien lui en chair et en os face à moi. J'en perdais tous mes moyens, mon corps tremblait de toute part et je pensais défaillir. Je le vis se baisser au sol pour ramasser mon sachet tombait à terre et m'éloignait au contact de sa main. Malgré cette proximité physique, je me pensais toujours dans une autre dimension, à savoir celle des rêves, le seul lieu où je pouvais encore voir mon meilleur ami. Je ne comptais plus le nombre de fois où je cauchemardais quant à sa mort que j'aurais pu éviter selon moi. A chaque fois je me réveillais en sursaut, les larmes aux yeux. Aujourd'hui, je l'avais en face moi mais je pensais que ma conscience me jouait de vilains tours alors que oui j'avais envie de le voir évidemment, c'était un rêve irréalisable selon moi et pourtant. " Je sais que cela a l’air totalement fou, mais j’te jure que c’est moi. Je ne suis pas mort Keyla… Je… J’ai simplement dû me tenir éloigner pendant quelques temps… Je te jure que je voulais t’en parler, mais je ne pouvais pas, c’était trop dangereux… " Je n'étais pas certaine de comprendre ce qu'il m’énonçait. J'avais horriblement mal à la tête et l'étrangeté de la situation n'arrangeait pas les choses. S'éloigner ? Mais pourquoi ? Ses paroles n'étaient pas rassurantes et je n'arrivais pas à ouvrir la bouche. " Je suis si content de te revoir. " Ses mots n'avaient pas eu le temps de venir jusqu'à mon cerveau qu'il m'enveloppa de ses bras. Je ne saurais décrire ce moment que je n'aurais jamais pensé vivre un jour. C'était apaisant mais à la fois effrayant. En resserrant mon étreinte sur lui, c'est là que je compris qu'il était là. Mon Caleb était là, si près de moi. J'avais du mal à tenir debout sous le coup de l'émotion et les larmes s'échappèrent de mes yeux. Je n'arrivais pas à les contenir. " C'est vraiment toi Caleb. C'est toi. Mon Dieu. " Je sanglotais tellement à cette découverte et n'avais nulle envie de quitter ses bras si réconfortants. Je voulais pas le lâcher alors que je l'avais perdu pendant des années et que je le retrouvais pour des raisons qui m'étaient encore inconnues.

Je m’en voulais au-delà des mots. Après avoir simulé ma mort, lui brisant le cœur par la même occasion, voilà que je venais chambouler sa vie à nouveau. Mais comment rester loin d’elle alors qu’elle ne quittait jamais mes pensées ? Comment ? Pourquoi rester dans l’ombre alors que le destin m’offrait là une occasion en or de la retrouver ? Non, je n’étais pas stupide au point de croire qu’elle m’avait attendu. D’ailleurs, pourquoi l’aurait-elle fait ? On ne court pas après un fantôme, c’est parfaitement ridicule ! Mais de mon côté, malgré Kelly, malgré les aventures que j’avais pu avoir, aucune fille n’était parvenue à prendre sa place. Qui plus est, je savais pertinemment que personne ne pourrait jamais la remplacer dans mon cœur. En plus d’être ma meilleure amie, Keyla avait été mon premier amour. Un amour certes platonique, mais aussi plus fort que n’importe quel autre. Je n’avais jamais rien ressenti de tel avant elle et j’étais intimement convaincu que ça ne se reproduirait plus jamais. Keyla et moi étions liés. Nous l’avions toujours été et rien, hormis peut-être la mort, ne pourrait jamais nous séparer. Je me mordis les lèvres en l’entendant sangloter, me maudissant intérieurement d’être (une fois de plus) la source de ses souffrances. « C’est vraiment toi Caleb. C’est toi. Mon Dieu… » dit-elle en s’accrochant un peu plus fort à mes bras. Comme pour la calmer, je passais une main dans ses cheveux. « Chuut… Calme-toi, je suis là maintenant et je te promets de ne plus jamais repartir… »

Nous restâmes dans cette position quelques minutes, avant que je ne décide de relâcher notre étreinte. Une fois détaché d’elle, je la pris par la main et l’entraînais sur un banc pour lui expliquer toute l’histoire. « Je sais que c’est un peu brutal, mais je préfère te dire la vérité avant de me dégonfler. Tu es prête ? Tu es vraiment prête à tout entendre ? » Elle opina. « Très bien... Tu te souviens de cette fameuse nuit où je suis venu te faire part de mes sentiments ? C’était la dernière fois qu’on s’est vus… » Elle acquiesça. « Ça faisait longtemps que j’étais amoureux de toi, mais je n’avais pas prévu de t’en parler. Le souci, c’est que je devais partir le lendemain. Vois-tu, quelques semaines avant ça, j’avais assisté à une scène que je n’aurais pas dû voir. J’ai été témoin d’un… d’un meurtre… Et pour ma sécurité, on m’a placé dans le programme de protection des témoins, d’où ma mort simulée… »

Le jeune homme a bien choisi son moment pour revenir d'entre les morts. On est proche d'Halloween et donc il serait facile de croire à une mauvaise blague. Mais à ma connaissance Caleb n'avait jamais eu de jumeau ou bien un quelconque sosie et puis il connaissait mon prénom, ce n'était donc pas une coïncidence. Il avait quelque peu changé physiquement mais ses traits restaient les mêmes. A croire que la mort l'a bien conservé. Tous ces signes portaient à croire que c'était bel et bien lui mais il m'avait fallu ce contact physique pour vraiment me faire à l'idée que j'étais bel et bien en train de l'enlacer dans mes bras, quand tout allait bien, que la vie me sourirait encore. Les choses ont bien changés à l'heure actuelle mais peut être que cette réapparition magique allait résoudre mes problèmes car quand on y regarde de plus près c'est depuis son "décès" que je n'étais plus la même. J'avais ce vide en moi qui m'empêchait d'avancer et j'avais beau avoir tenté de changer de vie en rejoignant Harvard, les choses ne s'étaient pas arrangés loin de là. L'absence de Caleb était peut être la raison de ma longue descente aux enfers et Dieu sait à quel point elle a été terrible. Aujourd'hui le ciel m'envoyait un cadeau que je n'attendais pas: le retour d'un être aimé. Et encore le mot aimer est bien faible pour définir à quel point je tiens à Caleb. Je n'avais pas envie de le lâcher, et je ne pouvais contenir mes larmes tellement j'étais choquée de l'avoir près de moi. Pour la première fois depuis des semaines, je me sentais bien, extrêmement bien. Alors que le jeune homme se détachait de moi, il me proposa de m'asseoir. J'avoue que c'était une bonne idée car j'avais de la peine à tenir debout encore chamboulée par ce miracle. Il était sur le point de répondre à toutes les questions qui se chamboulaient dans ma tête, à savoir le pourquoi du comment il se tenait face à moi et qu'il n'était pas six pieds sous Terre. J'étais prête à entendre ses explications et lorsqu'il évoqua cette fameuse nuit où ce fut la dernière fois que je l'avais vu, j’acquiesçai de la tête pour lui confirmer que je savais de quoi il parlait. Comment oublier ce moment, je m'en souvenais comme si c'était hier. Ce fut l'un des plus moments de ma vie mais la réalité du lendemain avait été tout autre à vrai dire. " Ça faisait longtemps que j’étais amoureux de toi, mais je n’avais pas prévu de t’en parler. Le souci, c’est que je devais partir le lendemain. Vois-tu, quelques semaines avant ça, j’avais assisté à une scène que je n’aurais pas dû voir. J’ai été témoin d’un… d’un meurtre… Et pour ma sécurité, on m’a placé dans le programme de protection des témoins, d’où ma mort simulée… " Mon visage avait quelque peu rougi lorsqu'il évoqua ses sentiments à mon égard. A la suite de son histoire, je restai surprise. Caleb lié à un meurtre, enfin témoin oculaire, cela paraissait invraisemblable car jamais il ne s'était mis dans des situations dangereuses mais à Chicago tout peut arriver, je m'en rendais compte maintenant. Mes proches avaient donc vu vrai, sa pseudo mort n'était pas de ma faute. " Mais ils ont pas pu trouver autre chose de moins horrible pour te préserver ? " A cet instant, je maudissais la police, le FBI ou que sais je encore d'avoir mis en place un scénario si horrible pour faire disparaître Caleb. " Mais tu étais où tout ce temps où on te croyait... mort ? " J'avais besoin de savoir ce qu'il avait fait alors que moi j'avais pleuré son décès des heures et des heures.

« Mais ils ont pas pu trouver autre chose de moins horrible pour te préserver ? » Pour toute réaction, je me contentai d’hausser les épaules. Comme elle, il m’était arrivé de me poser la question. Au départ, j’en voulais même au monde entier. Ces pauvres agents, alors chargés de ma sécurité, en prenaient pour leur grade, ils se faisaient insulter. Je n’étais pas très fier de mon comportement, mais à l’époque, j’avais des circonstances atténuantes. Sous réserve de me protéger, ils m’avaient privé de ma famille et de mes amis, me contraignant à renoncer à une vie qui me satisfaisait pleinement. C’était beaucoup demander, surtout à un jeune homme à peine sorti de l’adolescence. « Mais tu étais où tout ce temps où on te croyait... mort ? » me demanda-t-elle, encore sous le choc de mes révélations. « A New-York, je vivais sous une fausse identité. Là-bas, on m’appelait Liam Grymson. Pour tout le monde j’étais ce type originaire de l’Arkansas, celui que tout le monde apprécie, mais dont on se méfie un peu. La version officielle voulait que je m’sois émancipé de mes parents à cause d’une violente dispute. J’avais besoin d’un nouveau départ… » expliquai-je, en soupirant. « Les premiers mois, j’te cache pas que ça a été horrible. Je n’arrêtais pas de penser à tout ce que j’avais laissé derrière moi. A mes parents, que je n’avais pas pu mettre dans la confidence, à toi… T’as jamais quitté mes pensées » avouai-je en caressant sa joue. « Et puis, la force de l’habitude a pris le pas sur tout le reste. J’me suis fait une raison, j’ai fini par accepter le fait que Caleb soit mort et qu’il ne reviendrait jamais. Sans m’en rendre compte, j’ai fini par devenir Liam, même si mon cœur était resté à Chicago… » Je lui contais mon histoire avec beaucoup d’émotion. Nous avions souffert chacun à notre manière et rien ni personne ne pourrait jamais nous rendre le temps qu’on nous avait volé. « J’te demande pardon. Je sais que ça a été extrêmement difficile pour toi. Je sais que t’en a bavé, que tu t’es sentie coupable… Si j’pouvais tout effacer, j’te jure que j’le ferais… »

La perte de Caleb avait été la pire chose pour moi dans ma vie, c'est comme si on m'avait arraché une partie de moi même. Sans cette partie de moi, je n'avais plus était moi même pendant des années, déjà rien que le temps de me remettre de sa mort - et encore je n'ai jamais vraiment réussi - Pendant des années, j'avais vécu des périodes sombres, comme si je n'étais plus heureuse et notamment ces derniers mois. Je savais qu'il me manquait quelque chose mais je n'aurais jamais cru que cela tenait à la disparition de mon meilleur ami. Après tout, j'avais vécu l'amour auprès de Kol, c'est le genre de choses qui rend heureuse une femme mais cela n'avait fait qu'accentuer ma descente aux enfers. Le fait que je me sois écroulée l'hiver dernier à Chicago sur la tombe de Caleb, aurait pu me mettre sur la piste que j'étais toujours hanté par le jeune homme et Briony peut en témoigner. Peut être, enfin sûrement même que Caleb était la réponse à tous mes problèmes, qu'il allait savoir me faire revivre. Enfin je retrouvais un peu de lumière dans mon monde même si la manière dont cela arrive est plus que choquant et perturbateur. J'avais encore du mal à me faire à l'idée que j'étais assise aux côtés de Caleb sur ce banc à Cambridge. Mon coeur s'était quelque peu emballé et battait à tout rompre. J'écoutais attentivement le récit du jeune homme quand à sa vie de ces dernières années, me mordillant la lèvre quand il évoqua son ancienne vie sous une autre identité. Je me demandais comment il avait fait pour vivre cela, ça me paraissait bien pire que la mort elle même. Son doux contact sur ma joue pour me rassurer, me fit légèrement frissonner. Je n'étais plus habituée à des gestes comme celui-ci venant de sa part." Non ne t'excuses pas, tu ne dois pas, tu n'as pas à faire ça, à te sentir coupable. Quand bien même j'ai eu du mal à vivre sans toi, ce n'est nullement de ta faute, et je ne t'en ai jamais voulu de m'avoir abandonner et encore moins maintenant que j'en connais les raisons. Tu as fait ça pour te protéger mais aussi ta famille, tes amis, moi et je crois que jamais on ne pourra t'en remercier pour cela. Tu es la personne la plus courageuse que je connaisse d'avoir eu la force nécessaire pour changer de vie. " Je lui adressai un sourire réconfortant, osant même prendre sa main dans la mienne pour une fois de plus me persuader que la situation était bel et bien réelle." Le principal c'est que tu sois là maintenant. Ca fait bizarre de dire ça mais tu ne peux pas savoir à quel point je suis soulagée de savoir que tu vas bien. Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as manqué, à quel point ma vie était vide sans toi à mes côtés. " Bien sûr, Briony m'avait aidé lors de ma période de deuil mais bon on ne peut nier que j'étais moins joyeuse depuis qu'il avait disparu.

« Non ne t'excuses pas, tu ne dois pas, tu n'as pas à faire ça, à te sentir coupable.  Quand bien même j'ai eu du mal à vivre sans toi, ce n'est nullement de ta faute, et je ne t'en ai jamais voulu de m'avoir abandonné et encore moins maintenant que j'en connais les raisons. Tu as fait ça pour te protéger mais aussi ta famille, tes amis, moi et je crois que jamais on ne pourra t'en remercier pour cela. Tu es la personne la plus courageuse que je connaisse d'avoir eu la force nécessaire pour changer de vie. » Keyla n’en avait pas la moindre idée, mais l’entendre parler de cette manière me faisait un bien fou. Je m’étais longtemps senti coupable de leur avoir infligé cette épreuve et l’entendre me dire qu’elle ne m’en voulait pas me procurait une joie indescriptible. Elle sera un peu plus fort ma main et un frisson me parcourut tout le corps. La retrouver comme ça faisait resurgir des sentiments que je pensais enfouis depuis longtemps. Bien sûr, j’étais encore très attaché à elle, mais pouvoir la toucher, sentir son parfum et la serrer contre moi me procuraient des sensations vraiment très intenses. L’espace de quelques secondes, j’eus même l’impression d’être revenu quatre ans en arrière. Un temps considérable s’était écoulé depuis notre dernière rencontre, certes, mais mes sentiments pour elle avaient-ils changé pour autant ?  « Le principal c'est que tu sois là maintenant. Ça fait bizarre de dire ça mais tu ne peux pas savoir à quel point je suis soulagée de savoir que tu vas bien. Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as manqué, à quel point ma vie était vide sans toi à mes côtés. » A ce moment-là, je souris à m’en fendre les lèvres. J’avais sans doute l'air d’un parfait imbécile, mais ça n’avait pas d’importance. J’avais retrouvé ma meilleure amie, l’être le plus cher à mon cœur et rien ni personne ne pourrait m’arracher ce bonheur. « Toi aussi tu m’as manqué, tous les jours… Je suis tellement content de te retrouver. Tu te souviens quand on était petits ? On passait notre temps à dire que notre amitié était plus forte que tout… Faut croire qu’on avait vu juste… Rien ni personne ne peut nous séparer. » Elle sourit. C’est le genre de remarque qui se passait de commentaires. « Mais parle-moi plutôt de toi ! Qu’est-ce que tu deviens ? Je veux tout savoir ! »