Que je me souvienne, de puis que je suis à harvard j'ai jamais posé une telle question. Depuis le début de ma vie en fait. Ou alors, seulement à ma mère, mais c'est tout. Pour moi, ceux qui n'avaient même pas les moyens de se payer des chaussures de marque, je ne leur adressais pas un seul regard. Alors les personnes qui sont incapables de payer un loyer pour avoir un toit au-dessus de la tête, je les écrase comme des cafards. Je vais pas me voiler la face, c'est sûr. « T'en fais pas si jamais tu as un trou dans ton compte en banque papa est là pour le remplir. Jamais tu ne tomberas aussi bas que moi. » dit-elle, se relevant, alors que moi je continuais à la fixer. Je m'étais tellement complètement trompé à cette fille, que j'étais moi-même perdu. Une fascination incontrôlable pour cette fille était en train de naitre en moi et je n'y pouvais rien, je voulais toujours en savoir plus. « Mouais. » dis-je en détournant finalement le regard. Et bam, elle venait de retomber dans mon estime. J'pensais plutôt que ce genre de personne, même si elles sont sur la réserve, son un minimum altruistes et surtout, plus compréhensives que toutes les autres. Surtout ici. « Au début, on se dit que ce n'est qu'une passade et puis les nuits passent, elles sont de plus en plus froides. Elles font de plus en plus peurs. On subit des violences mentales à chaque regard de pitié que les gens nous portent mai,s aussi des violences corporelles on ne mange pas ou pas à notre faim, on boit très peu d'eau, on fume des cigarettes à longueur de journées pour nous couper la fin et nous réchauffer et puis la nuit si on tombe sur des jeunes un peu saoul on se fait taper dessus ou encore tripoter. Le monde de la rue est injuste tout le monde est ton ennemi. Et puis les années passent et tu pleures, car tu crains que tu vas y rester mais; un jour le destin te fait un signe et quelqu'un t'aide à t'en sortir, à faire le premier pas. Et puis, une fois que le bébé a fait un pas. Il en fait trois, puis quatre, puis dix, puis vingts ect .. ». Je tournais légèrement la tête lorsqu'elle recommença à parler, sans la fixer non plus dans les yeux. Au fur et à mesure des mots, des images me venaient en tête pour m'illustrer ce qu'elle avait vécu. Je m'imaginais un environnement sombre, et sales, tellement malsain que j'arrivais même pas à imaginer qu'un petit bout de femme comme ça ait réussi à survivre. « Mais, comme je te l'ai déjà dit la pitié ne m'intéresse pas. Ce n'est pas ce qui m'aide à avancer. ». Je lâchais un petit rire. Certes, elle ne me connaissait pas mais quand même. Je n'accorde pas non plus ma pitié à n'importe qui, certains ne la mérite même pas. Elle non plus ne la mérite pas, mais c'est plutôt dans un autre sens, en fait. Pourtant je n'arrivais toujours pas à comprendre la fascination que je commençais à avoir pour cette fille. « T'as l'air de quelqu'un qui a un mental très fort, alors je ne vois pas pourquoi j'aurais pitié de toi. Si tu as su te sortir de cette situation, comme tu es .. » dis-je en la dévisageant. Je parlais du fait qu'elle ait l'air si fragile, si gamine, mais en fait j'étais persuadé que tout ça n'était qu'une façade. « C'est que tu es quelqu'un. Que tu es importante. 'Fin je me comprends. ». J'avais envie de lui dire que j'avais du respect pour elle en fait, enfin, plus pour le fait qu'elle ait réussi à s'en sortir et à intégrer harvard, mais ce genre de phrase ne sort que très rarement de ma bouche, voire jamais. Ce n'est pas à une inconnue que j'allais dire ça, en plus. Je baissais la tête quelque seconde et la relevais pour regarder droit devant moi. Ca me faisait réfléchir tout ça. J'avais même plus l'impression d'être dans 'mon monde', mais de découvrir quelque chose d'autre. J'savais même pas quoi dire.